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Rechercher : deux femmes et un jardin

  • La félicité du loup

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    "Le sherpa noua la corde par-dessus son sac, chargea le tout sur son dos, et se mit en marche en direction du col. La neige était glacée et Silvia constata aussitôt l'inutilité des crampons. Elle lui emboîta le pas en silence, se calquant sur sa trace et son allure. Elle avait compris que cette ascension était un test. Comment expliquer autrement qu'ils ne soient pas montés dans l'hélicoptère avec le reste des affaires ? Mais c'était dans l'ordre des choses : un refuge, ça se mérite. Plus de mille mètres de dénivelé, il allait falloir avancer doucement, éviter de trop lever les yeux, ne pas penser au chemin encore à parcourir".

    Fausto, écrivain en panne d'inspiration est dans une période de flottement. En pleine rupture avec sa compagne milanaise, il a accepté un travail de cuisinier dans un restaurant d'altitude tenu par Babette.

    Silvia arrive comme serveuse dans ce même restaurant. Peintre, elle ne sait plus trop quelle direction donner à sa vie et s'accorde un temps de réflexion. Fausto va rapidement tomber sous le charme de la jeune femme. Ils vont commencer une liaison, sans y mettre forcément les mêmes attentes.

    J'ai retrouvé les thèmes chers à l'auteur, des individus à un carrefour de leur vie, les Alpes italiennes, le désir de solitude, de dépassement, les contrastes entre ville et nature. Si j'ai lu ce roman avec plaisir, j'ai trouvé qu'il n'apportait rien de nouveau par rapport aux précédents, il tourne un peu en rond.

    Il y a néanmoins de magnifiques pages sur la montagne. Curieusement, ce sont les personnages secondaires qui m'ont le plus intriguée, Babette et Santorso par exemple. J'aurais aimé qu'ils soient davantage creusés.

    En résumé, une lecture agréable, mais j'attendais plus de l'auteur.

    Paolo Cognetti - La félicité du loup - 216 pages
    Traduit de l'italien par Anita Rochedy
    Editions Stock - 2021

  • Le collectionneur de serpents

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    "La lumière de la lampe à pétrole vacillait, si bien qu'on aurait dit que la pièce ondulait. La radio scintillait et crachotait, transmettant des fragments d'ordres et de bulletins. Nous entendions des bribes de conversations tenues dans d'autres coins du front, par d'autres hommes. J'ai remis le livre en place sur la table. A la page ouverte, un hanneton exotique, coloré, me regardait. Nous aussi, pour d'autres, nous devons paraître comme ça, ai-je pensé. Colorés, étrangers, vaguement répugnants. Comme une race rudimentaire qui fait la guerre à une autre qui lui ressemble, pour des raisons à elle. Comme un objet d'étude, une espèce qu'on attrape avec des pincettes, après avoir pris soin d'enfiler des gants de laboratoire."

    Après "L'eau rouge" et "La femme du deuxième étage", je me demandais si ce recueil de nouvelles serait à la hauteur. Il l'est brillamment. Cinq nouvelles d'égale qualité, se déroulant en Croatie avant, pendant et après la guerre en ex-Yougoslavie.

    J'ai une préférence pour la première et la dernière. La première donne son titre au recueil et montre à quel point la guerre ravage la vie de gens ordinaires, contraints presque du jour au lendemain d'aller tirer sur leurs voisins. Les nuits du narrateur sont hantés par un évènement particulier, où le plus jeune d'entre eux, presque un gamin, est investi d'une mission que personne ne veut accomplir.

    Les histoires sont racontées au plus près des personnages, avec précision et empathie. Personne n'est un héros ici, seulement des humains abîmés qui reprennent leur vie comme ils peuvent.

    La cinquième nouvelle démontre que la guerre ne se termine jamais vraiment. Les règlements de compte peuvent survenir des années plus tard, les traques se poursuivre à bas bruit, menée par des hommes qui ont peut-être aussi quelque chose sur la conscience.

    Les trois autres nouvelles ne déméritent pas, tournant autour de familles brisées, séparées, de maisons que l'on se dispute, de conflits non résolus, mais aussi de gestes humains inattendus (Le tabernacle). On voit le pays changer, livré parfois à la corruption, l'enrichissement de certains, la pauvreté des autres. Chacun essaie de revivre comme il peut, avec ses traumatismes.

    Cinq nouvelles parfaitement maîtrisées et un auteur décidément à suivre de près.

    C'est ma première participation au challenge "Bonnes nouvelles" chez Je lis je blogue

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    Jurica Pavičić - Le collectionneur de serpents - 177 pages
    Traduit du croate par Olivier Lannuzel
    Agullo - 2023

  • La propagandiste

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    "Celle qui, quelques semaines plus tôt, était encore l'auteur de l'un des derniers slogans de la "Propaganda" (" Les " libérateurs"! La libération ! Quelle libération ?") est désormais protégée par un travail du "bon côté". Lucie n'est pas à une contradiction près quand il s'agit de sauver sa peau et d'éviter la honte et l'infamie. Ces femmes tondues au front marqué au fer rouge, enduites de mercurochrome, brisées, promenées à travers la ville à demi dénudées, elle préfère éviter d'y penser."

    Cécile Desprairies est historienne ; elle a surtout écrit sur le thème de l'occupation et du collaborationnisme pendant la deuxième guerre mondiale.

    Elle a choisi la forme du roman pour parler de sa famille, essentiellement sa mère, Lucie, qui a fait partie de ces Français séduits par le nazisme et ayant collaboré activement. Par idéologie et par amour en ce qui concerne Lucie, dont le premier mari, Friedrich, était étudiant en biologie, alsacien ayant choisi le côté allemand, passionné de génétique et favorable aux thèses d'un Mengele.

    Le roman commence par une scène se déroulant sous les yeux de la narratrice, petite fille de six ans. A peine le deuxième mari de Lucie parti, les femmes de la famille arrivent, la tante, la grand-mère, la cousine et des conversations se déroulent, faisant allusion à un passé merveilleux, où on a su se débrouiller, où l'on vivait un "conte de fées". La narratrice n'aura pas trop d'une vie pour décrypter les non-dits et les ramifications derrière ces propos obscurs.

    La personnalité de Lucie domine le récit. Profondément amoureuse de Friedrich, elle le suivra en tout, autant antisémite et pro-nazi que lui. Brillants tous les deux, ils ne tarderont pas à se faire une place auprès des occupants. Lucie entre au service de la propagande, où elle sera surnommée "la Leni Riefenstahl de l'affiche". Le jeune couple habite un superbe appartement bien placé à Paris, sans doute volé à des propriétaires juifs. Tout va bien, l'avenir est radieux.

    Ce qui est incroyable, c'est lorsque les évènements tourneront mal, Lucie avec son culot et son intelligence, saura rebondir en peu de temps et se retrouver aux côtés de Américains. Partie quelques mois aux Etats-Unis, elle reviendra blanchie, prête pour une nouvelle vie. Toute la famille autour d'elle aura collaboré et c'est grâce à elle qu'ils s'en sortiront également.

    Autre élément stupéfiant, c'est la vie que Lucie mènera après la guerre. Elle restera profondément nazie, mais après la mort de Friedrich se remariera avec Charles, haut-fonctionnaire compréhensif, avec qui elle aura quatre enfants, dont la narratrice. Elle les élèvera dans le culte de Friedrich, laissant planer une atmosphère malsaine entre réalité et imagination.

    A ce stade, il est temps que je dise que j'ai été dérangée par la forme du roman. J'aurais préféré de loin, un récit. Je me suis constamment demandée où était la part réelle et la part romancée. La narratrice a choisi une distance assez ironique pour raconter, parfois gênante tellement les faits exposés et les propos tenus sont choquants. La famille dans son ensemble paraît dépourvue d'émotions et est prête à tout pour s'attribuer et garder ses privilèges.

    "Par un des interstices de l'enceinte , "un juif" avait tendu à ma grand-mère "une montre en or, en échange d'un verre d'eau". Ma grand-mère avait pris la montre, mais n'avait " pas donné le verre d'eau " . C'était dit sans émotion."

    L'intérêt historique du roman est incontestable. Décrypter de l'intérieur les rouages du collaborationnisme n'est pas si fréquent. L'absence de scrupules, l'antisémitisme viscéral, la haine des autres, l'anti-républicanisme, tout y est. Mais la narration manque de fluidité, l'articulation entre faits historiques et histoire familiale ne se fait pas bien.

    Pour tout dire, j'avais hâte de terminer le livre et de quitter ces personnages que rien ne sauve.

    Une déception et un point positif : l'envie de lire les ouvrages purement historiques de l'autrice.

    L'avis de Alex Maryline

    Cécile Desprairies -La propagandiste - 224 pages
    Editions Seuil - 2023

  • Je lis, donc je suis

    Un titre en forme de déclaration aussi péremptoire me fait rire. Ceux qui ne lisent pas ne seraient donc pas ? allons donc .. mais quelque part, c'est un plus me semble-t'il. Toujours est-il que je me suis livrée au jeu rituel de fin d'année. Je rappelle la règle. Répondre aux questions en utilisant uniquement les titres de livres lus en 2022. Et voici le résultat.

    Décris-toi ... 

    La femme du deuxième étage

    Comment te sens-tu ?

    Résistante

    Décris où tu vis actuellement ...

    La guinguette à deux sous

    Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ?

    Le sanctuaire

    Ton moyen de transport préféré ?

    Maritimes

    Ton/ta meilleur(e) ami(e) est ...

    La belle de Joza

    Toi et tes amis vous êtes ...

    Les gens des collines

    Comment est le temps ?

    Blizzard

    Quel est ton moment préféré de la journée ?

    Au commencement du septième jour

    Qu'est la vie pour toi ?

    La vie obstinée

    Ta peur ?

    L’inconnu de la forêt (billet à venir)

    Quel est le conseil que tu as à donner ?

    Tenir sa langue

    La pensée du jour ...

    Tout est possible

    Comment aimerais-tu mourir ?

    Au nom du bien

    Les conditions actuelles de ton âme ?

    La douceur de l’eau

    Ton rêve ?

    La brillante destinée d’Elizabeth Zott

    A qui le tour ?

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    Henri le Sidaner

  • Ör

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    "Je jette un coup d'oeil au miroir au-dessus de la cheminée. Pas question que je lui dise qu'il y a moins d'une semaine, j'étais debout sur une autre chaise en quête d'un crochet. Celle-ci est branlante et je chancelle comme un funambule. Je porte ma chemise rouge et  dessous il y a un nymphéa blanc , et sous le nymphea, un coeur qui bat encore. J'étends les bras, dresse mon torse rouge comme un oiseau qui va prendre son envol. Puis je saute de la chaise pour m'emparer du sac d'ampoules."

    Voilà un roman étonnamment réconfortant, alors qu'au départ nous savons que le personnage principal, Jónas, a pour objectif de se suicider, à l'aube de ses cinquante ans.

    Sa femme l'a quitté, il vient d'apprendre que sa fille adolescente n'est pas de lui, sa mère a l'esprit qui bat la campagne dans une maison de retraite. Il ne se voit aucun avenir et cherche la meilleure manière de quitter ce monde. Il ne veut pas que ce soit sa fille qui retrouve son corps, alors il cherche un pays où il pourra exécuter son projet, avec un cercueil proprement rapatrié, qui ne traumatisera pas la jeune fille.

    Il jette son dévolu sur un pays qui sort tout juste d'une guerre fratricide épouvantable, il pense que ce sera plus facile de mourir là-bas. Il part sans rien dire à personne, avec sa boîte à outils (c'est un bricoleur invétéré).

    Il atterrit dans l'hôtel Silence, tout juste réouvert, tenu par un jeune homme et sa soeur, mère d'un petit garçon de 4 ans. Toujours tenaillé par son désir de suicide, il ne peut malgré tout s'empêcher de voir tout ce qui ne fonctionne pas dans cet hôtel, une porte qui ne ferme pas, une lampe qui ne s'allume plus, de l'eau qui ne coule pas. Le voilà ouvrant sa boîte à outils et réparant de droite et de gauche.

    Il ne faut pas chercher de la vraisemblance dans les romans de l'autrice, elle se situe ailleurs, mais que ça fait du bien ! Il y a tant de tendresse dans ses personnages, gentiment décalés, drôles et tragiques à la fois. L'imagination ne manque pas, ainsi que la fantaisie, sans occulter les horreurs cotoyées. On en ressort rassérénée, on retrouve confiance dans le genre humain.

    Ce que Jónas va découvrir dans ce pays dévasté, c'est que sa vie n'est peut-être pas aussi vaine qu'il le croyait, à l'image du magnifique nymphéa qu'il s'est fait tatouer sur la poitrine avant de partir. Il ouvre les yeux sur ce que d'autres ont vécu de bien plus traumatisant que lui.

    Sortant d'une lecture éprouvante, ce roman est tombé à pic pour me remettre d'aplomb. Je me réjouis d'avoir encore quelques titres de l'autrice devant moi.

    L'avis de Cathulu ClaudiaLucia Hélène Kathel

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    Audur Ava Ólafsdóttir - Ör - 208 pages
    Traduit de l'islandais par Catherine Eyjólfsson
    Editions Zulma - 2020

  • Olive Kitteridge

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    "Depuis quelque temps, ils passaient vraiment de bons moments ensemble. Un peu comme si leur vie de couple avait été un long repas très compliqué, mais qu'à présent ils pouvaient déguster un délicieux dessert".

    Je me demande comment j'ai pu passer aussi longtemps à côté de ce roman, pourtant souvent vu sur les blogs. J'ai passé un excellent moment et j'ai pu lire sans attendre la suite parue en septembre dernier "Olive, enfin" (billet à venir).

    En fait, il ne s'agit pas seulement d'Olive, mais de l'histoire de toute une petite ville côtière du Maine, Crosby. Le roman est constitué de treize textes où Olive est tantôt le personnage principal, tantôt juste une apparition rapide.

    Une fois compris le principe, je me suis adaptée rapidement et me suis familiarisée avec les nombreuses personnes connaissant Olive de près ou de loin. Olive est mariée à une crème d'homme, Henry, avec qui elle n'est pourtant pas particulièrement aimable. Elle étouffe son fils, Christopher, sans s'en rendre compte. Elle est également redoutée en tant que professeur de mathématiques, sa réputation est exécrable. Mais il ne faut pas s'arrêter à cette première impression. Si Olive est cassante, virulente et s'exprime cash, elle est aussi capable d'aider des jeunes en détresse, à sa manière, et de s'intéresser à son entourage.

    C'est une femme complexe, traversée d'émotions contradictoires, qui ne sait pas communiquer normalement avec les autres. Malgré ses côtés rébarbatifs, elle est attachante. Nous la suivons de l'âge adulte à la vieillesse, ce qui permet de la voir évoluer et se confronter aux conséquences d'attitudes passées.

    Olive sait aussi se moquer d'elle-même et de ses défauts ; il y a dans cette histoire un mélange de férocité et de drôlerie, dosé avec subtilité et une certaine tendresse. Les autres personnages sont traités avec la même subtilité, la même finesse psychologique. Olive confrontée à son fils marié donne lieu à des passages à la fois impitoyables et tellement humains. Elle est bien plus fragile qu'elle n'en a l'air.

    Le dernier chapitre montrera que la vie ne s'arrête pas au seuil de la vieillesse et qu'elle réserve encore des surprises inespérées.

    Pour résumer, une très bonne lecture (prix Pulitzer 2009) et la suite est tout aussi réussie.

    Elizabeth Strout - Olive Kitteridge - 375 pages
    Traduit par Pierre Brévignon
    Le Livre de Poche - 2012

  • Une fenêtre sur l'Hudson

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    "De nouveau, elle eut du mal à concilier la réalité avec le souvenir qu'elle gardait d'Isaac. Depuis un an, chaque fois qu'elle avait un problème avec Benjamin, elle se disait : "Isaac n'aurait pas fait ça" ou "Isaac n'était pas comme ça". En tant que figure du passé, il était extrêmement coopératif. Mais aujourd'hui, alors qu'il se tenait à quelques mètres d'elle, Nora ne se remémorait que trop bien tous ces moments où il avait refusé de se plier à ses désirs, où ils ne s'étaient pas compris."

    Nora, jeune romancière prometteuse est dans un creux de vague. L'inspiration la quitte, elle n'écrit plus que des textes publicitaires ou autre travail utilitaire. Sa vie avec Benjamin ne la satisfait pas et elle pense de plus en plus à Isaac qu'elle a quitté cinq ans auparavant, lui prêtant toutes les qualités.

    Si Nora a perdu l'inspiration, c'est qu'elle s'interdit d'écrire sur ses proches depuis qu'elle s'est fâchée avec plusieurs d'entre eux. C'est une jeune femme sympathique, soucieuse d'autrui, empathique, qui aime sincèrement les autres, mais quand elle prend la plume, elle devient horrible, dévoilant leurs pires défauts et leurs faiblesses. C'est plus fort qu'elle, c'est là qu'elle déploie tout son talent et qu'elle a du succès.

    Un soir de déprime, elle contacte Isaac, désireuse de le revoir et de vérifier s'il est bien tel que dans son souvenir. De son côté Isaac, ne veut pas lui avouer qu'il n'a plus rien du jeune homme idéaliste qu'elle a connu, persuadé qu'il serait l'un des meilleurs photographes de son époque. Après un petit succès d'estime qui a fait pschitt, Il a accepté un travail de bureau, et en fait, il n'a même plus plaisir à photographier. Il se contente de soutenir de plus jeunes que lui, notamment Renée, qui le surpasse.

    Isaac est resté subjugué par Nora qu'il considère comme la femme de sa vie. Nora retombe amoureuse de lui, se condamnant du même coup à ne pas reprendre l'écriture. Isaac ne supporterait probablement pas d'être mis en pièces dans une nouvelle.

    Sur cette trame légère, le roman s'avère plus profond qu'il n'y paraît. Ce qui ne m'étonne pas de l'auteur de "La vie selon Florence Gordon". Les personnages sont attachants, bien décrits, avec humour. La deuxième moitié devient plus grave avec la tante de Nora, Billie, qui a eu une grande importance dans sa vie. Billie est très malade et Nora décide de l'accompagner jusqu'au bout.

    Nora est parfois exaspérante dans ses valses-hésitation entre l'absolue nécessité d'écrire et la certitude de blesser quelqu'un, mais c'est difficile de lui en vouloir, tant elle est capable aussi de générosité, de dévouement et d'amour.

    Nora a-t'elle eu raison de revoir Isaac ? Pourra-t'elle malgré tout se remettre à écrire ? J'ai oublié de préciser que tout ceci se déroule à New-York.

    Une lecture-détente tout-à-fait honorable.

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    Brian Morton - Une fenêtre sur l'Hudson - 313 pages
    Traduit de l'américain par Isabelle Maillet
    10/18 - 2008

  • La belle de Joza

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    "Mon savoir universitaire ne signifiait rien. Les leçons utiles, je les ai reçues ici. J'ai vu des chaumières à moitié vides, littéralement bues par la brute épaisse, des enfants battus et sous-alimentés, des petits vieux courbés, mais aussi des hommes fourbus, victimes de l'intempérance et de l'avidité des femmes. J'ai rencontré des mentalités arriérées, de l'égoïsme dépravé, une avarice insensée et, d'un autre côté, une humilité angélique, la patience, la vaillance et l'amour.
    Le monde de l'âme humaine, avec ses deux pôles irréconciliables,tournait ici comme une roue de moulin".

    C'est grâce au billet de Maryline que j'ai eu envie de découvrir ce roman tchèque qui se déroule pendant la deuxième guerre mondiale.

    Eliska est une jeune femme médecin promise à un bel avenir. Elle travaille à l'hôpital de Brno et a une liaison avec le chef de service, par ailleurs marié et père de famille. Elle participe à un réseau de résistance, sans trop mesurer les risques de la situation. Elle se contente de déposer des enveloppes aux adresses qu'on lui indique.

    Jusqu'au jour où tout dérape et où elle doit fuir d'une minute à l'autre. La seule solution qui s'offre à elle est de partir loin dans le pays avec un de ses patients qui accepte de l'épouser, Joza, paysan frustre et laid qu'elle a tendance à mépriser.

    Elle menait une vie urbaine et plutôt raffinée, la voilà transplantée du jour au lendemain dans une zone de montagne aux moeurs archaïques, dans une maison sommairement aménagée dans la hâte. La guerre n'est pas encore arrivée jusque là.

    Si la réalité est sombre, l'histoire qui nous est contée ici est d'une grande beauté. Eliska fait connaissance des lieux, des quelques villageois qui l'entourent, et de son mari, ce paysan analphabète, mais d'une bonté et d'un dévouement à toute épreuve. Au contact de la nature, elle réfléchit sur elle, sur sa vie, comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Elle s'aperçoit qu'elle aime cette existence simple, réduite à l'essentiel. Elle se dépouille de tout qui était artificiel chez elle et son attachement pour Joza grandit de jour en jour ; il devient son centre de gravité, le roc sur lequel elle peut s'appuyer, son socle affectif.

    Pas de grandes envolées dans l'écriture, mais une certaine poésie, et une vision réaliste des habitants que cotoie Eliska, surtout la guérisseuse du village, personnalité haute en couleurs et grandement respectée.

    Hélas, la guerre va finir par rattraper le village et y semer son cortège de malheurs.

    Un roman court et marquant. A ne pas manquer.

    L'autrice, Kveta Legátová, de son vrai nom Vera Hofmanova, est née en Moravie en 1919. Elle étudie le tchèque et l’'allemand à Brno avant la guerre, puis les maths et la physique. Devenue enseignante, elle est affectée dans des zones de montagnes par les autorités communistes, qui voient en elle un « cas problématique ». Au lycée, elle écrit déjà de courtes pièces radiophoniques et poursuit cette activité jusqu’'au début des années quatre-vingt-dix, mais c’'est avec la parution de La Belle de Joza (Noir sur Blanc, 2008) et de Ceux de ŽZelary (Prix national tchèque de littérature) que Kveta Legátová connaît un succès foudroyant.

    L'avis de Kathel Sylire Yv

    Kveta Legátová - La belle de Joza - 260 pages
    Traduit du tchèque par Eurydice Antolin
    Libretto - 2014

  • Merel

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    Merel est une quadragénaire qui vit dans un village de Flandre où elle connaît tout le monde depuis l'enfance. Correspondante d'un journal local, elle est impliquée également dans le club de football. Elle vit seule, n'a pas d'enfant, ne demande rien à personne. Elle passe de bons moments avec son jeune amant et ne lui en demande pas davantage. Elle a une passion pour les canards d'ornement, qu'elle élève avec amour. Bref, tout va bien.

    Jusqu'au jour où ... une blague malencontreuse au café du village et c'est la catastrophe. Ce qui aurait fait rire tout le monde venant d'un homme est inacceptable venant d'elle. A son insu, elle vient de déclencher une opération de malveillance et de harcèlement majeure.

    La rumeur se répand qu'elle couche avec tous les hommes passant à sa portée, tous ces faits et gestes sont observés, détournés et revus à l'aune du jour. Une bande de garnements à l'affût de bêtises à faire décident d'y mettre leur grain de sel et de lui faire peur en permanence.

    La machine est lancée, rien ne l'arrêtera. Seul un enfant, Fynn, pris malgré lui dans ce chaos, se pose la question de ce qu'elle a vraiment fait Merel, il ne la trouve pas méchante et va s'efforcer de l'aider.

    Ah la belle vie fantasmée à la campagne, elle en prend un coup. Nous avons ici un condensé de la méchanceté à l'oeuvre lorsque vous vivez dans un microscome où tout le monde s'observe à la loupe. Merel va passer par tous les états, malgré tout elle ne veut pas céder à la panique, mais y arrivera-t'elle ?

    Ce qui est frappant dans cet album c'est la rapidité avec laquelle ce type de rumeur et de harcèlement se répand et monte en violence. Le phénomène de groupe joue à fond, chacun a une bonne raison d'en rajouter. Et puis une femme qui vit aussi librement, c'est suspect n'est-ce-pas ..

    Comment les évènements vont-ils pouvoir évoluer ? Un peu trop gentiment à mon goût peut-être avec ce qui a précédé, mais c'est juste une opinion personnelle.

    Je ne suis pas fan du graphisme, les traits sont épais. Le plus important c'est qu'il s'agit d'un premier album d'une jeune autrice belge très réussi par ailleurs, sur un sujet brûlant.

    Merci à Masse critique et aux Editions Dupuis

    Clara Lodewick - Merel - 160 pages
    Editions Dupuis - 2022

  • Code 93

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    "Quatre voies grises et sans fin s’enfonçant comme une lance dans le cœur de la banlieue. Au fur et à mesure, voir les maisons devenir immeubles et les immeubles devenir tours. Détourner les yeux devant les camps de Roms. Caravanes à perte de vue, collées les unes aux autres à proximité des lignes du RER. Linge mis à sécher sur les grillages qui contiennent cette partie de la population qu’on ne sait aimer ni détester. Fermer sa vitre en passant devant la déchetterie inter-municipale et ses effluves, à seulement quelques encablures des premières habitations. C’est de cette manière que l’on respecte le 93 et ses citoyens : au point de leur foutre sous le nez des montagnes de poubelles. Une idée que l’on devrait proposer à la capitale, en intramuros. Juste pour voir la réaction des Parisiens. À moins que les pauvres et les immigrés n’aient un sens de l’odorat moins développé"

    Je voulais découvrir cet auteur de polars depuis longtemps, voilà qui est fait. Nous sommes dans le 93, département particulièrement pauvre en région parisienne. Appelée sur les lieux d'un crime, l'équipe de Victor Coste de la PJ découvre un homme émasculé. Déclaré mort, il se réveille au milieu de l'autopsie.

    Comme si cela ne suffisait pas, un deuxième cadavre couvert de brûlures est trouvé à son tour dans un appartement vide. C'est celui d'un jeune toxico. Coste est un flic aguerri, ces deux affaires sentent les ennuis à plein nez, juste au moment où il perd son meilleur adjoint, muté à Annecy.

    Je ne dirai pas grand chose de l'enquête, au risque de trop en dévoiler. Elle part du corps d'une jeune femme non identifiée, toxico très abîmée et de la mystérieuse disparition de dossiers.

    L'affaire se complique au fur et à mesure, sans que l'on perde le fil. L'auteur étant lui même un policier, on imagine que ce qu'il décrit est très près de la réalité. Le style est cru, les touches d'humour aussi.

    Malgré sa longue expérience, Victor se retrouve dans un certain brouillard, pris dans une embrouille qui touche sa hiérarchie, mais pas que .. Une partie de l'action touche au trafic de drogue, à la prostitution, mais aussi aux manoeuvres politiciennes autour du projet du Grand Paris.

    Coste est un flic assez attachant, il n'a pas perdu une certaine humanité. Il ne se remet pas du suicide de sa compagne, mais n'est pas indifférent au charme de la médecin légiste.

    Il frôle la catastrophe plusieurs fois dans cette enquête, qui se refermera d'une drôle de manière.

    J'ai suffisamment aimé pour me procurer dès maintenant le deuxième roman de la série. Je ne vais pas tarder à retrouver Coste et son équipe assez haute en couleurs.

    L'avis de Sandrion Alex Miriam

    Olivier Norek - Code 93 - 258 pages
    Pocket - 2014