Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

challenge auteurs scandinaves

  • Ör

    41rO3a8irIL._SX195_.jpg

    "Je jette un coup d'oeil au miroir au-dessus de la cheminée. Pas question que je lui dise qu'il y a moins d'une semaine, j'étais debout sur une autre chaise en quête d'un crochet. Celle-ci est branlante et je chancelle comme un funambule. Je porte ma chemise rouge et  dessous il y a un nymphéa blanc , et sous le nymphea, un coeur qui bat encore. J'étends les bras, dresse mon torse rouge comme un oiseau qui va prendre son envol. Puis je saute de la chaise pour m'emparer du sac d'ampoules."

    Voilà un roman étonnamment réconfortant, alors qu'au départ nous savons que le personnage principal, Jónas, a pour objectif de se suicider, à l'aube de ses cinquante ans.

    Sa femme l'a quitté, il vient d'apprendre que sa fille adolescente n'est pas de lui, sa mère a l'esprit qui bat la campagne dans une maison de retraite. Il ne se voit aucun avenir et cherche la meilleure manière de quitter ce monde. Il ne veut pas que ce soit sa fille qui retrouve son corps, alors il cherche un pays où il pourra exécuter son projet, avec un cercueil proprement rapatrié, qui ne traumatisera pas la jeune fille.

    Il jette son dévolu sur un pays qui sort tout juste d'une guerre fratricide épouvantable, il pense que ce sera plus facile de mourir là-bas. Il part sans rien dire à personne, avec sa boîte à outils (c'est un bricoleur invétéré).

    Il atterrit dans l'hôtel Silence, tout juste réouvert, tenu par un jeune homme et sa soeur, mère d'un petit garçon de 4 ans. Toujours tenaillé par son désir de suicide, il ne peut malgré tout s'empêcher de voir tout ce qui ne fonctionne pas dans cet hôtel, une porte qui ne ferme pas, une lampe qui ne s'allume plus, de l'eau qui ne coule pas. Le voilà ouvrant sa boîte à outils et réparant de droite et de gauche.

    Il ne faut pas chercher de la vraisemblance dans les romans de l'autrice, elle se situe ailleurs, mais que ça fait du bien ! Il y a tant de tendresse dans ses personnages, gentiment décalés, drôles et tragiques à la fois. L'imagination ne manque pas, ainsi que la fantaisie, sans occulter les horreurs cotoyées. On en ressort rassérénée, on retrouve confiance dans le genre humain.

    Ce que Jónas va découvrir dans ce pays dévasté, c'est que sa vie n'est peut-être pas aussi vaine qu'il le croyait, à l'image du magnifique nymphéa qu'il s'est fait tatouer sur la poitrine avant de partir. Il ouvre les yeux sur ce que d'autres ont vécu de bien plus traumatisant que lui.

    Sortant d'une lecture éprouvante, ce roman est tombé à pic pour me remettre d'aplomb. Je me réjouis d'avoir encore quelques titres de l'autrice devant moi.

    L'avis de Cathulu ClaudiaLucia Hélène Kathel

    pays-scandinaves-drapeaux.png

    Audur Ava Ólafsdóttir - Ör - 208 pages
    Traduit de l'islandais par Catherine Eyjólfsson
    Editions Zulma - 2020

  • Un pays de neige et de cendres

    513lHxBe0XL._SX195_.jpg

    "Après notre départ, Heiskanen m’a posé des questions sur Koskela. J’ai marmonné indistinctement, pressé de changer de sujet. La bonne femme same que nous venons de quitter est une Lapone typique. Petite, quasi naine, et très superstitieuse ; j’ai du mal à comprendre qu’elle s’entende bien avec les nazis.

    - Pas si bien que ça, a nuancé Keiskanen.

    - Il paraît que les nazis sont réservés vis-à-vis des Sames. On leur a appris que ces peuples primitifs de cueilleurs du Grand Nord sont des marginaux, extérieurs à la civilisation véritable. Ils sont considérés comme une anomalie pathologique résultant de facteurs environnementaux".

    Deux récits se croisent dans ce premier roman d'une jeune autrice finlandaise. Tout d'abord, un camp de prisonniers, en 1944, en Laponie finlandaise, tenu par les Allemands, où cohabitent avec difficulté, Finlandais, Allemands et Sames.

    Puis, en 1947, la venue à Enontekiö d'Inkeri, officiellement venue photographier la reconstruction de la Laponie, mais officieusement à la recherche de son mari, disparu dans ce camp de prisonniers.

    La situation est compliquée, en 1947, personne ne veut plus admettre l'existence de camps ; il y a ceux qui ont cru à la grande Finlande et oeuvré avec les Allemands à une certaine purification de la race. Ceux qui ont essayé de lutter contre la barbarie du camp, sentant la situation leur échapper.

    En 1944, les conditions de détention dans le camp sont inhumaines, un nouveau gardien observe et essaie de comprendre les règles. Un détenu attire son attention, il bénéficie d'un régime particulier, incompréhensible. Il y a aussi la femme Same, que l'on nomme "la saigneuse" dont le rôle est flou. On sent un certain climat de folie régner, il faut se méfier de tout et de tous.

    Lorsque trois ans après, Inkeri débarque sur les lieux, non seulement personne n'est prêt à l'aider, mais tout sera fait pour lui mettre des bâtons dans les roues. Il y a des vérités qui ne doivent pas se faire jour. Elle intervient à l'école du village où une jeune Same, Bigga-Marja, attire son attention. Elle semble en savoir plus qu'elle ne le dit.

    C'est une lecture qui m'a rappelé le contexte de "Purge" de Sofi Oksanen. Ici, plus nous avançons plus les liens entre les uns et les autres deviennent compliqués. Au lieu de se clarifier, la situation s'envenime. Aux horreurs du camp, se mêlent des rivalités amoureuses.

    Tous les noeuds ne seront pas dénoués à la fin du roman, est-ce seulement possible. Je l'ai lu comme un thriller, de plus en plus soucieuse de comprendre ce qui avait pu se passer.

    C'est un livre que je recommande. Toutefois, il n'est pas superflu de réviser un peu l'histoire de la Finlande pendant la guerre pour avoir quelques repères. (voir billet de Miriam).

    Avec ce roman, je participe à deux challenges. Celui de Céline sur les auteurs scandinaves et celui d'Ingannmic sur les minorités ethniques.

    pays-scandinaves-drapeaux.png

    LOGO MINORITES ETHNIQUES V4.png

    L'avis de Choupynette Doudoumatous ClaudiaLucia Luocine Miriam

    Petra Rautiainen - Un pays de neige et de cendres - 320 pages
    Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli
    Editions du Seuil - 2022