"Après notre départ, Heiskanen m’a posé des questions sur Koskela. J’ai marmonné indistinctement, pressé de changer de sujet. La bonne femme same que nous venons de quitter est une Lapone typique. Petite, quasi naine, et très superstitieuse ; j’ai du mal à comprendre qu’elle s’entende bien avec les nazis.
- Pas si bien que ça, a nuancé Keiskanen.
- Il paraît que les nazis sont réservés vis-à-vis des Sames. On leur a appris que ces peuples primitifs de cueilleurs du Grand Nord sont des marginaux, extérieurs à la civilisation véritable. Ils sont considérés comme une anomalie pathologique résultant de facteurs environnementaux".
Deux récits se croisent dans ce premier roman d'une jeune autrice finlandaise. Tout d'abord, un camp de prisonniers, en 1944, en Laponie finlandaise, tenu par les Allemands, où cohabitent avec difficulté, Finlandais, Allemands et Sames.
Puis, en 1947, la venue à Enontekiö d'Inkeri, officiellement venue photographier la reconstruction de la Laponie, mais officieusement à la recherche de son mari, disparu dans ce camp de prisonniers.
La situation est compliquée, en 1947, personne ne veut plus admettre l'existence de camps ; il y a ceux qui ont cru à la grande Finlande et oeuvré avec les Allemands à une certaine purification de la race. Ceux qui ont essayé de lutter contre la barbarie du camp, sentant la situation leur échapper.
En 1944, les conditions de détention dans le camp sont inhumaines, un nouveau gardien observe et essaie de comprendre les règles. Un détenu attire son attention, il bénéficie d'un régime particulier, incompréhensible. Il y a aussi la femme Same, que l'on nomme "la saigneuse" dont le rôle est flou. On sent un certain climat de folie régner, il faut se méfier de tout et de tous.
Lorsque trois ans après, Inkeri débarque sur les lieux, non seulement personne n'est prêt à l'aider, mais tout sera fait pour lui mettre des bâtons dans les roues. Il y a des vérités qui ne doivent pas se faire jour. Elle intervient à l'école du village où une jeune Same, Bigga-Marja, attire son attention. Elle semble en savoir plus qu'elle ne le dit.
C'est une lecture qui m'a rappelé le contexte de "Purge" de Sofi Oksanen. Ici, plus nous avançons plus les liens entre les uns et les autres deviennent compliqués. Au lieu de se clarifier, la situation s'envenime. Aux horreurs du camp, se mêlent des rivalités amoureuses.
Tous les noeuds ne seront pas dénoués à la fin du roman, est-ce seulement possible. Je l'ai lu comme un thriller, de plus en plus soucieuse de comprendre ce qui avait pu se passer.
C'est un livre que je recommande. Toutefois, il n'est pas superflu de réviser un peu l'histoire de la Finlande pendant la guerre pour avoir quelques repères. (voir billet de Miriam).
Avec ce roman, je participe à deux challenges. Celui de Céline sur les auteurs scandinaves et celui d'Ingannmic sur les minorités ethniques.
L'avis de Choupynette Doudoumatous ClaudiaLucia Luocine Miriam
Petra Rautiainen - Un pays de neige et de cendres - 320 pages
Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli
Editions du Seuil - 2022