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polar

  • Coupez !

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    "Elle avait connu tant de médiocres qui avaient réussi, sans être troublés par le syndrome de l'imposteur qui interdisait presque à un gamin comme Jérôme de s'imaginer capable d'atteindre les sommets. Des gens qui étaient allés tellement plus loin que leur talent n'aurait dû le leur permettre, artificiellement soutenus par leur confiance de privilégiés, par l'inflexible certitude que tout leur était dû et par un népotisme pur et simple. Bon sang, il n'y avait qu'à regarder la composition du gouvernement britannique actuel, où le Médiocre en chef régnait sur un genre de méritocratie, mais inversée".

    Ce polar est arrivé chez moi un beau jour, sans que je l'ai demandé et comme je n'avais pas été emballée par un premier titre (Sombre avec moi) je l'ai laissé de côté.

    Il faut que je vous dise que je fais (en tout cas j'essaie) un grand ménage dans mes livres et les piles montent, une pour le bouquiniste du coin, une pour Emmaüs, une pour la boîte à livres, le reste je garde. "Coupez" a failli aller chez le bouquiniste, mais j'ai décidé de lui donner une chance et je ne l'ai pas regretté.

    J'ai donc fait la connaissance de Millicent, récemment libérée après une détention de vingt-quatre ans pour le meurtre de son amant. Elle sort à 72 ans, dépassée par le monde qu'elle retrouve et qu'elle ne reconnaît pas.

    Elle trouve refuge auprès de deux autres vieilles dames, dont une, Clara, a entrepris de la réinsérer à sa manière, en lui donnant une tâche différente chaque jour pour lui faire reprendre contact avec le quotidien.

    Dans sa vie d'avant, Millicent était spécialisée dans le maquillage et les effets spéciaux dans des films d'horreur de série B, ce qui nous vaut quelques descriptions assez gores. Elle était excellente dans son métier et fréquentait un milieu aussi glauque qu'on peut l'imaginer, avec des personnalités plus ou moins troubles, mais peu lui importait tant qu'elle travaillait.

    Le hasard met sur sa route Jérôme (alias Jerry) étudiant en cinéma en délicatesse avec son entourage et cohabitant chez Clara pour s'éloigner des étudiants qu'il connaît un peu trop.

    A la surprise de Millicent, Jerry connaît Mancipium, fameux film maudit qui n'a jamais pu être terminé et dont les bobines ont disparu. Dans le même temps, Millicent découvre une photo qui remet complètement en cause la version du meurtre de son amant. Elle n'a pas réussi à convaincre de son innocence jadis et cette photo la fait gamberger ; suffisamment pour partir en Europe avec Jerry à la recherche de la vérité.

    Les voilà partis dans un road trip mené tambour battant, dangereux et parsemé de cadavres. Sans le vouloir Millicent est devenue une cible en remuant le passé, ce qui la fait redoubler d'ardeur. 

    Le duo improbable du départ se révèle de mieux en mieux rôdé. Millicent a un sacré caractère, mais son expérience de la prison l'a rendue souvent frileuse, ce qui ne l'empêche pas de bouillir intérieurement. Jerry lui, se sentira toujours illégitime dans le milieu où il est parvenu. Ils vont s'entraider et se booster mutuellement quand il le faut. Et il y a cet amour d'un certain cinéma qui les lie plus que tout.

    C'est ce tandem qui fait l'intérêt du livre, avec un humour assez dévastateur sur la société en général et le microscome du cinéma d'horreur en particulier. Le passage des fugitifs à Paris est assez savoureux. Après un démarrage un peu lent, le rythme accélère et le suspense est permanent.

    Je n'ai pas toujours bien suivi les multiples ramifications de l'histoire mais ce n'est pas grave. Je voulais surtout connaître la fin.

    L'avis de Cathulu

    Chris Brookmyre - Coupez - 512 pages
    Traduit de l'anglais (Ecosse) par David Fauquemberg
    Editions Métailié - 2022

  • Dans les brumes de Capelan

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    "Même ses vacances, une à trois semaines deux ou trois fois par an, il les passait seul, dans cette résidence où personne n'était jamais entré. Il devait aimer lire, se disait-on, écrire peut-être, et si c'était ses mémoires, la question était de savoir ce qu'il allait pouvoir mettre dedans, puisque rien des années passées ici n'aurait pu remplir un chapitre. Voilà l'idée que l'on se faisait de Coste, sans imaginer une seconde que pendant ses supposées vacances il avait recueilli les confidences des pires ordures de la criminalité organisée et, par sa seule parole, décidé de leur avenir, sauvés ou sacrifiés, lui, le capitaine lisse et conciliant qui n'emmerdait jamais personne dans sa maison suicidaire au bord du précipice."

    J'ai quitté le Capitaine Coste en bien mauvais état à la fin de "Surtensions". Je ne pouvais pas rester trop longtemps dans cette incertitude, sachant qu'il réapparaissait dans un contexte très différent.

    Il a donné sa démission de la police, mais est nommé quand même à un poste secret défense, dans l'Archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, battu par les vents, la neige et le froid, sans compter les fameuses brumes saisonnières qui brouillent tous les repères. Il participe à un programme de protection des témoins, en général des repentis et après les avoir étudiés sous toutes les coutures, c'est lui décide de leur sort.

    Une affaire particulièrement difficile s'annonce. En France on vient de retrouver une jeune fille vivante, la dixième d'une série dont aucune n'a survécu. Le tueur est en cavale et lancé sur les traces de la rescapée, Anna Bailly. La hiérarchie de Coste décide de l'envoyer dans la forteresse pour la mettre à l'abri et essayer de la faire parler. Qu'a dû faire cette jeune fille pour rester en vie si longtemps (dix ans), alors que les autres ont été tuées rapidement ? Elle les a toutes connues et a été leur compagne d'enfermement pendant quelques jours ou quelques semaines.

    Encore un livre de d'Olivier Norek que l'on ne peut pas lâcher une fois qu'on l'a commencé. Dans celui-ci la tension est constante et augmente encore avec l'arrivée d'Anna.

    Il y a d'un côté l'atmosphère particulière de l'île, les relations que Coste a pu s'y faire. Il s'arrange pour ne déranger personne et attend la même attitude vis-à-vis de lui.

    Et il y a le face à face Coste-Anna, qui va évoluer sans cesse et souffler le chaud et le froid. C'est une jeune personne énigmatique, perturbée et bousculée par les derniers évènements. Tantôt fragile, tantôt manipulatrice, elle embarque Coste dans une relation complexe et on ne sait pas toujours qui mène le jeu.

    La paroxysme est atteint avec l'intrusion du tueur sur l'île, au début des brumes qui durent trois semaines. L'auteur va encore arriver à nous surprendre jusqu'à la dernière minute. Plusieurs fois j'ai cru avoir compris ce qui allait arriver et bien non, un revirement de dernière minute m'a scotchée.

    Il ne faut pas être trop difficile sur la vraisemblance de certains développements mais peu importe, c'est un régal de retrouver Coste dans la peau du flic à bout, revenu de tout, confronté malgré lui à ce qu'il a fui. Il est mis à rude épreuve avec Anna dont la psychologie est difficile à saisir et pour cause.

    Une lecture prenante, avec des personnages étoffés et une ambiance angoissante.

    Je rappelle que le Capitaine Coste est présent dans une trilogie :

    Code 93
    Territoires
    Surtensions

    Il n'est pas nécessaire de les connaître pour lire celui-ci, mais c'est mieux.

    L'avis de Dasola Enna Ingannmic Violette

    Olivier Norek - Dans les brumes de Capelan - 480 pages
    Pocket - 2023

  • Surtensions

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    "Après douze ans à la crime du 93, il devenait compliqué pour ces flics de parler d’une rue sans la connaître pour un viol, un enlèvement ou un homicide."

    Les polars se suivent et ne se ressemblent pas. Je ne peux pas qualifier celui-là de pépère, loin s'en faut.

    J'ai aimé les deux précédents romans (ici et ) mettant en scène le Capitaine Victor Coste et je savais que je le retrouverais tôt ou tard. Voilà qui est fait avec ce troisième opus, aussi fort que les précédents.

    Victor Coste n'arrive pas tout de suite, nous avons d'abord une longue introduction sur l'univers des prisons, aussi cauchemardesque que prévu et même au-delà. Nous allons faire la connaissance de plusieurs détenus qui auront leur importance (ou pas) dans ce qui va suivre.

    Plusieurs affaires s'entremêlent ensuite, difficile à démêler, entre une soeur prête à tout pour faire sortir son petit frère de prison, une famille retenue en otage et terrorisée et quelques malfrats qui ne font pas dans la demi-mesure.

    Pas question de divulgâcher quoique ce soit ; il faut seulement savoir que c'est un des meilleurs de la série, très noir malgré les touches d'humour. L'équipe de Coste va être mise à rude épreuve, chaque membre est bien décrit avec son caractère et sa manière de réagir.

    Coste lui-même n'est pas au mieux de sa forme, après quinze ans dans le 93 il se sent usé, il n'y croit plus et songe sérieusement à démissionner. Son humanité ressort d'autant plus devant les cas de conscience qui lui tombent dessus. Toujours aussi mal à l'aise avec les sentiments, il a du mal à maintenir une relation avec Léa, la médecin légiste.

    Il n'y aura pas de happy-end, pour personne.

    Il ne faut pas oublier que l'auteur a été policier dans la vie et ce qu'il décrit doit être réaliste, ce qui fait frémir au vu de certains endroits où la vie ne vaut vraiment pas cher et ou certains individus n'ont aucune limite.

    Malgré le côté très sombre de l'histoire, j'ai été captivée par cette lecture où la tension ne faiblit pas.

    L'avis de Philippe

    Olivier Norek - Surtensions - 480 pages
    Pocket - 2017

  • Les saules

    Les Saules par Beaussault

    "On rétorque que c'est la coulée, une gamine d'ici, la Basse Motte, que c'est la famille et qu'on se lâche jamais entre culs-terreux, qu'on se serre les coudes, qu'on a des couilles, qu'on va réfléchir ensemble (comme leurs pères face aux boches) et trouver comment en finir avec ce merdier qui submerge bien plus que leurs bottes."

    Quelque part en Bretagne, à une époque non située mais qui semble être l'immédiat après-guerre, un village va être complètement bouleversé par l'assassinat d'une jeune fille de 17 ans, Marie.

    Marie est la fille unique du pharmacien qui habite la Haute Motte. Ne pas confondre avec la Basse Motte et ses habitants d'une classe inférieure, comme la famille de Marguerite, qui survit difficilement en élevant des porcs.

    Marguerite est une petite fille sale et mal peignée, jamais à la bonne place, essayant désespérément de se faire oublier partout où elle est, surtout à l'école où elle est moquée par tout le monde. Un peu simplette peut-être ou seulement différente dans un monde trop dur.

    La mort de Marie va secouer tout ce petit monde. Le policier local chargé de l'enquête est appuyé par une inspectrice venue de la ville. Tout le village ou presque va être interrogé. Personne n'a rien vu, ni rien fait, sauf que ... Marguerite, elle, a vu quelque chose, mais à son habitude elle ne dit rien, enfin pas tout de suite.

    C'est un premier roman qu'une libraire m'a fortement conseillé et je me suis laissée convaincre. On pourrait le qualifier de polar rural ou de roman noir, mais peu importe. Le côté pesant d'un trou de campagne perdu est bien rendu, les vieilles querelles, les clivages, les ragots et les classes sociales qui s'ignorent. 

    Et puis Marie c'est malheureux ce qui lui est arrivé, mais enfin, tout le monde sait bien qu'elle n'avait pas froid aux yeux et qu'elle allumait facilement la gent masculine.

    J'ai trouvé l'ensemble parfois caricatural, mais peut-être pas tant que ça et pour un premier roman il est plutôt bien construit. J'ai aimé les interrogatoires de police dont nous n'avons jamais les questions, seulement les réponses, ce qui donne une bonne idée de l'état émotionnel de certains, pas tout-à-fait nets.

    C'est surtout la petite Marguerite qui est au centre du récit, attachante, inquiète, toujours à suçoter ses manches de pull, à s'échapper avec son seul ami, Victor, un peu bizarre comme elle. Ce n'est pas facile à la maison avec son père, toujours bourru, sa mère, avare et malhabile dans des gestes qu'elle voudrait affectueux, mais qui n'arrive pas vraiment à aller au bout.

    La fin arrive un peu rapidement et ne m'a pas étonnée si l'on pense au milieu et à l'époque.

    C'est un livre qui ne se lâche pas une fois commencé ; en le refermant j'ai pensé que j'avais déjà lu cette histoire-là par ailleurs, mais il y a un ton et des personnages qui donnent envie de suivre l'autrice à l'avenir.

    L'avis d'Agnès (chez Athalie) Philippe Sandrine

    Mathilde Beaussault - Les saules - 272 pages
    Editions Seuil - 2025

  • La loi des collines

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    "Le maire s'en alla et Mick fut soulagé d'avoir un moment pour lui. Il s'était trouvé une bonne dizaine de fois dans cette position - attendre des informations médicales sur un blessé - mais jamais pour un membre de sa famille. La peur soudaine de perdre Linda le glaça jusqu'à la moelle. Il repoussa cette sensation et la rangea dans une boîte. C'était hors de son contrôle. Il traiterait le cas de sa soeur comme n'importe quel autre".

    Elle est rude la loi des collines, elle charrie de vieilles rancoeurs et pratique facilement la vengeance. Et rien ne s'oublie.

    Voici le troisième et dernier volet des enquêtes de Mick Hardin dans ce coin du Kentucky où il a grandi et qu'il a quitté pour devenir soldat dans des pays en guerre, Afghanistan, Irak, Syrie etc ...

    A 39 ans il peut prendre sa retraite et c'est ce qu'il fait, avec le projet d'aller vivre au fin fond de la Corse et y mener une vie un peu semblable à celle des collines. Il est revenu au pays dire au revoir à sa soeur Linda, shérif de Rocksalt, avant de s'envoler pour la France.

    Linda enquête justement, avec son adjoint Johnny Boy sur la mort d'un mécanicien hors-pair. Mick n'est pas là pour s'en mêler, mais suite à un service rendu dans un conflit anodin, le voilà embarqué malgré lui dans une histoire de combats de coqs clandestins qui vont l'emmener bien plus loin qu'il ne le souhaitait.

    On tire sur Linda qui se retrouve grièvement blessée, deux nouveaux cadavres sont trouvés au grand désarroi de Johnny Boy, peu taillé pour remplacer la shérif.

    Nous retrouvons les personnages des précédents épisodes, des hommes taiseux, souvent brutaux, armés toujours. Mick ne respectera à peu près aucune règle dans cette histoire, s'appuyant surtout sur son instinct et son solide entraînement de soldat.

    Il montre aussi une grande générosité envers plus faible que lui et se sort de situations dangereuses avec une maestria quasi-magique. J'ai trouvé ce dernier épisode un peu trop boursouflé côté intrigue, je me suis perdue parfois dans les personnages et des situations alambiquées, surtout lorsque Mick s'éloigne des collines.

    Il ne faut pas se monter trop exigeant sur la crédibilité de l'ensemble mais j'ai eu plaisir à retrouver Mick une dernière fois et suis toujours aussi étonnée de sa grande politesse devant les femmes, même si elles pointent un fusil sur lui. Il a des manières ce gars-là.

    "Quand t'auras trouvé le minable qui lui a tiré dessus, l'embarque pas. Tu l'étales et tu rappliques chez nous, t'entends ?
    Oui Madame."

    Les deux précédents : Les gens des collines  - Les fils de Shifty

    Chris Offutt - La loi des collines - 288 pages
    Traduit de l'américain par Anatole Pons-Reumaux
    Editions Gallmeister - 2025

  • Nos fantastiques années fric

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    "Taisez-vous, Fernandez. Tout le monde sait que c'est la guerre entre les services de police et la cellule de l'Elysée. Et la cellule c'est Grossouvre, Ménage et moi. Donc, si les RG sont au courant de cette affaire par Chardon, ils n'hésiteront pas à s'en servir pour m'abattre. Et, au passage, plomber les socialistes aux élections de mars prochain".

    Je souhaitais découvrir Dominique Manotti depuis longtemps, voilà qui est fait, avec une lecture plutôt addictive.

    L'intrigue se déroule à la fin du premier septennat de François Mitterrand. Victor Bornand est un très proche du Président, au fait de toutes les opérations au coeur de la cellule de l'Elysée, au fonctionnement plutôt opaque. C'est aussi un homme à femmes, amateur entre autres des pensionnaires d'une certaine Mado, à l'adresse bien connue du gratin parisien.

    Bornand est sur une affaire de trafic d'armes avec l'Iran, alors sous embargo. Trafic d'armes souvent couplé à celui de la drogue. Une affaire juteuse sur le point de se conclure à la grande satisfaction des parties concernées.

    Le meurtre d'une call-girl de Mado va être le grain de sable qui va gripper la machine.

    L'enquête est menée par une jeune policière, beurette selon le terme de l'époque, Noria Gozhali et un commissaire débutant, Bonfils.

    C'est une histoire complexe, truffée de magouilles, de coup bas dans le monde politico-médiatique et mafieux. Les règlements de compte sont sanglants. En filigrane, se joue le sort d'otages retenus au Liban.

    L'autrice est historienne de formation, sans doute bien documentée et c'est difficile de croire que ce genre d'histoire appartient au passé. Ça fait froid dans le dos.

    J'ai parfois eu du mal à m'y retrouver dans cette sombre galaxie tendue uniquement vers l'argent, le pouvoir et le sexe. Dès le départ nous savons que Bornand est un sale type, mais c'est encore pire que ce que je pensais. Quand on a connu cette période, c'est assez facile de mettre des noms sur quelques personnages ou un certain journal qui paraît le mercredi par exemple.

    En face, Noria et Bonfils ne lâcheront pas leur enquête, Noria a de bonnes raisons de s'obstiner, malgré la hiérarchie et les menaces.

    J'ai aimé ce roman, écrit sans fioritures, il va droit au but. Evidemment ce n'est pas brillant sur l'état de corruption de notre société et je ne pense pas que nous ayons fait beaucoup de progrès depuis. Que savons-nous vraiment de ce qui se passe dans notre pays ?

    Un film a été tiré du roman "Une affaire d'Etat". Je ne l'ai pas vu.

    Dominique Manotti - Nos fantastiques années fric - 256 pages
    Rivages poche - 2021

  • Un café maison

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    "Il avait choisi des femmes solitaires parce qu'il voyait les femmes comme des machines à faire des enfants. Peut-être lui semblait-il plus simple qu'elles ne soient pas pourvues d'accessoires potentiellement embarrassants, comme des amis."

    Encore un auteur que je voulais découvrir depuis un bon moment, avec son enquêteur récurrent, l'inspecteur Kusanagi. C'est fait avec ce café maison qui va entraîner tant d'expériences diverses autour de la préparation du breuvage.

    Ayané Mashiba et Yoshitaka Mashiba sont mariés depuis un an. Ils ont conclu un accord tacite. Si Ayané n'attend pas un enfant d'ici la fin de l'année ils divorceront. Yoshitaka conçoit le couple uniquement comme construction d'une famille, s'il n'y a pas d'enfant, il n'y a pas de raison de continuer ensemble.

    Au terme de l'année, Ayané n'est donc pas surprise de l'annonce de Yoshitaka l'informant qu'il va la quitter pour une autre femme. Elle ne se rebelle pas et décide d'aller passer le week-end chez ses parents, seule, pour réfléchir.

    Le dimanche, Yoshitaka est retrouvé, mort, à son domicile par Hiromi Wakayama, l'assistante d'Ayané. Les deux femmes réalisent des patchworks avec un certain succès.

    L'inspecteur Kusanagi est chargé de l'enquête, avec sa jeune collègue, Kaoru. La police scientifique établit assez vite que la tasse de café de Yoshitaka contenait de l'arsenic. Toute la question va être de trouver comment l'assassin a procédé pour introduire le poison sans se faire remarquer.

    Nous apprenons rapidement que l'assistante d'Ayané, Hiromi Wakayama est la prochaine femme choisie par la victime et qu'elle est enceinte. Qui avait donc le plus intérêt à tuer Yoshitaka ?

    Kusanagi tombe assez vite sous le charme d'Ayané, ce qui l'empêche d'avoir les idées claires et impartiales d'après Kaoru, sa collège, nettement plus méfiante envers l'épouse bafouée. Kaoru va demander l'aide du Professeur Yukawa, brillant scientifique, pour trouver comment l'arsenic est arrivé dans le café.

    J'ai d'abord eu un peu de mal à me familiariser avec les noms japonais et à les mémoriser. J'ai trouvé que la police japonaise était vraiment très polie avec les suspects, voire prévenante. La lectrice a une longueur d'avance puisque dès le départ nous savons qui a tué, tout le suspense est dans la méthode utilisée.

    Quand je dis suspense, il n'est pas haletant. Tout cela est long et lent et j'ai terminé avec un soupir de soulagement. Peut-être ne suis-pas tombée sur le meilleur de la série. Pas sûr que je continue avec l'auteur.

    L'avis de Fanja Dasola Kathel Sandrion

    Keigo Higashino - Un café maison - 336 pages
    Traduit du japonais par Sophie Rèfle
    Babel noir - 2013

  • Une disparition inquiétante

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    "Ce n'est pas ça. Ce qui est dur, c'est de ne pas savoir si on s’occupe d'un délit ou pas. Parce que nous avons appris à enquêter sur des actes criminels, à manipuler les truands ou faire pression sur eux. Alors que dans un dossier de disparition tu ne sais pas, la plupart du temps, s'il y a eu crime ou non. Tu te retrouves à soupçonner tout le monde, les voisins, les amis, les proches, le disparu lui-même, tous ces gens s’inquiètent comme toi pour leur proche - pardon, ils s'inquiètent plus que toi, - mais tu es obligé de les soupçonner, tu n'as pas le choix, tu dois agir comme si tous te cachaient quelque chose. Et dans la majorité des cas, tu finis par découvrir qu'aucun crime n'a été commis et que personne ne t'a rien caché."

    J'ai fait la connaissance du Commandant Avraham Avraham avec sa quatrième enquête (ici). Cette fois-ci je prends la série au début et c'est amusant de le voir faire seulement la connaissance de Marianka, alors qu'il était jeune marié dans ma précédente lecture.

    Nous sommes dans la banlieue de Tel-Aviv et en fin de journée, Avraham reçoit une femme qui vient signaler la disparition de son fils adolescent, Ofer. Fatigué, peu enclin à creuser davantage, Avraham lui demande d'attendre le lendemain matin, s'appuyant sur le fait que souvent il s'agit d'une fugue passagère.

    Mais le lendemain Ofer n'est toujours pas rentré et Avraham lance les opérations de recherche. C'est un premier loupé et il y en aura d'autres au cours de l'enquête.

    Avraham n'est pas spécialement sympathique, il n'a pas un caractère facile, n'a pas confiance en lui, il fait grand cas des avis de sa supérieure hiérarchique, mais n'apprécie pas qu'elle lui adjoigne un jeune collège dont les dents rayent le parquet. La rivalité entre les deux hommes n'arrangera pas la progression de l'enquête.

    Avraham, aveuglé par ses certitudes passe complètement à côté des bizarreries d'un voisin qui cherche à s'immiscer dans l'enquête, on se demande dans quel but.

    Parallèlement, Avraham est obligé d'aller faire un stage en Belgique, histoire de comparer les méthodes des uns et des autres. Cette incursion chez nos voisins a quelque chose d'un peu folklorique. Il pleut tout le temps, on mange des moules et des frites ... et il pense sans arrêt à son enquête en cours en Israël.

    La bonne nouvelle, c'est qu'il va rencontrer Marianka et que leur relation va prendre de la consistance durant son séjour.

    J'ai trouvé le début un peu laborieux, puis au fil de ma lecture j'étais de plus en plus accrochée par les multiples rebondissements de l'enquête. Les personnages sont complexes et les implications psychologiques bien décrites. Malgré ses erreurs et ses imperfections, Avraham devient attachant. Son obstination va lui valoir une mise à l'écart et pourtant il ira au bout.

    Rien d'exceptionnel dans ce polar, mais une lecture finalement plaisante et qui réserve une dernière surprise à la fin.

    L'avis de Alex Brize Kathel

    Dror Mishani - Une disparition inquiétante - 384 pages
    Traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz
    Points - 2015

  • Le tableau du peintre juif

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    "Contrairement aux idées reçues, les Juifs étrangers ont été relativement épargnés par Franco. Celui-ci ne tenait pas à déplaire aux Allemands, mais il cherchait aussi à s’assurer les bonnes grâces des Alliés en prévision de l’après-guerre. Les migrants de confession judaïque étaient confiés au Joint, un organisme financé par la diaspora juive américaine, ce qui arrangeait Franco qui, ainsi, n’avait pas à débourser une peseta pour des gens qu’il ne portait pas dans son cœur, mais qu’il ne pouvait pas ouvertement persécuter."

    De nombreux avis élogieux m'ont incitée à lire ce roman dont la trame principale est de suivre la piste d'un tableau dont Stéphane a hérité d'une tante.

    Stéphane est à un moment de sa vie peu glorieux. Il est au chômage, déprimé après plusieurs échecs, sa femme, Irène, fait bouillir seule la marmite, il a des liens assez distants avec ses deux filles. Il les aime, mais ne sait pas le leur montrer.

    Le cadeau de sa tante vient du grand-père de Stéphane, homme sévère et exigeant dont il a toujours entendu dire qu'il tenait ce tableau d'un peintre juif qu'il aurait caché pendant la guerre.

    Après quelques recherches, il se rend compte que ce peintre est relativement connu, mais qu'il n'a plus rien produit après la guerre. Son grand-père, paysan cévenol taiseux était résistant. Il n'en parlait guère. Désoeuvré, Stéphane se met en tête de faire reconnaître ses grands-parents comme Justes, puisqu'ils ont sauvé un couple juif, au péril de leur vie. Le peintre leur a donné le tableau en remerciement.

    De son côté sa femme fait expertiser le tableau, qui vaut une somme non négligeable. Fatiguée de se démener seule pour assurer les fins de mois, elle demande à Stéphane de vendre le tableau, ce qui leur permettrait de repartir sur de nouvelles bases.

    Stéphane refuse obstinément et suit son idée de rendre hommage à ses grands-parents. Envers et contre tout, il se rend en Israël, où il est reçu à Yad Vashem. Làs ! il apprend là-bas que ce tableau est considéré comme volé. Non seulement ses grands-parents ne seront pas honorés, mais ils passent pour des gens malhonnêtes et profiteurs.

    Stéphane s'entête à continuer son enquête, au grand dam de sa femme. Il se sent investi de la mission de réhabiliter la mémoire de ses grands-parents, soupçonnés d'avoir dénoncé le couple juif et d'avoir provoqué leur déportation. Ses recherches le mèneront des Cévennes à l'Espagne, sur la trace de témoins encore vivants ou d'archives consultables.

    Ma lecture n'a pas été aussi enthousiaste que prévu. Si j'ai beaucoup apprécié les recherches liées au tableau, où j'ai appris pas mal de choses, j'ai été franchement agacée par le personnage de Stéphane, au comportement souvent insupportable. Imbu de lui-même, négligeant complètement son entourage, arrogant, puéril aussi parfois dans ses réactions. S'il y a une bêtise à faire on peut être sûre qu'il ne va pas la rater.

    Heureusement, en contrepoint, nous retrouvions régulièrement la voix du peintre et de sa compagne, lancés dans un périple dangereux, nous révélant petit à petit ce qui s'est réellement passé en 1943. J'ai été bluffée par le dénouement de l'histoire, je ne l'avais pas vu venir.

    Par contre, les retrouvailles de Stéphane avec sa famille m'ont paru trop artificielles et faciles.

    Impression mitigée donc. J'avoue avoir été tentée d'abandonner en cours de route, mais je voulais savoir ce qu'il était advenu du peintre et de sa femme.

    L'avis de Alex Kathel Ingannmic Luocine

    Benoît Séverac - Le tableau du peintre juif -336 pages
    10/18 - 2023

  • Une saison pour les ombres

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    "Il n'avait rien à dire, rien d'intéressant pour elle de près ni de loin, mais la seule présence d'un autre être humain, le son d'une voix, le réconfort d'une discussion sans importance sur la musique, les livres - n'importe quoi - lui était nécessaire. Il était perdu. Ça, il le savait. Caroline n'avait pas été la première à le voir. Un homme construit un château pour se protéger, puis se retrouve piégé à l'intérieur. Où qu'il aille, tous les couloirs le ramènent au même endroit. L'esprit de l'homme n'a pas de carte ; les raisonnements sont si confus qu'on ne sait plus d'où ils viennent. Tout avait commencé à Jasperville. Peut-être que tout se terminerait là-bas également".

    Je cherchais une lecture addictive et j'étais à peu près sûre de la trouver avec ce roman de R.J. Ellory. J'ai été embarquée dans une histoire très sombre se déroulant dans une région inhospitalière du nord-est du Canada, à Jasperville.

    Jack Devereaux est enquêteur dans les assurances à Montréal. Il a fui Jasperville a 18 ans, sans se retourner, abandonnant son petit frère, Calvis, et une amoureuse qu'il s'était engagé à revenir chercher.

    Il n'en a rien fait et est pris au dépourvu lorsqu'il reçoit un coup de fil de la police locale, lui apprenant que son frère a agressé sauvagement un homme, le laissant presque mort, sans raison apparente. Le policier lui demande de venir pour l'aider à comprendre ce qui a pu se passer.

    Dès lors Jack est assailli par un maelstrom d'émotions qu'il peine à maîtriser. Cette fois-ci il ne peut pas se dérober et se résout à partir pour Jasperville, ce lieu maudit où il n'a pas remis les pieds depuis vingt-six ans.

    Jasperville est un coin perdu où l'hiver dure 8 mois, les étés sont humides et envahis par les moustiques. L'unique raison d'être de ce village loin de tout est une mine de fer où le père de Jack espère avoir une chance de gagner honorablement la vie de sa famille.

    Sa femme n'a d'autre choix que de s'incliner et de s'acclimater comme elle peut avec leurs trois enfants, Juliette l'aînée, Jack et Curtis, le présumé meurtrier.

    C'est par flash-back successifs que nous remontons le temps avec Jack, en alternance avec le présent. Nous comprenons assez vite que ce qui l'a fait fuir c'est une atmosphère délétère, de plus en plus dramatique qui pèse sur Jasperville. Ce territoire a d'abord été occupé par les Alquonquins et leurs croyances sont encore vivaces, comme par exemple la présence de wendigos, créatures maléfiques et canibales qu'il vaut mieux ne pas rencontrer.

    Le pire a été la mort de plusieurs jeunes filles, dans des conditions atroces. Leurs blessures ont été attribuées à des bêtes sauvages, ours ou loups, sans chercher plus loin.

    La famille de Jack charriait également son bagage de violence, avec le père, impitoyable avec les enfants, perdant de plus en plus l'esprit.

    Confronté à tout ce passé, Jack devra faire face à ses manquements, ses lâchetés, et reconsidérer les évènements sous un autre jour.

    S'il y a enquête autour de la mort des jeunes filles, ce n'est pas ce qui m'a le plus passionnée. C'est plutôt la description de la vie à Jasperville, les relations familiales, amicales et de solidarité qui se nouent obligatoirement dans une communauté isolée.

    Jack n'apparaît pas à son avantage, il reconnaît ses faiblesses, il essaie de réparer ce qu'il a détruit, il a fui un lieu mais il n'a pas cessé de se fuir lui-même également. Le chemin sera long.

    Une histoire dense, pas avare de rebondissements et de revirements, avec des personnages attachants. Un bon roman noir.

    R.J. Ellory - Une saison pour les ombres - 480 pages
    Traduit de l'anglais par Etienne Gomez
    Le livre de poche - 2024