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Littérature norvégienne

  • Cairns

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    "En entendant le chant du coq, Reidar se décida à se lever. Il sortit du chalet comme s'il se passait soudain quelque chose. Il avait la gorge affreusement sèche. Le seuil en pierre était froid sous ses pieds, et il plissa les yeux face à cette matinée fraîche et lumineuse. Mais son rêve le hantait. Les images martelaient son esprit sans relâche. Il en perdait presque l'équilibre. Son rêve sur Kirsten lui serrait la poitrine. Il se retient au chambranle, dont la peinture était écaillée, en essayant de se ressaisir. Il percevait une voix au loin, mais la bouteille sur l'étagère occupait toute ses pensées. Et s'il buvait un peu avant de se remettre en chemin ?".

    C'est une étrange histoire qui nous est contée ici, rude, âpre, remplie d'incertitudes et de divagations où l'imaginaire est de plain-pied avec la réalité la plus tangible.

    Nous sommes dans un hameau norvégien où une jeune femme a disparu il y a plus d'un an, après le meurtre sauvage d'un fermier. Les recherches n'ont rien donné, jusqu'au jour où il se murmure qu'elle a demandé à voir le pasteur. Elle est donc en vie et souhaite sans doute se repentir de son geste.

    Le jeune pasteur du hameau, Sébastian Ribe, décide d'aller à sa rencontre et pour cela sollicite l'aide de Reidar Skåren, un homme taciturne et isolé qui a une connaissance profonde et instinctive de la montagne.

    C'est le périple de ces deux hommes que nous suivons. Aussi dissemblables que possible, ils devront pourtant faire équipe pendant plusieurs jours. Reidar, surnommé "le marginal" est un solitaire qui ne s'est pas remis de la mort de sa mère et encore moins de celle de son père, celui qui lui a appris tout ce qu'il sait de la nature.

    Il s'est réfugié dans l'eau-de-vie et boit jusqu'à plus soif. Le pasteur l'oblige à partir sans cette béquille, ce qui le rend nerveux. Si Reidar connaît la montagne par coeur, il est imprégné aussi des vieux contes peuplés de créatures plus ou moins bienveillantes. 

    La brume qui envahit régulièrement la montagne et fait perdre tout repère n'est pas moins épaisse dans le cerveau de Reidar, en proie à des rêves et des révélations. Il sent la présence de Kirsten.

    L'époque où se déroule cette histoire n'est pas précisée, ce qui n'est pas important. Les embûches de la montagne sont les mêmes, les problèmes liés à la cohabitation des deux hommes aussi ; ils s'appuieront cependant l'un sur l'autre à plusieurs reprises.

    C'est une lecture envoûtante, intense, où la personnalité des deux hommes se dévoile de jour en jour, jusqu'à une scène marquante. Peu de mots en disent beaucoup. La présence des cairns qui remettent dans le droit chemin ont leur importance dans le récit, immuables et mystérieux.

    Bien sûr je ne vous dirai pas comment l'aventure évolue, à vous de le découvrir. C'est un roman noir, d'une étrange beauté.

    "Reidar s'adossa au cairn. Son compagnon lui saisit le bras et plongea son regard dans le sien. Les deux hommes étaient retranchés au milieu du brouillard, qui semblait animé d'une vie propre. Là-haut, il n'y avait pas de Dieu, ils le savaient tous les deux".

    L'auteur : Martin Baldysz est né en 1977 dans le district de Sunnmøre, entre mer et montagne. Profondément attaché à sa région natale, il vit aujourd'hui avec sa famille dans une ferme en pleine nature. Ses romans, imprégnés de mythologie nordique, puisent leurs racines dans l'ouest norvégien.

    Martin Baldysz - Cairns - 128 pages
    Traduit du norvégien par Marina Heide
    Editions Paulsen - 2025

  • Le cimetière de la mer

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    "La Norvège est, certes, un pays où il fait bon vivre, cela ne signifie pas qu'il ne s'y passe pas des choses guère reluisantes. La Norvège officielle n'aime pas les histoires qui écornent son image irréprochable. Ce qui pourrait être le cas si nous racontions réellement ce qu'il se passe sur le terrain lors de nos opérations à l'étranger. Ou quoi que ce soit qui écorne l'image de nos grands héros de la Résistance pendant la guerre, comme ta grand'mère a essayé de le faire. Tu es une archiviste, Sasha. Tu fouilles le passé. Mais es-tu vraiment prête à affronter les conséquences que pourraient avoir les recherches que tu mènes sur ta propre famille."

    Ce foisonnant roman norvégien commence par le suicide de Vera, l'aïeule de la famille Falck, puissante et influente. 

    Que s'est-il passé pour qu'elle en arrive à ce geste extrême ? Sa petite-fille préférée, Sasha, n'aura de cesse de creuser l'histoire de la famille pour comprendre l'origine de ce suicide, au risque de déterrer des secrets dangereux.

    La famille Falck est composée de deux branches qui ne se fréquentent guère. Celle de Thor, remarié avec Véra, dont le fils, Olav a fait fructifier la fortune familiale et celle de Hans, issue du premier mariage de Thor et nettement plus désargentée.

    Olav a créé une Fondation, la SAGA, centre d'archives chargé de diffuser et maintenir la mémoire de la résistance norvégienne pendant la deuxième guerre mondiale, où Thor s'est illustré. Sasha en est la directrice.

    Hans est le gauchiste de la famille, c'est un médecin humanitaire qui a parcouru les points chauds de la planète et est un fin connaisseur des dessous de la politique. Inutile de préciser qu'il n'a pas grand-chose en commun avec Olav.

    Les ennuis sérieux vont commencer avec la disparition du testament de Véra et la révélation de son passé de romancière. Un manuscrit a également disparu, intitulé "le cimetière de la mer", texte explosif qui aurait pu attenter à la réputation de la Norvège s'il avait été édité, rien que cela !

    Ce qui caractérise cette saga familiale c'est l'abondance d'intrigues et de rebondissements au fil de l'enquête de Sasha. Nombre de ses certitudes s'effondreront et bouleverseront profondément sa vie.

    La recherche de la vérité opposera Sasha à son père Olav, qui l'exhorte à laisser le passé à sa place. Pour avancer, Sasha choisira de s'allier à la branche rivale, celle de Hans et à un curieux personnage, Johnny Berg ex-agent secret des services norvégiens avec qui il a des comptes à régler.

    L'auteur a un don indéniable pour lier des intrigues complexes et nouer des fils à première vue improbables. Je me suis quelquefois égarée dans les explications, sans que ce soit très gênant. J'ai beaucoup appris sur l'histoire de la Norvège pendant la seconde guerre mondiale et les compromissions de certains avec l'Allemagne nazie.

    Par contre, j'ai été dérangée par les extraits du manuscrit de Véra, qui nous est présenté comme un roman exceptionnel et que j'ai trouvé banal et plat, sans style. J'avais hâte de revenir à la partie contemporaine.

    En conclusion, un roman touffu qui tient en haleine, mais assez loin du coup de coeur. Je suis moins convaincue que Delphine-Olympe. Il semblerait qu'il y ait une suite de prévue.

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    Aslak Nore - Le cimetière de la mer - 512 pages
    Traduit du norvégien par Loup-Maëlle Besançon
    Le Bruit du Monde - 2023