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polar - Page 2

  • Quand un fils nous est donné

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    "Ils prirent sur la gauche et descendirent vers les Gesuati, le soleil dans le dos. Ils furent surpris par le nombre de gelateri qui avaient ouvert au cours de l'année précédente. Brunetti se demanda si les glaces et les pizzas étaient devenues les deux produits gastronomiques les plus répandus en Italie. Dans le monde entier, peut-être ? Un énorme yacht bleu marine, amarré devant une pizzeria, bloquait irrémédiablement la vue sur la rive opposée à la plupart des habitants des immeubles situés sur cette portion de quai."

    Une enquête menée par le Commissaire Brunetti c'est l'assurance d'un bon moment de lecture, à travers les ruelles de Venise, la météo changeante, les frasques bien cachées de la bonne société etc .. etc .. on en oublierait presque qu'il y a forcément un ou plusieurs meurtres.

    Cette fois-ci l'enquête est d'autant plus délicate que la victime est un grand ami du beau-père de Brunetti et de Brunetti lui-même. Gonzalo Rodriguez de Tejeda est sur le point d'adopter son jeune amant afin de le faire bénéficier de sa grande fortune le moment venu.

    Brunetti navigue entre la volonté de son beau-père d'éviter ce qu'il estime indigne de son ami, et le désir de ne pas s'en mêler de trop près. De nombreux pièges le guettent.

    L'enquête est gentiment menée à son terme, mais ce que j'aime surtout c'est la description d'un habitant de Venise, l'envers du décor du tourisme effréné. J'aime retrouver Paola, sa femme, et ses petits plats, ses enfants devenus presque adultes, les tensions à table à cause de sa fille devenue farouchement végétarienne et défenseuse du monde animal ..

    Brunetti, issu d'un milieu populaire et Paola, fille d'une des plus grandes familles de Venise, riche et influente, c'est forcément le choc des cultures, vécu plutôt harmonieusement ici.

    Je classerais cette enquête dans les bons crus et je continuerai à piocher dans la série au gré de mes envies. Pour une fois, je ne respecte pas l'ordre chronologique.

    Donna Leon - Quand un fils nous est donné - 336 pages
    Traduit de l'anglais par Gabriella Zimmermann
    Points - 2021

  • L'attaque du Calcutta-Darjeeling

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    "J'ai du mal à imaginer en quoi Buchan pourrait aggraver les choses. "En l'espace de quelques jours, sergent, j'ai été agressé, on m'a tiré dessus et j'ai failli être empoisonné par ma logeuse. Si M. Buchan pense pouvoir mieux faire, je lui souhaite bonne chance".

    Merci aux blogueuses qui ont chaudement recommandé cette série policière. J'ai passé un excellent moment en compagnie du capitaine Wyndham, dans la chaleur moite d'une Calcutta modelée pour l'occupant anglais.

    Nous sommes en 1919, le capitaine vient d'arriver en Inde avec un passé qui l'étouffe. Il a perdu sa jeune femme, Sarah, victime de la grippe espagnole et il est traumatisé par les combats dans les tranchées du conflit de 14-18. Il a travaillé à Scotland Yard, c'est à ce titre qu'un poste lui est proposé en Inde.

    Dès son arrivée, il est confronté au meurtre d'un haut-fonctionnaire, abattu à deux pas d'un bordel, un message enfoncé dans la gorge, ce qui fait désordre, avouons-le. A l'aide d'un sergent bengali, Banerjee, il devra démêler une affaire aux multiples ramifications, à relier à l'attaque simultanée du train Calcutta-Djarjeeling.

    Je n'entrerai pas dans les détails, je dirai seulement que l'intrigue est habile, bien menée, avec des changements de direction fréquents et palpitants.

    L'action est située à l'époque où la population bengali commence à se révolter. Elle aspire à l'indépendance, que ce soit par des actions violentes ou la non-violence de  Gandhi. Les Anglais s'imaginent installés là pour l'éternité, au nom de leur supériorité morale, face à un peuple incapable de se diriger.

    Le sergent Banerjee justifie de travailler pour les Anglais en prévision du jour où ils partiront et où son pays aura besoin d'hommes qualifiés pour prendre le relais. Le capitaine Wyndham est vite mis au parfum de l'attitude à adopter vis-à-vis des indigènes, ce qu'il ne suivra pas à la lettre. Il se reproche souvent une séverité imméritée envers Banerjee, d'autant qu'il lui reconnaît des qualités précieuses.

    Ce fond historique et politique apporte un vrai plus à l'enquête et à l'évolution des personnages. Ils ne sont pas d'une seule pièce, à l'image du capitaine Wyndham qui cache un secret. Il est opiomane, ce qui lui complique quelque peu la vie.

    Il ne faut pas se fier au titre, en réalité le train Calcutta-Darjeeling est secondaire dans l'histoire. Il s'agit davantage des petits et grands arrangements dans les hautes sphères aux moeurs discutables et de l'irruption d'un début de révolte des Bengalis. Un humour délicieusement anglais court tout au long du roman.

    N'oublions pas la ville de Calcutta, grouillante, écrasée de chaleur, aux contrastes saisissants entre ses différents quartiers, bâtis pour que chacun reste bien à sa place.

    "Rien, sauf peut-être la guerre, ne vous prépare pour Calcutta. Ni les horreurs décrites dans les pièces enfumées de Pall Mall par les hommes rentrés de l'Inde ni les écrits des journalistes et des romanciers, ni même un voyage de cinq mille miles avec escales à Alexandrie et Aden. Calcutta, quand elle apparaît, se situe dans une catégorie plus étrangère que tout ce que l'imagination d'un Anglais peut concevoir. Le baron Robert Clive l'a appelé l'endroit le plus cruel de l'Univers et c'était un des commentaires les plus positifs."

    Un roman policier distrayant et instructif. A suivre ..

    L'auteur : Abir Mukherjee, né dans une famille d’immigrés indiens, a grandi dans l’ouest de l’Écosse. Il a choisi de situer sa série policière durant les années 1920, moment où l’emprise britannique sur l’Inde commence à être mise en discussion.

    L'avis de A girl from earth (lu en anglais) Kathel Alex Anne Dasola Keisha Luocine

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    Abir Mukherjee - L'attaque du Calcutta-Darjeeling - 464 pages
    Traduit de l'anglais par Franchita Gonzalez Batlle
    Folio Policier - 2020

  • Territoires

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    "Vous ne savez pas comment gérer ces milliers de gamins sans diplômes ni emplois, mais moi je m’en occupe. Je leur donne un travail et ils font vivre leurs familles. Résultat, le trafic tempère vos quartiers défavorisés et hypocritement, vous nous avez laissés faire, comme si vous ne connaissiez pas les raisons de ce calme."

    Après Code 93, je n'ai pas tardé à retrouver Victor Coste et son équipe, toujours à Malceny. L'entrée en matière est rude avec trois exécutions particulièrement brutales, laissant supposer qu'il y a un changement de tête dans le contrôle du trafic de drogue.

    Au cours de l'enquête, nous croiserons un jeune ado de 13 ans qui n'a peur de rien et n'a pas de limites dans la violence ; deux vieillards mêlés malgré eux au trafic, une Maire qui navigue à vue pour préserver la paix sociale et surtout sa réélection.

    Le quotidien décrit dans ce deuxième roman est impressionnant par la dégradation, oserai-je dire de la qualité de vie dans certains lieux ; dire qu'ils sont abandonnés par les pouvoirs publics est peu dire. Comme l'auteur était policier dans le 93, j'imagine que ce qu'il décrit est très près de la réalité, même s'il a exagéré certains aspects.

    La compromission de la Maire, son peu de scrupules pour obtenir le calme, ses manoeuvres pour avoir le vote d'une communauté, font froid dans le dos. Des vies humaines en dépendent.

    L'auteur sait maintenir un suspense et ménager les rebondissements. L'équipe de Coste est rodée et le suit, même lorsqu'elle ne comprend pas forcément sa logique.

    Roman dévoré, malgré la dureté de ce qu'il raconte. L'humanité et les failles du Capitaine Coste tempèrent l'horreur ambiante.

    Un auteur à suivre. J'ai maintenant "Entre deux mondes" sous le coude.

    L'avis de Alex Dasola Luocine

    Olivier Norek - Territoires - 384 pages
    Pocket - 2015

  • Code 93

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    "Quatre voies grises et sans fin s’enfonçant comme une lance dans le cœur de la banlieue. Au fur et à mesure, voir les maisons devenir immeubles et les immeubles devenir tours. Détourner les yeux devant les camps de Roms. Caravanes à perte de vue, collées les unes aux autres à proximité des lignes du RER. Linge mis à sécher sur les grillages qui contiennent cette partie de la population qu’on ne sait aimer ni détester. Fermer sa vitre en passant devant la déchetterie inter-municipale et ses effluves, à seulement quelques encablures des premières habitations. C’est de cette manière que l’on respecte le 93 et ses citoyens : au point de leur foutre sous le nez des montagnes de poubelles. Une idée que l’on devrait proposer à la capitale, en intramuros. Juste pour voir la réaction des Parisiens. À moins que les pauvres et les immigrés n’aient un sens de l’odorat moins développé"

    Je voulais découvrir cet auteur de polars depuis longtemps, voilà qui est fait. Nous sommes dans le 93, département particulièrement pauvre en région parisienne. Appelée sur les lieux d'un crime, l'équipe de Victor Coste de la PJ découvre un homme émasculé. Déclaré mort, il se réveille au milieu de l'autopsie.

    Comme si cela ne suffisait pas, un deuxième cadavre couvert de brûlures est trouvé à son tour dans un appartement vide. C'est celui d'un jeune toxico. Coste est un flic aguerri, ces deux affaires sentent les ennuis à plein nez, juste au moment où il perd son meilleur adjoint, muté à Annecy.

    Je ne dirai pas grand chose de l'enquête, au risque de trop en dévoiler. Elle part du corps d'une jeune femme non identifiée, toxico très abîmée et de la mystérieuse disparition de dossiers.

    L'affaire se complique au fur et à mesure, sans que l'on perde le fil. L'auteur étant lui même un policier, on imagine que ce qu'il décrit est très près de la réalité. Le style est cru, les touches d'humour aussi.

    Malgré sa longue expérience, Victor se retrouve dans un certain brouillard, pris dans une embrouille qui touche sa hiérarchie, mais pas que .. Une partie de l'action touche au trafic de drogue, à la prostitution, mais aussi aux manoeuvres politiciennes autour du projet du Grand Paris.

    Coste est un flic assez attachant, il n'a pas perdu une certaine humanité. Il ne se remet pas du suicide de sa compagne, mais n'est pas indifférent au charme de la médecin légiste.

    Il frôle la catastrophe plusieurs fois dans cette enquête, qui se refermera d'une drôle de manière.

    J'ai suffisamment aimé pour me procurer dès maintenant le deuxième roman de la série. Je ne vais pas tarder à retrouver Coste et son équipe assez haute en couleurs.

    L'avis de Sandrion Alex Miriam

    Olivier Norek - Code 93 - 258 pages
    Pocket - 2014

  • Un simple enquêteur

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    "Avraham, qui n'était donc plus chargé de l'affaire, ravala ses doutes. De toute façon, mieux valait attendre, vu qu'il n'avait aucune preuve. Il était le seul dans cette pièce à avoir observé de près le visage gris de la victime. Le seul à avoir identifié la terreur qui était restée gravée sur ses traits, tandis que tous les autres, persuadés qu'ils avaient décrypté cet homme et ce qui lui était arrivé, n'aspiraient qu'à se débarrasser du cadavre pour l'enterrer en même temps que le dossier et passer au suivant".

    Je voulais faire la connaissance du commissaire Avraham Avraham depuis un moment ; c'est chose faite avec cette quatrième enquête et je précise que je n'ai pas été gênée de ne pas avoir lu les précédentes.

    Avraham a 44 ans, il travaille dans la banlieue de Tel-Aviv et vient de se marier avec Marianka. Il est las des enquêtes banales qui lui sont confiées et rêve d'un poste plus ambitieux, au niveau international peut-être. La suite lui démontrera qu'il se fait sans doute quelques illusions. Ajoutons que c'est un grand lecteur de romans policiers et qu'il aime Henning Mankell et Simenon, entre autres.

    Dans ce roman, deux affaires lui sont confiées et les chapitres alternent entre l'une et l'autre.

    Un bébé prématuré est abandonné aux portes de l'hôpital. La femme qui l'a laissé là est assez rapidement identifiée et affirme être la mère, ce qui est faux. Elle s'entête malgré tout à maintenir sa déclaration avec une insolence et un aplomb stupéfiants.

    Par ailleurs, la disparition d'un touriste suisse est signalée par un hôtelier. Il sera retrouvé mort noyé sur une plage. Mais il était aussi en possession d'un passeport israëlien et utilisait deux identités différentes. L'explication avancée par sa hiérarchie, un trafic de drogue qui a mal tourné, ne convainc pas Avraham, d'autant plus que la fille de la victime affirme que son père était un agent du Mossad.

    Avraham laisse l'enquête du bébé à son adjointe et va s'obstiner à chercher la vérité pour le touriste suisse (en réalité un Français) malgré l'ordre formel de clore le dossier.

    Les deux enquêtes ne cesseront de se croiser, emmenant Avraham jusqu'à Paris.

    La plus intrigante est celle qui implique le Mossad. Avraham avance à tâtons, des bâtons lui sont mis dans les roues, il saisit qu'il est manipulé, il rencontre des gens qui n'ont pas d'existence officielle, il doute constamment des pistes qu'il trouve, il reçoit des mises en garde.

    L'affaire du bébé n'en est pas moins intéressante elle aussi. Le comportement de Liora, se prétendant la mère, est particulièrement tordu ; elle déstabilise l'enquêtrice l'agressant sans arrêt, y compris sur son aspect physique.

    Je n'en dirai pas plus sur les affaires où l'on découvre de multiples implications et chausses-trappes. De plus, Avraham s'occupe officiellement de l'abandon du bébé, alors qu'en réalité il suit surtout les traces du touriste noyé.

    Le commissaire Avraham est attachant. On sent que sa vie a changé depuis son mariage, la présence de Marianka lui est précieuse, ses avis aussi.

    Le rythme est plutôt lent, l'ambiance est privilégiée à l'action, ce qui n'est pas pour me déplaire. Les personnages sont assez fouillés et le suspense est maintenu jusqu'au bout.

    Pour résumer, j'ai aimé cette première lecture de l'auteur, tout était réuni pour qu'elle me plaise.

    Je remercie Masse Critique et les Editions Gallimard

    Dror Mishani - Un simple enquêteur - 352 pages
    Traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz
    Gallimard - 2023

  • Identités croisées

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    "C’est le principe même de ces émissions. Tu n’as jamais regardé ? On prend des jeunes gens malléables qui rêvent de gloire et on les manipule comme on veut. C’est open bar. On les fait boire. On crée des situations toxiques. Chaque participant, alors qu’il manque déjà de confiance en lui, passe par une essoreuse émotionnelle, et aucun n’est équipé pour ça."
     
    Retrouvailles avec Wilde, découvert dans "L'inconnu de la forêt". Le personnage est toujours sympathique, malgré son côté sauvage et sa manie de disparaître du jour au lendemain sans donner de nouvelles.
     
    Dans le premier épisode, il hésitait à poursuivre une recherche ADN sur un site spécialisé. Cette fois-ci il se lance pour essayer de savoir qui a bien pu l'abandonner dans la forêt lorsqu'il avait 5-6 ans. J'ignorais tout de ce genre de recherche et c'est assez intrigant à suivre.
     
    L'enquête se complexifie assez rapidement, avec une multitude de personnages et plusieurs intrigues menées de front. Une piste l'emmène dans le monde de la téléréalité, écoeurant au possible et au coeur de multiples combines sordides.
     
    Il tombe également sur un mystérieux groupe de justiciers du web, déterminés à punir tous ceux qui ont détruit la réputation, voire la vie de quelqu'un sur la toile. Ça fait beaucoup de pistes, mais avec un peu d'attention, on s'y retrouve.
     
    Bien entendu les morts s'accumulent, il est question d'un tueur en série. On se demande comment les liens vont se faire avec toutes ces intrigues. J'avoue qu'à la fin je n'avais pas vu le coupable venir.
     
    Côté sentimental, Wilde entretient toujours une liaison avec Laïla, la veuve de David, qui était son meilleur ami. La situation évolue enfin, un peu grâce à Matthew, le fils de Laïla, laissant supposer une stabilisation dans la vie de Wilde. 
     
    Le plus captivant est sa recherche de parenté ; une partie du voile se lève sur ses ascendants, mais pas tout. Ce qui promet un troisième opus, que je lirai parce que je suis suffisamment curieuse.
     
    J'oubliais Hester, avocate, (et grand-mère de Matthew) toujours là dès que Wilde s'est fourré dans le pétrin. Partagée entre son nouvel amoureux et sa déontologie, elle nous vaut quelques pages combatives et réjouissantes.
     
    J'ai préféré nettement ce deuxième opus au premier de la série. Le rythme est plus nerveux. L'intérêt principal c'est Wilde et là, tout est centré sur lui, son passé dont il a tout oublié, et l'intérêt ou pas, de rechercher une parentèle. Ce n'est pas un super héros, mais un homme qui cherche à vivre au mieux avec son histoire et son entourage.
     
    C'est un roman qui se lit facilement, avec un suspense constant et des personnages attachants. Vous pouvez le lire indépendamment du premier.
     
    L'avis de Brize
     
    Harlan Coben - Identités croisées - 400 pages
    Traduit de l'américain par Roxane Azimi
    Editions Belfond - 2022
  • La femme du deuxième étage

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    "Depuis qu’elle est en prison, elle pense rarement à sa propre vie. Elle refuse de réfléchir à l’après. Elle refuse de faire des plans, elle a eu sa dose de plans pour toute une vie, elle a payé assez cher ceux qu’elle a échafaudés jusqu’à présent. Mais Bruna sait qu’un jour elle va sortir d’ici. Et quand elle pense à cette évidence, c’est toujours dans cet appartement qu’elle se voit."

    Dès le départ nous savons que le personnage central du roman, Bruna, est en prison pour meurtre aggravé. Elle a empoisonné sa belle-mère, Anka. Pas de suspense donc, mais un retour en arrière pour tenter de comprendre son geste.

    L'alternance entre sa vie quotidienne en prison et la réminiscence de ce qui a motivé peu à peu son geste permet de saisir progressivement les ressorts du meurtre.

    Bruna vit dans un petit appartement avec sa mère Divna, elle travaille et sort avec ses copines. C'est dans une soirée qu'elle rencontre Frane, un jeune marin beau et séduisant. Ils s'aiment et décident assez rapidement de s'installer ensemble. Elle fait la connaissance de la famille de Frane, sa mère Anka et sa soeur, mariée et un enfant. La maison d'Anka a deux étages, le premier est libre. Pourquoi le jeune couple n'en profiterait-il pas ?

    Bruna ne dit non à rien et ne tarde pas à emménager, avec l'assentiment de sa mère, à vrai dire assez indifférente, toute occupée qu'elle est par ses propres amours.

    Bruna va vite comprendre qu'elle ne sera pas chez elle dans cette maison. Anka a la main sur tout et convainc rapidement son fils de prendre les repas tous ensemble, à son étage. Bruna n'en fait jamais assez et ce n'est jamais bien. La situation se détériore lorsque Frane part en mission sur un bateau pour plusieurs mois, laissant Bruna en tête à tête avec sa belle-mère.

    Les retrouvailles avec Frane apaisent un peu la situation, mais il repartira et une dégradation majeure interviendra lorsque Anka sera victime d'une attaque la laissant handicapée. La soeur de Frane ne peut pas quitter sa ville et son travail, Frane repart et Bruna portera seule le fardeau, sans rien dire.

    Bruna assume les soins nécessaires, ne se plaint pas, mais après quelques mois, la vue d'une boîte de poison va lui permettre d'entrevoir une issue à sa vie qui est devenue insupportable, bien loin de ce qu'elle avait imaginé, elle et Frane, dans un nid douillet et confortable, un enfant peut-être ..

    L'intérêt du roman est de suivre Bruna avant, pendant et après le crime, d'être au plus près de ses réflexions et de son évolution. En prison Bruna s'habitue à la routine. Elle fait la cuisine pour les détenues et se tient à l'écart. Lorsqu'elle sort, onze ans plus tard, elle retourne à Split et a du mal à reconnaître la ville qu'elle a quittée. Tout a changé avec l'arrivée massive des touristes.

    Finalement, c'est sur une île qu'elle ira s'installer, éloignée de la société et des lieux où elle a vécu.

    C'est un roman qui dégage une certaine tristesse et Bruna garde un côté énigmatique. On se demande pourquoi elle est restée si soumise à certains moments. Ce n'est pas une personnalité facile et elle ne m'a pas vraiment inspiré d'empathie, pas plus que son entourage.

    La cuisine a une grande importance dans l'histoire. Bruna aime cuisiner pour les autres, c'est une passion qui la soutient et c'est aussi celle par laquelle l'irréparable est arrivé.

    Les noeuds intimes et familiaux sont bien décrits, tout comme les changements sociaux en Croatie, néanmoins, c'est un texte moins abouti que "l'eau rouge" paru l'an dernier. 

    "Bruna fait la tambouille de la prison. Elle cuisine des petits pois, des pommes de terre, du chou vert et des lentilles, des saucisses, des pains de viande, des bâtonnets de poisson et du poulet. Elle mitonne à la cocotte, cuit à la vapeur ou à l'eau, panne, frit, braise. Elle se débat avec de mauvais ingrédients, des légumes pourris de va savoir quel fournisseur, de la viande congelée qui aura bien rapporté un dessous de table à quelqu'un".

    L'avis d'Alex

    Jurica Pavičić - La femme du deuxième étage - 240 pages
    Traduit du croate par Olivier Lannuzel
    Agullo - 2022

  • Les masques éphémères

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    "Les moulins à prières tournent avec une extrême lenteur, mais ceux de la bureaucratie italienne sont capables d'atteindre une vitesse vertigineuse, selon la main qui les actionne. Dans le cas d'un avocat spécialisé dans le droit maritime, frère d'une marchese, lui-même proche d'un ou deux amiraux - dont l'un d'eux avait fait monter en grade le capitaine Alaimo -, demander une faveur à ce capitaine revenait à donner un ordre. C'est ainsi que l'on transmit l'appel du commissaire Guido Brunetti au capitaine, qui proposa de le recevoir l'après-midi même, si ce rendez-vous lui convenait. Ou le lendemain matin ? Aucun problème ! 11 heures ? Parfait."

    Trentième enquête du commissaire Brunetti, la cinquième pour moi, dans le désordre, ce qui n'a pas d'importance.

    Deux étudiantes Américaines ont été déposées en bateau devant l'hôpital par deux jeunes hommes qui ont pris la fuite. L'une d'elles est grièvement blessée. Brunetti est persuadé que les jeunes gens avaient quelque chose chose à cacher pour se sauver ainsi.

    Il va patiemment remonter la chaîne des évènements de cette nuit-là, arrêtant les suspects et mettant à jour progressivement un trafic nocturne des plus horribles, au bénéfice de certains bateliers.

    Brunetti fait équipe avec Claudia Griffoni, ce qui nous vaut un jeu de comparaisons vieilles comme le monde entre Venise et Naples. Paola, la femme du commissaire fait toujours aussi bien la cuisine, ses enfants sont maintenant de grands ados. Les deux suspects ont à peu près l'âge de son fils, Rafi, ce qui pousse Brunetti à se questionner aussi en tant que parent.

    Il doit faire appel à la Guardia Costiera pour l'aider, donnant lieu à des scènes angoissantes dans les canaux sombres de Venise la nuit.

    Si la Sérénissime a toujours autant d'importance dans l'histoire, cette fois-ci l'enquête est prenante, avec une tension qui monte inexorablement vers une fin qui a l'air de surprendre Brunetti lui-même. J'ai l'impression que nous en entendrons parler dans les prochains volumes.

    C'était un plaisir de retrouver le commissaire, son écoute bienveillante, sa pugnacité, son agacement devant le délitement de la société en général et de Venise en particulier. Malgré le côté noir des enquêtes, l'univers de Brunetti a quelque chose d'apaisant qui gagne la lectrice.

    L'avis d'Eimelle

    Merci à Masse Critique et à Babelio

    Donna Leon - Les masques éphémères - 342 pages
    Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Gabriella Zimmermann
    Calmann-Levy - 2022

  • Une famille presque normale

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    "Avant tout, j’étais en colère. Cela semble étrange, en tout cas maintenant, après-coup, mais je devais me trouver dans une phase de choc aiguë. J’avais mis l’angoisse et le chagrin en attente pour me concentrer sur ma survie, sur la survie de ma famille. J’allais nous sortir de là."

    Pour ma première participation au challenge "pavé de l'été" de Brize, j'ai choisi une lecture que j'associais aux vacances et aux pages tournées facilement, espérant un suspense qui me tiendrait en haleine un bon moment.

    Au final, je n'ai pas grand chose à en dire, si ce n'est que je me suis copieusement ennuyée. Je n'ai adhéré ni à l'histoire, ni aux personnages.

    Venons-en à l'histoire. Une jeune fille de 19 ans, Stella, est accusée d'avoir tué un trentenaire, brillant homme d'affaires (louches les affaires). Incarcérée, ses parents n'ont pas le droit de la voir, ni de lui parler. Apparemment la loi suédoise le permet.

    Trois narrateurs se succèdent : le père, Stella, la mère. Le déroulement du drame est donc repris trois fois, révélant des aspects différents et de nouveaux faits.

    Le père est plutôt possessif, il a une vision très lisse de sa fille, alors qu'il y a eu de multiples incidents dans l'enfance et l'adolescence de Stella. Pointilleux, se référant constamment à sa foi et à sa religion, il n'hésite cependant pas à mentir pour innocenter son enfant, alors même qu'il a de forts soupçons.

    Lorsque Stella prend le relais et sans trop de surprises, on se rend compte que le père se fourvoie complètement sur ce qu'est sa fille, sur ses fréquentations et ses faits et gestes. Stella apparaît comme une jeune assez déboussolée, prête à toutes les sottises, en compagnie de son amie de toujours, Amina. Elle avait une relation sexuelle avec la victime, tout en se défendant d'y mettre le moindre sentiment.

    La troisième narratrice, la mère, apporte de nouveaux éléments. Elle n'est pas plus claire que son mari. Brillante avocate, elle piétine elle-même la justice sans scrupule, pour cacher ce qu'elle sait et ce qu'elle a fait dans le passé et au présent.

    Le plus gênant est que je n'ai trouvé aucun protagoniste sympathique, les répétitions sont nombreuses, le style plat. En bref, le pavé a fait plouf. Je signale quand même que j'avais lu de nombreux avis positifs, je ne veux décourager personne.

    C'est une lecture commune avec Sandrion, j'ai hâte de voir ce qu'elle en a pensé.

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    Mattias Edvardsson - Une famille presque normale - 624 pages
    Traduit du suédois par Rémy Cassaigne
    Pocket - 2020

  • La guinguette à deux sous

    polar

    "Il se passait chez James un phénomène curieux, qui intéressa Maigret. A mesure qu'il buvait, son regard, au lieu de devenir plus trouble, comme c'est le cas de la plupart des gens, s'aiguisait, au contraire, arrivait à être tout pointu, d'une pénétration, d'une finesse inattendues."

    J'ai profité du mois belge d'Anne et Mina pour renouer avec le commissaire Maigret. Je les lisais en série dans ma jeunesse et j'avais envie de voir ce que j'en penserais aujourd'hui.

    Il fait chaud à Paris, Maigret doit rejoindre sa femme en vacances en Alsace. Il doit d'abord voir Lenoir, un condamné à mort qui va être exécuté. Celui-ci a accepté son sort, il a joué, il a perdu. Il confie au commissaire, que d'autres le mériteraient autant que lui et que pourtant ils s'en sortent bien. Il évoque un homme qu'il a vu jeter un cadavre à la Seine il y a 6 ans. Son ami Victor et lui ont fait chanter l'assassin pendant quelques années, puis il a disparu.

    Et voilà qu'il a revu l'homme il y a peu, à la guinguette à deux sous, sans préciser davantage où elle se trouve.

    Maigret cherche à la localiser, sans succès. C'est le hasard qui le mettra sur la route d'une joyeuse bande qui s'y retrouve régulièrement. Il se laisse embarquer dans une (fausse) noce le temps d'un week-end, au cours duquel un homme sera tué.

    Je n'ai pas trouvé l'intrigue très palpitante, plutôt embrouillée et lente ; le charme est ailleurs, dans la lourdeur, pour ne pas dire la torpeur où baigne Maigret. Le meurtre de l'homme l'oblige à révéler son identité de policier, qu'il avait volontairement laissée dans le flou.

    Il est question ici de couples adultères, de chantage, d'usurier, de règlements de compte et d'un curieux personnage de la bande, James, qui entraîne Maigret dans une taverne le soir. Il boit souvent plus que de raison, il sait qu'il a tort d'écouter cet individu soir après soir, mais il a du mal à réagir. James lui parle longuement de la guinguette à deux sous et des week-end où toute la bande se retrouvait.

    J'ai aimé la description d'un Paris disparu, à l'ambiance moins survoltée qu'aujourd'hui, sans téléphones portables, où tout prenait du temps (le livre a été écrit en 1931) Je ne me lancerai pas dans une relecture complète de Simenon, mais un Maigret de temps en temps ne serait pas pour me déplaire.

    Lecture commune avec Anne Ingannmic

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    Georges Simenon - La guinguette à deux sous - 192 pages
    Le Livre de Poche - 2005