"Il y avait beaucoup d'hommes, dont il était impossible de savoir ce qu'ils pensaient. Il y avait Fabien qui s'avançait vers Max, à pas résolus, et puis Max au plus près de la mine, qui essayait de rester calme et digne, mais qui en fouillant le sol, se rendait compte qu'il s'agissait d'un explosif d'un genre qu'il ne connaissait pas : une surface lisse qui n'en finissait pas, sur laquelle il était impossible de trouver l'allumeur. C'était quoi ce bordel ? Max regarda furtivement où se trouvaient les gardiens, comme pour être sûr qu'il n'y avait pas un moyen de s'échapper, comme s'il était prisonnier, lui aussi, à l'instar des Allemands".
Je suis normande, née dans les années d'après-guerre, le débarquement du 6 Juin 1944 j'en ai abondamment entendu parler, avec son cortège de dégâts et de traumatismes.
Avec ce roman, je me rends compte que je connais nettement moins le débarquement de Provence qui a pourtant fait lui aussi de nombreuses destructions et laissé un sol dangereux.
Nous sommes juste à la charnière de la fin de la guerre et du départ des Allemands. Outre les destructions massives comme à Marseille, ils ont laissé une côté entièrement minée, infréquentable alors que la population tout à sa joie d'être libérée voudrait foncer vers la mer.
Dans ce contexte, des équipes volontaires de démineurs se sont constituées, sous l'égide de Raymond Aubrac. Ils sont obligés de travailler à l'aveugle, connaissant mal les différents types de mines et n'ayant pas les plans allemands qui pourraient limiter les risques.
Les candidats au déminage ne sont pas légion, c'est pourquoi des prisonniers allemands sont réquisitionnés, en dépit de l'interdiction de la convention de Genève d'utiliser les prisonniers à des travaux dangereux. Après tout, ce n'est que justice après tout ce qu'ils nous ont fait eux-mêmes pense une majorité.
A la tête de la petite équipe de démineurs, Fabien très engagé dans la résistance depuis le début de la guerre, estime que c'est simplement continuer le combat sous une autre forme. Il est inconsolable de la perte de sa femme, Odette.
Vincent, lui, vient d'intégrer l'équipe sous un faux-nom. Nous comprendrons progressivement pourquoi. Il est à la recherche d'une femme aimée, disparue sans laisser de traces. Il espère la retrouver en questionnant les prisonniers allemands. Il va jusqu'à se lier d'amitié avec l'un d'entre eux, Lukas et lui proposer de l'aider à s'évader en échange de renseignements.
Vincent va faire par ailleurs la connaissance de Saskia, jeune fille qui revient de déportation et s'aperçoit que sa maison a été accaparée indûment par une famille. A la douleur d'avoir perdu sa famille s'ajoute la colère de la spoliation et l'impossibilité de le prouver.
J'ai été très intéressée par la description de cette période particulière ou tout est flou, une guerre se termine mais ce n'est pas encore tout-à-fait la paix. Des gens se sont perdus, ont été trahis, la joie que ce soit fini est là, mais plombée de tant de souffrances qui dureront longtemps. On ne sait pas encore très bien qui est ami, qui est ennemi.
Certains poursuivent une vengeance, d'autres veulent seulement avancer vers une société meilleure. Dans l'équipe de Fabien, le mélange quotidien entre Français et prisonniers allemands finit par créer des liens et du respect. Il y a des moments de tension et d'autres d'entraide, impossible de faire autrement devant une mission aussi dangereuse.
L'autrice a sûrement fait un travail de documentation solide sur cette période, dans la région de Hyères notamment, mais j'ai trouvé l'histoire affaiblie par le côté romanesque, trop surchargé à mon goût, avec des retournements de situation pas toujours très crédibles. Je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages.
C'est toutefois une lecture à retenir pour le sujet si peu traité dans la littérature me semble-t'il. Et la plupart des lecteurs n'ont pas mes réserves.
L'avis de Kathel qui a beaucoup aimé.
Claire Deya - Un monde à refaire - 413 pages
L'Observatoire - 2014
Commentaires
J'avais lu un article sur ce livre et je l'avais noté,en effet on parle peu de ce sujet et pourtant des hommes risquaient leur vie à chaque moment.
Ils ont pris autant de risques qu'en Normandie, la population a autant souffert, mais il me semble qu'il y a moins de récits autour, ou alors je connais mal.
J'avais quelques réserves aussi, notamment sur les descriptions de lieux très imparfaites... Un autre bémol me revient en te lisant : la façon dont l'autrice présente les habitants pressés de retourner sur les plages... il me semble qu'on devait avoir d'autres soucis à cette époque.
Je m'attendais à plus de sérieux dans ce roman ; les comportements des personnages c'est un peu n'importe quoi par moment, même en tenant compte de l'époque et de tous les repères qui avaient sauté. Ma lecture a pâti aussi d'un recueil de nouvelles que je découvrais simultanément. Que des histoires pendant la guerre d'Espagne, absolument remarquables et plus solides sur les conséquences humaines et dans les vies amoureuses, familiales etc .. des personnages (billet à venir).
C'est l'aspect documentaire qui m'intéresse le plus.
C'est l'aspect que je retiendrai et celui pour lequel j'ai choisi ce roman.
En effet je le confirme habitant le sud-est, ce sujet est très peu traité en littérature...je verrai si je le trouve. Ta chronique est la première que je lis sur ce roman et l'aspect documentaire m'intéresse.
C'est pour cet aspect-là que je l'ai emprunté à la bibliothèque et j'ai appris pas mal de choses.
Une période méconnue et certainement passionnante. La photo de couverture, je l'ai déjà vue quelque part...
Ce sont des périodes d'entre deux dont on ne parle pas le plus ; elles ont pourtant tout leur intérêt. Et je n'avais rien lu jusqu'à présent qui se passe en Provence à ce moment précis là.
Baiser californien signé Elliott Erwitt, de 1956.
Merci de la référence ! je ne connaissais pas cette photo.
Un sujet intéressant, méconnu, j'en prends note. Cette période charnière a connu tant de drames encore, je ne peux m'empêcher de penser à ce mois de septembre 44 si douloureux dans la famille de maman. Merci, Aifelle.
Il y a encore beaucoup d'histoires particulières à raconter sur ces temps très troublés, ou personne n'était sûr de la manière dont allait se passer cette transition.
J'ai aussi souvent du mal avec les histoires sentimentales censées accrocher le lecteur...
(j'ai un oncle décédé lors du débarquement dans l sud en 44...)
Les pertes ont été importantes aussi par là-bas. Ce qui m'ennuie ici c'est que le côté romanesque n'est pas à la hauteur du reste. Je reste indulgente, c'est un premier roman je crois et elle a eu du courage de s'attaquer au sujet.
C'est vrai qu'on va célébrer les 80 ans du débarquement. J'ai eu la bonne idée d'aller visiter les sites normands cet automne avant la cohue estivale. On connait moins en effet le débarquement en Provence
Elle donne une explication dans son livre sur le relatif effacement du débarquement de Provence, je ne sais pas ce qu'en pensent les historiens. La Normandie va être encore inaccessible pendant les célébrations de cette année, heureusement j'en suis assez loin.
J'attendais avec impatience ton avis. Le sujet m'intéresse. Nous rentrons du midi et je voulais en savoir plus. Tes bémols me rafraîchissent nettement
J'ai souvent été agacée par des péripéties sentimentales qui me paraissaient trop alambiquées ; je reconnais que sur ce genre de sujet je préfère en général les témoignages ou livres d'historiens. Il y aura des commémorations pour le 80e anniversaire du débarquement cet été ; j'espère trouver d'autres textes à me mettre sous la dent.
Pas très interessée par ce sujet, j'attends par contre avec impatience ton billet sur les nouvelles espagnoles
Normalement ce sera la semaine prochaine et je suis sûre d'avance que tu seras intéressée.
J'ai l'impression que c'est le genre de thème dont il vaut mieux lire des témoignages ou des documentaires. Le côté romanesque semble un peu parasiter le propos ici.
C'est exactement ce que j'ai ressenti. J'avais d'autres attentes au départ.
Tu as trop de bémols pour que je m'intéresse à ce texte. Je me dis cependant que je ne lis pas suffisamment de livres de cette maison d'édition. Et c'est vrai que je connais mieux moi aussi le débarquement de Normandie que celui-ci.
Cette année je vais faire beaucoup plus attention aux commémorations du débarquement de Provence, au mois d'août. J'espère y trouver des références de livres, historiques ou témoignages. J'ai envie de creuser le sujet.
L'aspect documentaire me semble très intéressant, dommage que le côté trop romanesque et pas toujours très crédible vienne un peu gâcher l'ensemble. J'attends ton retour sur les nouvelles espagnoles.
C'est vraiment dommage, mais peut-être que cet aspect-là plaira beaucoup à d'autres. La semaine prochaine pour les nouvelles espagnoles.
ah zut pour ton impression finale tu as bien raison on ne sait que peu de choses sur le débarquement en Provence et ses suites
En tout cas, moi j'en sais peu de choses et j'aimerais bien en savoir plus maintenant.
L'histoire des personnages a l'air d'avoir été plaquée sur ce moment historique.
Pas forcément plaquée mais trop surchargée ; et au départ j'étais surtout intéressée par l'aspect historique, d'où ma déception.
C'est dommage que la part romanesque gâche la part historique. C'est un sujet qui est, en effet, peu traité.
J'avais entendu l'autrice à la Grande Librairie et j'attendais autre chose ; ça arrive ce décalage entre ce que l'on entend du livre et ce que l'on y trouve.
C'est toujours intéressant de lire différents points de vue, chaque auteur a le sien et c'est aux lecteurs de construire sa vision. Je vais proposer ce livre à ma bibliothèque, la guerre a été difficile dans le sud bien-sûr, les gens avaient faim, et les bombardements américains ont fait beaucoup de dégâts. Toutes les guerres sont terribles, elles laissent des traces et des blessures pendant des générations. Merci Aifelle, lumineuse soirée. brigitte
Les avis sont globalement très bons sur ce livre et je pense que ta bibliothèque va sûrement l'avoir. J'ai quand même appris un certain nombre de choses que je ne savais pas sur cette période dans le sud. Mais je préfèrerais lire un document ou un témoignage sur ce sujet là.
En tout cas, la couverture propose une magnifique photo d'Eliott Erwitt !
Bonjour Nikole ; oui la photo est très bien choisie ; je ne connaissais ce photographe.
Les grands esprits se rencontrent !!! Il a justement été question de ce titre à mon club de lecture cette semaine !!! Je retiens tes bémols, mais comme toi, je ne sais rien de ce débarquement, donc pourquoi pas tout de même ?
Cet aspect-là m'a vraiment intéressée, ce qui ne me fait pas regretter ma lecture. Peut-être seras-tu moins gênée que moi par le côté sentimental.
Un sujet original, mais pour l'instant je ne note plus rien car niveau lecture ce n'est pas ça du tout, je me contente donc de ce que tu as écrit et c'est déjà bien :) (ou moins je connais l'existence de ce livre).
De mon point de vue, ce n'est pas un livre indispensable. La lecture reviendra, quand les temps seront meilleurs pour toi.