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Le goût des livres

  • Noël sanglant à Nothing Hill

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    "Gemma s'arrêta net, surprise de voir tant de sang dans un tel cadre, surprise aussi par l'aspect physique de Karl Arrowood "Un mari beaucoup plus âgé", avait dit Gerry Franks, ce qu'elle avait mentalement traduit par "un vieux monsieur décrépit". Or, l'homme qui la regardait du fond de la pièce ne devait pas avoir plus de cinquante cinq ans. Mince et musclé, il avait un visage énergique, légèrement hâlé et d'épais cheveux aussi jaunes que les murs de la maison".

    C'est par hasard que j'ai commencé ce roman policier dont l'autrice m'était inconnue. Des livres à disposition dans un salon de thé, quelques pages parcourues et c'était parti. Je ne l'ai pas regretté, j'ai passé un bon moment.

    Je le classe dans la catégorie "polar pépère", le genre où le couple d'enquêteurs a souvent autant d'importance que l'intrigue elle-même. J'ai appris par la suite que c'était une série qui comportait 18 enquêtes ! Celle-ci doit être la quatrième ou cinquième, mais ça ne m'a pas gênée.

    Comme le titre l'indique, nous sommes à Londres, dans le quartier de Notting Hill et Noël approche. Gemma James, Inspectrice de police de fraîche date ne manque pas d'occupations. Un nouveau poste, un nouveau compagnon, qui n'est autre que son ancien supérieur hiérarchique, Duncan Kincaid, deux jeunes garçons, un déménagement dans une grande maison pour tout le monde .. tout va trop vite. De plus, elle est enceinte, et ne sait trop comment annoncer la nouvelle autour d'elle.

    C'est dans ce contexte que survient le meurtre d'une très belle jeune femme, Dawn Arrowood, épouse d'un riche antiquaire du quartier, Karl Arrowood, beaucoup plus âgé qu'elle. Elle est retrouvée dans l'allée de sa maison, baignant dans son sang. Il se murmure que la fortune de son mari ne serait pas due qu'au commerce des antiquités, qu'il masquerait surtout un trafic de drogue.

    Serait-ce la raison du meurtre ? Ou est-elle à chercher du côté d'un jeune homme que Dawn fréquentait beaucoup ces derniers temps, Alex Dunn ? Gemma se lance dans l'enquête avec l'appui de Duncan qui est concerné lui aussi par cette affaire.

    Il y aura bien sûr des fausses pistes, des rebondissements, des erreurs, le tout dans l'ambiance survoltée d'avant fêtes. J'ai aimé ce quartier d'antiquaires et de brocanteurs, bruissant de visiteurs cherchant un cadeau de dernière minute, en général des habitués du célèbre marché du samedi matin. J'ai aimé aussi le café où la bande entourant Alex Dunn se retrouvait fréquemment et qui appréciait Dawn. 

    Gemma est débordée par l'enquête d'autant plus qu'un deuxième meurtre survient, à peu près dans les mêmes conditions. Elle craint de ne pas s'en sortir, sans compter les problèmes à régler à la maison et au travail. Ça n'ira pas sans quelques coups de colère et de remise de pendules à l'heure.

    Gemma résoudra son enquête après quelques péripéties douloureuses et j'ai trouvé l'ensemble assez sympathique pour continuer la série.

    J'ai apprécié chaque tête de chapitre qui donne à lire un extrait sur l'état du quartier de Notting Hill dans le passé (très pauvre et mal famé) et ce qu'il est devenu par la suite. J'avoue que je l'ignorais.

    L'avis de Niki

    Participation au challenge d'Athalie et Ingannmic

    Sous les pavés, les pages Du 15 septembre au 15 novembre Quatrième édition paragraphe.png

    Deborah Crombie - Noël sanglant à Notting Hill - 478 pages
    Traduit de l'anglais par Gérard de Chergé
    Livre de Poche - 2004

  • Bon dimanche

    En écho au billet de Miriam sur sa visite de Douarnenez, j'ai choisi ce matin "Le chant des Penn-Sardin" ces femmes qui ont fait preuve d'un grand courage et de persévérance en déclenchant une grève en 1924, pour exiger un salaire décent et des conditions de travail moins indignes (Voir Wikipedia

    Compagnie Ducilà

    Foule Chantante de Pemp real a vo, un spectacle réalisé dans le cadre du centenaire de la grève des sardinières de 1924 à Douarnenez.

    N'hésitez pas à aller lire Miriam sur l'historique des sardines à Douarnenez.

    Vous pouvez aussi écouter un excellent podcast sur France Inter

    et un autre sur France Culture, en deux épisodes

    + Un billet d'Ingannmic sur le livre d'Anne Crignon (et une autre interprétation du chant)

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  • Quatre jours sans ma mère

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    "Je propose de donner l'alerte, par texto, par Snapchat, par n'importe quoi. Quel snatchatte ? C'est quoi ça encore ? La Caverne, notre terroir, est un quartier populaire comme un autre, où des hiboux aux fenêtres surveillent qui va et vient toute la sainte journée. Hédi pose un cadenas sur l'idée - on aurait pu en entendre le bruit. Sa hiérarchie est immuable : Dieu au septième ciel et, au huitième, la réputation de sa famille".

    Après "Le chant du prophète", j'avais besoin d'une lecture réconfortante et j'ai eu la chance de tomber dessus à la bibliothèque. Exactement ce qu'il me fallait, j'ai adoré ce premier roman, pétri d'humour et de tendresse, qui en plus rend un bel hommage aux femmes.

    Quelque part en banlieue, dans une cité ordinaire surnommée "la Caverne", vit une famille sans histoire. Hédi, le père, retraité ; la mère, Amani, qui arrête enfin de faire des ménages. Tous deux sont arrivés de Tunisie il y a longtemps, orphelins, sans attaches et sans un sou.

    Puis est né Salmane le fils, (le narrateur) 36 ans à ce jour et vivant toujours chez papa-maman, dans sa chambre d'enfant et sa couette à Schtroumpfs. Il vivote en travaillant vaguement pour un restaurant miteux, au grand désespoir de son père, car Salmane, il est quand même titulaire d'un diplôme supérieur en histoire ancienne.

    Oui mais, Salmane il ne se plaît que dans le quartier avec ses copains avec qui il zone toute la nuit. Notamment avec le plus proche, Archie, le complice de longue date de toutes les bêtises possibles. Et pourquoi se gêner puisqu'il est nourri-logé-blanchi et plus avec sa mère qui veille à son bien-être. Le père a exigé en échange la somme de 500 euros par mois pour le loyer, pension symbolique qui aura un rôle dans l'histoire.

    Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu'au soir où le père de Salmane vient le chercher en catastrophe. Amani a disparu, elle n'a même pas laissé un mot. Elle a quand même poussé le zèle jusqu'à préparer un plat pour le prochain repas.

    La panique qui saisit les deux hommes est savoureuse à suivre. Amani assure tout, sans un mot de remerciement ou de reconnaissance, pourquoi puisque c'est normal ? Salmane est effleuré assez vite par l'idée qu'ils n'ont pas bien traité leur mère et épouse. Hédi par contre se laisse aller à la colère et à la rage. Il réagit avec une certaine violence, tournevis en main, il démonte les meubles avec une constance implacable. 

    Les objets valsent et au lieu de réfléchir, il parle de divorcer. En même temps, père et fils cherchent désespérément à savoir où elle peut bien être, en se cachant de l'entourage, qui par ailleurs est parfaitement au courant.

    Je ne vais pas trop en raconter. Bien sûr, derrière cette façade sans histoire se révèleront des cachotteries incroyables aux yeux de Salmane, bouleversant à chaque fois un peu plus ce qu'il croyait savoir de ses parents. Il sera obligé de se secouer et de quitter enfin son quartier à la recherche de sa mère. Il mène une véritable enquête à partir des maigres éléments à sa disposition.

    "Il n'y avait aucune chance que Hédi ou moi tombions chez nous sur ces courriers, jamais très longs. A l'instar de la cuisine, du ménage, et de tout ce qui peut emmerder un Gammoudi mâle, Amani s'est toujours occupée de la boîte aux lettres : elle aurait pu correspondre avec Didier Deschamps qu'on n'en aurait rien su. Devant Nadher, je sens la honte monter en moi. Il a fait notre boulot, de mari et de fils. C'était comme s'il déroulait mon acte d'accusation de sous-fils. Je me fais tout petit pour l'écouter me charger en silence".

    J'ai apprécié que l'auteur, partant d'une histoire qui aurait pu être dramatique, nous offre une version pleine de drôlerie, tout en faisant toucher du doigt des problématiques loin d'être roses. Au delà des péripéties, il fait ressortir une chaleur humaine et une solidarité bien réelles à l'oeuvre dans ces lieux qui n'intéressent les medias que lorsqu'il y a des voitures qui brûlent.

    La résolution des problèmes est peut-être un peu trop facile à la fin, mais je ne vais pas m'en plaindre, c'est trop plaisant.

    "Je voudrais être en colère et saisir l'occasion en or de retourner à ma vie, avec ma bonne conscience en prime. Ma mère m'a menti, donc je ne suis plus un sous-fils - ça s'annule. Ce n'est pas ce qui se passe, Je ne peux m'empêcher de trouver ma mère méchamment classe. Autant je n'aurais pas cru Hédi aussi friable, autant je n'aurais jamais pensé qu'elle était aussi forte. Je l'aime encore plus en pensant à son cabas Ikea en mode fugitive. Au vrai, je ne l'ai jamais autant aimée que depuis qu'elle a filé."

    Un nouvel auteur à suivre de près. Ne vous privez pas d'une telle lecture.

    L'auteur : Après des études d’histoire et une parenthèse dans la restauration, Ramsès Kefi aborde le journalisme par hasard, en envoyant un texte – sur le café – à diverses rédactions. Le Bondyblog le publie et Rue89, dans la foulée, lui propose un stage. Il y restera cinq ans, à un poste de reporter polyvalent. En 2016, il rejoint le service Société de Libération, où il se spécialise dans les périphéries. En 2022, il part pour la revue XXI avec qui il publie À la base, c’était lui le gentil, un livre sur les rixes adolescentes. Quatre jours sans ma mère est son premier roman.

    L'avis de Eimelle Sandrine Luocine

    Avec ce titre, je dois pouvoir participer au challenge d'Ingannmic et Athalie "Sous les pavés, les pages".

    Sous les pavés, les pages Du 15 septembre au 15 novembre Quatrième édition paragraphe.png

    Ramsès Kéfi - Quatre jours sans ma mère - 208 pages
    Editions Philippe Rey - 2025

  • Le chant du prophète

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    "C'est extrêmement simple, Eilish, le NAP s'efforce de transformer ce que toi et moi appelons la réalité, ils entretiennent la confusion, et si l'on prétend qu'une chose en est une autre et qu'on le répète assez longtemps, eh bien elle finit par le devenir, et il suffit de le répéter indéfiniment pour que les gens l'acceptent comme une vérité - rien de bien neuf là-dedans, je sais, sauf que cette fois ça se produit dans ta propre vie, pas dans un bouquin."

    Ce roman est considéré comme une dystopie et il l'est par certains aspects. Mais les situations décrites sont déjà à l'oeuvre dans certains pays et rien ne dit que ce ne sera pas le cas pour nous d'ici quelque temps. Voilà de quoi rendre la lecture encore plus anxiogène qu'elle ne l'est déjà.

    Nous sommes à Dublin, à une époque non située, sans doute la nôtre. Un régime pré-fasciste est au pouvoir, malgré tout la population vit encore à peu près normalement.

    L'histoire est racontée par Eilish, mariée à Larry. Elle est microbiologiste, Larry syndicaliste. Ils ont quatre enfants. L'aîné, Mark a 17 ans, le dernier est encore un bébé dans les bras de sa mère.

    Larry est inquiet de toutes les rumeurs qui circulent et de décisions dérangeantes prises à son travail. Un soir deux hommes viennent le chercher pour un interrogatoire et le ramènent, perplexe et angoissé par cette "discussion" étrange. Ils reviendront et cette fois-ci, il disparaît, sans plus jamais donner de nouvelles.

    C'est le début d'une bascule totale pour la famille et le pays. Elle s'installe insidieusement, avec des mesures de plus en plus restrictives, l'intervention d'une armée ayant tout pouvoir, une dégradation constante des conditions de vie, avec couvre-feu, recherche de nourriture, danger permanent, zone de guerre, la dictature quoi ...

    Eilish n'est pas préparée à une telle chute, elle est dans le déni et ne veut pas voir à quel point la situation est déja irrécupérable. Obnubilée par la priorité de protéger ses enfants et son vieux père, souffrant d'un début d'Alzheimer, elle s'enfonce dans la peur et veut préserver, en vain, un semblant de vie normale.

    Son fils aîné, Mark, s'oppose à elle durement, refuse d'aller au lycée comme si de rien n'était et veut aller se battre avec les rebelles, à l'autre bout du pays. Il est plus lucide que sa mère sur l'état du pays.

    J'ai été happée par l'histoire, vécue dans la tête d'Eilish, souvent dans le brouillard, livrée à la panique, réagissant dans le désordre, se mettant en danger parce que d'un seul coup elle ne veut pas céder à ce régime. Si l'auteur a voulu nous faire ressentir l'état de panique d'une personne piégée dans un univers qui s'écroule, c'est très réussi.

    Les enfants d'Eilish, du moins les aînés réagissent comme ils peuvent à leur propre peur et aux réactions parfois désordonnées de leur mère. Eilish est guidée par la conviction que Larry reviendra un jour et que tout finira par rentrer dans l'ordre.

    Bien sûr, ce n'est pas ce qui va se passer et elle est entraînée dans un chaos de plus en plus fort, avec son lot de trahisons, de collaborations, de manques, cherchant le réconfort auprès de son père dans ses moments de lucidité.

    Dans ce roman, j'ai surtout apprécié tout ce qui a trait à l'arrivée d'une dictature, son installation et le musèlement rapide de la population. L'image d'une rue remplie d'un seul coup de drapeaux nationalistes, lesquels disparaissent aussi vite à l'approche des rebelles est parlante.

    Mais j'ai quelques bémols sur des longueurs, des répétitions et le personnage d'Eilish, dont la naïveté ou l'entêtement m'ont quelquefois agacée.

    Les deux derniers chapitres sont glaçants et laisse la lectrice libre de la suite.

    Malgré une légère déception de mon côté, c'est un roman fort et habilement mené, propice à la réflexion.

    "L’intérieur est bondé, elle n’a pas envie de monter, le chauffeur s’empare de leurs bagages et les pousse vers le véhicule, d’un geste du pouce il leur commande de grimper mais elle est incapable de faire le moindre mouvement, Molly la regarde et l’homme au bouc a l’air exaspéré, il se frotte la bouche avec sa manche avant de leur crier, grouillez-vous, merde. Elle a cessé d’être une personne pour devenir une chose, voilà ce qu’elle pense, une chose qui monte dans le camion avec un enfant dans les bras, Molly à sa suite, elle entend le hayon qui se referme et une étrange plainte qui émane des arbres." 

    L'avis de Géraldine Violette Dasola Alex Béa Céciloule Tête de lecture 

    Sur le blog Un ciel rouge, le matin

    Paul Lynch - Le chant du prophète - 304 pages
    Traduit de l'anglais (Irlande) par Marina Boraso
    Albin Michel - 2025

  • De thé et d'amour

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    "Le thé a cette incidence sur le temps : il donne aux gestes la durée qui leur est due et aux choses le temps d'arriver, de suivre leur cours. C'est un temps différent de celui, parfois erratique, de nos habitudes.
    Ainsi, quand on puise dans la bouilloire ou le pot à eau fraîche, on ne secoue pas l'écope pour faire tomber plus vite la dernière goutte : on attend qu'elle tombe. Et si on verse l'eau en petit filet et avec délicatesse, on est récompensé par le chant qu'elle produit, si simple, si pur qu'on croit entendre l'écho d'un murmure primal de la nature".

    Actuellement, je n'avance pas vite dans un pavé de 700 pages. En attendant, je vais mettre à jour les billets pour des lectures plus courtes faites récemment.

    D'Hubert Delahaye j'ai déjà lu deux titres délicieusement japonais, aussi n'ai-je pas hésité à continuer avec cette histoire de thé, délicate et pudique.

    Dans les années 70, un jeune étudiant français installé à Kyoto s'initie à l'art du thé chez Madame Yamamoto.

    "Des pas glissent sur les tatamis et Yamamoto Sensei débouche de la petite cuisine dans un kimono bleu cobalt à fines rayures noires, la coiffure sobre et impeccable, le visage légèrement pouponné, le sourire sans exagération et les yeux qui ne se posent pas sur moi tout de suite parce que cela ne se fait pas".

    Le jeune homme suit les gestes de Madame Yamamoto avec sérieux et minutie, attentif à ne pas commettre d'impairs. Il est encore maladroit mais progresse dans le silence et le calme requis

    Dans cet univers discret et feutré arrive une jeune fille Ichie, désireuse elle aussi de prendre des leçons. Les deux jeunes gens vont se sentir attirés l'un vers l'autre, sans savoir d'abord comment s'aborder.

    Ichie commet l'erreur d'emmener l'étudiant chez sa soeur, tout en le mettant en garde. Elle serait "dérangée".

    Le narrateur passe un bon moment, sans toutefois comprendre quel jeu se déroule. Entre son ignorance des codes de conduite japonais et l'attitude des deux soeurs, il navigue un peu à vue.

    Il y aura des revirements, des crispations, sous le regard tour à tour bienveillant ou sévère de Madame Yamamoto, témoin malgré elle de l'amour naissant entre ses élèves.

    Rien de spectaculaire dans ce roman, vous l'aurez compris, la bienséance prime avant tout, et il ne faut pas laisser les émotions gâcher le rituel du thé. 

    C'est une lecture apaisante, instructive sur l'art du thé. L'amour finira-t'il par y trouver sa place ? On peut compter sur la finesse de l'auteur pour y arriver en douceur.

    Un court roman assez hypnotique qui va rejoindre les deux autres sur l'étagère des perles à relire.

    Sur le blog : Lettres d'Ogura - Fantômes d'Ogura

    L'avis de Plumes d'Anges Manou

    Hubert Delahaye - De thé et d'amour - 112 pages
    L'asiathèque - 2021

  • Le sentier dans la montagne

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    "Tiburius Kneigt, jeune et riche héritier, a eu le malheur de grandir dans une famille d'excentriques. Ses parents décédés, il se trouve à la tête d'une confortable fortune, mais plongé dans une grande solitude : il consacre en effet toute son énergie à se persuader qu'il est gravement malade, et que sa seule occupation doit être de traiter un mal d'autant plus mystérieux qu'il n'existe pas vraiment" (4e de couverture).

    J'ai eu un coup de coeur pour ce très court roman, choisi sur son titre. Tiburius pourrait être un personnage rapidement agaçant, or, il n'en est rien et son lent cheminement vers un retour à une vie pleinement vécue nous est si bien contée que les pages se tournent toute seules.

    Le voir se torturer avec des maux imaginaires et s'abîmer dans une solitude délétère fait craindre plutôt pour sa santé mentale. Il cherche des solutions, sans les trouver et rejette fermement les suggestions de mariage qui peut-être ..

    C'est une cure thermale, énième tentative d'améliorer sa santé qui va faire basculer sa vie de manière inattendue. Pas grâce aux soins, mais par la découverte de la montagne et du plaisir de s'y immerger.

    "Le promeneur suivait le sentier, distrait par tout ce qu'il rencontrait. Ici les boules de corail de la canneberge flamboyaient à côté de lui, ailleurs la myrtille dressait son feuillage luisant et ses baies violacées. Les arbres se resserraient, le sous-bois devenait plus touffu avec, çà et là, l'éclat lumineux d'un tronc de bouleau. Le sentier continuait sans changer d'aspect mais peu à peu, cependant, la sapinière s'assombrit, se resserra, une brise plus fraîche siffla dans les branches et incita Tiburius à rentrer de crainte d'un refroidissement".

    La rencontre avec l'autre, en l'occurrence une jeune fille simple et joyeuse, grande connaisseuse de la montagne et vivant avec son père, va faire accepter à Tiburius ce qu'il fuyait auparavant, le partage, une vie simple au plus près de la nature, le respect de ce qu'elle nous offre et le bonheur d'y avoir accès au quotidien.

    C'est un texte ou l'on prend son temps, d'où il se dégage une impression paisible, malgré la noirceur des pensées de Tiburius, en tout cas en première partie. C'est du moins l'effet qu'il a eu sur moi et je compte continuer avec l'auteur.

    "Notre ami ne manqua pas de retourner au petit chalet niché dans la colline et renouvela ses visites à plusieurs reprises, laissant invariablement sa voiture au même endroit sur la route. Il se plaisait à deviser avec le père de Maria et passait de longs moments en sa compagnie, assis sur le banc devant la porte tandis que la jeune fille s'occupait dans la maison, ou à côté d'eux, abritant ses yeux derrière sa main, observait le ciel ou la montagne tout en se mêlant à la conversation".

    La biographie d'Adalbert Stifter ici

    Adalbert Stifter - Le sentier dans la montagne - 80 pages
    Traduit de l'allemand par Germaine Guillemot-Magitot
    Editions Sillage - 2017