"J'ai peu pensé à ma mère les premiers mois après sa mort, à ma peine pour elle, oui, mais pas à elle. Si elle avait vu mon père prendre Maddy dans ses bras, la prendre longtemps comme il ne l'avait jamais fait. Lui chanter de vieilles chansons algériennes. Et puis cuisiner, il a bien voulu qu'on lui montre, et il a mieux parlé français. Si ma mère avait vu ça, comme le malheur l'avait changé, elle l'aurait giflé "Pourquoi pas avant ? Pourquoi tout ça quand je ne suis plus là ?".
Je ne savais pas vraiment de quoi parlait ce roman avant de le commencer, mais un tel titre est irrésistible pour moi. Il est tiré d'un poème de Sandra Lillo.
Le narrateur, Bastien, sort d'une hospitalisation à Saint-Louis "tout en haut de la colline". Nous ne saurons pas précisément ce qui l'a conduit là, sans doute un burn-out et une séparation d'avec Fanny, sa compagne, l'éloignant de son fils, Nino.
Il a besoin de se reconstruire et pour cela va écrire, une sorte de journal et aussi raconter des histoires à partir de presque rien, une phrase entendue, une scène brève dans le quotidien.
Les histoires qu'il écrit sont insérées dans le roman. J'ai été déroutée par la première, me demandant ce qu'elle venait faire là, une fois la logique comprise, je les ai appréciées, même si elles coupent un peu la narration.
Le roman aborde pas mal de sujets, un peu par fragments, dressant un portrait de l'entourage de Bastien, sa mère Coco, assez fantasque, sa soeur chérie, Anouk, chirurgienne de talent, empêchée d'opérer après un accident, son ex, Fanny, médecin de quartier, et Nino, le petit garçon qui aime la forêt.
Bastien a trouvé un travail d'AESH qu'il décrit avec sensibilité et délicatesse. Il s'occupe d'un petit garçon, Thomas, délaissé par sa mère. S'y mêle la crise des gilets jaunes, la fragilité des liens sociaux et familiaux, la vie ordinaire dans un quartier populaire.
Ce n'est pas facile de faire passer la petite musique d'un livre qui évoque le presque rien ou le pas grand chose, mais qui dit beaucoup en filigrane, avec un regard tendre sur les gens.
J'ai aimé.
"Je me porte volontaire pour écrire un discours, pour la marche des services publics. Enfin, un discours, dix lignes, pas grand chose. Je dois parler du boulot, dire notre nom. On est des AESH, quatre lettres à la con, personne ne comprend ce que c'est. Coiffeur, médecin, on comprend. AESH non. On est des aides, des cordes, on relie. Je veux dire les gestes qu'on fait, être précis, que les gens sachent. Je rencontre d'autres garçons payés aussi huit cent balles par mois. Pascal s'occupe d'une fille de sept ans qui ne parle jamais à l'école, que chez elle. Il lui fait des cartes de couleur qu'elle lui montre quand elle a besoin de lui, qu'il lui explique, qu'il lui répète. Ça marche plutôt bien et en fin d'année elle lui dit enfin un mot, elle l'appelle par son prénom".
Sébastien Ménestrier - La petite zone avec de la lumière - 128 pages
Editions Zoé - 2025

Commentaires
Je comprends que tu l'as aimé pour son regard sur les autres... cela semble autobiographique, ou non ? Enfin, ce n'est pas d'une grande importance....
Tu as aimé,un regard tendre sur les gens,très important pour moi...il est noté même si au début de ton billet je me posais des questions...mais c'est vrai que le titre intrigue!!!