"Je propose de donner l'alerte, par texto, par Snapchat, par n'importe quoi. Quel snatchatte ? C'est quoi ça encore ? La Caverne, notre terroir, est un quartier populaire comme un autre, où des hiboux aux fenêtres surveillent qui va et vient toute la sainte journée. Hédi pose un cadenas sur l'idée - on aurait pu en entendre le bruit. Sa hiérarchie est immuable : Dieu au septième ciel et, au huitième, la réputation de sa famille".
Après "Le chant du prophète", j'avais besoin d'une lecture réconfortante et j'ai eu la chance de tomber dessus à la bibliothèque. Exactement ce qu'il me fallait, j'ai adoré ce premier roman, pétri d'humour et de tendresse, qui en plus rend un bel hommage aux femmes.
Quelque part en banlieue, dans une cité ordinaire surnommée "la Caverne", vit une famille sans histoire. Hédi, le père, retraité ; la mère, Amani, qui arrête enfin de faire des ménages. Tous deux sont arrivés de Tunisie il y a longtemps, orphelins, sans attaches et sans un sou.
Puis est né Salmane le fils, (le narrateur) 36 ans à ce jour et vivant toujours chez papa-maman, dans sa chambre d'enfant et sa couette à Schtroumpfs. Il vivote en travaillant vaguement pour un restaurant miteux, au grand désespoir de son père, car Salmane, il est quand même titulaire d'un diplôme supérieur en histoire ancienne.
Oui mais, Salmane il ne se plaît que dans le quartier avec ses copains avec qui il zone toute la nuit. Notamment avec le plus proche, Archie, le complice de longue date de toutes les bêtises possibles. Et pourquoi se gêner puisqu'il est nourri-logé-blanchi et plus avec sa mère qui veille à son bien-être. Le père a exigé en échange la somme de 500 euros par mois pour le loyer, pension symbolique qui aura un rôle dans l'histoire.
Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu'au soir où le père de Salmane vient le chercher en catastrophe. Amani a disparu, elle n'a même pas laissé un mot. Elle a quand même poussé le zèle jusqu'à préparer un plat pour le prochain repas.
La panique qui saisit les deux hommes est savoureuse à suivre. Amani assure tout, sans un mot de remerciement ou de reconnaissance, pourquoi puisque c'est normal ? Salmane est effleuré assez vite par l'idée qu'ils n'ont pas bien traité leur mère et épouse. Hédi par contre se laisse aller à la colère et à la rage. Il réagit avec une certaine violence, tournevis en main, il démonte les meubles avec une constance implacable.
Les objets valsent et au lieu de réfléchir, il parle de divorcer. En même temps, père et fils cherchent désespérément à savoir où elle peut bien être, en se cachant de l'entourage, qui par ailleurs est parfaitement au courant.
Je ne vais pas trop en raconter. Bien sûr, derrière cette façade sans histoire se révèleront des cachotteries incroyables aux yeux de Salmane, bouleversant à chaque fois un peu plus ce qu'il croyait savoir de ses parents. Il sera obligé de se secouer et de quitter enfin son quartier à la recherche de sa mère. Il mène une véritable enquête à partir des maigres éléments à sa disposition.
"Il n'y avait aucune chance que Hédi ou moi tombions chez nous sur ces courriers, jamais très longs. A l'instar de la cuisine, du ménage, et de tout ce qui peut emmerder un Gammoudi mâle, Amani s'est toujours occupée de la boîte aux lettres : elle aurait pu correspondre avec Didier Deschamps qu'on n'en aurait rien su. Devant Nadher, je sens la honte monter en moi. Il a fait notre boulot, de mari et de fils. C'était comme s'il déroulait mon acte d'accusation de sous-fils. Je me fais tout petit pour l'écouter me charger en silence".
J'ai apprécié que l'auteur, partant d'une histoire qui aurait pu être dramatique, nous offre une version pleine de drôlerie, tout en faisant toucher du doigt des problématiques loin d'être roses. Au delà des péripéties, il fait ressortir une chaleur humaine et une solidarité bien réelles à l'oeuvre dans ces lieux qui n'intéressent les medias que lorsqu'il y a des voitures qui brûlent.
La résolution des problèmes est peut-être un peu trop facile à la fin, mais je ne vais pas m'en plaindre, c'est trop plaisant.
"Je voudrais être en colère et saisir l'occasion en or de retourner à ma vie, avec ma bonne conscience en prime. Ma mère m'a menti, donc je ne suis plus un sous-fils - ça s'annule. Ce n'est pas ce qui se passe, Je ne peux m'empêcher de trouver ma mère méchamment classe. Autant je n'aurais pas cru Hédi aussi friable, autant je n'aurais jamais pensé qu'elle était aussi forte. Je l'aime encore plus en pensant à son cabas Ikea en mode fugitive. Au vrai, je ne l'ai jamais autant aimée que depuis qu'elle a filé."
Un nouvel auteur à suivre de près. Ne vous privez pas d'une telle lecture.
L'auteur : Après des études d’histoire et une parenthèse dans la restauration, Ramsès Kefi aborde le journalisme par hasard, en envoyant un texte – sur le café – à diverses rédactions. Le Bondyblog le publie et Rue89, dans la foulée, lui propose un stage. Il y restera cinq ans, à un poste de reporter polyvalent. En 2016, il rejoint le service Société de Libération, où il se spécialise dans les périphéries. En 2022, il part pour la revue XXI avec qui il publie À la base, c’était lui le gentil, un livre sur les rixes adolescentes. Quatre jours sans ma mère est son premier roman.
L'avis de Eimelle Sandrine Luocine
Avec ce titre, je dois pouvoir participer au challenge d'Ingannmic et Athalie "Sous les pavés, les pages".
Ramsès Kéfi - Quatre jours sans ma mère - 208 pages
Editions Philippe Rey - 2025


Commentaires
Je sens que je vais le réserver à la médiathèque ! :)
N'hésite pas, c'est une excellente lecture de week-end ou entre deux romans plus sombres.
Après un roman assez stressant, rien de mieux qu'une récréation, c'est ce que je fais toujours (et j'avoue que j'abuse un peu) : Je prends !
Bon weekend Aifelle !
Tu fais bien de prendre, tu passeras un bon moment (du moins je l'espère).
Je pense le lire aussi, un roman qui fait sourire est toujours bon à prendre....
Comme souvent, la rentrée littéraire est sombre, un roman comme celui-ci est une vraie bouffée d'oxygène.
J'hésitais, tu confirmes qu'il faut que je me lance. Il ne reste plus qu'à le trouver.
J'ai eu de la chance, il venait d'arriver dans une de mes bibliothèques, je n'ai même pas eu à le réserver.
L'intrigue me plait bien
Elle est bien menée et bien racontée, grâce au style de l'auteur.
Une lecture attirante, entre problèmes de famille, de société, et humour souvent salvateur.
L'humour fait passer beaucoup de choses qui autrement seraient trop lourdes.
Oui, il rentre parfaitement dans le thème, et est pour l'instant le titre le plus proposé pour cette édition 2025 des "pavés". Et comme tous les avis à son sujet sont enthousiastes, je l'ai précieusement noté.
En plus il est court et facile à lire ; tu n'auras aucun mal à le caser dans ton programme :-)
Comme tu le présentes, j'ai encore plus envie de le lire!!! Voir à la bibli
Comme je le dis plus haut, il venait d'arriver quand je suis allée à la bibliothèque, je n'ai même pas eu besoin de le réserver. Et la liste d'attente est moins longue que je ne le pensais. En comparaison, pour "la bonne mère" je suis 16e.
mon livre préféré de la rentrée pour l'instant.
Je n'en ai pas encore assez lu pour faire des comparaisons, mais c'est un bon choix.
L'auteur était très sympa lors de la rencontre lundi dernier !
Ça ne m'étonne pas, vu ce qu'il écrit. J'aimerais bien qu'il passe par ma librairie.
Si je le vois à la bibliothèque, pourquoi pas, vu ton enthousiasme. Bonne soirée, Aifelle.
Ce n'est pas un chef d'oeuvre bien sûr, mais une parenthèse très agréable dans une rentrée littéraire plutôt sombre.
cela a été une belle découverte pour moi!
Jusqu'à présent, tous les avis sont bons et on a tellement besoin de plus d'd'humour ..
Il me fait envie et le Bondyblog est une bonne référence
Son parcours est intéressant et j'ai aimé sa manière de raconter la cité au quotidien.
Un livre que j'avais noté... tu me confortes dans l'idée de le lire,entre deux romans sombres comme tu l'écris...ça ne se refuse pas!!!
J'aimerais qu'il y ait plus de romans dans cette veine-là. L'actualité est déjà assez lourde, on a besoin d'un minimum de légèreté.
Ooh mais je sens que ça pourrait bien me plaire ! Eh bien, ce sera peut-être mon premier roman de la rentrée littéraire. Bon, le titre laisse entendre que la mère réapparaît au bout de quatre jours ?^^
C'est une histoire qui se termine bien comme je le dis dans mon billet et le titre le laisse clairement supposer :-)
Bonjour Aifelle, j'aimerais bien lire ce livre mais il est très pris en bibliothèque. J'attends qu'il soit disponible. J'avais lu le billet de Luocine. Bon dimanche.
Ça fait plaisir qu'il ait un certain succès, c'est un roman qui tranche dans la rentrée littéraire. Les réservations deviennent difficiles aussi dans mes bibliothèques. De plus en plus de monde, donc une attente conséquente. Parfois, quand le livre arrive je n'ai plus envie de le lire .. Bonne semaine.
J'ai déjà vu passer cette couverture, et le résumé est tentant. Et puis l'humour aussi. Je pense qu'il me plairait.
Je le pense aussi. Et il est vite lu.
Encore un roman où il est question de relations familiales et de secrets mais dans un esprit bisiblement très différent de ce qu'on trouve beaucoup trop à mon goût ces temps-ci. Il me tente bien, notamment parce que son narrateur a un ton lucide et tendre.
Il s'est surement inspiré pour une part de son vécu mais rien à voir avec l'autofiction de cette rentrée littéraire. Pour ma part, j'évite plutôt ces livres là, même s'ils sont bons c'est la saturation.
Il y a tant et tant de livres à lire ! Impossible de suivre !
Je ne peux que te donner raison !
Tu m'a donné envie de le lire. J'irai voir en bibliothèque si j'ai la même chance que toi !
Pour moi ça été un bon moment de détente, sans être creux pour autant.
ce que tu en dis donne envie, un peu de légèreté dans lesquels des sujets plus graves s'invite ne peut rendre cette lecture qu'intéressante. Merci
Dans cette rentrée littéraire assez sombre quand même, c'est une bouffée de plaisir bienfaisante ; c'est un auteur à suivre. Bonne journée Manika, j'espère que tu vas bien.
Ce roman est à ma médiathèque. Et à LGL, l'auteur m'a vraiment convaincue et tu confirmes. Dès qu'il se libère à la bib, j'essaie de le choper !
Il est passé à LGL ? je vais rechercher la séquence alors, je ne l'ai entendu nulle part et ça m'intéresser de savoir comment il parle de son livre.
Je tourne autour de cette lecture depuis sa soetie sans me décider, pour le moment.
N'hésite pas, je pense qu'il te plaira.
ça a l'air super et moi aussi je prends volontiers une lecture un peu légère et avec de l'humour !!
J'aime surtout l'alliage entre sujet de fond sérieux et forme légère. En France, ce n'est pas si fréquent et la rentrée de cette année est encore majoritairement sombre.
Je ne sais pas s'il est sorti avec quelque chose de la bataille des prix mais on a pas mal parlé de ce roman en cette rentrée et c'est tant mieux.
A ma connaissance il n'a eu aucun prix mais l'essentiel c'est qu'il marche dans les librairies et ça semble être le cas.