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Le goût des livres - Page 5

  • Territoires

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    "Vous ne savez pas comment gérer ces milliers de gamins sans diplômes ni emplois, mais moi je m’en occupe. Je leur donne un travail et ils font vivre leurs familles. Résultat, le trafic tempère vos quartiers défavorisés et hypocritement, vous nous avez laissés faire, comme si vous ne connaissiez pas les raisons de ce calme."

    Après Code 93, je n'ai pas tardé à retrouver Victor Coste et son équipe, toujours à Malceny. L'entrée en matière est rude avec trois exécutions particulièrement brutales, laissant supposer qu'il y a un changement de tête dans le contrôle du trafic de drogue.

    Au cours de l'enquête, nous croiserons un jeune ado de 13 ans qui n'a peur de rien et n'a pas de limites dans la violence ; deux vieillards mêlés malgré eux au trafic, une Maire qui navigue à vue pour préserver la paix sociale et surtout sa réélection.

    Le quotidien décrit dans ce deuxième roman est impressionnant par la dégradation, oserai-je dire de la qualité de vie dans certains lieux ; dire qu'ils sont abandonnés par les pouvoirs publics est peu dire. Comme l'auteur était policier dans le 93, j'imagine que ce qu'il décrit est très près de la réalité, même s'il a exagéré certains aspects.

    La compromission de la Maire, son peu de scrupules pour obtenir le calme, ses manoeuvres pour avoir le vote d'une communauté, font froid dans le dos. Des vies humaines en dépendent.

    L'auteur sait maintenir un suspense et ménager les rebondissements. L'équipe de Coste est rodée et le suit, même lorsqu'elle ne comprend pas forcément sa logique.

    Roman dévoré, malgré la dureté de ce qu'il raconte. L'humanité et les failles du Capitaine Coste tempèrent l'horreur ambiante.

    Un auteur à suivre. J'ai maintenant "Entre deux mondes" sous le coude.

    L'avis de Alex Dasola Luocine

    Olivier Norek - Territoires - 384 pages
    Pocket - 2015

  • Bon dimanche

    Album hommage à William Sheller. Je trouve cette interprétation-là très réussie. Et vous ?

    Eddy de Pretto, Sofiane Pamart

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  • Dans la ville provisoire

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    "Avant que la fondation ne prenne contact avec moi, au cours de l'automne, je n'avais jamais entendu parler de la traductrice. Mais personne n'entend jamais parler des traducteurs - c'est elle qui le disait, dans un entretien que je découvrirais plus tard -, encore moins quand ils sont des femmes".

    Un jeune homme débarque dans une ville entourée d'eau, en plein hiver. Il est clair qu'il s'agit de Venise, même si elle n'est jamais nommée.

    Il vient là pour trier les papiers d'une traductrice, dont nous ne savons pas très bien ce qu'elle est devenue, du moins dans une premier temps. Son quotidien va se résumer à des allers-retours entre la Fondation qui lui a fourni ce travail et la maison de la traductrice.

    "J'approchais cette ville comme on apprend une langue étrangère, règles et exceptions, vocabulaire, prononciation. Marcher ici équivalait à former des phrases, le jeu était de ne pas fourcher, de ne pas avoir à faire demi-tour ou demander mon chemin".

    L'histoire est ténue, c'est surtout un roman d'atmosphère, celle d'une ville brumeuse, mystérieuse, envahie par l'eau, loin des hordes touristiques de l'été. Il pleut beaucoup, le jeune homme se perd dans les papiers, prend possession de l'appartement de la traductrice, essaie d'imaginer comment elle y vivait.

    Il va jusqu'à revêtir une robe qui lui appartenait et reprend les trajets qu'il lui prête lorsqu'elle était là. Rien n'est vraiment expliqué, ce qui ne m'a pas empêchée d'aimer cette errance nébuleuse. De la même manière, le jeune homme se fond peu à peu dans la ville, sans perdre de vue qu'un jour, elle ne sera plus.

    "Quand je suis sorti du café, les doigts poisseux de sucre, les vagues éclaboussaient le quai. Le temps que le bateau me dépose de l'autre côté du canal, les rues du centre historique étaient inondées. Des vendeurs à la sauvette proposaient des sacs en plastique hors de prix dans lesquels emballer ses chaussures. C'était trop tard pour mes baskets, j'ai continué d'avancer dans l'eau qui par endroits m'arrivait aux mollets".

    Un roman qui vaut par son écriture et un charme évanescent.

    L'avis de Keisha

    Du même auteur : l'excellent Là-bas, août est un mois d'automne

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    Bruno Pellegrino - Dans la ville provisoire - 128 pages
    Editions Zoé - 2021

  • Bon dimanche

    Jasser Haj Youssef

    "Jasser Haj Youssef a séjourné plusieurs mois dans le château de Chambord où il a exploré, sans contraintes, le mystère de sa viole d'amour et s'est plongé dans les émotions les plus profondes ... La musique qu'il a composée et enregistrée dans ce château est un véritable pont entre l'Orient et l'Occident, le Nord et le Sud, le passé et le présent, la spiritualité, la nature et les émotions .." (Extrait site du musicien)

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  • La propagandiste

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    "Celle qui, quelques semaines plus tôt, était encore l'auteur de l'un des derniers slogans de la "Propaganda" (" Les " libérateurs"! La libération ! Quelle libération ?") est désormais protégée par un travail du "bon côté". Lucie n'est pas à une contradiction près quand il s'agit de sauver sa peau et d'éviter la honte et l'infamie. Ces femmes tondues au front marqué au fer rouge, enduites de mercurochrome, brisées, promenées à travers la ville à demi dénudées, elle préfère éviter d'y penser."

    Cécile Desprairies est historienne ; elle a surtout écrit sur le thème de l'occupation et du collaborationnisme pendant la deuxième guerre mondiale.

    Elle a choisi la forme du roman pour parler de sa famille, essentiellement sa mère, Lucie, qui a fait partie de ces Français séduits par le nazisme et ayant collaboré activement. Par idéologie et par amour en ce qui concerne Lucie, dont le premier mari, Friedrich, était étudiant en biologie, alsacien ayant choisi le côté allemand, passionné de génétique et favorable aux thèses d'un Mengele.

    Le roman commence par une scène se déroulant sous les yeux de la narratrice, petite fille de six ans. A peine le deuxième mari de Lucie parti, les femmes de la famille arrivent, la tante, la grand-mère, la cousine et des conversations se déroulent, faisant allusion à un passé merveilleux, où on a su se débrouiller, où l'on vivait un "conte de fées". La narratrice n'aura pas trop d'une vie pour décrypter les non-dits et les ramifications derrière ces propos obscurs.

    La personnalité de Lucie domine le récit. Profondément amoureuse de Friedrich, elle le suivra en tout, autant antisémite et pro-nazi que lui. Brillants tous les deux, ils ne tarderont pas à se faire une place auprès des occupants. Lucie entre au service de la propagande, où elle sera surnommée "la Leni Riefenstahl de l'affiche". Le jeune couple habite un superbe appartement bien placé à Paris, sans doute volé à des propriétaires juifs. Tout va bien, l'avenir est radieux.

    Ce qui est incroyable, c'est lorsque les évènements tourneront mal, Lucie avec son culot et son intelligence, saura rebondir en peu de temps et se retrouver aux côtés de Américains. Partie quelques mois aux Etats-Unis, elle reviendra blanchie, prête pour une nouvelle vie. Toute la famille autour d'elle aura collaboré et c'est grâce à elle qu'ils s'en sortiront également.

    Autre élément stupéfiant, c'est la vie que Lucie mènera après la guerre. Elle restera profondément nazie, mais après la mort de Friedrich se remariera avec Charles, haut-fonctionnaire compréhensif, avec qui elle aura quatre enfants, dont la narratrice. Elle les élèvera dans le culte de Friedrich, laissant planer une atmosphère malsaine entre réalité et imagination.

    A ce stade, il est temps que je dise que j'ai été dérangée par la forme du roman. J'aurais préféré de loin, un récit. Je me suis constamment demandée où était la part réelle et la part romancée. La narratrice a choisi une distance assez ironique pour raconter, parfois gênante tellement les faits exposés et les propos tenus sont choquants. La famille dans son ensemble paraît dépourvue d'émotions et est prête à tout pour s'attribuer et garder ses privilèges.

    "Par un des interstices de l'enceinte , "un juif" avait tendu à ma grand-mère "une montre en or, en échange d'un verre d'eau". Ma grand-mère avait pris la montre, mais n'avait " pas donné le verre d'eau " . C'était dit sans émotion."

    L'intérêt historique du roman est incontestable. Décrypter de l'intérieur les rouages du collaborationnisme n'est pas si fréquent. L'absence de scrupules, l'antisémitisme viscéral, la haine des autres, l'anti-républicanisme, tout y est. Mais la narration manque de fluidité, l'articulation entre faits historiques et histoire familiale ne se fait pas bien.

    Pour tout dire, j'avais hâte de terminer le livre et de quitter ces personnages que rien ne sauve.

    Une déception et un point positif : l'envie de lire les ouvrages purement historiques de l'autrice.

    L'avis de Alex Maryline

    Cécile Desprairies -La propagandiste - 224 pages
    Editions Seuil - 2023

  • Le café sans nom

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    "Son histoire d'emplacement, c'était une question de point de vue. Le quartier des Carmélites comptait parmi les plus pauvres et les plus sales de Vienne, la poussière des décombres qu'avait laissés la guerre, et qui servaient de fondations des nouveaux immeubles communaux et des barres de logements ouvriers, y collait encore aux vitres des caves."

    Robert Simon rêvait depuis longtemps d'ouvrir un café et encouragé par sa logeuse, veuve de guerre, il se lance enfin dans un des quartiers les plus pauvres de Vienne. Jusqu'à présent il y travaillait au marché, à droite, à gauche. C'est un homme simple, habitué à travailler dur. Il remet en état un local modeste et il ouvre le café.

    Il n'y a pas d'histoire à proprement parler dans ce roman, plutôt des fragments de vie au gré des clients. Le café est un point central, lieu social par excellence, où se retrouvent les habitués et les gens de passage.

    Rapidement débordé, Robert embauche Mila, sur les conseils de son ami le boucher. Elle a perdu son travail en usine et a besoin d'en retrouver un, peu importe lequel. Dans ces années marquées encore par les destructions de la guerre, la vie est dure pour les classes populaires

    Tout ce petit monde gravite autour du café, commente, donne son avis sous l'oeil souvent bienveillant de Robert et de Mila. Celle-ci épouse René, un boxeur un peu trop porté sous la bouteille. Le boucher s'épanche sur sa vie familiale, pas toujours facile avec sa femme et ses filles.

    Les saisons s'enchaînent, le quartier change, une femme passe furtivement dans la vie de Robert, un accident lui fait perdre quelques doigts, mais le café est toujours là, ouvert à tous.

    "Simon pensait à ses clients. Il savait étrangement peu de choses d'eux et pourtant il les connaissait si bien. Mais peut-être se faisait-il seulement des illusions. Peut-être qu'au fond il ne connaissait personne. Même pas lui-même. Justement pas lui-même. Peut-être était-ce pour soi qu'on restait la plus grosse énigme".

    Robert se promène quelquefois dans Vienne, à pied, la voit prospérer au fil des années, jusqu'au moment où la gentifrication de la ville atteint le café.

    "Maintenant ils construisent un métro. C'est à ne pas croire. Creuser sous la ville comme des taupes. Imagine-toi un peu ce qu'on va trouver là-dessous. A Vienne, on compte autant de têtes de morts que de pavés. Il n'en ont plus pour longtemps, de la paix éternelle, les morts. Quels abrutis. Voilà ce qu'on gagne avec un maire comme le Marek".

    Robert va devoir se résigner à fermer son café. Mais peut-être est-il temps, il a vieilli, il est fatigué. Il est conscient de la place que son café a tenu, cet endroit unique où les gens se mélangaient et se sentaient bien, le temps d'un verre ou d'un après-midi.

    J'ai tout aimé dans ce roman, la vie d'un quartier de Vienne, l'ombre de la guerre encore présente, la volonté de reconstruction que l'on sent tout autour. Mais surtout, les petites gens qui fréquentent le café, leurs réflexions, leur plaisir d'être dans un lieu accueillant. Le passé ressurgit quelquefois, au détour d'une phrase.

    "Le pauvre homme. Fragile, tremblotant. Qui se faufile à pas furtifs comme son ombre en personne. Alors qu'il y a en lui comme une tendresse cachée. Il a été solitaire toute sa vie, solitaire, mais fier, un homme sans histoires, et sympathique avec ça. Il a été nazi, on prétend que, après la guerre, il aurait redressé sa croix gammée avec une clé de plombier pour lui donner la forme de la croix du Christ. Ça ne veut rien dire, un Viennois sur deux est nazi. Où est-ce qu'ils seraient tous passés sinon ?".

    Un auteur à suivre ou à découvrir si ce n'est déjà fait.

    Lectures précédentes : Le tabac Triesnek - Une vie entière

    Lecture commune avec Miriam Maryline Keisha

    Participation aux challenges :

    logo-feuilles-allemandes.jpg
    Chez Eva

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    Chez Ingannmic

    Robert Seethaler - Le café sans nom - 248 pages
    Traduit de l'allemand par Élisabeth Landes et Herbert Wolf
    Editions Sabine Wespieser - 2023

  • Code 93

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    "Quatre voies grises et sans fin s’enfonçant comme une lance dans le cœur de la banlieue. Au fur et à mesure, voir les maisons devenir immeubles et les immeubles devenir tours. Détourner les yeux devant les camps de Roms. Caravanes à perte de vue, collées les unes aux autres à proximité des lignes du RER. Linge mis à sécher sur les grillages qui contiennent cette partie de la population qu’on ne sait aimer ni détester. Fermer sa vitre en passant devant la déchetterie inter-municipale et ses effluves, à seulement quelques encablures des premières habitations. C’est de cette manière que l’on respecte le 93 et ses citoyens : au point de leur foutre sous le nez des montagnes de poubelles. Une idée que l’on devrait proposer à la capitale, en intramuros. Juste pour voir la réaction des Parisiens. À moins que les pauvres et les immigrés n’aient un sens de l’odorat moins développé"

    Je voulais découvrir cet auteur de polars depuis longtemps, voilà qui est fait. Nous sommes dans le 93, département particulièrement pauvre en région parisienne. Appelée sur les lieux d'un crime, l'équipe de Victor Coste de la PJ découvre un homme émasculé. Déclaré mort, il se réveille au milieu de l'autopsie.

    Comme si cela ne suffisait pas, un deuxième cadavre couvert de brûlures est trouvé à son tour dans un appartement vide. C'est celui d'un jeune toxico. Coste est un flic aguerri, ces deux affaires sentent les ennuis à plein nez, juste au moment où il perd son meilleur adjoint, muté à Annecy.

    Je ne dirai pas grand chose de l'enquête, au risque de trop en dévoiler. Elle part du corps d'une jeune femme non identifiée, toxico très abîmée et de la mystérieuse disparition de dossiers.

    L'affaire se complique au fur et à mesure, sans que l'on perde le fil. L'auteur étant lui même un policier, on imagine que ce qu'il décrit est très près de la réalité. Le style est cru, les touches d'humour aussi.

    Malgré sa longue expérience, Victor se retrouve dans un certain brouillard, pris dans une embrouille qui touche sa hiérarchie, mais pas que .. Une partie de l'action touche au trafic de drogue, à la prostitution, mais aussi aux manoeuvres politiciennes autour du projet du Grand Paris.

    Coste est un flic assez attachant, il n'a pas perdu une certaine humanité. Il ne se remet pas du suicide de sa compagne, mais n'est pas indifférent au charme de la médecin légiste.

    Il frôle la catastrophe plusieurs fois dans cette enquête, qui se refermera d'une drôle de manière.

    J'ai suffisamment aimé pour me procurer dès maintenant le deuxième roman de la série. Je ne vais pas tarder à retrouver Coste et son équipe assez haute en couleurs.

    L'avis de Sandrion Alex Miriam

    Olivier Norek - Code 93 - 258 pages
    Pocket - 2014