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appalaches

  • Plus bas dans la vallée

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    "Ils arrivèrent à l'aube, le sol crépitant sous le piétinement des sabots, dans le raffut des poules qui battaient des ailes et gloussaient. Puis des voix, l'une d'entre elles criant de mettre pied à terre. Les feuilles de maïs crissèrent lorsque Rebecca quitta la paillasse, s'empressant d'enfiler et de serrer son manteau en drap par-dessus sa chemise de nuit. Elle réveilla les enfants. Alors qu'ils frottaient leurs yeux emplis de questions, elle leur chuchota de se glisser sous le lit et de ne pas bouger. Le menton d'Hannah tremblota, mais elle acquiesça d'un signe de tête. Ezra, de trois ans son aîné, prit sa soeur par la main au moment où ils se levaient. Il l'aida à se faufiler en-dessous et l'y suivit".

    Si je n'ai pas lu ce recueil de sept nouvelles plus tôt, c'est que je savais que la plus longue reprenait le personnage de l'horrible Serena, déjà personnage central d'un roman.

    Pas pressée du tout de la retrouver, j'ai d'abord commencé par les nouvelles suivantes qui se déroulent dans la région des Appalaches, chère à l'auteur.

    Ma préférée "les voisins" met en scène une jeune femme, seule avec deux enfants, dans une ferme isolée. C'est la fin de la guerre de sécession, des bandes désorganisées pillent et tuent. Son sort semble scellé lorsqu'un retournement inattendu survient, changeant radicalement la donne.

    Dans une autre nouvelle, c'est encore une jeune femme qui ne supporte pas qu'un pêcheur lourd et indifférent à la loi la nargue et l'écrase avec un parfait mépris. Il aurait dû se méfier davantage de cette jeunette inexpérimentée.

    Il est ailleurs question d'un pasteur qui va accepter de baptiser un homme contre son gré et ne s'opposera pas vraiment à la suite des évènements. On peut le comprendre.

    L'ensemble des nouvelles est noir, assez cruel, mais tellement bien raconté, c'est toujours un régal de retrouver l'écriture de Ron Rash.

    Mais n'oublions pas Serena, de retour du Mexique avec son exécuteur des basses oeuvres, Galloway et la mère de celui-ci, une sorte de sorcière à qui rien n'échappe et qui surveille tout le monde de son oeil perçant. Serena se déplace toujours à cheval avec un aigle qui lui ramène les serpents qu'il attrape.

    Serena s'est engagée à déboiser une parcelle qui lui reste dans un délai intenable. Personne n'y croit, sauf ceux qui ont déjà travaillé pour elle. Ils savent qu'ils vont souffrir et mourir pour certains.

    Si je me serais bien passée de revoir Serena, j'ai retrouvé avec plaisir le choeur des bûcherons qui observent de loin les manigances de Galloway. Ils supputent les chances des uns et des autres et savent qu'ils n'ont d'autre choix que de trimer comme des bêtes. Le massacre de la forêt préfigure les problèmes écologiques que nous rencontrons aujourd'hui. Le pillage commençait, organisé par des individus cupides, sans aucun scrupule. Entre chaque chapitre, un intermède égrène le nombre d'espèces animales obligées de quitter les lieux les unes après les autres.

    La chute de la nouvelle ne m'a pas complètement satisfaite et quelque chose me dit que Serena ressurgira un jour.

    Ron Rash excelle dans le domaine de la nouvelle et j'espère lire un jour d'autres recueils de cette trempe.

    L'avis de Athalie Kathel

    Participation au challenge Bonnes nouvelles chez Je lis je blogue

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    Ron Rash - Plus bas dans la vallée - 272 pages
    Traduit de l'anglais par Isabelle Reinharez
    Folio - 2024

  • Les deux visages du monde

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    "Chacun faisait son deuil comme il le pouvait, seul le temps était le dénominateur commun. Il fallait apprendre à accepter la seconde pour survivre à la minute, à l'heure, à la journée. Il n'y avait pas de bonne ou de mauvaise façon et rien ne garantissait qu'on guérisse un jour. Il fallait laisser le temps au temps et apprendre à faire avec,  car une telle perte était une condamnation à perpétuité et pour l'heure tout était encore trop frais et fragile. Dayna en sentait tout le poids, mais elle avait encore à en prendre la vraie mesure".

    Après Ron Rash, nous restons dans les Appalaches, précisément la petite ville de Sylva, en Caroline du Nord, avec le dernier roman de David Joy, auteur que je découvre.

    Même population de petites gens et nocivité d'une société minée par le racisme, le silence sur les traumatismes passés, la position dominante des hommes blancs, chacun se tenant à sa place sans même y réfléchir.

    Dans cette ambiance verrouillée débarque Toya, la petite-fille de Vess. Jeune artiste afro-américaine talentueuse, elle brûle d'envoyer valser les faux-semblants et de mettre chacun devant un passé d'esclavagisme qui pèse encore lourd.

    Elle voudrait également comprendre d'où elle vient. Sa mère, Dayna, a fui ce milieu étouffant pour aller s'installer en ville dès qu'elle a pu. Elle attend beaucoup de Vess, l'ancienne, garante de la transmission familiale.

    Les valeurs des confédérés imprègnent encore une partie de la population. Si le Ku-Klux-Klan ne défile plus ouvertement dans les rues, il est toujours là, en sourdine.

    C'est une statue, symbole de la ville, qui va mettre le feu aux poudres. Toya l'a recouverte de sang, y voyant le symbole des violences racistes, ce qui n'est pas le cas de nombre d'habitants blancs. Dès lors les passions se déchaînent jusqu'au crime.

    Par ailleurs, un membre supposé du Klan est arrivé en ville ; le shérif, Coggins l'a à l'oeil, surtout après le tabassage d'un de ses adjoints, Ernie. Les deux intrigues vont se dérouler parallèlement, sans que nous sachions si elles sont liées.

    L'auteur prend son temps pour installer les personnages et le contexte. Tout le monde se connaît dans cette petite ville. Certains remettent en cause de vieilles amitiés, vont accepter de bousculer ce qu'ils croyaient acquis. D'autres ne veulent entendre parler de rien et vont se laisser emporter par la rage.

    Un retournement final m'a déroutée, je ne l'avais pas deviné et je crois que je ne voulais pas l'envisager. Il est un peu expédié et pas assez étayé, ce qui n'enlève rien à l'intérêt général du roman.

    Les personnages féminins sont forts dans cette histoire. Le plus intéressant à mes yeux est Vess, la grand-mère, pilier central de la famille, mais si pleine de douleurs. Ses conversations avec Toya la font peu à peu changer de regard sur ce qu'elle a vécu. Plus tard, elle reprendra des échanges encore plus douloureux avec sa fille Dayna.

    Une autre femme, Leah, l'enquêtrice, fera elle aussi un chemin difficile, brisant tout ce à quoi elle croyait jusqu'à présent.

    Un roman noir dense, complexe et un auteur dont je vais lire maintenant les romans précédents.

    David Joy - Les deux visages du monde - 432 pages
    Traduit de l'anglais (Amérique) par Jean-Yves Cotté
    Sonatine - 2024