Le goût des livres - Page 3
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Bon dimanche
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L'agent
"Livide, Thérèse rangea les brochures, des pulsations tambourinant contre ses tempes. Elle repensa à la maison de retraite où sa propre mère avait fini ses jours. Les infirmières nourrissaient les vieillards à la petite cuillère puis leur mettait de la musique de l'entre-deux guerres ou un documentaire animalier. Elle préférerait mourir plutôt que survivre dans cette atmosphère. Elle avait construit toute son existence pour être libre et autonome. Pas de mari, pas de patron. Celui qui arriverait à la cloîtrer entre quatre murs n'était pas né".
Après une enfance pauvre et malmenée, Anthony se targue d'une belle réussite sociale. Il fait désormais partie d'une classe supérieure et jouit de certains privilèges : bel appartement, quartier huppé, il promène tranquillement ses deux chiens, papa et maman, des molosses impressionnants.
Evidemment il ne peut pas crier sa profession sur les toits, profession créé par lui : agent de tueurs à gages et le meilleur. Les affaires marchent bien jusqu'au jour où ... une future recrue prometteuse envoie valser sans le vouloir cette belle mécanique.
De son côté, Thérèse qui se remet d'un AVC est hébergée chez son neveu ; elle n'a pas d'enfants et elle comprend que la situation ne peut pas durer, son neveu la pousse à aller en maison de retraite, ce qu'elle refuse catégoriquement. Malgré ses soixante-quinze ans elle travaille encore à sauver son agence matrimoniale et ne lâchera pas le morceau.
Voilà comment deux individus qui n'avaient aucune raison de se rencontrer se retrouvent à se planquer dans un camping du côté de Vierzon.
Comment la cohabitation va-t'elle se passer sachant qu'Anthony a une escouade de tueurs à ses trousses et que Thérèse est recherchée comme personne vulnérable.
Je souhaitais une lecture distrayante et amusante et c'est sur la foi de critiques unanimement positives que j'ai plongé dans cette histoire. Un mois après, je dois dire qu'il ne m'en reste pas grand chose. La confrontation de Thérèse et Anthony m'a souvent fait sourire mais sans plus.
Ce qui est réussi par contre, c'est la critique féroce de la société envers les vieux et les pauvres. Alors imaginez quand vous cumulez les deux. Les réflexions sont justes et on jubile parfois devant les solutions trouvées par les deux phénomènes, parfaitement immorales.
En bref, je ne suis pas ressortie enthousiaste de cette lecture, pas sûr que je récidive avec un autre titre.
L'avis d'Alex et Cathulu, plus fans que moi.
Pascale Dietrich - L'agent -192 pages
Liana Levi - 2024 -
Bon dimanche
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Les femmes du North End
"Elle se sent chez elle dans cette pièce remplie de souvenirs et d'échos silencieux. Les uns après les autres, ils se glissent dans son esprit puis disparaissent. Stella n'a pas besoin de regarder les photos mais elle le fait quand même. Et elle se rappelle. Tout ce qui est ici et qu'elle a essayé d'oublier, tout ce qui vient de se passer là-bas et qu'elle ne pourra jamais oublier."
Le roman s'ouvre sur une terrible scène d'agression vue par une Stella tétanisée, déchirée entre un bébé qui pleure sans arrêt dans ses bras et son incapacité à réagir pour porter secours à la victime.
Elle appelle la police et lorsque celle-ci arrive, tout le monde est parti, y compris la victime.
Cette introduction donne le ton à ce qui va suivre, la violence commise en rappelle d'autres, mettant à mal une petite communauté amérindienne reléguée dans un quartier mal famé de Winnipeg, dans le North End.
Au départ, nous pensons avoir compris ce qui s'est passé ; en réalité tout est à découvrir et plus l'enquête avance, plus la dureté des faits apparaît, avec des ramifications remarquement articulées par l'autrice.
L'histoire est racontée par neuf narratrices différentes, soeurs, cousines, mères, tantes ... et l'indispensable kookom, la grand-mère, la dispensatrice de conseils, de soins, toujours là prête à réconforter, le refuge et le lien indéfectible de cette petite tribu.
Un seul homme prend la parole, le jeune enquêteur, un métis qui débute dans le métier et entend le faire sérieusement, en dépit du peu d'intérêt de son coéquipier, vieux flic blasé et pas très courageux.
Malgré la dureté du sujet, ce roman est incroyablement rempli d'humanité, ces femmes sont souvent blessées, mais toujours chaleureuses, soudées, prêtes à se serrer les coudes, présentes au moindre souci. C'est une communauté ravagée par l'alcool, la drogue, la pauvreté. Avec en plus, une difficile communication entre ceux qui sont restés dans la réserve et ceux qui ont choisi de vivre en ville.
J'ai lu ce roman en deux jours, je n'arrivais pas à le lâcher, captivée par ces femmes, leur profondeur, leurs douleurs tues, leur solidarité avec les plus faibles, en dépit des regrets, de la culpabilité parfois.
Les hommes n'ont pas forcément la part belle dans cette histoire, sans être accablés non plus, le sujet central ce n'est pas eux, mais la manière dont les femmes s'en sortent entre elles.
Une lecture marquante, la dernière de l'année 2024, un quasi coup de coeur. Et j'apprends qu'un deuxième roman va paraître début février "Les filles de la famille Stranger". Il reprend des personnages de celui-ci, surtout Phoenix pour celles qui l'ont lu.
"Quand on est ménopausée, tout semble nous revenir, songe Cheryl. D'anciennes aspirations et certains souvenirs réapparaissent, dans nos rêves ou nos pensées, tout le temps. Elle a passé des heures, la nuit, à régurgiter des pans entiers de sa vie, des gens depuis longtemps disparus, des choix depuis longtemps oubliés. Tout semble se répéter à l'infini. Elle boit pour pouvoir dormir, c'est du moins ce qu'elle se dit. Ça n'empêche pas ses fantômes de la traquer, même pendant son sommeil, car ils veulent qu'elle les regarde, qu'elle se souvienne d'eux."
L'avis de Ceciloule Enna Krol Zazy
Katherena Vermette - Les femmes du North End - 448 pages
Traduit de l'anglais par Hélène Fournier
Le Livre de Poche - 2024 -
Meilleurs voeux
Le moment est venu de vous souhaiter une excellente année 2025, plus paisible que 2024 si possible, avec de belles découvertes et toujours des lectures et des échanges.
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Je lis donc je suis
Petit jeu traditionnel de fin d'année qui commence à circuler sur les blogs. Je m'y suis attelée et voici le résultat. Une question est restée sans réponse (la même tous les ans). C'est toujours amusant à faire, et parfois surprenant.
Décris-toi
La femme à la valiseComment te sens-tu ?
Jambes cassées, coeurs brisésDécris où tu vis actuellement
Plus bas dans la valléeSi tu pouvais aller où tu veux, ou irais-tu ?
HighlandsTon moyen de transport préféré
-----------Ton/ta meilleur(e) ami(e) est ...
Une femme sauvageToi et tes amis vous êtes ...
Les pariasComment est le temps ?
Dans l'oreille du cycloneQuel est ton moment préféré de la journée ?
Minuit sur le canal San BoldoQu'est la vie pour toi ?
Le festinTa peur ?
Les chiens de chasseQuel est le conseil que tu as à donner ?
Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiquesLa pensée du jour
Un monde à refaireComment aimerais-tu mourir ?
En eaux dangereusesLes conditions actuelles de ton âme ?
Le coeur à rire et à pleurerTon rêve ?
Les cyprès de PatmosA vous de continuer si vous en avez envie.
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Bon dimanche
Le brouillard ne se lève pas dehors, un brouillard plus symbolique règne dans pas mal d'esprits en cette fin d'année, nos médias cultivent surtout la peur et la noirceur, alors pour cette dernière vidéo de l'année j'ai choisi la légèreté et la joie. Quoi de mieux pour cela qu'un bon vieux Fred Astaire, virevoltant avec Ginger Rogers. Bonne fin d'année.
Crédit photo : Bettmann -
Joyeux Noël
Belles fêtes de Noël à toutes et tous !
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Pause
Je vous quitte une huitaine de jours, le temps d'une incursion dans les pays de Loire où les châteaux se mettent à briller de tous leurs feux et décorations de Noël. J'y suis allée il y a deux ans et en suis restée éblouie, je suis ravie d'y retourner (en priorité : Chenonceau, Cheverny, Villandry).
A bientôt et je vous souhaite d'ores et déjà d'excellentes fêtes de fin d'année.
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Mater Dolorosa
"Comment tu le sais ?"
Je le sais. Et toi aussi, tu sais qui l'a fait. "Je l'ai dit", pense Inès. Cela fait des semaines qu'on se tait, des semaines qu'on tourne autour du pot, qu'on esquive la vérité et qu'on change de thème. Cette fois elle l'a dit et elle attend l'éruption. Mais curieusement elle ne vient pas".Je suis fidèle à l'auteur depuis "L'eau rouge" et je me demandais si cette nouvelle parution allait être à la hauteur des précédentes. La réponse est oui, sans réserve.
L'histoire commence comme un polar et se joue principalement entre trois personnes, un policier, une mère, une fille. Nous savons très vite qui est le meurtrier, mais il reste hors champ et énigmatique. Ce n'est pas le sujet majeur du roman.
Ce qui intéresse l'auteur ici, ce sont les conséquences d'un meurtre sur les proches, de quelle manière une famille et un entourage sont impactés pour toujours.
Nous sommes à Split, ville de Croatie, à la fin de la période touristique où elle se vide brutalement et montre un aspect terne et sans vie. Tout ferme jusqu'à la prochaine saison.
C'est dans ce contexte qu'une jeune fille de dix-sept ans est retrouvée, tuée dans une usine désaffectée, vestige de l'époque communiste. L'enquête est confiée à Zvone, un jeune policier qui s'évertuera à découvrir la vérité, en dépit des obstacles. Zvone n'a pas une vie très gaie, il s'occupe de son "père-enfant", chez qui il habite, un homme amorphe qui ne s'est pas remis de la guerre en ex-Yougoslavie.
Ailleurs en ville, une famille va vite comprendre que le fils de la maison, Mario est mêlé à ce meurtre. Il s'agit d'Inès, la fille, qui travaille dans un hôtel touristique et de sa mère, Katja, la "Mater Dolorosa", qui trouve du réconfort en allant prier à l'église où elle est pourtant assez mal considérée.
A partir de là va se dérouler une partie serrée, aux enjeux cruciaux, entre rester fidèle à la famille ou choisir la justice. L'auteur excelle à entrer dans la psychologie de chaque personnage et décortiquer les relations intrafamiliales, faites essentiellement de non-dits.
Comme d'habitude chez l'auteur, l'arrière-fond politique et social est présent, avec la rupture de la guerre dont personne n'est vraiment remis. Les traumatismes sont là, les rancoeurs aussi, certains s'en sont très bien sortis.
Je me suis vite attachée au personnage d'Inès qui se débat entre culpabilité, colère, dégoût, envie que la vérité éclate, que son frère soit mis hors d'état de nuire et peur d'être celle qui va risquer de détruire la famille.
Katja, la mère, est une femme farouche, têtue, assez redoutable en fait et menant tout le monde là où elle veut. Ce n'est pas la première fois qu'un personnage de vieille femme se montre intraitable et écrasant chez l'auteur. Le poids des traditions ?
Le rythme du roman est lent et va en profondeur, faisant le tour de toutes les possibilités avec finesse. Le dénouement va-t'il être satisfaisant ? La morale sera-t'elle sauve ?
Je vous laisse le découvrir si vous en avez envie. De mon côté, je vais attendre le prochain roman avec impatience.
Sur le blog : La femme du deuxième étage - Le collectionneur de serpents
L'avis d'Alex
Pavičić Jurica - Mater Dolorosa - 416 pages
Traduit du croate par Olivier Lannuzel
Agullo Noir - 2024