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Le goût des livres - Page 4

  • L'été circulaire

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    "Les autres ouvriers ne le regardent pas, et cette volonté de l'éviter - pour ne pas le mettre mal à l'aise- fait l'effet inverse. Évidemment, tout le monde en a parlé, de la petite. Belle, offerte aux regards avec ses tops à bretelles et ses jeans slim. Trop jolie sans doute."

    Un été caniculaire, quelque part dans le Vaucluse, du côté de l'Isle-sur-Sorgue. Pas chez les riches propriétaires qui viennent seulement pour les vacances, non, chez les ouvriers qui triment dur pour gagner chichement leur vie.

    Deux soeurs, Céline, 16 ans et Jo, 15 ans, trainent leur ennui comme tous les étés, entre fête foraine annuelle et sorties avec les copines, sous l'oeil des pères, plus ou moins avinés.

    Le destin des filles est tout tracé, elles n'ont même pas le temps de rêver, comme la mère de Céline et Jo. Les enfants arrivent trop vite, la femme est assignée à sa place de mère au service des autres, les jours s'écoulent, mornes et identiques.

    Cet état-là commence par un scandale. Céline est enceinte à 16 ans. Elle est très belle Céline, elle aimante les regards masculins, surtout sur sa poitrine, vite développée. Elle s'en amuse sans trop réfléchir, mais là, la réalité la rattrape, sans échappatoire. 

    Manuel, le père, réagit violemment en la frappant, d'autant plus qu'elle ne veut pas donner le nom du responsable. Manquerait plus que ce soit le jeune voisin arabe, ça le rend fou, Manuel.

    Séverine, la mère, se souvient qu'elle était aussi belle que Céline à son âge. Elle s'est retrouvée enceinte également, mais au moins le père a assumé et l'a épousée.

    L'été se fige autour de cet évènement. La tension monte crescendo. Céline s'entête à ne rien dire, déjà résignée à la vie qui lui est réservée et au manque total de perspectives. Jo, sa jeune soeur est complètement différente. Elle met les autres mal à l'aise avec ses yeux vairons. Elle réfléchit, pressent qu'il y a d'autres mondes et espère bien se sauver de ce milieu étriqué.

    C'est un roman noir, qui décrit un milieu rural étouffant de manière saisissante. Le déterminisme social pèse lourd, le patriarcat aussi. Le langage est cru et souvent brutal. Dans cette ambiance, Manuel perd pied jour après jour, sans pouvoir arrêter l'engrenage.

    C'est une histoire qui laisse un goût assez amer, tant les issues sont bouchées. Les soeurs ne se comprennent pas forcément et pourtant se soutiennent quand il le faut.

    Il ne circule pas beaucoup de tendresse dans cette histoire, de la dureté un peu partout et on sent que les évènements de l'été seront recouverts d'un voile de silence épais, pour toujours.

    J'ai apprécié l'aspect réaliste du milieu décrit, sans arriver à m'attacher aux personnages. Seule Jo semble encore avoir l'étincelle qui lui permettra peut-être de prendre le large un jour.

    Un bon roman, à ne pas entamer un jour de déprime ..

    L'avis de Luocine Athalie Ingannmic Kathel

    Marion Brunet - L'été circulaire - 272 pages
    Editions Albin Michel - 2018

  • Cairns

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    "En entendant le chant du coq, Reidar se décida à se lever. Il sortit du chalet comme s'il se passait soudain quelque chose. Il avait la gorge affreusement sèche. Le seuil en pierre était froid sous ses pieds, et il plissa les yeux face à cette matinée fraîche et lumineuse. Mais son rêve le hantait. Les images martelaient son esprit sans relâche. Il en perdait presque l'équilibre. Son rêve sur Kirsten lui serrait la poitrine. Il se retient au chambranle, dont la peinture était écaillée, en essayant de se ressaisir. Il percevait une voix au loin, mais la bouteille sur l'étagère occupait toute ses pensées. Et s'il buvait un peu avant de se remettre en chemin ?".

    C'est une étrange histoire qui nous est contée ici, rude, âpre, remplie d'incertitudes et de divagations où l'imaginaire est de plain-pied avec la réalité la plus tangible.

    Nous sommes dans un hameau norvégien où une jeune femme a disparu il y a plus d'un an, après le meurtre sauvage d'un fermier. Les recherches n'ont rien donné, jusqu'au jour où il se murmure qu'elle a demandé à voir le pasteur. Elle est donc en vie et souhaite sans doute se repentir de son geste.

    Le jeune pasteur du hameau, Sébastian Ribe, décide d'aller à sa rencontre et pour cela sollicite l'aide de Reidar Skåren, un homme taciturne et isolé qui a une connaissance profonde et instinctive de la montagne.

    C'est le périple de ces deux hommes que nous suivons. Aussi dissemblables que possible, ils devront pourtant faire équipe pendant plusieurs jours. Reidar, surnommé "le marginal" est un solitaire qui ne s'est pas remis de la mort de sa mère et encore moins de celle de son père, celui qui lui a appris tout ce qu'il sait de la nature.

    Il s'est réfugié dans l'eau-de-vie et boit jusqu'à plus soif. Le pasteur l'oblige à partir sans cette béquille, ce qui le rend nerveux. Si Reidar connaît la montagne par coeur, il est imprégné aussi des vieux contes peuplés de créatures plus ou moins bienveillantes. 

    La brume qui envahit régulièrement la montagne et fait perdre tout repère n'est pas moins épaisse dans le cerveau de Reidar, en proie à des rêves et des révélations. Il sent la présence de Kirsten.

    L'époque où se déroule cette histoire n'est pas précisée, ce qui n'est pas important. Les embûches de la montagne sont les mêmes, les problèmes liés à la cohabitation des deux hommes aussi ; ils s'appuieront cependant l'un sur l'autre à plusieurs reprises.

    C'est une lecture envoûtante, intense, où la personnalité des deux hommes se dévoile de jour en jour, jusqu'à une scène marquante. Peu de mots en disent beaucoup. La présence des cairns qui remettent dans le droit chemin ont leur importance dans le récit, immuables et mystérieux.

    Bien sûr je ne vous dirai pas comment l'aventure évolue, à vous de le découvrir. C'est un roman noir, d'une étrange beauté.

    "Reidar s'adossa au cairn. Son compagnon lui saisit le bras et plongea son regard dans le sien. Les deux hommes étaient retranchés au milieu du brouillard, qui semblait animé d'une vie propre. Là-haut, il n'y avait pas de Dieu, ils le savaient tous les deux".

    L'auteur : Martin Baldysz est né en 1977 dans le district de Sunnmøre, entre mer et montagne. Profondément attaché à sa région natale, il vit aujourd'hui avec sa famille dans une ferme en pleine nature. Ses romans, imprégnés de mythologie nordique, puisent leurs racines dans l'ouest norvégien.

    Martin Baldysz - Cairns - 128 pages
    Traduit du norvégien par Marina Heide
    Editions Paulsen - 2025

  • Bon dimanche

    Je prends mon temps pour revenir, ma tête est encore dans les montagnes et je sens que l'été va être paresseux chez moi. Je ne vous oublie pas pour autant et la vidéo du dimanche reprend du service.

    Cette semaine une chanson dont j'ai déjà donné plusieurs versions, mais je ne m'en lasse pas. Ce trio de jeunes femmes l'a enregistrée lors d'une répétition dans l'église de Vaulx (74).

    A bientôt pour un billet lecture (norvégienne) et bonnes vacances à celles et ceux qui sont sur le départ.

    Les Itinérantes

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  • Pause

    Le moment des vacances est venu ; je pars m'oxygéner dans les montagnes que j'aime. Le repos est au programme, la lecture, le farniente et pour le reste ce sera selon les jours et les envies.

    Je vous souhaite un beau mois de juin et vous donne rendez-vous début juillet.

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  • Bon dimanche

    Une chanson du grand Jacques qui pourrait être écrite aujourd'hui ..

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  • Coupez !

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    "Elle avait connu tant de médiocres qui avaient réussi, sans être troublés par le syndrome de l'imposteur qui interdisait presque à un gamin comme Jérôme de s'imaginer capable d'atteindre les sommets. Des gens qui étaient allés tellement plus loin que leur talent n'aurait dû le leur permettre, artificiellement soutenus par leur confiance de privilégiés, par l'inflexible certitude que tout leur était dû et par un népotisme pur et simple. Bon sang, il n'y avait qu'à regarder la composition du gouvernement britannique actuel, où le Médiocre en chef régnait sur un genre de méritocratie, mais inversée".

    Ce polar est arrivé chez moi un beau jour, sans que je l'ai demandé et comme je n'avais pas été emballée par un premier titre (Sombre avec moi) je l'ai laissé de côté.

    Il faut que je vous dise que je fais (en tout cas j'essaie) un grand ménage dans mes livres et les piles montent, une pour le bouquiniste du coin, une pour Emmaüs, une pour la boîte à livres, le reste je garde. "Coupez" a failli aller chez le bouquiniste, mais j'ai décidé de lui donner une chance et je ne l'ai pas regretté.

    J'ai donc fait la connaissance de Millicent, récemment libérée après une détention de vingt-quatre ans pour le meurtre de son amant. Elle sort à 72 ans, dépassée par le monde qu'elle retrouve et qu'elle ne reconnaît pas.

    Elle trouve refuge auprès de deux autres vieilles dames, dont une, Clara, a entrepris de la réinsérer à sa manière, en lui donnant une tâche différente chaque jour pour lui faire reprendre contact avec le quotidien.

    Dans sa vie d'avant, Millicent était spécialisée dans le maquillage et les effets spéciaux dans des films d'horreur de série B, ce qui nous vaut quelques descriptions assez gores. Elle était excellente dans son métier et fréquentait un milieu aussi glauque qu'on peut l'imaginer, avec des personnalités plus ou moins troubles, mais peu lui importait tant qu'elle travaillait.

    Le hasard met sur sa route Jérôme (alias Jerry) étudiant en cinéma en délicatesse avec son entourage et cohabitant chez Clara pour s'éloigner des étudiants qu'il connaît un peu trop.

    A la surprise de Millicent, Jerry connaît Mancipium, fameux film maudit qui n'a jamais pu être terminé et dont les bobines ont disparu. Dans le même temps, Millicent découvre une photo qui remet complètement en cause la version du meurtre de son amant. Elle n'a pas réussi à convaincre de son innocence jadis et cette photo la fait gamberger ; suffisamment pour partir en Europe avec Jerry à la recherche de la vérité.

    Les voilà partis dans un road trip mené tambour battant, dangereux et parsemé de cadavres. Sans le vouloir Millicent est devenue une cible en remuant le passé, ce qui la fait redoubler d'ardeur. 

    Le duo improbable du départ se révèle de mieux en mieux rôdé. Millicent a un sacré caractère, mais son expérience de la prison l'a rendue souvent frileuse, ce qui ne l'empêche pas de bouillir intérieurement. Jerry lui, se sentira toujours illégitime dans le milieu où il est parvenu. Ils vont s'entraider et se booster mutuellement quand il le faut. Et il y a cet amour d'un certain cinéma qui les lie plus que tout.

    C'est ce tandem qui fait l'intérêt du livre, avec un humour assez dévastateur sur la société en général et le microscome du cinéma d'horreur en particulier. Le passage des fugitifs à Paris est assez savoureux. Après un démarrage un peu lent, le rythme accélère et le suspense est permanent.

    Je n'ai pas toujours bien suivi les multiples ramifications de l'histoire mais ce n'est pas grave. Je voulais surtout connaître la fin.

    L'avis de Cathulu

    Chris Brookmyre - Coupez - 512 pages
    Traduit de l'anglais (Ecosse) par David Fauquemberg
    Editions Métailié - 2022