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Trois enterrements

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"Elle est là, à jouer les desperados en fuite au volant d'une décapotable au fin fond de l'arrière-pays, bon, en fait en pleine campagne dans le Sud-Est de l'Angleterre. Pas évident d'imaginer un road-movie dans un pays qui se traverse en quatre heures seulement, selon la circulation, mais elle ne s'est jamais sentie aussi Thelma et Louise. Sauf qu'ils sont trois à bord, et que l'un deux est mort."

Non seulement l'un d'eux est mort, mais l'autre est menotté au cadavre. Qu'a donc fait Cherry pour en arriver là ? Infirmière dépassée au moment du covid, débordée, épuisée par les drames successifs auxquels elle était confrontée, elle n'a même pas vu que son fils Liam était en détresse. Il s'est suicidé et depuis elle part en vrille, négligeant son mari, Robert et sa fille Danielle.

Après une nuit de plus de beuverie, elle se réveille sur une plage familière et découvre le corps d'une jeune garçon qui ressemble à Liam. Il ne s'est manifestement pas noyé mais a reçu un coup qui lui a cassé la nuque. Un des nombreux migrants qui échouent sur les côtes anglaises sans doute. Il tient, serré dans sa main, le portrait plastifié d'une jeune femme.

Le sang de Cherry ne fait qu'un tour devant ce massacre et elle décide de trouver la femme du portrait et d'assurer un enterrement décent au garçon, dont elle apprendra plus tard qu'il se nomme Omar et est Somalien.

L'auteur nous entraîne dans une quête plutôt déjantée, où nous découvrons une fine équipe de policiers "Défenseurs du royaume". En toute illégalité ils se chargent de refouler les migrants avec des méthodes plus que contestables. Omar en a fait les frais.

Cherry les met en difficulté en s'occupant du corps d'Omar. Leur principe, c'est "pas de corps, pas de problème". Le contraire du projet de Cherry. Dès lors, elle est prise en chasse.

Je n'en dirai guère plus parce que les péripéties se succèdent à un rythme soutenu et les rebondissements s'enchaînent. La caricature de certains personnages est poussée assez loin (encore que je crains fort qu'ils existent en vrai pour certains).

S'il y a des hommes affreux, il y a aussi de la solidarité et Cherry va faire de belles rencontres, dont une gardienne de maison tchèque sachant communiquer avec les morts. Les chapitres alternent d'un personnage à l'autre, ce qui nous donne une vision large de ce qu'ils pensent. 

Le style est d'une ironie mordante, subversive, à la hauteur de la violence des sphères de pouvoir et de la haine des autres en général. Le poison du racisme est présent partout. 

Je suis ressortie de cette lecture un peu sonnée par le rythme, les personnages, assez hauts en couleurs et le mélange détonnant entre loufoquerie et drame profond. L'auteur nous place devant les conséquences concrètes des politiques de l'immigration, sans échappatoire lorsque l'on a les deux pieds dedans et c'est très réussi.

"Tout ça se fond dans un grand chant de consolation effrayante, excitante, puissante et nécessaire. Une commémoration d'Omar, et de Matthew, parmi tant d'autres de nos nombreux morts récents, certains identifiés, mais beaucoup anonymes, tous emportés par le Covid, l'austérité, le racisme, la politique migratoire et la cruauté psychotique fanatique d'une classe dirigeante malveillante, mensongère, profondément mauvaise".

L'avis de Alex Alexandra Cathulu Kathel 

Anders Lustgarden - Trois enterrements - 304 pages
Traduit de l'anglais par Claro
Actes Sud - 2025

Commentaires

  • Je me souviens bien des billets de Kathel, d'Alex et d'Alexandra en effet elles m'avaient déjà donné envie de le découvrir. Mais il n'est toujours pas dans mes médiathèques pour l'instant. Comme je l'avais dit à Alex, je n'aurais pas deviné de l'humour derrière ce sujet grave. Il est noté à part...

  • J'ai eu de la chance qu'il soit à ma bibliothèque, il n'est pas très médiatisé. A cette époque de l'année les grosses pointures de la rentrée littéraire écrasent tout et c'est vraiment dommage.

  • Les médias n'en ont pas beaucoup parlé, la couv' n'est pas attrayante, heureusement que la blogo est là !:)

  • Actes Sud a fait mieux côté couverture. Je l'avais quand même repéré en librairie. C'est curieux qu'il ne soit pas plus médiatisé, pourtant il le mériterait. Comme tu dis heureusement qu'il y a la blogo.

  • Pas pour moi en ce moment,toujours à la recherche de lectures légères...

  • Rien ne presse, garde le sous le coude pour plus tard.

  • J’étais tentée et je le suis toujours ! Et puis le nom de Claro est gage de qualité.

  • Je n'ai jamais lu Claro, il faudrait que je me rattrape .. C'est une lecture qui vaut le coup, n'hésite pas.

  • C'est vrai que la couverture n'est pas forcément incitative... Mais comment rendre à la fois le drame et l'humour en image, ce n'est pas évident. A écrire non plus, mais l’auteur s'en sort bien.

  • Il s'en sort très bien oui, il sait nous ferrer avec les personnages et on passe sur toutes les exagérations du périple de Cherry.

  • Ca a l'air vraiment bien, mais j'a peur d'en ressortir complètement déprimée. Je le lirai peut-être plus tard...

  • Tu lis bien pire ! je suis sûre qu'il te plairait. On ne découvre rien tu sais, on est au courant de tout ce qu'il raconte, mais il a le don de nous mettre la réalité en face crûment, en nous faisant rire de surcroît. C'est assez fort.

  • Plus que repéré, tu penses bien, mais toujours rien en bibli, patientons. ^_^

  • Il faut secouer tes bibliothèques là, il y en a bien une qui va se réveiller :-)

  • Dès le départ j'ai compris que sous des dehors humoristiques (plutôt du genre féroces) nous étions devant du lourd, très bien démontré. Une belle découverte cet auteur.

  • L'extrait final est dans l'air du temps, qui n'est pas gai. Bonne après-midi à toi.

  • Ce n'est pas gai en effet ; j'ai enchaîné avec un livre d'Anne le Maitre pour rétablir l'équilibre (trouver refuge).

  • Je suis contente que ce roman fasse son chemin sur les blogs. Le roman n'est pas pesant bien que les sujets abordés soient assez lourd. Le côté déjanté du récit rétablit l'équilibre. C'était une bonne surprise pour moi aussi.

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