Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le goût des livres - Page 6

  • Jambes cassées, coeurs brisés

    Jambes cassées, coeurs croisés.jpg

    "Elle fut surprise d'avoir eu cette pensée. Comme si celle-ci avait enfin osé faire surface. Il n'était effectivement pas écrit dans le Code civil suédois que Lisbeth Cederström devait fêter Noël chez ses parents à Göterborg. Ce n'était ni gravé sur les tables de la loi tel un onzième commandement, ni une loi de la nature du style le printemps succède à l'hiver. Non, il s'agissait plutôt d'un phénomène qui s'était enraciné par la répétition, l'habitude et l'absence de remise en question".

    Pendant les fêtes j'ai voulu lire léger, oublier un peu tous les malheurs du monde et autres histoires sombres dont la littérature est pleine.

    J'ai extirpé ce roman là de mes piles. Acheté à cause de sa couverture (oui il m'arrive d'être aussi superficielle ..) je n'avais même pas remarqué qu'il se passait à la période de Noël. J'avais seulement en tête d'excellents billets sur "Les oreilles de Buster" de cette autrice.

    Lisbeth est une jeune femme de 42 ans ; institutrice, elle aime son métier, a réussi à s'acheter une petite maison en bord de mer et est plutôt contente de son sort, malgré la blessure d'une rupture récente. Son petit ami l'a jetée comme une vieille chaussette, pour une fiancée plus digne de sa famille (comprenez classe sociale élevée).

    Et voilà que tout se détraque. Sa meilleure amie au village a de gros soucis avec sa fille, son ex sonne sans prévenir à sa porte, lassé de sa nouvelle conquête et prêt à renouer avec cette brave Lisbeth. Sa directrice à l'école lui annonce qu'elle lui retire des heures pour les confier à un ancien champion de ski et la plomberie de sa maison nécessite de gros travaux.

    Par ailleurs, comme d'habitude, elle doit aller fêter Noël chez ses parents, avec sa soeur, médecin, mariée et enceinte de son quatrième enfant. Parfaite la soeur.  Elle va encore passer pour la pauvre fille de la famille.

    A ce stade de la lecture, on a un peu pitié de Lisbeth, qui se laisse marcher dessus un peu trop facilement et on ne donne pas cher de son Noël. Et pourtant, la voilà qui sous le coup de la colère lâche un mensonge censé lui conserver ses heures de cours, mensonge qui l'entraîne dans les Alpes avec ses élèves, la directrice et le champion, pour un stage où elle devra elle-même faire ses preuves en ski.

    Complètement paniquée, ne voulant pas faire marche arrière, elle monte un subterfuge osé, avec la complicité du médecin du village et de son amie.

    J'ai craint le feel-good trop sucré, c'est un peu ça, mais l'histoire est pétillante, les personnages attachants, l'humour constant et j'ai souri aux nombreux rebondissements. Lisbeth passe de fille un peu gourde et malléable à jeune femme sûre d'elle et de ses talents ; elle se rend compte que ce n'est pas si difficile de mentir et de faire marcher l'entourage qui l'a blessée. Son mensonge lui donne curieusement la confiance en elle dont elle manque. Pas dupe, elle n'en est pas très fière.

    Elle a souvent des sueurs froides Lisbeth, mais voir s'effriter la superbe de sa soeur par exemple est assez réjouissant, sans parler de celle de son ex. Ce sera l'occasion de repartir sur des relations plus sincères et authentiques. Et je ne dis rien d'un certain plombier providentiel, qui va bouleverser son quotidien.

    Ce qui est sympathique dans ce roman, ce sont les préparatifs de Noël dans un village de Suède, respectueux des traditions. Avec la neige, les décorations, les bougies, les brioches au safran, je me suis sentie bien au chaud et à l'abri.

    Je ne suis pas sûre de récidiver avec l'autrice, mais ce roman a rempli son rôle de distraction agréable à un moment où j'en avais besoin.

    L'avis d'Alex

    Maria Ernestam - Jambes cassées, coeurs brisés - 352 pages
    Traduit du suédois par Anne Karila
    Babel - 2022

     

     

     

     

  • Bon dimanche

    images.jpg

  • Le collectionneur de serpents

    Le collectionneur de serpents.jpg

    "La lumière de la lampe à pétrole vacillait, si bien qu'on aurait dit que la pièce ondulait. La radio scintillait et crachotait, transmettant des fragments d'ordres et de bulletins. Nous entendions des bribes de conversations tenues dans d'autres coins du front, par d'autres hommes. J'ai remis le livre en place sur la table. A la page ouverte, un hanneton exotique, coloré, me regardait. Nous aussi, pour d'autres, nous devons paraître comme ça, ai-je pensé. Colorés, étrangers, vaguement répugnants. Comme une race rudimentaire qui fait la guerre à une autre qui lui ressemble, pour des raisons à elle. Comme un objet d'étude, une espèce qu'on attrape avec des pincettes, après avoir pris soin d'enfiler des gants de laboratoire."

    Après "L'eau rouge" et "La femme du deuxième étage", je me demandais si ce recueil de nouvelles serait à la hauteur. Il l'est brillamment. Cinq nouvelles d'égale qualité, se déroulant en Croatie avant, pendant et après la guerre en ex-Yougoslavie.

    J'ai une préférence pour la première et la dernière. La première donne son titre au recueil et montre à quel point la guerre ravage la vie de gens ordinaires, contraints presque du jour au lendemain d'aller tirer sur leurs voisins. Les nuits du narrateur sont hantés par un évènement particulier, où le plus jeune d'entre eux, presque un gamin, est investi d'une mission que personne ne veut accomplir.

    Les histoires sont racontées au plus près des personnages, avec précision et empathie. Personne n'est un héros ici, seulement des humains abîmés qui reprennent leur vie comme ils peuvent.

    La cinquième nouvelle démontre que la guerre ne se termine jamais vraiment. Les règlements de compte peuvent survenir des années plus tard, les traques se poursuivre à bas bruit, menée par des hommes qui ont peut-être aussi quelque chose sur la conscience.

    Les trois autres nouvelles ne déméritent pas, tournant autour de familles brisées, séparées, de maisons que l'on se dispute, de conflits non résolus, mais aussi de gestes humains inattendus (Le tabernacle). On voit le pays changer, livré parfois à la corruption, l'enrichissement de certains, la pauvreté des autres. Chacun essaie de revivre comme il peut, avec ses traumatismes.

    Cinq nouvelles parfaitement maîtrisées et un auteur décidément à suivre de près.

    C'est ma première participation au challenge "Bonnes nouvelles" chez Je lis je blogue

    Challenge Nouvelles.jpg

    Jurica Pavičić - Le collectionneur de serpents - 177 pages
    Traduit du croate par Olivier Lannuzel
    Agullo - 2023

  • Je lis donc je suis

    C'est à mon tour de jouer avec mes lectures de l'année 2023 et d'utiliser les titres pour répondre à quelques questions plus ou moins sensées .. J'ai moins lu que les années précédentes, pour diverses raisons, j'ai donc eu moins de choix, d'où quelques réponses tirées par les cheveux, mais c'est le jeu. Je n'ai pas fait de billet sur tous les livres, certains sont encore à venir.

    Décris toi… Femme-forêt

    Comment te sens tu ? Le roitelet

    Décris où tu vis actuellement… Maisons de verre

    Si tu pouvais aller où tu veux, où irais tu ? Dans la ville provisoire 

    Ton moyen de transport préféré ? En marchant

    Ton/ta meilleur(e) ami(e) est… La propagandiste

    Toi et tes amis vous êtes… Les louves

    Comment est le temps ? Les ciels furieux

    Quel est ton moment préféré de la journée ? En attendant l’aube

    Qu’est la vie pour toi ? La jungle

    Ta peur ? Les abeilles d’hiver

    Quel est le conseil que tu as à donner ? Faire paysan

    La pensée du jour… Les femmes aussi sont du voyage

    Comment aimerais tu mourir ? Ce que je ne veux pas savoir

    Les conditions actuelles de ton âme ? Incandescences

    Ton rêve ? Le jardin nu


    A qui le tour ?

    tag

  • Quand un fils nous est donné

    142514_couverture_Hres_0.jpg

    "Ils prirent sur la gauche et descendirent vers les Gesuati, le soleil dans le dos. Ils furent surpris par le nombre de gelateri qui avaient ouvert au cours de l'année précédente. Brunetti se demanda si les glaces et les pizzas étaient devenues les deux produits gastronomiques les plus répandus en Italie. Dans le monde entier, peut-être ? Un énorme yacht bleu marine, amarré devant une pizzeria, bloquait irrémédiablement la vue sur la rive opposée à la plupart des habitants des immeubles situés sur cette portion de quai."

    Une enquête menée par le Commissaire Brunetti c'est l'assurance d'un bon moment de lecture, à travers les ruelles de Venise, la météo changeante, les frasques bien cachées de la bonne société etc .. etc .. on en oublierait presque qu'il y a forcément un ou plusieurs meurtres.

    Cette fois-ci l'enquête est d'autant plus délicate que la victime est un grand ami du beau-père de Brunetti et de Brunetti lui-même. Gonzalo Rodriguez de Tejeda est sur le point d'adopter son jeune amant afin de le faire bénéficier de sa grande fortune le moment venu.

    Brunetti navigue entre la volonté de son beau-père d'éviter ce qu'il estime indigne de son ami, et le désir de ne pas s'en mêler de trop près. De nombreux pièges le guettent.

    L'enquête est gentiment menée à son terme, mais ce que j'aime surtout c'est la description d'un habitant de Venise, l'envers du décor du tourisme effréné. J'aime retrouver Paola, sa femme, et ses petits plats, ses enfants devenus presque adultes, les tensions à table à cause de sa fille devenue farouchement végétarienne et défenseuse du monde animal ..

    Brunetti, issu d'un milieu populaire et Paola, fille d'une des plus grandes familles de Venise, riche et influente, c'est forcément le choc des cultures, vécu plutôt harmonieusement ici.

    Je classerais cette enquête dans les bons crus et je continuerai à piocher dans la série au gré de mes envies. Pour une fois, je ne respecte pas l'ordre chronologique.

    Donna Leon - Quand un fils nous est donné - 336 pages
    Traduit de l'anglais par Gabriella Zimmermann
    Points - 2021

  • Comédie d'automne

    Comédie d'automne.jpg

    "Les puissants devraient savoir que les courtisans ne sont pas fiables. Mais les puissants sont ivres de flatteries, grisés par les privilèges, habitués aux abus de pouvoir, au point de développer un sentiment d'invulnérabilité. Au lieu que le courtisan, moins assuré, plus malin, passe son temps le nez en l'air à renifler le sens du vent. Et quand il tourne, il tourne avec. On en était là, Place Gaillon, dans le salon réservé aux délibérations, entre le gigot à la menthe et la salade aux truffes, quand les convives virent une langue de feu flotter au-dessus de la tête d'Hervé Bazin".

    L'auteur a obtenu le Prix Goncourt en 1990 pour "les champs d'honneur". Je l'ai lu en son temps, comme tout le monde à l'époque et aimé.

    Je n'avais pas eu l'occasion de le relire avant "Kiosque" (merci Keisha) qui m'avait plu également ; l'auteur y racontait les années passées comme vendeur de journaux dans le 15e arrondissement de Paris.

    "Comédie d'automne" est présenté comme une sorte de suite. Nous retrouvons en effet la narration fragmentée, les digressions, les époques mélangées, les états d'âme du kiosquier.

    Mais c'est surtout l'histoire de ce prix Goncourt inattendu, il n'était même pas dans les premières sélections. L'auteur raconte avec une certaine ironie sa rencontre avec le prestigieux patron des Editions de Minuit, sa décision de sortir "les champs d'honneur" dont il ne devrait pas vendre plus de 300 exemplaires.

    Sans connaissance du milieu médiatico-littéraire, le jeune auteur mettra des années à comprendre ce qui s'est passé à ce moment-là et les raisons, peu glorieuses, qui l'on amené à avoir le Goncourt.

    La description de ses premiers pas dans ce monde littéraire est savoureuse, notamment la circonspection des medias devant cet inconnu qui va brusquement troubler le jeu. Un marchand de journaux ! autant dire un plouc.

    Nous passons des réactions de la famille de l'auteur à celle des habitués du kiosque qui commentent les évènements au fur et à mesure, des medias qui commencent à rôder dans le coin.

    L'auteur, tranquille, reste relativement serein. Si son livre ne marche pas, et bien il reviendra vendre des journaux. Si personne n'est nommé, c'est assez facile de reconnaître les protagonistes du prix de cette année là et de saisir les manoeuvres destinées à éliminer le favori.

    Certains passages m'ont touchée, comme par exemple les premiers contacts de l'auteur avec le regretté Bernard Rapp et son élégance naturelle.

    Si j'ai aimé retrouver la vie autour du kiosque, avec notamment Albert, et le chemin d'écriture de l'auteur, j'ai fini par me lasser de cette comédie dans le petit monde germanopratin des prix. Ce n'est pas reluisant et je ne suis pas sûre que ce soit vraiment mieux aujourd'hui.

    C'est le 6e et dernier opus du cycle poétique de l'auteur.

    L'avis de Keisha Maryline

    Jean Rouaud - Comédie d'automne -288 pages
    Grasset - 2023