"Jusqu'à l'âge de cinquante ans, maman mena la vie triste de beaucoup de femmes nées entre les deux guerres, sans gratification, ni reconnaissance. La fille de notaire à l'enfance confortable se retrouvait devant des difficultés inattendues. Comment pouvait-elle s'évader de ce huis-clos ? Sa révolte bouillonnait, mais plutôt qu'éclater dans une colère salvatrice, le plus souvent, elle se laissait engloutir par l'abattement, versait dans la dépression. Elle compensait un manque de tendresse en prodiguant des effluves de douceur au dernier-né, la surprise chrétienne de la méthode Ogino-Knaus".
Un beau titre pour un texte très autobiographique. Le portrait d'une mère et par ricochet du fils également, le dernier-né, investi d'un amour inconditionnel. Il en profite largement dans l'enfance, se permettant mille bêtises avec la certitude d'être toujours pardonné et soutenu, au grand dam de ses trois frères et soeurs.
L'auteur nous dresse le portrait d'une femme frustrée, mal mariée et coincée dans son rôle d'épouse, de mère et de femme au foyer. Dans la Belgique des années 50 et un milieu très catholique, une femme se contente de se dévouer à sa famille et n'a pas de désirs propres.
Le livre est constitué de fragments, d'anecdotes, de souvenirs, parfois drôles, parfois plus tragiques. Malgré sa place de préféré, la vie ne sera pas simple pour l'auteur-narrateur surtout à l'adolescence où il cherche à se dégager de l'influence de sa mère et où il découvre son homosexualité, sujet hautement tabou à l'époque.
J'ai souvent été touchée par le récit de l'auteur, sa révolte d'enfant, ses conflits intérieurs, le lien étroit qui le lie à sa mère, prison parfois, mais aussi soutien et colonne vertébrale. Le quotidien qu'il décrit paraît très loin aujourd'hui et pourtant c'était seulement hier, le destin empêché de trop de femmes.
Les derniers chapitres consacrés à l'extrême vieillesse et à la fin inéluctable qui se profile sont poignants, n'éludant pas les problèmes physiques et moraux qui se posent à un fils désemparé.
Un texte court, qui va à l'essentiel et me donne envie d'en découvrir davantage sur cet auteur.
"Voilà, ce livre prend fin, et je me demande ce que j'ai voulu dire au juste. Raconter ce qui me liait à ma mère, cet attachement viscéral, maladif, résultat d'un amour passionnel mal sevré. Elle a toujours voulu me garder auprès d'elle malgré les raisonnements plus froids de mon père, je fus élevé comme un enfant unique, elle installa une connivence qui explosa devant mes injonctions d'autonomie. Inévitables ruptures suivies de réconciliations.
Merci Anne
Alain Dantinne - Brise de mère - 188 pages
Editions Weyrich - 2017