"Darwyne, il s'y connait en beaux-pères. Il lui semble, même, que sa vie d'enfant a été rythmée par ça, par le passage des hommes de la mère dans leur petit carbet. Il ne se souvient pas des noms, ou plutôt il n'a pas envie de s'en souvenir, alors dans sa tête, il leur a donné des numéros : beau-père un, beau-père deux, beau-père trois... "
Je voulais découvrir Colin Niel depuis longtemps. Voilà qui est fait, avec le dernier roman paru, Darwyne, grâce au billet enthousiaste de Une Comète.
Darwyne est un petit garçon de 10 ans, affligé d'une malformation des pieds et de bien d'autres défauts d'après sa mère, Yolanda. Nous sommes sans doute en Guyane, en lisière d'Amazonie, parmi les plus pauvres et les plus démunis.
Yolanda se démène pour que son fils soit bien élevé et apprenne bien à l'école. Elle l'élève seule, avec l'apparition régulière d'hommes qui ne font que passer. Darwyne n'aime pas ces beaux-pères qu'il désigne par des numéros. Il préfère avoir sa mère pour lui tout seul.
Quand l'histoire commence, nous en sommes au numéro huit et l'enfant pressent que ça se passera comme d'habitude, à savoir mal. Ils habitent une sorte de bidonville, un petit carbet rafistolé de bric et de broc, à la merci du moindre coup de vent.
Darwyne est un enfant un peu étrange, fasciné par la forêt qu'il semble comprendre parfaitement. Il ne peut s'empêcher d'y faire des incursions tout seul, la nuit, malgré l'interdiction de Yolanda.
La famille a été signalée anonymement aux services sociaux comme posant problème, raison pour laquelle Mathurine, assistante sociale, leur rend visite pour une évaluation. Mathurine est une femme encore jeune, mais tourmentée par le manque d'enfant, elle a décidé d'en faire un seule. Elle se rend régulièrement en Europe pour des tentatives de PMA.
Pour elle, la situation est claire, Yolanda s'occupe au mieux de son enfant, la dénonciation est calomnieuse. Mais Mathurine partage avec Darwyne la passion de la forêt, de sa faune et de sa flore. Intriguée par l'aisance de l'enfant dans cet univers, elle pousse l'investigation plus loin.
Sur cette trame se développe une histoire de plus en plus intrigante et addictive. Des questionnements sont soulevés de tous côtés. Yolande n'est peut-être pas la mère dévouée qu'elle semble être. Darwyne cache peut-être de profonds secrets inavouables. Et le dernier beau-père en date, que pense-t'il de tout cela ?
J'oublie un autre personnage omniprésent, la forêt, où se joue le principal du roman. Organisme vivant, avec ses propres réactions, subissant le changement climatique assez visible dans ces contrées et abîmée par les hommes.
L'auteur distille lentement de nouveaux éléments qui nous mettent la puce à l'oreille et nous font redouter le pire pour Darwyne, pauvre petit pian dégueulasse (dixit la mère).
Il faut accepter une part de fantastique dans cette histoire ; je ne l'ai pas trouvée gênante, elle s'intègre bien au reste.
Au final, un roman noir puissant (très noir) et un enfant particulier qui imprime la rétine.
Le billet de Athalie Sandrine Une Comète
Colin Niel - Darwyne - 288 pages
Le Rouergue noir - 2022