"Derrière le comptoir, il jongle avec la vaisselle d'une famille de neuf. Il est le cirque à lui seul. Il boit des cafés et il a des éclats de verve, des pluies de phrases justes et jolies, des chemins vers cette si sensible tête, vers sa profondeur fine et fascinante.
Mon homme est sauvé pour le moment.
J'aime sa vastitude. J'aime ses béances sanglantes et sa douleur. J'aime ses fulgurances, les méandres de ses réflexions, ses éclats de rire et ses doigts sur le vieux piano."
Un titre qui m'a attirée dans une librairie, une autrice dont j'ai vu d'excellents avis sur les blogs amis, il ne m'en a pas fallu plus pour repartir avec.
J'ai plongé dans la lecture sans trop savoir à quoi m'attendre, hormis un retour à la nature. En fait, nous sommes au Québec, pendant la pandémie, évoquée juste en passant. Deux familles quittent la ville et ses interdits pour se retrouver en forêt, dans deux maisons. C'est le lieu ou la narratrice passait ses vacances dans son enfance.
Je retiens surtout la plume très poétique, d'une beauté qui emporte. Il n'y a pas véritablement d'histoire, plutôt des fragments de vie au jour le jour. Quatre adultes et cinq enfants la cohabitation n'est pas toujours facile. Ce qui importe le plus pour la narratrice c'est d'entrer en osmose avec tout ce qui l'entoure, les arbres, le ciel, l'eau, tout ce qui la recharge et la fait vibrer.
Elle initie ses petits aux joies simples, aux merveilles qui les entourent, sans cacher son ras-le-bol parfois, mais elle a l'amour chevillé au corps. Sa description des humains qui les entourent en est baigné.
On devine que son mari ne va pas bien tous les jours, on sent que ça vient de loin, elle s'échappe quand il le faut et rejoint des amants de passage, sans y accorder trop d'importance.
La narratrice fait souvent référence à des textes littéraires, notamment ceux de Francis Ponge.
Malgré l'écriture magnifique, au bout d'un moment, il m'a manqué une histoire plus construite. Il semblerait que ce soit presque une suite à "la femme qui fuit" que je n'ai pas lu. J'aurais peut-être mieux compris si j'avais commencé par là.
Je ne regrette cependant pas de l'avoir lu, c'est un roman original et l'écriture est superbe et lumineuse.
"Des amis algonquins m'ont déjà expliqué quelle attitude adopter si je rencontrais un ours dans la forêt.
J'ai retenu deux choses. Surtout, ne pas faire la morte. Je ne suis pas crédible en morte. Mais plutôt m'éloigner lentement, sans gestes brusques, en parlant à l'ours (je cherche encore quoi lui dire. Si je n'ai pas trouvé à ce moment-là, je chanterai.)
En reculant à pas lents, repérer un arbre de confiance et y grimper. L'ours ne me suivra pas dans l'arbre".
L'avis de Karine
Anaïs Barbeau-Lavalette - Femme-Forêt - 288 pages
Editions JC Lattès - 2023
Commentaires
A essayer en bibli, alors. Les conseils face à un ours? Heu, ça ne monte pas aux arbres? Ou alors seulement les grizzlis?
Vu que je risque peu de rencontrer un ours dans les forêts normandes, je n'a pas vérifié :-))
Une écriture poétique et des fragments sans vraiment d'histoire, voilà qui m'inquiète un peu, malgré le thème du retour à la nature que je lis beaucoup en ce moment.
Pour le sujet retour à la nature tu y trouverais ton compte ; pour le reste, je suis moins sûre.
ce qui m'arrive rarement , j'ai du mal à lire en ce moment je ne suis pas certaine que ce livre m'aidera à revenir vers mes amours de toujours : passer des soirées le nez dans un bon roman.
Si tu as un peu de mal en ce moment, il te faudrait plutôt un bon page-turner je crois.
C'est vrai qu'il faut les deux pour faire un bon roman : la plume et l'histoire.
J'aurais peut-être dû commencer par son premier livre, mais ça resterait quand même un récit fragmenté. Le problème dans ce cas-là, c'est que j'avais une autre attente au départ.
Bon, peut-être un peu trop nature et poétique pour moi. Tant pis, on doit bien faire des sélections pour préserver sa PAL en cette période tentatrice.:)
Ça c'est sûr, il faut faire des choix assez drastiques même, devant l'abondance d'offre.
Ton billet me donne envie de lire ce livre mais il y a ce petit bémol... si je le croise en librairie.
Tu verras bien, j'ai quand même passé un bon moment de lecture.
A la lecture de ton billet, je reste mitigée, comme ton avis. L'aspect Nature me tente mais...On verra bien.
PS: les ours grimpent aux arbres , non ?
Comme Keisha m'a posé la même question, je suis allée voir sur le net. Oui les ours grimpent aux arbres. Alors s'agit-il ici d'une espéce locale moins agile ? mystère ...
j'ai l'impression que ce type de livre est devenu très mode et comme c'est toujours le cas à ce moment là on se lasse un peu
Oui, c'est un peu le problème et en cette rentrée littéraire j'ai l'impression que c'est encore accentué.
Je me connais, j'ai tendance à aimer ce genre de récit poétique sur quelques dizaines de pages, puis à me lasser...
C'est ce qui m'est arrivé mais pas tout de suite, plutôt au milieu du livre. Ce qui m'a fait tenir c'est la qualité de l'écriture.
Une écriture poétique et un auteur que je ne connais que de nom, ce livre a tout pour me tenter, à voir donc vu que tu n'es pas plus enthousiaste que ça. Merci pour ton ressenti
Je suis partagée, éblouie par l'écriture, mais déconcertée par le reste. Je ne vois pas très bien ce qu'a voulu faire l'autrice.
Je pense que comme toi, la présence du réelle histoire me manquerait. Donc pas plus tentée que cela, même si j'imagine que ce livre recèle plein de beaux passages !
Il n'y a que de beaux passages, c'est pour cela que j'ai continué, mais au bout d'un moment je me suis demandée où tout cela allait ..
Je ne l'ai pas encore lu. Il y a ensuite Femme fleuve et il y aura sans doute une trilogie au total. Je ne suis pas sûre que ce soit la suite de La femme qui fuit.
Je viens de trouver une info sur Radio Canada. Il fait bien partie d'une trilogie "Femmes" qui a commencé avec "La femme qui fuit" et "Femme-fleuve" sera le troisième. https://ici.radio-canada.ca/arts/livres/accueil-actualites/document/nouvelles/article/1920125/femme-fleuve-anais-barbeau-lavalette-marchand-feuilles&v5InternalEsi=true&v5InternalEsi=true&v5InternalEsi=true&v5InternalEsi=true
Ceci me parle, malgré tes réserves : "entrer en osmose avec tout ce qui l'entoure, les arbres, le ciel, l'eau, tout ce qui la recharge et la fait vibrer."
Je suis contente que tu ne t'arrêtes pas à mes réticences, peut-être n'étais-je pas assez réceptive quand je l'ai lu. Les blogueuses ont beaucoup apprécié ses livres précédents.