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Faire paysan

non-fiction

"Il y a plusieurs sortes de paysans. Il y a "le résigné", un besogneux qui s'acharne dans ses choix, dans le déni de la situation actuelle. Il y a "le nostalgique", un désillusionné qui espère en secret la chute du système et le retour de l'ordre ancien lors de la prochaine grande crise mondiale. Enfin, il y a "l'entrepreneur", celui qui a compris les règles du système en vigueur et travaille à y trouver sa place, à répondre aux attentes de la population, en inventant une nouvelle manière de faire."

L'auteur, est fils et petit-fils de paysan et bien qu'il ne le soit pas devenu lui-même, il est toujours très attaché au monde de son enfance et à ses valeurs. Pourtant, lorsqu'il revient au village, il n'est plus considéré comme un des leurs puisqu'il est parti vivre à la ville.

Première réflexion sur le clivage actuel entre un monde paysan parfois très fermé et les urbains souvent accusés d'imposer des règles à un milieu dont ils ne connaissent rien.

Dans ce livre, l'auteur s'attache à creuser les nombreux griefs des paysans. Il rencontre un maximum d'interlocuteurs de tous bords et essaie de comprendre et de remonter à la source des malentendus. Il n'y réussit pas toujours.

"A l'heure du dessert - horreur - je franchis sans m'en rendre compte le point de non-retour en prononçant le mot qu'il ne faut jamais prononcer devant un paysan conventionnel de plus de 50 ans : glyphosate".

Si la politique suisse sur l'agriculture est différente de celle de la France, on retrouve les grands enjeux actuels entre agriculture intensive et culture respectueuse des enjeux climatiques et de l'avenir de la terre.

Au sein du monde paysan, le clivage générationnel est assez marqué, au grand désarroi des anciens qui se murent souvent dans un mutisme buté. L'auteur expose avec lucidité les défauts de certains et les projets irréalisables de jeunes utopistes.

Il rencontre également des militants, qui malgré les obstacles permanents ne baissent pas les bras avec l'espoir d'évoluer vers une agriculture qui permettrait aux paysans de vivre de leur travail, sans détruire le vivant.

"Il est fatigué d'entendre les parlementaires de Berne rabâcher le même argument depuis trente ans. La Suisse compte 800 000 pauvres, il est impensable d'augmenter les prix dans les supermarchés. "Mais c'est absurde ! Ce n'est pas aux paysans d'assumer le scandale des travailleurs sous-payés, c'est aux grandes surfaces de réduire leurs marges !".

J'ai aimé la variété des rencontres de l'auteur, ses discussions avec son père et sa famille, l'évocation des générations passées. C'est une lecture très agréable, qui a le mérite d'être claire et de mettre en avant des pistes pour l'avenir.

Mélange d'anecdotes, d'études, de souvenirs, d'exemples, je suis ressortie de ce livre plus éclairée que je n'y étais entrée.

L'auteur : Né à Morges en 1978, Blaise Hofmann est l’auteur d'une dizaine de romans et récits de voyage. Il reçoit en 2008 pour Estive le Prix Nicolas-Bouvier au festival des Étonnants voyageurs de Saint-Malo. Ses derniers ouvrages sont Marquises (2014), Capucine (2015), Monde animal (2016), Deux petites maîtresses zen (2021) et Faire paysan (2023).. Chroniqueur dans divers journaux suisses romands, il écrit aussi régulièrement des pièces de théâtre et des livres jeunesse, dont Les Mystères de l’eau (2018) et Jour de Fête (2019). En 2019, il a été l'un des deux librettistes de la Fête des Vignerons.

Blaise Hofmann - Faire paysan - 224 pages
Editions Zoé - 224 pages

Commentaires

  • Un sujet en autre tellement d'actualité!!
    Rémunération des paysans au juste prix mais pas évident avec les grandes surfaces qui ont bien du mal à rèduire leurs marges au contraire....et le consommateur en dernier qui subit toutes ces augmentations.
    Je le note ce livre doit être très intéressant .

  • Il est très intéressant et aborde de nombreux sujets. L'auteur cherche à entamer le dialogue avec tout le monde, ce qui est loin d'être facile.

  • Intéressant, je suis plongée dans le monde paysan en ce moment aussi avec "Humus" un roman de la rentrée qui m'a fait de l'oeil à la librairie !

  • Je suis allée voir le résumé d'Humus, en effet nous sommes dans le même registre, avec une fiction d'un côté et une sorte d'enquête de l'autre. C'est bien que le sujet arrive en littérature.

  • En plein dans ma thématique du moment, mes préoccupations on va dire. J'ai regardé hier un documentaire intitulé "Sacrifice paysan", sur un éleveur tué par des gendarmes parce qu'il n'en pouvait plus de l'administration en plus de tout le reste. La situation des éleveurs liés à l'économie agro industrielle intensive est vraiment très triste et nos modes de production/consommation actuels leur enfoncent encore un peu plus la tête sous l'eau : toujours plus dépendants, toujours plus seuls, aucune fierté dans le travail...

  • J'ai pensé à toi en le lisant. Je connais l'histoire de l'agriculteur qui s'est suicidé. Ce livre fait plutôt bien le tour de la question avec un constat qui l'accable : les deux parties ne veulent même plus dialoguer, c'est tout de suite l'engueulade et la crispation sur les positions de chacun. Mais par ailleurs, il dose bien les constats catastrophiques et les jeunes qui tentent des voies nouvelles envers et contre tout (il y a un passage également sur manger ou pas de la viande ..).

  • C'est un sujet dont nous entendrons de plus en plus parler dans les mois et les années à venir.

  • Et une lecture pas du tout rébarbative sur le sujet. C'est un point de vue humain et pas purement économique.

  • Je me demande s'il existe encore de petits agriculteurs comme mon grand-père maternel. Un livre qui aide à faire le point sur ce sujet important, bien.

  • C'est ce qu'il a fait en Suisse, comparer la manière de faire et de vivre de ses parents et grands-parents et ce que tout cela est devenu aujourd'hui ... et après.

  • Comme tu dis chaque pays a ses particularités, mais partage les mêmes difficultés commerciales et autres.
    Ce ivre m'intéresse moi qui suis mini agricultrice, et je vais le recommander à une amie suisse qui cultive elle aussi et s'intéresse de près à tout cela.
    Merci Aifelle.

  • Ce ne serait pas étonnant que ton amie suisse connaisse cet auteur ; ce n'est pas un inconnu là-bas. C'est un livre qui peut intéresser tout le monde, la manière dont nous serons nourris demain et dont nous le sommes déjà aujourd'hui nous concerne tous. J'ai aimé l'approche très humaine de l'auteur.

  • J'espère que ta médiathèque l'aura. La mienne n'est pas riche en auteurs suisses, mais est ouverte aux suggestions.

  • Une maison d'édition que j'aime beaucoup ! Le titre aussi interpelle, mais j'avoue que je suis plus reportages que livres pour ce genre de sujets.

  • Il y a de très bons reportages également sur ce type de sujet, mais j'aime bien approfondir avec une lecture.

  • Les Editions Zoé éditent souvent des livres très intéressants et ton billet donne envie. Je note...

  • Je n'ai jamais eu de déception chez eux ; je surveille toujours leur catalogue de près et ça élargit l'horizon.

  • c'est tout à fait intéressant car l'écart se creuse entre la pensée des citadins prompts à faire appliquer une écologie efficace et l'agriculteur qui ne pense qu'a son revenu déjà bien faible et qui baissera encore sans pesticides, sans eau pour arroser etc
    il y a eu une génération sacrifiée lors des changements dans l'industrie, le monde paysan est en train de souffrir des mêmes maux

  • Il pose bien les problèmes et j'ai suivi ses questionnements et ses rencontres avec beaucoup d'intérêt. Intéressant aussi de découvrir leur système d'aide, différent de celui de l'Union Européenne, mais qui fausse tout autant le jeu.

  • Chic, mon bibliothécaire qui me connait m'a mis humus de côté (je l'avais évidemment déjà noté)

  • Super ! De mon côté, j'ai demandé à ma bibliothèque de le commander. Ça devrait marcher.

  • Différemment d'un journaliste puisqu'il est de ce monde là. Son père et son grand père étaient paysans, il a grandi dedans et aimé cette enfance là.

  • Il y a de plus en plus d'auteurs qui s'intéressent au monde paysan. Serge Joncour dans "Nature humaine", Étienne Davodeau en BD, un film datant d'il y a quelques années : "Petit paysan", etc. Celui-ci a l'air intéressant et bien accessible.

  • Il est non seulement très accessible, mais agréable à lire, l'auteur mêlant des anecdotes et des souvenirs personnels à son récit. J'ai aimé le ton utilisé et le désir de l'auteur d'entrer dans un dialogue avec toutes les parties.

  • Intéressant... j'ai côtoyé des paysans toute mon enfance... un monde varié et complexe !

  • Il la montre bien cette complexité là ; la lueur d'espoir ce sont les jeunes qui essaient de s'en sortir autrement.

  • Entièrement d'accord avec toi !

  • j'aime bien ce que tu dis de la façon dont le sujet est traité, pour avoir connu le monde paysan, je trouve que c'est un monde rude et loin de l'image d'Épinal que l'on s'en fait parfois.

  • Là on a les deux pieds dans la réalité et c'est bien raconté.

  • Encore un domaine où la discussion ne serait pas possible entre générations ? C'est dans l'air du temps... C'est pourtant si intéressant de s'enrichir des observations des uns et des autres. Il me semble que c'est le politique qui a fait se détériorer la situation et l'Europe qui n'a rien arrangé. Tout est à vivre, tout est à traverser, tout est à re-réfléchir... Je note le titre de ce livre qui me plait déjà, merci Aifelle, douce soirée. brigitte

  • L'auteur essaie de comprendre cette impossibilité de dialogue ; il faut dire que l'agriculture a été tellement transformée en deux générations que les visions sont diamétralement opposées. Et après, il y a les questions de caractères.

  • "Ce n'est pas aux paysans d'assumer le scandale des travailleurs sous-payés, c'est aux grandes surfaces de réduire leurs marges !". On est bien d 'accord mais à l'heure actuelle, croire que les multinationales ou les actionnaires , seraient d'accord pour réduire leurs bénéfices ou pour renoncer à leurs profits pour une planète plus verte est une belle utopie !

  • Nous sommes d'accord ! Dans le livre, cet extrait est un "coup de gueule" d'un paysan qui en a assez qu'on leur colle tout sur le dos, mais il sait bien que c'est irréaliste. J'ai aimé que l'auteur prenne en compte les points de vue de chacun, sans forcément les opposer, mais en pointant aussi les excès des uns et des autres.

  • Une double découverte : ce livre, tout d'abord, qui semble très intéressant, et cet auteur suisse que je ne connaissais pas. Un double merci par conséquent ! J'ai l'impression, et c'est une bonne chose, que l'on retrouve plus le monde paysan dans les librairies en ce moment.

  • Oui, il semblerait que le sujet commence à exister en littérature. J'ai noté et je compte lire "humus" de Gaspard Koenig, roman dont la trame est à peu près la même que "Faire paysan". Les choix à venir sont tellement cruciaux que c'est assez normal que les jeunes auteurs s'en emparent. C'est leur avenir.

  • C'est certainement intéressant et enrichissant, mais hélas, ce n'est pas le genre de livre que j'ai envie de lire.

  • Ce qu'il y a de bien avec la production actuelle c'est qu'il y en a pour tous les goûts ; et nous avons toutes nos domaines de prédilection, heureusement.

  • Bonjour Aifelle
    Je note avec intérêt ce livre sur le monde paysan: j'en ai déjà acheté, lu et mis en circulation dans le système de prêt de livres de mon AMAP un bon nombre. Mais je ne connais pas trop la situation en Suisse (même si j'avais rédigé quelques billets sur la FRACP (fédération romande de l'agriculture contractuelle de proximité) en 2020...
    Merci pour l'info!
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

  • Leur système est assez différent du nôtre, mais conduit aux mêmes impasses. Le mal-être des paysans est aussi fort, avec les multinationales qui les écrasent. J'ai aimé le ton de l'auteur et il explique les choses clairement et simplement.

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