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La femme à la valise

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"Le lever du jour a teinté ces étranges passagers d'une couleur cendrée. Dans cette tonalité grisâtre, les silhouettes ont commencé à bouger. Parfois un bras ; d'autres fois une tête qui se tournait pour finalement revenir à sa position initiale et s'appuyer sur l'épaule voisine. Chacune ramâchait sa peine ou s'abandonnait dans le sommeil après l'angoisse des heures passées. Les passagères qui ne dormaient pas ont vu les eaux noires prendre lentement une teinte de plomb sous le ciel gris. Elles regardaient leurs compagnes de voyage avec indifférence. Les têtes abandonnées sur les épaules ; les corps, emboîtés ; L'image de cet abandon se balançant sur la mer ne les émouvait pas".

Avec ce recueil de 11 nouvelles, je fais la connaissance de Luisa Carnés qui a été elle-même membre du PC espagnol et militante. Elle a été obligée de fuir l'Espagne pour la Colombie en 1939.

Ces nouvelles ont été écrites entre 1940 et 1960. Elles se déroulent pendant et après la guerre d'Espagne et mettent en scène essentiellement des femmes. Elles ont toutes traversé des épreuves dures, l'arrestation, la torture, la prison, la fuite. L'espoir n'est plus de mise, elles ont perdu des maris, des pères, des fils et doivent survivre dans une société muselée par les franquistes.

C'est une lecture forte, sans pathos, tout est dit avec une sobriété qui met d'autant plus en relief l'atrocité de certaines histoires comme la nouvelle qui donne son titre au recueil. Un groupe de femmes qui fuit vers la France, à pied. Une de ces femmes porte une valise qu'elle ne veut en aucun cas lâcher, éveillant la curiosité des autres. Elle ne dit pas un mot. L'ouverture de la valise au bout du périple tétanisera le groupe de femmes, devant une réalité insoutenable.

Dans "la partie de dominos" c'est de vengeance dont il est question, mise minutieusement au point et visant un traître, montrant la difficile cohabitation des franquistes victorieux et des républicains vaincus et réduits au silence.

Plusieurs nouvelles évoquent la grande misère des enfants séparés des parents ou en prison avec des mères condamnées. Certains leurs sont enlevés et confiés à des institutions fascistes.

Une des nouvelles les plus poignantes concerne une femme qui a accouché en prison et voit son enfant dépérir de jour en jour dans cet univers délétère. Elle prendra une décision terrible pour lui donner une chance de sortir de cet endroit.

Les situations évoquées sont multiples et montrent également des femmes réduites à la prostitution puisqu'à leur sortie de prison elles ne pouvaient trouver de travail nulle part et devaient se méfier de tout le monde.

Une des rares nouvelles porteuse d'espoir "Aixo va bé" rappelle une journée de manifestation quinze ans après les évènements qui remet en présence Paco et Paloma. Paco continue la lutte dans la clandestinité, permettant à Paloma de retrouver la chaleur d'un groupe uni dans la résistance et fier de ses convictions.

C'est un recueil de nouvelles d'une égale qualité, je n'ignorais pas ce qui s'est passé en Espagne franquiste, mais ces histoires de femmes qui n'occultent rien donnent une dimension pleinement humaine à ce qu'une partie de la population a dû subir, avec les séquelles que nous connaissons encore aujourd'hui.

Une autrice que je ne connaissais pas et dont je vais continuer la lecture puisque les éditions de la Contre Allée ont eu la bonne idée de rééditer ses textes, trop méconnus en France.

L'avis de Sacha

Luisa Carnés - La femme à la valise - 200 pages
Traduit de l'espagnol par Michelle Ortuno
Editions la Contre Allée - 2023

Commentaires

  • D'autant plus qu'elle l'a vécue de l'intérieur. Et c'est très bien écrit.

  • Une autrice que je ne connais pas..
    La guerre d'Espagne avec tous ses crimes,la souffrance et les séquelles laissées!
    Malheureusement cela continue dans divers pays,quelle tristesse.
    Je note cet ouvrage.

  • J'ai déjà lu sur la guerre d'Espagne, mais je n'étais jamais entrée autant dans le détail des retombées sur les deux parties ennemies. Une guerre civile laisse forcément des conflits non résolus et des rancoeurs tenaces.

  • Ces nouvelles semblent très dures... J'ai lu il y a deux ans "Tea rooms, femmes ouvrières", qui se penche sur l'accès au travail pour les femmes dans les années 30. C'est un roman, mais à la fin, on a un peu l'impression d'avoir lu des nouvelles... C'est dur à expliquer.
    https://lettresexpres.wordpress.com/2022/06/30/lectures-du-mois-27-juin-2022/

  • J'ai noté Tea rooms, femmes ouvrières, vu chez toi et sur d'autres blogs. J'ai préféré commencer par ces nouvelles et je ne le regrette pas. Ce sont des histoires très dures, mais l'écriture est telle que j'étais captivée. Et l'autrice a su faire passer beaucoup de choses à travers des vies jusque là ordinaires. N'hésite pas à le lire.

  • Je serais très intéressée d'avoir ton avis sur ce recueil de nouvelles. Une lecture assez magistrale pour moi.

  • Oh oui, quelle lecture marquante ! Tu en parles très bien! Si ça te dit, Tea rooms, dont parle Kathel, est dans ma PAL et je voudrais le lire pour le rdv Monde du travail d'Ingannmic (donc en 2024).

  • Nos avis se rejoignent sur ce recueil. J'ai envie de continuer la découverte de Lucia Carnés bien sûr. Je ne promets plus rien jusqu'en juin, mais après pas de problème pour une lecture commune. Août ? septembre ?

  • Tu me donnes envie de lire ces nouvelles pour retrouver cette écrivaine dont je ne connais que "Tea rooms", une observatrice engagée de son époque.

  • De mon côté je vais continuer avec "Tea rooms", en espérant que d'autres titres seront traduits.

  • Complètement inconnue. Il faut dire que je lis peu venant de ce coin là...

  • Je ne lis pas trop non plus du côté espagnol, mais là je t'assure que ça vaut vraiment le coup.

  • Réédition ou édition tout court, je ne sais pas trop. Vu la qualité des textes, c'est curieux que ça n'ait pas été fait plus tôt.

  • Je ne sais pas pourquoi mais je lis peu de littérature espagnole. Je me souviens d'avoir lu quand même un ou deux romans sur le régime franquiste.

  • Moi aussi, mais c'était il y a longtemps. C'est le genre de découverte que l'on fait grâce aux blogs, qu'ils en soient remerciés.

  • j'ai bien envie de lire ces nouvelles ; Dans ma jeunesse j'avais beaucoup lu sur la guerre d'Espagne et puis beaucoup moins, ce live me tente

  • Laisse-toi tenter ; ce sont des histoires dures mais pas de violence gratuite et beaucoup d'empathie pour les personnages.

  • Et tu fais bien :-))

  • J'avais déjà repéré Tea Rooms de cette autrice il y a 2 ou 3 ans, il me tentait vraiment bien et il reste en projet de lecture, mais La femme à la valise me parle beaucoup aussi ! Je lirai probablement les deux... mais par lequel commencer maintenant ? Arf...

  • J'ai noté "Tea Rooms" chez plusieurs blogueuses amies, mais j'étais plus attirée par le thème de "la femme à la valise". Comme j'aime bien lire des nouvelles je n'ai pas hésité. Et je m'en félicite, c'est excellent. A toi de voir quel thème te parle le plus pour commencer.

  • J'ai toujours lu des nouvelles et je crois que j'aime de plus en plus. C'est un bon intermède entre deux romans bien épais. Et il y en a d'excellentes, mais je comprends que l'on n'apprécie pas la forme courte.

  • J'ai un grand oncle qui a fui l'Espagne de Franco. Il nous a parfois raconté des horreurs. Merci pour ce livre de nouvelles.

  • Les horreurs sont malheureusement toujours présentes lors des guerres mais ce qui domine dans ce livre ce sont les sentiments et les émotions des personnages. Et il y a un véritable talent d'écriture.

  • Tiens, c'est une auteure dont quelqu'un a suggéré un autre titre dans le cadre de l'activité sur le monde du travail... Je viens de vérifier, c'est Tea Rooms, le titre.

  • Oui, j'avais repéré ce titre là moi aussi, mais j'ai préféré commencer par le thème de la guerre d'Espagne. Comme j'étais dans le mois des nouvelles de "je lis je blogue", j'ai continué sur ma lancée et je ne l'ai pas regretté. Je lirai "Tea Rooms" plus tard.

  • Le sujet est terrible mais m'intéresse beaucoup. Je ne sais pas pourquoi je lis de moins en moins souvent de nouvelles et ma foi ce serait peut-être l'occasion de le faire et de découvrir cette écrivaine dont je n'ai jamais entendu parler...En plus des histoires de femmes...Merci

  • Je lis régulièrement des nouvelles, je trouve que c'est une bonne parenthèse entre deux romans consistants. Il y en a d'excellentes.

  • C'est très bien écrit et on se sent pleinement avec ces femmes. C'est une lecture dure, mais je l'ai beaucoup appréciée.

  • Merci Aifelle, tu es très courageuse de lire de telles nouvelles, je ne peux vraiment pas, ce monde là me terrifie, comment ont fait ces femmes pour traverser l'horreur ?
    Belle semaine à toi. brigitte

  • J'ai voulu découvrir l'écriture de Lucia Carnés dont j'entendais le plus grand bien. J'ai déjà lu des témoignages par le passé, écouté des émissions sur la parole qui a du mal à se libérer en Espagne sur cette guerre civile qui les a ravagés. C'est une lecture difficile mais dominée par une réelle empathie pour les personnages et pleine d'humanité.

  • Je retiens le titre car le thème m'intéresse et ces nouvelles ma praissent pleines d'émotion et très réussies.

    Autre question; Est-ce que cela ne te dérangerait pas de publier notre LC sur Proust de Laure Murat le 23 avril de préférence ou le 27 avril car à la date prévue le jeudi 25 , je publie le jeudi avec Marcel Proust et le 28 avril j'ai une autre LC. Merci ! J'attends ta réponse.

  • "La femme à la valise" a tout pour t'intéresser, n'hésite pas. Pour la LC, plutôt le 27 pour moi, je n'avance pas vite dans le Laure Murat. Ne pas avoir lu Proust ne m'aide pas ..

  • C'est noté :-))

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