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littérature espagnole

  • Le jardin sur la mer

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    "Regardez le jardin, regardez comme il est. Pour en sentir la force et le parfum, c’est la meilleure heure. Regardez les tilleuls … Vous voyez comme les feuilles tremblent et nous écoutent ? Vous riez … Si un jour vous vous promenez la nuit sous les arbres, vous verrez tout ce qu’il vous racontera, ce jardin …" 

    La couverture, le titre, je ne pouvais que me laisser tenter par ce roman d'un grande autrice catalane, inconnue (de moi) jusqu'alors.

    Le coeur de l'histoire est donc le jardin d'une propriété au bord de la mer et le récit de six étés passés là, dans les années vingt, par le jeune couple qui a acheté la maison.

    Ils sont riches, heureux, ne regardent pas à la dépense et le jardinier est content de pouvoir continuer à déployer tous ses dons et ses soins à ce jardin qui lui est si cher. Il y est depuis longtemps et y a vécu avec sa femme, disparue maintenant. Tous ses souvenirs sont là.

    Le couple reçoit beaucoup, s'amuse, se baigne et tôt ou tard vient rendre une petite visite au jardinier, qui écoute patiemment les uns et les autres, l'essentiel étant qu'ils n'abîment pas son jardin.

    L'arrivée d'un nouveau voisin tout aussi riche vient troubler un peu la quiétude du lieu. Les deux propriétaires vont-t'ils entrer dans une forme de compétition à celui qui dépensera le plus ?

    Nous pressentons déjà qu'un drame va avoir lieu, mais quand et lequel ? 

    Avec ce roman, je découvre une très belle plume, ici plutôt contemplative. La vie du jardin est superbement restituée, la beauté du lieu palpable. Un charme certain se dégage de cette histoire.

    Mais voilà, il s'en dégage aussi un certain ennui. Ce n'est pas passionnant la vie de riches oisifs. Peut-être parce que nous n'approchons l'histoire que par le seul prisme du jardinier. Tout est feutré, à peine suggéré, les personnages restent lointains et évanescents. 

    Le style de l'autrice m'a cependant suffisamment plu pour que je tente de futures parutions. Les Editions Zulma annoncent deux autres titres inédits en France. "Le jardin sur la mer" a été édité une première fois en 1967.

    L'avis de Alex Céciloule Géraldine 

    Mercè Rodoreda - Le jardin sur la mer - 256 pages
    Traduit du catalan par Edmond Raillard
    Editions Zulma - 2025

  • La femme à la valise

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    "Le lever du jour a teinté ces étranges passagers d'une couleur cendrée. Dans cette tonalité grisâtre, les silhouettes ont commencé à bouger. Parfois un bras ; d'autres fois une tête qui se tournait pour finalement revenir à sa position initiale et s'appuyer sur l'épaule voisine. Chacune ramâchait sa peine ou s'abandonnait dans le sommeil après l'angoisse des heures passées. Les passagères qui ne dormaient pas ont vu les eaux noires prendre lentement une teinte de plomb sous le ciel gris. Elles regardaient leurs compagnes de voyage avec indifférence. Les têtes abandonnées sur les épaules ; les corps, emboîtés ; L'image de cet abandon se balançant sur la mer ne les émouvait pas".

    Avec ce recueil de 11 nouvelles, je fais la connaissance de Luisa Carnés qui a été elle-même membre du PC espagnol et militante. Elle a été obligée de fuir l'Espagne pour la Colombie en 1939.

    Ces nouvelles ont été écrites entre 1940 et 1960. Elles se déroulent pendant et après la guerre d'Espagne et mettent en scène essentiellement des femmes. Elles ont toutes traversé des épreuves dures, l'arrestation, la torture, la prison, la fuite. L'espoir n'est plus de mise, elles ont perdu des maris, des pères, des fils et doivent survivre dans une société muselée par les franquistes.

    C'est une lecture forte, sans pathos, tout est dit avec une sobriété qui met d'autant plus en relief l'atrocité de certaines histoires comme la nouvelle qui donne son titre au recueil. Un groupe de femmes qui fuit vers la France, à pied. Une de ces femmes porte une valise qu'elle ne veut en aucun cas lâcher, éveillant la curiosité des autres. Elle ne dit pas un mot. L'ouverture de la valise au bout du périple tétanisera le groupe de femmes, devant une réalité insoutenable.

    Dans "la partie de dominos" c'est de vengeance dont il est question, mise minutieusement au point et visant un traître, montrant la difficile cohabitation des franquistes victorieux et des républicains vaincus et réduits au silence.

    Plusieurs nouvelles évoquent la grande misère des enfants séparés des parents ou en prison avec des mères condamnées. Certains leurs sont enlevés et confiés à des institutions fascistes.

    Une des nouvelles les plus poignantes concerne une femme qui a accouché en prison et voit son enfant dépérir de jour en jour dans cet univers délétère. Elle prendra une décision terrible pour lui donner une chance de sortir de cet endroit.

    Les situations évoquées sont multiples et montrent également des femmes réduites à la prostitution puisqu'à leur sortie de prison elles ne pouvaient trouver de travail nulle part et devaient se méfier de tout le monde.

    Une des rares nouvelles porteuse d'espoir "Aixo va bé" rappelle une journée de manifestation quinze ans après les évènements qui remet en présence Paco et Paloma. Paco continue la lutte dans la clandestinité, permettant à Paloma de retrouver la chaleur d'un groupe uni dans la résistance et fier de ses convictions.

    C'est un recueil de nouvelles d'une égale qualité, je n'ignorais pas ce qui s'est passé en Espagne franquiste, mais ces histoires de femmes qui n'occultent rien donnent une dimension pleinement humaine à ce qu'une partie de la population a dû subir, avec les séquelles que nous connaissons encore aujourd'hui.

    Une autrice que je ne connaissais pas et dont je vais continuer la lecture puisque les éditions de la Contre Allée ont eu la bonne idée de rééditer ses textes, trop méconnus en France.

    L'avis de Sacha

    Luisa Carnés - La femme à la valise - 200 pages
    Traduit de l'espagnol par Michelle Ortuno
    Editions la Contre Allée - 2023