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Le goût des livres - Page 19

  • La bibliothèque des livres brûlés

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    "Althea n'était pas une femme simpliste, quoi qu'en pensent les Berlinois. Elle préférait seulement le sanctuaire des livres à la dure réalité. Pour le meilleur ou pour le pire, les histoires fictives lui permettaient de porter des oeillères, de côtoyer des personnages, même s'ils étaient inventés, sans avoir à se dévoiler, à se sentir vulnérable. Lorsqu'elle avait six, neuf, treize ans, les livres lui avaient offert un refuge, un lieu rassurant, une meilleure amie qui n'existait pas dans la vie réelle, et parfois même une volonté de revanche sur ses ennemis qu'elle ne mettrait jamais à exécution, mais auquel il était plaisant de réfléchir".

    Ce roman a pour fil conducteur le rôle et la défense des livres en des temps difficiles. Il met en scène trois femmes à trois époques différentes. Leur trajectoire personnelle finira bien sûr par se croiser.

    Berlin, 1933 : nous suivons Althea, jeune autrice américaine auréolée d'un premier roman à succès, invitée par Joseph Gobbels, dans le cadre d'un échange culturel organisé par le nouveau pouvoir nazi. Si, au début de son séjour, elle est séduite par le dynamisme de la ville et l'accueil qui lui est réservé par les cercles cultivés du parti, elle ouvrira les yeux sur la nature réelle des nazis en assistant au grand autodafé de tous les livres jugés contraires au nationalisme allemand.

    Paris, 1936 : Hannah, juive allemande est réfugiée à Paris et travaille à la bibliothèque des livres brûlés, lieu discret qui s'efforce de réunir les livres voués à la destruction dans son pays. Elle y participait à un mouvement d'opposition et est hantée par une trahison qui  a entraîné la mort d'un proche.

    New-York, 1944 : Vivian, bibliothécaire, travaille pour une association qui envoie des livres aux soldats sur le front. Elle est en conflit ouvert avec un sénateur qui veut censurer certains livres et se battra avec acharnement pour empêcher son action.

    Voilà pour le thème principal, certainement bien documenté par rapport aux faits réels. Mais nous sommes ici dans un roman et la vie sentimentale des jeunes femmes prend le pas sur le reste, ce qui m'a moins intéressée.

    Chacune à leur manière, elles ont des relations assez compliquées et même parfois des réactions de midinettes un peu surprenantes, même si l'on considère l'époque, alors qu'elles font preuve d'un grand courage par ailleurs.

    Les chapitres alternent entre les trois femmes et j'ai mis du temps à m'y retrouver, ce n'était pas toujours très clair.

    Je ressors de cette lecture assez mitigée. L'intérêt historique est là, mais je constate une fois de plus que sur ce genre de sujet je préfère les documents. Et là, le coté romanesque prend un peu trop le dessus à mon goût. Ce n'est que mon avis personnel et c'est tout de même une lecture à tenter.

    Merci à Masse Critique et aux Editions HarperCollins

    Brianna Labuskes - La bibliothèque des livres brûlés - 336 pages
    Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Carole Delporte
    Editions HarperCollins - 2023

  • La photo du jour

    Samedi, dans le cadre de la nuit européenne des musées, le jardin de Giverny était exceptionnellement ouvert de 18 h à 21 h (et gratuit). Je ne pouvais pas laisser passer l'occasion de voir le jardin à la tombée du jour, avec la glycine resplendissante.

    giverny

    (cliquer sur la photo pour la voir en grand)

  • Le silence des repentis

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    "Un jour elle ne s'en contentera plus, évidemment. Elle voudra non seulement entendre parler du monde mais aussi le voir de ses propres yeux. Connaître son goût, le sentir. En faire l'expérience. Impossible de le lui reprocher. Et elle y aura droit, mais pas tout de suite. Car je ne lui ai pas encore raconté la longue et terrible histoire qui explique notre présence ici, les détails de ce que j'ai dû faire pour la récupérer. Elle n'a pas besoin de savoir, enfin pas encore. Elle a huit ans, elle pense que je suis quelqu'un de bien, et je ne cherche pas à la détromper."

    Un père et sa fille vivent seuls en forêt, cachés, loin de tout, au nord des Appalaches, ravitaillés une fois par an par Jake, propriétaire de la cabane où ils habitent et vieil ami de Cooper. La petite fille, Finch, a huit ans, elle n'a jamais rien connu d'autre. Qu'est-ce qui a pu les amener à une telle situation ?

    Encore un roman survivaliste me direz-vous. Oui, mais autre chose aussi, dû à l'amour infini du père pour sa fille. La mère est morte dans un accident de voiture et Cooper a dû transgresser quelques règles pour éviter qu'on ne lui retire sa fille encore bébé. Il faut dire qu'il y avait quelques raisons de se méfier, mais je ne vous dirai pas lesquelles.

    Ils mènent une vie simple, se débrouillent avec les vivres amenées par Jack. Ils chassent aussi, élèvent des poules, cultivent un potager. La petite a une bibliothèque à sa disposition, laissée par l'ancien propriétaire de la cabane. Elle en sait plus que bien des enfants de son âge. Et surtout elle a une connaissance de la forêt incomparable.

    Cooper est-il tranquille pour autant ? Non, car il a aussi un voisin encombrant, Scotland, qui les observe à la longue-vue et surgit sans bruit lorsqu'on ne l'attend pas. Finch l'accueille avec enthousiasme, mais Cooper s'en méfie comme de la peste. Qu'est-ce qui l'empêche de dénoncer leur présence à la police ? Et qu'est-ce qui l'a poussé à se réfugier en forêt, comme eux ?

    De plus, depuis quelques jours, une jeune femme rôde autour du camp, un appareil photo en bandoulière. Elle représente un danger trop grand, Cooper la surveille de près. Par contre Finch est excitée par la présence d'une femme. Elle aimerait en faire une amie.

    Dans le même temps, Jake ne vient pas au rendez-vous annuel du ravitaillement, ce qui pose un problème majeur et angoissant.

    L'histoire est racontée par Cooper, qui ressasse ce qui lui est arrivé, ses missions en Afghanistan lorsqu'il était militaire, le poids qui pèse sur sa conscience depuis cette époque, les attaques de panique depuis son retour. Il pense souvent à sa femme dont il était si amoureux et de la vie qu'ils auraient pu avoir tous les trois.

    C'est une lecture sous tension, on sent dès le départ que ça va mal tourner. Les ficelles sont un peu grosses, la fin un peu trop facile, mais j'ai marché, les personnages sont attachants, Cooper le premier, malgré les casseroles qu'il traîne. Et comment ne pas être attendrie devant le mal qu'il se donne pour élever Finch correctement, avec des valeurs.

    Une lecture distrayante, mais plus prenante que je ne l'aurai pensé au départ, sur fond de traumatismes de guerre et d'amour paternel.

    L'avis de Krol

    Kimi Cunningham Grant - Le silence des repentis - 336 pages
    Traduit de l'anglais par Alice Delarbre
    10/18 - 2023

  • La petite-fille

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    "Si l'on vit dans un pays sous un mauvais régime, on espère un changement, et un jour il advient. A la place du mauvais régime, un bon se met en place. Quand on a été contre, on peut de nouveau être pour. Si l'on a dû s'exiler, on peut revenir. Le pays, pour ceux qui sont restés et pour ceux qui sont partis, est à nouveau leur pays, le pays dont ils rêvaient. La RDA ne deviendra jamais le pays dont on rêvait. Elle n'existe plus. Ceux qui sont restés ne peuvent plus se réjouir. Ceux qui sont partis ne peuvent pas y revenir; leur exil est sans fin. D'où le vide. Le pays et le rêve sont perdus irrémédiablement."

    Je n'ai pas relu l'auteur depuis "Le liseur" qui avait été un choc. Les thèmes évoqués dans "la petite fille" m'intéressaient, c'était donc l'occasion de renouer avec lui.

    Kaspar, 71 ans, est libraire à Berlin. Il vit avec sa femme Birgit qui se consacre à l'écriture, après un séjour en Inde. Birgit abuse de l'alcool, Kaspar ne dit rien et s'accommode de la situation. Un soir en rentrant, il trouve Birgit morte.

    Dans les semaines qui suivent, Kaspar découvre des carnets remplis de pensées et de souvenirs, lui révélant ce qu'il a toujours pressenti. Birgit lui a caché tout un pan de sa vie, notamment l'existence d'une fille qu'elle a eue avant de le rencontrer et qu'elle a abandonnée.

    C'est un roman difficile à résumer tant il aborde de périodes différentes et de personnages. Les carnets évoquent d'abord la rencontre de Kaspar et Birgit jeunes, à l'occasion d'un échange entre l'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest.

    Kaspar tombe amoureux, mais nous sommes en 1965, le mur est là et il n'est pas question pour les jeunes gens de pouvoir vivre ensemble. Sauf à quitter son pays pour Birgit, sans espoir de retour. En lisant les carnets, Kaspar réalise qu'il n'avait pas perçu à quel point Birgit a été déracinée en le rejoignant et en a gardé un mal-être persistant.

    Il découvre également que le projet de sa femme était de retrouver sa fille, projet qu'il reprend à son compte. C'est ainsi qu'il va faire la connaissance de Svenja, la fille et de Sigrun, sa petite-fille, une famille qui vit parmi une communauté wölkisch, dans la mouvance néo-nazi.

    Cette histoire familiale met en relief à quel point l'Histoire avec un grand H a pesé sur les individus. L'Allemagne doit affronter son passé nazi, la séparation du pays en deux, avec des modes de vie tellement différents. La réunification n'a pas été simple avec des Allemands de l'Est complexés, persuadés que les Allemands de l'Ouest se pensaient supérieurs.

    C'est une impression qui n'a toujours pas disparu quand Kaspar rencontre Sigrun, sa petite-fille, élevée dans la nostalgie de l'époque où Hitler était au pouvoir. Comment lutter contre une idéologie aussi incrustée en elle ? Kaspar va s'efforcer de l'ouvrir à la musique, la lecture, la réflexion.

    J'ai apprécié la précision avec laquelle la relation Est-Ouest est décrite au fil des évènements et l'importance des traumatismes qui laisseront longtemps des traces.

    J'ai trouvé la partie historique et sociale du roman passionnante. Par contre, j'ai ressenti une certaine pesanteur et des redites sur le côté roman. Peut-être à cause de la froideur apparente des personnages, dont Birgit.

    Il n'en reste pas moins que c'est un grand roman par les sujet traités et l'approche très humaine de l'auteur.

    "Dans cette tristesse où Birgit lui manquait toujours et partout, comme si elle avait toujours été et partout autour de lui, il avait oublié comme elle avait souvent été si loin de lui."

    L'avis de Alex Dominique Maryline

    Bernard Schlink - La petite-fille - 352 pages
    Traduit de l'allemand par Bernard Lortholary
    Gallimard - 2023

  • Bon dimanche

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  • Brise de mère

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    "Jusqu'à l'âge de cinquante ans, maman mena la vie triste de beaucoup de femmes nées entre les deux guerres, sans gratification, ni reconnaissance. La fille de notaire à l'enfance confortable se retrouvait devant des difficultés inattendues. Comment pouvait-elle s'évader de ce huis-clos ? Sa révolte bouillonnait, mais plutôt qu'éclater dans une colère salvatrice, le plus souvent, elle se laissait engloutir par l'abattement, versait dans la dépression. Elle compensait un manque de tendresse en prodiguant des effluves de douceur au dernier-né, la surprise chrétienne de la méthode Ogino-Knaus".

    Un beau titre pour un texte très autobiographique. Le portrait d'une mère et par ricochet du fils également, le dernier-né, investi d'un amour inconditionnel. Il en profite largement dans l'enfance, se permettant mille bêtises avec la certitude d'être toujours pardonné et soutenu, au grand dam de ses trois frères et soeurs.

    L'auteur nous dresse le portrait d'une femme frustrée, mal mariée et coincée dans son rôle d'épouse, de mère et de femme au foyer. Dans la Belgique des années 50 et un milieu très catholique, une femme se contente de se dévouer à sa famille et n'a pas de désirs propres.

    Le livre est constitué de fragments, d'anecdotes, de souvenirs, parfois drôles, parfois plus tragiques. Malgré sa place de préféré, la vie ne sera pas simple pour l'auteur-narrateur surtout à l'adolescence où il cherche à se dégager de l'influence de sa mère et où il découvre son homosexualité, sujet hautement tabou à l'époque.

    J'ai souvent été touchée par le récit de l'auteur, sa révolte d'enfant, ses conflits intérieurs, le lien étroit qui le lie à sa mère, prison parfois, mais aussi soutien et colonne vertébrale. Le quotidien qu'il décrit paraît très loin aujourd'hui et pourtant c'était seulement hier, le destin empêché de trop de femmes.

    Les derniers chapitres consacrés à l'extrême vieillesse et à la fin inéluctable qui se profile sont poignants, n'éludant pas les problèmes physiques et moraux qui se posent à un fils désemparé.

    Un texte court, qui va à l'essentiel et me donne envie d'en découvrir davantage sur cet auteur.

    "Voilà, ce livre prend fin, et je me demande ce que j'ai voulu dire au juste. Raconter ce qui me liait à ma mère, cet attachement viscéral, maladif, résultat d'un amour passionnel mal sevré. Elle a toujours voulu me garder auprès d'elle malgré les raisonnements plus froids de mon père, je fus élevé comme un enfant unique, elle installa une connivence qui explosa devant mes injonctions d'autonomie. Inévitables ruptures suivies de réconciliations.

    Merci Anne

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    Alain Dantinne - Brise de mère - 188 pages
    Editions Weyrich - 2017

  • Les louves

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    "Trop tard, les Loups attaqués, les vieux Loups fatigués de guerres, partirent au combat. Leurs Louves se réfugièrent au fond des tanières, serrant contre elles leurs Louveteaux... » Comment vit-on lorsqu'on est une femme belge sous l'occupation allemande ? C'est ce que vont apprendre Marcelle et Yvette, deux filles de La Louvière, au cours de ces longues années de guerre. Aux côtés de leurs frères et de leurs parents, elles grandiront jusqu'à devenir peu à peu des femmes soucieuses de préserver leur monde, des Louves prêtes à se battre pour vivre et à vivre pour être elles-mêmes" (Présentation éditeur)

    Dans cet album, l'autrice s'inspire de l'histoire de Marcelle, sa grand-tante, et de celle de sa famille pendant la guerre 39-45. Elle évoque également Marguerite Clauwaerts, jeune enseignante, inspirée de la résistante belge Marguerite Bervoets.

    Mélange de fiction et de faits et personnes réelles, l'histoire s'attache à la vie de tous les jours d'une famille sous occupation, entre peur et refus de céder au découragement. Chacun résiste à sa mesure ; Marcelle est le personnage central, s'efforçant de maintenir la cohésion familiale autant que possible.

    Je ne suis pas très adepte du mélange fiction-réalité, mais j'ai apprécié d'en apprendre davantage sur la traversée de la guerre par nos voisins belges, ici plus précisément ceux de la Louvière, au sud de Bruxelles.

    La part belle est faite aux personnages féminins "des louves prêtes à se battre pour vivre et à vivre pour être elles-mêmes".

    Si j'ai un reproche à faire à l'album c'est un côté un peu trop lisse dans la narration, même si l'on sent bien le danger et les horreurs de la guerre, entraînant séparations, angoisse, hantise des bombardements et manques en tout genre. Le dévouement de Marcelle à sa famille, son courage et sa ténacité sont attachants, ainsi que les liens entre la fratrie.

    J'ai aimé le graphisme, simple et très lisible, ainsi que l'ajout en fin d'album de photos de la "vraie" famille et témoignages historiques.

    C'est une participation au Mois belge d'Anne et Mina

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    Lecture commune avec Enna

    Flore Balthazar - Les louves - 200 pages
    Editions Dupuis - 2018