Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Le lac de nulle part

    41A9E4ndusL._SX195_.jpg

    "Ce givre qui pare de dentelle blanche notre campement, chaque jour plus isolé que le précédent, et fait crisser mes pas au réveil, ce givre où je vois des empreintes de cerfs, d'écureuil et d'animaux minuscules, des souris peut-être - autant de choses sympathiques, si nous avions une cabane où nous réfugier, un feu rugissant dans un âtre en pierre, des raquettes aux murs, une peau d'ours sur le plancher - ce givre, vient un jour où je ne peux plus l'ignorer."

    Jusqu'à présent, je n'ai lu que de la non-fiction de l'auteur "Indian Creek" et "La nuit des étoiles" C'est donc la première fois que je l'aborde en tant que romancier.

    Al et Trig, deux jumeaux fusionnels sont contactés par leur père après deux ans de silence. Il leur propose une dernière virée en canoë comme ils en ont fait tant toute leur enfance. Il est un peu tard dans la saison pour partir dans le nord du Canada, mais ils acceptent, pensant que leur père a tout organisé au cordeau, comme d'habitude.

    Le père refuse de leur révéler le but exact du voyage, si ce n'est qu'ils vont franchir une succession de lacs. Ils le suivent dans un flou de plus en plus dérangeant. Ils s'aperçoivent qu'en fait, le vieil homme n'a rien préparé, n'a pas de cartes, pas de bagages adaptés et que ses réactions sont déroutantes.

    Les jumeaux ne se sont pas vus depuis un bon moment. Trig vient de perdre son travail et son logement. Il ne l'a avoué qu'à sa mère. Tout va bien pour Al, hormis une vie sentimentale toujours aussi agitée. Les tensions sont palpables, il manque Dory, séparée du père qui est parti du jour au lendemain. Il plane une ambiance assez lourde, avec une répartition entre deux canoës parfois problématique.

    C'est Trig le plus inquiet, comme toujours, il sent le froid arriver, les premières neiges tomber et l'indécision du père est alarmante. Le camp du soir est de plus en plus difficile à installer, le malaise grandit entre les trois personnages.

    Je peux dire d'emblée que je n'ai pas été convaincue par cette histoire. Les liens entre les protagonistes ne sont pas clairs, on sent de la rancoeur, voire plus, mais aussi un attachement et une confiance pas forcément justifiée vis-à-vis du père.

    Au milieu du livre, un évènement va reconfigurer la situation et faire prendre un tournant à l'aventure. Les jumeaux vont faire demi-tour et tracer leur route avec de plus en plus de difficultés. En plus du froid et de la neige, c'est la glace qui s'installe.

    Ce n'est pas nécessaire d'en révéler plus. J'attendais surtout l'auteur sur la description de la nature où il excelle. Je n'ai pas été déçue sur cette partie là, sauf que les répétitions m'ont rapidement lassée. Un lac après l'autre, installer le camp, faire chauffer la casserole pour le café, monter la tente, trouver du bois, faire du feu ... puis rebelote le matin dans l'autre sens. Et trouver le passage d'un lac à l'autre, le portage des canoës, tout cela minutieusement décrit à chaque fois .. à la fin j'avais une indigestion de lacs et de bivouacs.

    Quand à l'intrigue, elle est un peu trop chargée à mon goût et la fin m'a laissé un certain malaise.

    A l'avenir, je m'en tiendrai à de la non-fiction avec cet auteur.

    L'avis de Violette Une Comète

    Pete Fromm - Le lac de nulle part - 448 pages
    Traduit de l'américain par Juliane Nivelt
    Editions Gallmeister - 2022

  • Bon dimanche

    "Fortes et puissantes, elles nous emportent dans leurs combats en occitan, en français, en grec, en italien, en sicilien et en espagnol.
    En effet, les dames de la Joliette croisent le fer et s'interpellent à coup de pandeiro, de tamureddu, de bongos. Pas de quartiers, les hommes ne seront pas épargnés. Femmes au travail, chants de guerre, poèmes d'amour, chants récoltés et revisités, compositions originales" (Site les dames de la Joliette)

    Photo3DLJ©Solongs.jpg
    Crédit photo : Solongs

  • Blackwater tome 1 La crue

    couv8560340.jpg

    "Oscar savait que Mary-Love et Elinor avaient la capacité de le manipuler. Elles obtenaient ce qu'elles voulaient. En réalité, chaque femme recensée à Perdido obtenait ce qu'elle voulait. Bien entendu, aucun homme n'aurait admis être aiguillé par sa mère, sa soeur, son épouse, sa fille, sa cuisinière, ou par aucune femme qu'il croisait au hasard des rues - la plupart, d'ailleurs, n'en avaient même pas conscience. Oscar, si. Mais bien qu'il ait conscience de sa soumission, de sa véritable impuissance, il était incapable de se libérer des chaînes qui l'entravaient".

    Je pense que tout le monde a maintenant entendu parler de cette série dont le succès ne se dément pas depuis le printemps. Un texte feuilletonesque paru en 1983 aux Etats-Unis et jamais traduit en français. Monsieur Toussaint Louverture a fait un vrai pari en se lançant dans l'aventure, sous forme de 6 tomes d'avril à juin.

    Après avoir résisté, la curiosité a été la plus forte, j'étais intriguée par le côté imaginaire et fantastique annoncé.

    Le premier tome, "la crue" nous emmène dans la ville présentement submergée de Perdido (Alabama) où vit la famille Caskey. La rivière Blackwater a débordé de son lit. Oscar, le fils Caskey, se rend en barque dans les rues de la ville, essayant d'évaluer les dégâts sur les maisons et surtout sur sa fabrique de bois. Il est accompagné par Bray, un domestique noir. Ils aperçoivent un signal à une fenêtre et découvrent une femme, Elina, qui serait enfermée dans une chambre depuis quatre jours.

    Ses cheveux sont d'une couleur peu commune, proche de celle de la rivière. Elle se prétend institutrice mais ses diplômes ont disparu. Si Oscar est déjà sous le charme, Bray a peur de cette femme et veut s'en aller au plus vite.

    Oscar emmène Elina sur les hauteurs de Perdido, là où est réfugiée une bonne partie de la population, sous la houlette de Mary-Love Caskey, la matriarche qui déteste aussitôt Elina, sentant en elle une potentielle concurrente à la forte personnalité.

    J'ai lu ce premier tome comme une saga familiale banale, hormis quelques scènes ou indices ou le lecteur comprend qu'Elina n'est pas forcément ce qu'elle dit et glace les os ; des jalons posés qui laissent supposer des drames gratinés pour la suite.

    C'est une lecture facile et agréable, c'est amusant de voir les ruses mises en place par Mary-Love pour garder le pouvoir sur son fils et damer le pion à Elina. Ladite Elina a pourtant mis tout le monde à ses pieds, Oscar, sa soeur Sister, le frère de Mary-Love James etc .. etc .. Nous avons droit aux démêlés habituels des riches familles où l'argent circule facilement. Les secrets et les coups bas aussi.

    J'ai été étonnée par le ton résolument féministe de l'histoire, ce n'était pas si fréquent en 1983. Les hommes ne font vraiment pas le poids face à des femmes qui décident de tout et ne s'en laissent pas conter.

    J'ai passé un bon moment, mais je ne me sens pas enthousiaste au point d'enchaîner avec le deuxième tout de suite. Je le lirai, sans urgence. J'attendais plus de fantastique. Un mot sur la couverture de grande qualité et collant parfaitement à l'histoire.

    L'avis de Alex Brize Une Comète

    Michael MCDOWELL - Blackwater 1 - La crue -256 pages
    Traduit de l'anglais par Yoko Lacour et Hélène Charrier
    Monsieur Toussaint Louverture - 2022

  • La vie obstinée

    La vie obstinée.jpg

    "Assurément, aucun d'entre nous n'est inoffensif, quoi que cherche à nous faire accroire notre petite cuisine personnelle. Quelles qu'aient été nos raisons respectives de venir vivre par ici, aucun d'entre nous n'a pu faire abstraction des autres. L'éleveur obstiné soucieux de monnayer la terre qu'il lui reste ; l'arrière-petit-fils d'immigré italien, sa femme à la santé délicate, sa fille renfrognée, ses adobes aux vertus narcotiques ; la jeune femme en péril, habitée d'un désir éperdu de continuité ; le zigoto qui vivait dans l'arbre et ce zigoto-ci qui vit au sommet de la colline - tous, quelles que fussent nos aspirations, nous avons atterri au sein d'une communauté, avec les conséquences que cela a entraînées. Et au coeur de cette communauté il y avait la petite maison de Catlin".

    Joe Allston et sa femme Ruth, ont choisi de s'installer dans la campagne proche de San Francisco au moment de la retraite, pour s'écarter du fracas du monde et trouver la tranquillité.

    Le couple est soudé autour d'un même chagrin depuis la mort de leur fils. Joe n'a jamais compris son garçon et traîne une culpabilité difficile à supporter. C'est un vieux ronchon, très critique et peu enclin à changer de point de vue.

    Leur vie s'organise autour de promenades quotidiennes, de jardinage et de chasse aux nuisibles. Ils ont quelques voisins qu'ils ne fréquentent pas vraiment.

    Dans ce tableau arrive un jeune hippie qui leur demande l'autorisation de s'installer sur leur propriété. Joe la donne difficilement et le regrettera amèrement par la suite. Le jeune homme va largement déborder ce qui lui a été accordé. Il lui rappelle son fils, ce qui n'arrange rien.

    Arrive également un jeune couple avec une petite-fille, et là, ce sera un vrai changement pour Joe et Ruth. La jeune femme, Catlin, est lumineuse, chaleureuse, ouverte sur le monde. Joe aime beaucoup discuter avec elle, elle l'adoucit, même si elle ne le convainc pas.

    Mais Catlin, enceinte, apprend la reprise d'un cancer et décide de refuser tout traitement pour mener sa grossesse à terme, ce qui désespère Joe.

    Tracer les grandes lignes de l'histoire est loin de rendre la beauté de ce roman, à l'écriture nuancée, aux personnages attachants, à la grande sensibilité. Le narrateur, Joe, n'est pas dupe de sa rigidité, il se moque de lui-même avec humour, il a un oeil acéré sur les autres et sur la société qui l'entoure et il connaît ses côtés excessifs.

    Dans ses longues discussions avec Catlin, il se dévoile plus qu'il ne le voudrait, elle a le don de le désarmer et de lui faire voir les gens autrement.

    Nous savons dès le début que Catlin va mourir. La tonalité du roman est assez mélancolique bien sûr, mais tellement riche qu'il ne faut pas passer à côté.

    Il me reste à lire "Vue cavalière" où l'on retrouve Joe et Ruth dix ans plus tard.

    "Je serai, toute ma vie durant, plus riche de ce chagrin"

    L'avis de Keisha Sandrine

    Du même auteur : En lieu sûr La montagne en sucre

    A noter, la réédition de ce roman cette année, dans la collection Totem

    517.jpg

    Wallace Stegner - La vie obstinée - 352 pages
    Traduit par Eric Chedaille
    Libretto - 2002

  • Maritimes

    grasset

    "En fin d'après-midi, le bateau était reparti et Benjamin était resté. Il faut se remettre dans l'ambiance de cette époque difficile. Chacun savait ce qui se passait sur le continent, le pays était empêtré dans la dictature, aussi par prudence nous avons décidé de ne poser aucune question à cet inconnu que la mer nous avait envoyé. Benjamin à travers les fenêtres du café avait regardé le bateau s'éloigner. Je me trouvais là, je me souviens".

    Une île quelque part en Méditerranée, une population de pêcheurs soudés, se souvenant du temps lointain où ils parlaient la même langue que les créatures marines, une dictature sur le continent en face .. le décor est planté.

    Un narrateur raconte en leur nom à tous. Il raconte le jour où ils ont vu débarquer Benjamin, beau comme un Dieu grec. Il n'a pas pris le bateau du retour. Ils ont compris qu'il se cachait, ils n'ont rien dit, il s'est intégré petit à petit en rendant des services, en participant à leur vie, toujours avec respect.

    Hébergé d'abord chez la boulangère, il a demandé à emménager dans une maison abandonnée, tout au bout de l'île.

    Dès le départ, nous pressentons un drame qui couve. Il ne manquera pas d'advenir et je n'en dirai pas plus.

    L'histoire, racontée avec simplicité aborde l'horreur d'une dictature, le rejet des migrants, la chasse aux opposants, la violence des hommes et par-dessus tout une magnifique histoire d'amour.

    Il y est aussi question de solidarité, d'empathie, d'humanité en somme.

    Un roman que j'ai lu grâce à Hélène et qui m'a laissée complètement sous le charme. Les évènements sont durs, mais la poésie est là et une certaine beauté au coeur des pêcheurs.

    J'ai tout aimé dans ce roman à l'allure de conte.

    "Dans quelques jours les derniers vacanciers partiront et les créatures marines pourront de nouveau s'approcher. Elles vivent sous la surface de l'eau et tous ces gens les dérangent, elles en ont peur et passent l'été cachées dans des endroits connus d'elles seules. Nous regarderons la mer se rider à leur approche silencieuse, nous pourrons les imaginer rassurées. Aucun touriste ne se doute de leur existence, nous seuls connaissons cette population qui depuis la nuit des temps partage les grands fonds méditerranéens avec les poissons, les phoques-moines, les dauphins et quelques monstres préhistoriques qui ont traversé les siècles".

    Sylvie Tanette - Maritimes - 120 pages
    Grasset - 2021

  • Bon dimanche

    Déjà deux ans que Belle du Berry nous a quittés. J'avais fait sa connaissance sur un album du groupe "La Trabant" et poursuivi avec "Paris Combo". Elle nous manque.

    Belle du Berry.jpg

    Et un supplément avec l'album de "La Trabant"

  • Dans la peau de Sheldon Horowitz

    c425192b4455de9a92657de47efef52c258d25.jpg

    "Qu'est-ce que je ferai là-bas ? Je suis un Américain. Un juif. Un veuf à la retraite de quatre-vingt-deux ans. Un marine. Un horloger. Je mets une heure à pisser. Existe-t'il un club spécial pour moi dans ce pays dont je n'ai pas entendu parler ?"

    Sheldon est un peu perdu depuis la mort de sa femme, Mabel. Il accepte de mauvais gré de quitter New-York et de suivre sa petite-fille Rhea et son mari Lars, Norvégien, à Oslo. Mabel et Sheldon ont recueilli Rhea enfant après la mort de leur fils unique, Saul, engagé dans la guerre du Vietnam.

    Rhea aimerait qu'il s'adapte à sa nouvelle vie ; elle fait tout ce qu'elle peut pour lui rendre le quotidien plus facile. Hélas, un beau matin où Sheldon est seul, une voisine serbe se réfugie chez lui avec son petit garçon. Elle est poursuivie par des tueurs kosovars qui veulent récupérer un coffret.

    La femme est assassinée ; Sheldon et l'enfant, cachés, prennent aussitôt la fuite. Sheldon ne parle pas norvégien, seulement anglais, l'enfant parle serbe. Le vieil homme se rend compte que ça ne va pas être facile de s'en sortir. Il a laissé un papier en évidence sur la table, persuadé que Rhea comprendra où il est parti se réfugier.

    Dans l'impossibilité de communiquer avec l'enfant, il l'appelle Paul et s'efforce de le protéger au mieux et de faire en sorte que les tueurs ne les retrouvent pas. Il a un plan.

    "Je sais ce que tu penses, dit-il à Paul tout en s'affairant. On a l'air de suspects, n'est-ce-pas ? En vérité, non. Quand as-tu entendu parler pour la dernière fois d'un octogénaire vêtu d'un anorak orange vif en train de voler un bateau à l'ancre près de la police ? Jamais. C'est inconcevable ! voilà comment on s'en sort sur cette planète. Faire l'inimaginable au vu et au su de tout le monde. Les gens présument qu'il ont la berlue".

    A ce point de l'histoire il faut préciser que Sheldon est un ancien marine, sniper pendant la guerre de en Corée. C'est vieux, mais il a eu une formation sévère qui peut encore lui servir. Notons que sa femme a toujours douté de la réalité de ce qu'il racontait et sur la fin, elle l'estimait atteint de démence sénile. Vrai ou pas vrai ? au lecteur de se faire son idée. Sheldon est aussi capable de voir et de dialoguer avec d'anciens amis morts.

    La narration est assez loufoque, brouillonne et part dans plusieurs directions à la fois. J'ai aimé le mélange de drame, de tendresse, de profondeur aussi qui se dégage du périple de Sheldon, le tout assaisonné d'un humour décapant.

    Je n'ai pas cherché de rationalité dans le récit et je me suis laissée porter par ce vieillard ronchon si attachant, qui sait encore quoi faire, mais dont le corps ne suit plus. Il est bourré de culpabilité parce qu'il se sent responsable de la mort de son fils, Saul. Il lui a parlé sans cesse de l'honneur qu'il y a à servir l'Amérique et de ses exploits en Corée. Il estime l'avoir poussé à s'engager. Il est également hanté par la deuxième guerre mondiale et ce qui est arrivé à son peuple. Il était trop jeune pour aller se battre.

    "Tu veux savoir ce que j'ai trouvé en Europe ? Le silence. Un silence atroce, épouvantable. Il ne restait plus une seule voix juive. Aucun de nos enfants. Rien que deux ou trois malheureux parasites traumatisés qui n'étaient pas partis ou n'avaient pas été massacrés. L'Europe colmatait la plaie. Meublait le silence avec ses vespas, ses Wolkswagen, ses croissants, comme si de rien n'était. Tu veux de la psychologie ? D'accord. Ça les a sans doute fait chier que je leur montre que j'étais toujours là. Pour les obliger à réagir."

    Pendant ce temps, la police norvégienne essaie d'y voir clair dans le mobile du meurtre de la femme et de la fuite de Sheldon et l'enfant, avec l'aide de Rhea et Lars. L'action va se déplacer vers le chalet d'été de Lars, une course de vitesse va s'enclencher, sous la direction de Sigrid, l'enquêtrice. Le fossé est grand entre une police habituée à respecter les règles et un gang qui n'en a aucune.

    "Tous fixent leurs chaussures ; Sigrid en déduit que sa synthèse est correcte. Ils sont sept. Sept nains flapis, tandis qu'elle, Blanche-Neige, réveillée de son long sommeil, ne voit pas de café venir. Rien qu'une pièce d'avortons poilus".

    Mené comme un polar, le roman est aussi une réflexion sur toutes les guerres qui détruisent les hommes qui les font. Ils rentrent, ou pas, et ne parlent jamais de ce qu'ils ont fait ou de ce qu'ils ont vu. Et les dégâts se répercutent sur les générations suivantes.

    J'ai été touchée par la relation qui s'instaure entre Sheldon et Paul, au delà du langage. Les passages où Sheldon semble perdre un peu la boussole ne m'ont pas troublée. Ce n'est pas un coup de coeur mais une lecture agréable, moins légère qu'elle n'en a l'air.

    L'avis de Séverine

    Derek B. Miller - Dans la peau de Sheldon Horowitz - 384 pages
    Traduit de l'anglais par Sylvie Schneiter
    Les Escales - 2013

  • Au nom du bien

    401.jpg

    "Gary et moi, on a grandi à Stock, et à Stock, être gay c'est encore un péché. Et pas un petit péché comme jurer, par exemple. En dehors de maltraiter un enfant ou tuer quelqu'un, c'est à peu près ce qu'on peut faire de pire. Toute ma vie j'ai entendu ça, et mon cul de païenne a même pas fréquenté les bancs de l'église."

    Richard Weatherford est le pasteur d'une petite ville de l'Arkansas, père de cinq enfants et mari irréprochable. Il a des convictions inébranlables qu'il s'efforce de communiquer à ses ouailles. Nous sommes au coeur de l'Amérique trumpienne, détenant la vérité et exigeant une morale sans faille, pas loin du fonctionnement d'une secte. Ça, c'est le côté face.

    Côté pile c'est moins brillant. Le pasteur s'est fourré dans une situation catastrophique en cédant à ses pulsions homosexuelles avec le jeune Gary. Le dit Gary lui réclame maintenant 30 000 dollars, faute de quoi il le dénoncera publiquement. Frère Richard a 48 heures pour les trouver.

    Prêt à tout pour sauver sa réputation, sa famille, sa place et son honneur nous voyons le pasteur s'abîmer dans une suite de décisions catastrophiques qui vont coûter cher à quelques membres de la communauté. C'est cruel, hypocrite, sans aucun scrupule.

    Je n'ai pas de chance avec les pasteurs dans mes lectures récentes (ici) et je dois dire que celui-ci pulvérise des records dans le chapitre reniements, manque de foi, faillite morale et j'en passe. L'action se passe sur les deux jours des fêtes de Pâques où le pasteur doit mener à la fois les préparatifs habituels et chercher désespérément l'argent, tout en jouant la comédie à sa femme.

    L'histoire est racontée par plusieurs protagonistes, nous passons de l'un à l'autre, ce qui permet de saisir la montée en tension et les raisons de chacun. Dans cet imbroglio, la lutte sans merci du pasteur pour l'interdiction d'alcool dans la ville a son importance.

    Tout en reconnaissant la force de la dénonciation, je ne me suis pas sentie très à l'aise dans ce roman ou la noirceur domine. J'ai espéré une lueur d'espoir du côté de l'épouse du pasteur. Hélas, c'était juste une illusion, l'hypocrisie et le cynisme sont bien partagés dans le couple. En comparaison, j'ai fini par trouver presque sympathique le jeune couple de maîtres chanteurs à la base de l'histoire.

    Si la charge contre certains mouvements religieux est parfaitement réussie, c'est une lecture qui tombait peut-être à un mauvais moment pour moi.

    L'avis de Kathel Luocine

    Jake Hinkson - Au nom du bien - 336 pages
    Traduit de l'américain par Sophie Aslanides 
    Gallmeister - 2020