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gallmeister

  • Le lac de nulle part

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    "Ce givre qui pare de dentelle blanche notre campement, chaque jour plus isolé que le précédent, et fait crisser mes pas au réveil, ce givre où je vois des empreintes de cerfs, d'écureuil et d'animaux minuscules, des souris peut-être - autant de choses sympathiques, si nous avions une cabane où nous réfugier, un feu rugissant dans un âtre en pierre, des raquettes aux murs, une peau d'ours sur le plancher - ce givre, vient un jour où je ne peux plus l'ignorer."

    Jusqu'à présent, je n'ai lu que de la non-fiction de l'auteur "Indian Creek" et "La nuit des étoiles" C'est donc la première fois que je l'aborde en tant que romancier.

    Al et Trig, deux jumeaux fusionnels sont contactés par leur père après deux ans de silence. Il leur propose une dernière virée en canoë comme ils en ont fait tant toute leur enfance. Il est un peu tard dans la saison pour partir dans le nord du Canada, mais ils acceptent, pensant que leur père a tout organisé au cordeau, comme d'habitude.

    Le père refuse de leur révéler le but exact du voyage, si ce n'est qu'ils vont franchir une succession de lacs. Ils le suivent dans un flou de plus en plus dérangeant. Ils s'aperçoivent qu'en fait, le vieil homme n'a rien préparé, n'a pas de cartes, pas de bagages adaptés et que ses réactions sont déroutantes.

    Les jumeaux ne se sont pas vus depuis un bon moment. Trig vient de perdre son travail et son logement. Il ne l'a avoué qu'à sa mère. Tout va bien pour Al, hormis une vie sentimentale toujours aussi agitée. Les tensions sont palpables, il manque Dory, séparée du père qui est parti du jour au lendemain. Il plane une ambiance assez lourde, avec une répartition entre deux canoës parfois problématique.

    C'est Trig le plus inquiet, comme toujours, il sent le froid arriver, les premières neiges tomber et l'indécision du père est alarmante. Le camp du soir est de plus en plus difficile à installer, le malaise grandit entre les trois personnages.

    Je peux dire d'emblée que je n'ai pas été convaincue par cette histoire. Les liens entre les protagonistes ne sont pas clairs, on sent de la rancoeur, voire plus, mais aussi un attachement et une confiance pas forcément justifiée vis-à-vis du père.

    Au milieu du livre, un évènement va reconfigurer la situation et faire prendre un tournant à l'aventure. Les jumeaux vont faire demi-tour et tracer leur route avec de plus en plus de difficultés. En plus du froid et de la neige, c'est la glace qui s'installe.

    Ce n'est pas nécessaire d'en révéler plus. J'attendais surtout l'auteur sur la description de la nature où il excelle. Je n'ai pas été déçue sur cette partie là, sauf que les répétitions m'ont rapidement lassée. Un lac après l'autre, installer le camp, faire chauffer la casserole pour le café, monter la tente, trouver du bois, faire du feu ... puis rebelote le matin dans l'autre sens. Et trouver le passage d'un lac à l'autre, le portage des canoës, tout cela minutieusement décrit à chaque fois .. à la fin j'avais une indigestion de lacs et de bivouacs.

    Quand à l'intrigue, elle est un peu trop chargée à mon goût et la fin m'a laissé un certain malaise.

    A l'avenir, je m'en tiendrai à de la non-fiction avec cet auteur.

    L'avis de Violette Une Comète

    Pete Fromm - Le lac de nulle part - 448 pages
    Traduit de l'américain par Juliane Nivelt
    Editions Gallmeister - 2022

  • Au nom du bien

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    "Gary et moi, on a grandi à Stock, et à Stock, être gay c'est encore un péché. Et pas un petit péché comme jurer, par exemple. En dehors de maltraiter un enfant ou tuer quelqu'un, c'est à peu près ce qu'on peut faire de pire. Toute ma vie j'ai entendu ça, et mon cul de païenne a même pas fréquenté les bancs de l'église."

    Richard Weatherford est le pasteur d'une petite ville de l'Arkansas, père de cinq enfants et mari irréprochable. Il a des convictions inébranlables qu'il s'efforce de communiquer à ses ouailles. Nous sommes au coeur de l'Amérique trumpienne, détenant la vérité et exigeant une morale sans faille, pas loin du fonctionnement d'une secte. Ça, c'est le côté face.

    Côté pile c'est moins brillant. Le pasteur s'est fourré dans une situation catastrophique en cédant à ses pulsions homosexuelles avec le jeune Gary. Le dit Gary lui réclame maintenant 30 000 dollars, faute de quoi il le dénoncera publiquement. Frère Richard a 48 heures pour les trouver.

    Prêt à tout pour sauver sa réputation, sa famille, sa place et son honneur nous voyons le pasteur s'abîmer dans une suite de décisions catastrophiques qui vont coûter cher à quelques membres de la communauté. C'est cruel, hypocrite, sans aucun scrupule.

    Je n'ai pas de chance avec les pasteurs dans mes lectures récentes (ici) et je dois dire que celui-ci pulvérise des records dans le chapitre reniements, manque de foi, faillite morale et j'en passe. L'action se passe sur les deux jours des fêtes de Pâques où le pasteur doit mener à la fois les préparatifs habituels et chercher désespérément l'argent, tout en jouant la comédie à sa femme.

    L'histoire est racontée par plusieurs protagonistes, nous passons de l'un à l'autre, ce qui permet de saisir la montée en tension et les raisons de chacun. Dans cet imbroglio, la lutte sans merci du pasteur pour l'interdiction d'alcool dans la ville a son importance.

    Tout en reconnaissant la force de la dénonciation, je ne me suis pas sentie très à l'aise dans ce roman ou la noirceur domine. J'ai espéré une lueur d'espoir du côté de l'épouse du pasteur. Hélas, c'était juste une illusion, l'hypocrisie et le cynisme sont bien partagés dans le couple. En comparaison, j'ai fini par trouver presque sympathique le jeune couple de maîtres chanteurs à la base de l'histoire.

    Si la charge contre certains mouvements religieux est parfaitement réussie, c'est une lecture qui tombait peut-être à un mauvais moment pour moi.

    L'avis de Kathel Luocine

    Jake Hinkson - Au nom du bien - 336 pages
    Traduit de l'américain par Sophie Aslanides 
    Gallmeister - 2020

  • Les gens des collines

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    "Elle hocha la tête et lui serra  la main. Habituée depuis longtemps aux manières des hommes, elle maintenait un régime d'exercice quotidien pour renforcer sa poigne. Sans surprise, Knox se mit immédiatement à lui pressurer la main pour démontrer sa virilité. Linda riposta en serrant plus fort, sentant la tension des muscles bandés de son avant-bras. Il relâcha sa main comme un chien qui roule sur le dos pour montrer son ventre et elle sut qu'il lui en voudrait toute sa vie."

    Linda vient d'être nommée shérif d'une petite ville du Kentucky. Peinant encore à se faire respecter à ce poste en tant que femme, elle sait qu'il ne faut pas qu'elle traîne à élucider le meurtre d'une jeune femme que tout le monde aimait.

    Pour l'aider, elle fait appel à son frère, tout juste rentré au pays après des mois d'absence. Mick est enquêteur au sein de l'armée depuis des années, il est rompu aux techniques d'interrogatoires. Il a connu l'Irak, l'Afghanistan, la Syrie et dans ce coin de terre où les généalogies familiales sont importantes, sa présence sera acceptée, ou du moins tolérée.

    Il est officieusement l'adjoint de sa soeur, n'en déplaise au jeunot du FBI qui est dépêché sur les lieux pour mettre des bâtons dans les roues de Linda par le potentat local.

    Si Mick est revenu au pays, c'est parce que son mariage avec Peggy bat de l'aile. A force de l'attendre des mois durant et de le voir repartir longtemps, leur union s'est effritée et il se peut même qu'elle soit terminée, ce qui conduit Mick dans un premier temps à se saoûler copieusement dans la cabane de son grand-père.

    Si l'enquête en elle-même n'a rien d'exceptionnel, j'ai beaucoup aimé l'ambiance du roman, avec ces gens taiseux, qui ne sortent de leurs maisons qu'avec une arme, ont l'habitude de faire justice entre eux et cachent farouchement des secrets bien enfouis.

    Mick progresse entre l'enquête et ses problèmes avec Peggy, c'est un personnage attachant, conscient de ses lacunes et de ses forces, contraint de faire un bilan de la vie qu'il a menée jusqu'ici. Sa relation avec sa soeur Linda est tantôt tendue, tantôt pleine de tendresse bourrue.

    La présence de la nature apporte une touche de poésie à la vie rude de ce coin des Appalaches.

    Il semblerait que ce soit le premier volet d'une trilogie avec Mick. Je m'en réjouis.

    Chris Offutt - Les gens des collines - 240 pages
    Traduit de l'américain par Anatole Pons-Remaux
    Gallmeister - 2022

  • L'un des nôtres

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    "Mon Dieu, et t'en serais capable en plus. Et quand tu finiras par te rendre compte que ce que tu veux ne peut pas se faire ? Qu'est-ce qui va se passer à ce moment-là ?
    Ça fait justement partie des choses que je n'ai jamais pu apprendre, dit-elle de sa voix tremblante. Ce n'est pas ce que tu m'as sans cesse répété, George ? Que je ne sais jamais quand il faut renoncer ?"

    Nous sommes dans le Dakota du Nord, en 1951. George et Margaret Blackledge ont perdu leur fils tragiquement. Ils en étaient très proches et se raccrochent à leur petit-fils Jimmy, pensant l'élever, en l'hébergeant avec sa mère Lorna. Seulement Lorna s'est amourachée d'un certain Donnie Weboy. Du jour au lendemain, le jeune couple s'en va rejoindre la famille Weboy dans le Montana, séparant les grands-parents de Jimmy.

    Margaret est convaincue que Donnie maltraite la jeune femme et l'enfant. Elle veut partir à leur recherche et ramener Jimmy à la maison. C'est un Blackledge ! George est nettement plus réservé, il estime que l'on n'arrache pas un enfant à sa mère, mais il ne sait rien refuser à sa femme et il accepte de se mettre en route pour le Montana, envers et contre tout.

    L'expédition ne sera pas facile, ils ne savent pas exactement où trouver la famille ou plutôt le clan Weboy, connu comme le loup blanc et pas comme des tendres. Margaret va se heurter à une femme, Blanche, aussi déterminée qu'elle à garder l'enfant.

    Voilà un roman américain comme je les aime, avec des personnalités marquées, des individus confrontés à des problèmes personnels et sociaux, des rencontres plus ou moins heureuses et d'un seul coup des accès de violence qui laissent pantois.

    La logique de Margaret est parfois difficile à suivre, ses raisonnements sont dérangeants. Elle n'épargne pas George et le bouscule sans toujours évaluer à quel point il lui est attaché et jusqu'où il peut aller. D'où une fin de roman magistrale. Les deux points forts de l'histoire sont justement le côté indéfectible du couple et l'affrontement Blackledge-Weboy.

    Les personnages secondaires ont leur importance, Madame Witt, l'infirmière, le jeune indien, Alton Dragswolf et quelques autres, ils enrichissent l'aventure en y apportant leur compréhension et leur humanité.

    En bref, c'est un excellent roman que je ne saurais trop vous recommander.

    Merci à Masse critique et aux Editions Gallmeister

    Larry Watson - L'un des nôtres - 336 pages
    Traduit de l'américain par Elie Robert-Nicoud
    Gallmeister - 2022