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Rechercher : deux femmes et un jardin

  • Ne m'oublie pas

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    La grand-mère de Clémence, Marie-Louise est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Placée en établissement, elle vient de fuguer pour la troisième fois. La directrice n'en tolèrera pas une quatrième, il va falloir passer à un traitement chimique fort.  Visite après visite, Clémence ne supporte pas de voir sa grand-mère s'effacer de plus en plus et sur une impulsion, elle prend la fuite avec elle, déterminée à l'emmener revoir sa maison d'enfance, au bord de la mer.

    Marie-Louise a 20 ans dans sa tête, veut rentrer à la maison familiale, persuadée que ses parents l'attendent avec inquiétude.

    Clémence sait qu'elle a mal agi et réalise en route qu'elle ne sait pas vraiment dans quoi elle s'est embarquée, avec une malade imprévisible et fragile. De plus, elle ne sait pas précisément où est la maison en question.

    Sur cette trame qui pourrait tirer sur le tragique et les larmes, le périple est raconté avec beaucoup de tendresse et un bon grain de folie. Marie-Louise a des moments de lucidité qui favorisent les échanges sur le passé et éclairent les relations entre trois femmes, grand-mère, mère et fille, toutes confrontées à des situations différentes.

    Les dessins sont pleins de douceur, certaines scènes sont sans dialogue et se suffisent à elles-mêmes.

    Un album touchant, à ne pas manquer. Il a obtenu le prix France-Culture Etudiants BD 2021

    L'avis de Pativore et Philisine

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    Alix Garin - Ne m'oublie pas - 224 pages
    Editions Lombard - 2021

  • La félicité du loup

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    "Le sherpa noua la corde par-dessus son sac, chargea le tout sur son dos, et se mit en marche en direction du col. La neige était glacée et Silvia constata aussitôt l'inutilité des crampons. Elle lui emboîta le pas en silence, se calquant sur sa trace et son allure. Elle avait compris que cette ascension était un test. Comment expliquer autrement qu'ils ne soient pas montés dans l'hélicoptère avec le reste des affaires ? Mais c'était dans l'ordre des choses : un refuge, ça se mérite. Plus de mille mètres de dénivelé, il allait falloir avancer doucement, éviter de trop lever les yeux, ne pas penser au chemin encore à parcourir".

    Fausto, écrivain en panne d'inspiration est dans une période de flottement. En pleine rupture avec sa compagne milanaise, il a accepté un travail de cuisinier dans un restaurant d'altitude tenu par Babette.

    Silvia arrive comme serveuse dans ce même restaurant. Peintre, elle ne sait plus trop quelle direction donner à sa vie et s'accorde un temps de réflexion. Fausto va rapidement tomber sous le charme de la jeune femme. Ils vont commencer une liaison, sans y mettre forcément les mêmes attentes.

    J'ai retrouvé les thèmes chers à l'auteur, des individus à un carrefour de leur vie, les Alpes italiennes, le désir de solitude, de dépassement, les contrastes entre ville et nature. Si j'ai lu ce roman avec plaisir, j'ai trouvé qu'il n'apportait rien de nouveau par rapport aux précédents, il tourne un peu en rond.

    Il y a néanmoins de magnifiques pages sur la montagne. Curieusement, ce sont les personnages secondaires qui m'ont le plus intriguée, Babette et Santorso par exemple. J'aurais aimé qu'ils soient davantage creusés.

    En résumé, une lecture agréable, mais j'attendais plus de l'auteur.

    Paolo Cognetti - La félicité du loup - 216 pages
    Traduit de l'italien par Anita Rochedy
    Editions Stock - 2021

  • Orange amère

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    "Autrefois Teresa avait vu en son mari l'homme le plus séduisant du monde, alors qu'en réalité il ressemblait à une de ces gargouilles perchées sur une corniche au sommet de Notre-Dame, destinées à effrayer le diable et à le chasser. Elle garda cette pensée pour elle, mais il était clair qu'elle était inscrite sur son visage, car Bert changea de ton."

    Voilà un bon roman américain comme je les aime, une histoire familiale un peu compliquée, mais si bien racontée, avec des personnages finement décrits au fil des années.

    Le premier chapitre consacré au baptême d'une petite Franny ne présage pas de la suite du roman. Nous y voyons Bert Cousins qui s'incruste à ce baptême sans y avoir été invité, juste pour fuir son foyer où il laisse sa femme, Teresa, se débrouiller avec leurs trois enfants, plus un quatrième en route.

    Nous sommes dans un milieu de flics et de juristes, tout le monde se connaît plus ou moins, Bert est accueilli en voisin par Fix, le maître de maison et sa femme, Beverly, une beauté resplendissante.

    Chapitre suivant, nous retrouvons Franny, largement adulte, au chevet de son père, Fix, l'accompagnant dans une séance de chimio. Que s'est-il passé entre-temps ? Nous allons l'apprendre petit à petit et dans un désordre chronologique, chaque chapitre nous ramenant à un autre personnage ou une autre époque.

    Je vous rassure, on s'y retrouve très bien. J'ai juste fait un pense-bête au départ pour ne pas me perdre dans les personnages.

    Après le baptême, les couples se sont recomposés, Bert a quitté Teresa pour Beverly, laissant Fix avec ses deux filles. Les uns sont en Virginie, les autres en Californie, les six enfants ne se retrouvent ensemble qu'aux vacances scolaires.

    On retrouve ici toutes les difficultés liées aux familles recomposées, les blessures accumulées, les accommodements, les conflits de loyauté. On devine assez vite qu'un drame est survenu, qui a bouleversé durablement la vie de chacun. Et encore plus lorsqu'un livre paraîtra sur l'histoire de la famille, remuant douloureusement le passé.

    Le rythme est lent, ce qui n'est pas un défaut, il permet de s'attacher longuement à chaque narrateur, d'en retrouver certains longtemps après, transformés par les années, quelquefois apaisés.

    C'est une histoire qui se savoure patiemment et qui m'a manqué lorsque la dernière page a été tournée.

    "Elle était tellement épuisée qu'elle se disait qu'elle avait de la chance de réussir à aller jusqu'à la salle de bains et à la cuisine pour aller prendre un verre d'eau, avant de rejoindre son lit. Elle avait quatre-vingt-deux ans. Elle imaginait que ses enfants risqueraient d'utiliser cette douleur précise à l'estomac pour décider qu'elle ne pourrait plus vivre seule chez elle et qu'elle devrait déménager dans un établissement médicalisé quelque part là-haut, au nord, près de chez Albie. Elle ne pouvait pas s'installer chez Jeannette, les gens s'installent à Brooklyn pour tomber amoureux, écrire des romans, avoir des enfants, pas pour vieillir, et elle ne pouvait pas s'installer chez Holly, même si mourir au centre zen pourrait apporter des avantages spirituels."

    L'avis de Antigone Ingannmic Kathel Keisha

    De la même autrice "Dans la course"

    Ann Patchett - Orange amère - 416 pages
    Traduit par Hélène Frappat
    Babel - 2021

     

     

  • Le collectionneur de serpents

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    "La lumière de la lampe à pétrole vacillait, si bien qu'on aurait dit que la pièce ondulait. La radio scintillait et crachotait, transmettant des fragments d'ordres et de bulletins. Nous entendions des bribes de conversations tenues dans d'autres coins du front, par d'autres hommes. J'ai remis le livre en place sur la table. A la page ouverte, un hanneton exotique, coloré, me regardait. Nous aussi, pour d'autres, nous devons paraître comme ça, ai-je pensé. Colorés, étrangers, vaguement répugnants. Comme une race rudimentaire qui fait la guerre à une autre qui lui ressemble, pour des raisons à elle. Comme un objet d'étude, une espèce qu'on attrape avec des pincettes, après avoir pris soin d'enfiler des gants de laboratoire."

    Après "L'eau rouge" et "La femme du deuxième étage", je me demandais si ce recueil de nouvelles serait à la hauteur. Il l'est brillamment. Cinq nouvelles d'égale qualité, se déroulant en Croatie avant, pendant et après la guerre en ex-Yougoslavie.

    J'ai une préférence pour la première et la dernière. La première donne son titre au recueil et montre à quel point la guerre ravage la vie de gens ordinaires, contraints presque du jour au lendemain d'aller tirer sur leurs voisins. Les nuits du narrateur sont hantés par un évènement particulier, où le plus jeune d'entre eux, presque un gamin, est investi d'une mission que personne ne veut accomplir.

    Les histoires sont racontées au plus près des personnages, avec précision et empathie. Personne n'est un héros ici, seulement des humains abîmés qui reprennent leur vie comme ils peuvent.

    La cinquième nouvelle démontre que la guerre ne se termine jamais vraiment. Les règlements de compte peuvent survenir des années plus tard, les traques se poursuivre à bas bruit, menée par des hommes qui ont peut-être aussi quelque chose sur la conscience.

    Les trois autres nouvelles ne déméritent pas, tournant autour de familles brisées, séparées, de maisons que l'on se dispute, de conflits non résolus, mais aussi de gestes humains inattendus (Le tabernacle). On voit le pays changer, livré parfois à la corruption, l'enrichissement de certains, la pauvreté des autres. Chacun essaie de revivre comme il peut, avec ses traumatismes.

    Cinq nouvelles parfaitement maîtrisées et un auteur décidément à suivre de près.

    C'est ma première participation au challenge "Bonnes nouvelles" chez Je lis je blogue

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    Jurica Pavičić - Le collectionneur de serpents - 177 pages
    Traduit du croate par Olivier Lannuzel
    Agullo - 2023

  • La propagandiste

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    "Celle qui, quelques semaines plus tôt, était encore l'auteur de l'un des derniers slogans de la "Propaganda" (" Les " libérateurs"! La libération ! Quelle libération ?") est désormais protégée par un travail du "bon côté". Lucie n'est pas à une contradiction près quand il s'agit de sauver sa peau et d'éviter la honte et l'infamie. Ces femmes tondues au front marqué au fer rouge, enduites de mercurochrome, brisées, promenées à travers la ville à demi dénudées, elle préfère éviter d'y penser."

    Cécile Desprairies est historienne ; elle a surtout écrit sur le thème de l'occupation et du collaborationnisme pendant la deuxième guerre mondiale.

    Elle a choisi la forme du roman pour parler de sa famille, essentiellement sa mère, Lucie, qui a fait partie de ces Français séduits par le nazisme et ayant collaboré activement. Par idéologie et par amour en ce qui concerne Lucie, dont le premier mari, Friedrich, était étudiant en biologie, alsacien ayant choisi le côté allemand, passionné de génétique et favorable aux thèses d'un Mengele.

    Le roman commence par une scène se déroulant sous les yeux de la narratrice, petite fille de six ans. A peine le deuxième mari de Lucie parti, les femmes de la famille arrivent, la tante, la grand-mère, la cousine et des conversations se déroulent, faisant allusion à un passé merveilleux, où on a su se débrouiller, où l'on vivait un "conte de fées". La narratrice n'aura pas trop d'une vie pour décrypter les non-dits et les ramifications derrière ces propos obscurs.

    La personnalité de Lucie domine le récit. Profondément amoureuse de Friedrich, elle le suivra en tout, autant antisémite et pro-nazi que lui. Brillants tous les deux, ils ne tarderont pas à se faire une place auprès des occupants. Lucie entre au service de la propagande, où elle sera surnommée "la Leni Riefenstahl de l'affiche". Le jeune couple habite un superbe appartement bien placé à Paris, sans doute volé à des propriétaires juifs. Tout va bien, l'avenir est radieux.

    Ce qui est incroyable, c'est lorsque les évènements tourneront mal, Lucie avec son culot et son intelligence, saura rebondir en peu de temps et se retrouver aux côtés de Américains. Partie quelques mois aux Etats-Unis, elle reviendra blanchie, prête pour une nouvelle vie. Toute la famille autour d'elle aura collaboré et c'est grâce à elle qu'ils s'en sortiront également.

    Autre élément stupéfiant, c'est la vie que Lucie mènera après la guerre. Elle restera profondément nazie, mais après la mort de Friedrich se remariera avec Charles, haut-fonctionnaire compréhensif, avec qui elle aura quatre enfants, dont la narratrice. Elle les élèvera dans le culte de Friedrich, laissant planer une atmosphère malsaine entre réalité et imagination.

    A ce stade, il est temps que je dise que j'ai été dérangée par la forme du roman. J'aurais préféré de loin, un récit. Je me suis constamment demandée où était la part réelle et la part romancée. La narratrice a choisi une distance assez ironique pour raconter, parfois gênante tellement les faits exposés et les propos tenus sont choquants. La famille dans son ensemble paraît dépourvue d'émotions et est prête à tout pour s'attribuer et garder ses privilèges.

    "Par un des interstices de l'enceinte , "un juif" avait tendu à ma grand-mère "une montre en or, en échange d'un verre d'eau". Ma grand-mère avait pris la montre, mais n'avait " pas donné le verre d'eau " . C'était dit sans émotion."

    L'intérêt historique du roman est incontestable. Décrypter de l'intérieur les rouages du collaborationnisme n'est pas si fréquent. L'absence de scrupules, l'antisémitisme viscéral, la haine des autres, l'anti-républicanisme, tout y est. Mais la narration manque de fluidité, l'articulation entre faits historiques et histoire familiale ne se fait pas bien.

    Pour tout dire, j'avais hâte de terminer le livre et de quitter ces personnages que rien ne sauve.

    Une déception et un point positif : l'envie de lire les ouvrages purement historiques de l'autrice.

    L'avis de Alex Maryline

    Cécile Desprairies -La propagandiste - 224 pages
    Editions Seuil - 2023

  • La fortune

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    "Je n'écrivais plus à mes amis parce qu'ils auraient vu clair dans mes lettres ; mon humour ne les aurait pas trompés. Chers amis, je suis au bout, c'est écrit, ne vous donnez pas la peine de me répondre. Chers amis, mon drame est banal, où je suis, nous arrivons tous. Mes hôtes ne devinent rien, mais les choses ! Les choses comme elles vous attrapent ! Malignes, proliférantes, intraitables ! Les choses usuelles, les interrupteurs, les lunettes, les lampes de poche, les briquets - je perds tout, je mélange tout, tout m'échappe, je laisse tout tomber, je tombe moi-même."

    Je découvre Catherine Safonoff avec ce livre, qui, comme les précédents semble-t'il mélange autobiographie et fiction.

    J'ai été attirée par le sujet, une femme de quatre vingt ans qui occupe une maison depuis un quart de siècle et pense y finir ses jours. Elle a simplement occulté que cette maison n'était pas la sienne et que son propriétaire (son ex-mari) pouvait la récupérer un jour. Ce qu'il fait.

    C'est une blessure profonde pour elle, un arrachement à tout ce qui faisait sa vie, ses repères, sa bibliothèque, son environnement, ses connaissances, la proximité de Genève où elle aimait flâner dans les vieilles rues.

    Elle se retrouve à la campagne, loin de tout, hébergée par sa fille, Mélie et son compagnon, Jeff. Accueillie de bon coeur, avec son espace, mais plus chez elle. Dépendante pour tout.

    J'ai eu un peu de mal à me repérer au début, la narratrice évoquant ses souvenirs en vrac, mélangeant passé et présent, ne donnant pas toujours des indications très claires sur ce que représentent certains personnages pour elle. J'ai aimé finalement avancer un peu à l'aveuglette, tout se met en place progressivement.

    C'est un livre d'impressions et de réflexions, qui ne fait pas l'impasse sur le quotidien dans sa banalité, les petites mesquineries et les grandes colères devant ce qui lui est infligé. Ce qui ne l'empêche pas de reconnaître qu'elle est restée longtemps dans des non-dits assez confortables.

    La narratrice revient sur un long séjour aux Etats-Unis avec son jeune mari, B. la naissance de ses filles, un amant mystérieux. Elle consacre de belles pages à des séjours en Grèce, qu'elle aime tellement. Elle revient sur son envie d'écrire, depuis toujours et en toutes circonstances.

    Au présent, elle se laisse aller jusqu'à la haine à l'égard de Monsieur B. pour plusieurs raisons et elle n'aime pas se sentir envahie par cette spirale mauvaise.

    Elle décrit bien l'état où elle se retrouve aussi un jour à l'hôpital, avec des problèmes cardiaques et où elle est furieuse après un médecin qui ne s'occupe pas d'elle, avant de s'apercevoir que c'est le contraire.

    J'ai été séduite par cette succession de petits évènements, de souvenirs plus fiévreux et le refus de se résigner d'une femme âgée devant le sort qui lui est fait, prise dans un faisceau d'émotions difficiles à supporter.

    J'ai surtout été séduite par l'écriture, le style, la narratrice n'est pas passive et cherche à clarifier les zones d'ombre qui subsiste entre elle et B.

    Les allusions à ses livres précédents m'ont donné envie de continuer ma découverte de l'autrice. Les Editions Zoé viennent de sortir en poche son premier livre "La part d'Esmé".

    "Pourquoi B. détestait-il tellement que je lise ou écrive ? Comme si c'était une maladie, ou une chose interdite. Parce qu'on part, part vraiment, loin, ailleurs, et devient intouchable."

    Une interview de Catherine Safonoff ici

    Catherine Safonoff - La fortune - 176 pages
    Editions Zoé - 2024

  • Je lis, donc je suis

    Un titre en forme de déclaration aussi péremptoire me fait rire. Ceux qui ne lisent pas ne seraient donc pas ? allons donc .. mais quelque part, c'est un plus me semble-t'il. Toujours est-il que je me suis livrée au jeu rituel de fin d'année. Je rappelle la règle. Répondre aux questions en utilisant uniquement les titres de livres lus en 2022. Et voici le résultat.

    Décris-toi ... 

    La femme du deuxième étage

    Comment te sens-tu ?

    Résistante

    Décris où tu vis actuellement ...

    La guinguette à deux sous

    Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ?

    Le sanctuaire

    Ton moyen de transport préféré ?

    Maritimes

    Ton/ta meilleur(e) ami(e) est ...

    La belle de Joza

    Toi et tes amis vous êtes ...

    Les gens des collines

    Comment est le temps ?

    Blizzard

    Quel est ton moment préféré de la journée ?

    Au commencement du septième jour

    Qu'est la vie pour toi ?

    La vie obstinée

    Ta peur ?

    L’inconnu de la forêt (billet à venir)

    Quel est le conseil que tu as à donner ?

    Tenir sa langue

    La pensée du jour ...

    Tout est possible

    Comment aimerais-tu mourir ?

    Au nom du bien

    Les conditions actuelles de ton âme ?

    La douceur de l’eau

    Ton rêve ?

    La brillante destinée d’Elizabeth Zott

    A qui le tour ?

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    Henri le Sidaner

  • Ör

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    "Je jette un coup d'oeil au miroir au-dessus de la cheminée. Pas question que je lui dise qu'il y a moins d'une semaine, j'étais debout sur une autre chaise en quête d'un crochet. Celle-ci est branlante et je chancelle comme un funambule. Je porte ma chemise rouge et  dessous il y a un nymphéa blanc , et sous le nymphea, un coeur qui bat encore. J'étends les bras, dresse mon torse rouge comme un oiseau qui va prendre son envol. Puis je saute de la chaise pour m'emparer du sac d'ampoules."

    Voilà un roman étonnamment réconfortant, alors qu'au départ nous savons que le personnage principal, Jónas, a pour objectif de se suicider, à l'aube de ses cinquante ans.

    Sa femme l'a quitté, il vient d'apprendre que sa fille adolescente n'est pas de lui, sa mère a l'esprit qui bat la campagne dans une maison de retraite. Il ne se voit aucun avenir et cherche la meilleure manière de quitter ce monde. Il ne veut pas que ce soit sa fille qui retrouve son corps, alors il cherche un pays où il pourra exécuter son projet, avec un cercueil proprement rapatrié, qui ne traumatisera pas la jeune fille.

    Il jette son dévolu sur un pays qui sort tout juste d'une guerre fratricide épouvantable, il pense que ce sera plus facile de mourir là-bas. Il part sans rien dire à personne, avec sa boîte à outils (c'est un bricoleur invétéré).

    Il atterrit dans l'hôtel Silence, tout juste réouvert, tenu par un jeune homme et sa soeur, mère d'un petit garçon de 4 ans. Toujours tenaillé par son désir de suicide, il ne peut malgré tout s'empêcher de voir tout ce qui ne fonctionne pas dans cet hôtel, une porte qui ne ferme pas, une lampe qui ne s'allume plus, de l'eau qui ne coule pas. Le voilà ouvrant sa boîte à outils et réparant de droite et de gauche.

    Il ne faut pas chercher de la vraisemblance dans les romans de l'autrice, elle se situe ailleurs, mais que ça fait du bien ! Il y a tant de tendresse dans ses personnages, gentiment décalés, drôles et tragiques à la fois. L'imagination ne manque pas, ainsi que la fantaisie, sans occulter les horreurs cotoyées. On en ressort rassérénée, on retrouve confiance dans le genre humain.

    Ce que Jónas va découvrir dans ce pays dévasté, c'est que sa vie n'est peut-être pas aussi vaine qu'il le croyait, à l'image du magnifique nymphéa qu'il s'est fait tatouer sur la poitrine avant de partir. Il ouvre les yeux sur ce que d'autres ont vécu de bien plus traumatisant que lui.

    Sortant d'une lecture éprouvante, ce roman est tombé à pic pour me remettre d'aplomb. Je me réjouis d'avoir encore quelques titres de l'autrice devant moi.

    L'avis de Cathulu ClaudiaLucia Hélène Kathel

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    Audur Ava Ólafsdóttir - Ör - 208 pages
    Traduit de l'islandais par Catherine Eyjólfsson
    Editions Zulma - 2020

  • Olive Kitteridge

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    "Depuis quelque temps, ils passaient vraiment de bons moments ensemble. Un peu comme si leur vie de couple avait été un long repas très compliqué, mais qu'à présent ils pouvaient déguster un délicieux dessert".

    Je me demande comment j'ai pu passer aussi longtemps à côté de ce roman, pourtant souvent vu sur les blogs. J'ai passé un excellent moment et j'ai pu lire sans attendre la suite parue en septembre dernier "Olive, enfin" (billet à venir).

    En fait, il ne s'agit pas seulement d'Olive, mais de l'histoire de toute une petite ville côtière du Maine, Crosby. Le roman est constitué de treize textes où Olive est tantôt le personnage principal, tantôt juste une apparition rapide.

    Une fois compris le principe, je me suis adaptée rapidement et me suis familiarisée avec les nombreuses personnes connaissant Olive de près ou de loin. Olive est mariée à une crème d'homme, Henry, avec qui elle n'est pourtant pas particulièrement aimable. Elle étouffe son fils, Christopher, sans s'en rendre compte. Elle est également redoutée en tant que professeur de mathématiques, sa réputation est exécrable. Mais il ne faut pas s'arrêter à cette première impression. Si Olive est cassante, virulente et s'exprime cash, elle est aussi capable d'aider des jeunes en détresse, à sa manière, et de s'intéresser à son entourage.

    C'est une femme complexe, traversée d'émotions contradictoires, qui ne sait pas communiquer normalement avec les autres. Malgré ses côtés rébarbatifs, elle est attachante. Nous la suivons de l'âge adulte à la vieillesse, ce qui permet de la voir évoluer et se confronter aux conséquences d'attitudes passées.

    Olive sait aussi se moquer d'elle-même et de ses défauts ; il y a dans cette histoire un mélange de férocité et de drôlerie, dosé avec subtilité et une certaine tendresse. Les autres personnages sont traités avec la même subtilité, la même finesse psychologique. Olive confrontée à son fils marié donne lieu à des passages à la fois impitoyables et tellement humains. Elle est bien plus fragile qu'elle n'en a l'air.

    Le dernier chapitre montrera que la vie ne s'arrête pas au seuil de la vieillesse et qu'elle réserve encore des surprises inespérées.

    Pour résumer, une très bonne lecture (prix Pulitzer 2009) et la suite est tout aussi réussie.

    Elizabeth Strout - Olive Kitteridge - 375 pages
    Traduit par Pierre Brévignon
    Le Livre de Poche - 2012

  • Une fenêtre sur l'Hudson

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    "De nouveau, elle eut du mal à concilier la réalité avec le souvenir qu'elle gardait d'Isaac. Depuis un an, chaque fois qu'elle avait un problème avec Benjamin, elle se disait : "Isaac n'aurait pas fait ça" ou "Isaac n'était pas comme ça". En tant que figure du passé, il était extrêmement coopératif. Mais aujourd'hui, alors qu'il se tenait à quelques mètres d'elle, Nora ne se remémorait que trop bien tous ces moments où il avait refusé de se plier à ses désirs, où ils ne s'étaient pas compris."

    Nora, jeune romancière prometteuse est dans un creux de vague. L'inspiration la quitte, elle n'écrit plus que des textes publicitaires ou autre travail utilitaire. Sa vie avec Benjamin ne la satisfait pas et elle pense de plus en plus à Isaac qu'elle a quitté cinq ans auparavant, lui prêtant toutes les qualités.

    Si Nora a perdu l'inspiration, c'est qu'elle s'interdit d'écrire sur ses proches depuis qu'elle s'est fâchée avec plusieurs d'entre eux. C'est une jeune femme sympathique, soucieuse d'autrui, empathique, qui aime sincèrement les autres, mais quand elle prend la plume, elle devient horrible, dévoilant leurs pires défauts et leurs faiblesses. C'est plus fort qu'elle, c'est là qu'elle déploie tout son talent et qu'elle a du succès.

    Un soir de déprime, elle contacte Isaac, désireuse de le revoir et de vérifier s'il est bien tel que dans son souvenir. De son côté Isaac, ne veut pas lui avouer qu'il n'a plus rien du jeune homme idéaliste qu'elle a connu, persuadé qu'il serait l'un des meilleurs photographes de son époque. Après un petit succès d'estime qui a fait pschitt, Il a accepté un travail de bureau, et en fait, il n'a même plus plaisir à photographier. Il se contente de soutenir de plus jeunes que lui, notamment Renée, qui le surpasse.

    Isaac est resté subjugué par Nora qu'il considère comme la femme de sa vie. Nora retombe amoureuse de lui, se condamnant du même coup à ne pas reprendre l'écriture. Isaac ne supporterait probablement pas d'être mis en pièces dans une nouvelle.

    Sur cette trame légère, le roman s'avère plus profond qu'il n'y paraît. Ce qui ne m'étonne pas de l'auteur de "La vie selon Florence Gordon". Les personnages sont attachants, bien décrits, avec humour. La deuxième moitié devient plus grave avec la tante de Nora, Billie, qui a eu une grande importance dans sa vie. Billie est très malade et Nora décide de l'accompagner jusqu'au bout.

    Nora est parfois exaspérante dans ses valses-hésitation entre l'absolue nécessité d'écrire et la certitude de blesser quelqu'un, mais c'est difficile de lui en vouloir, tant elle est capable aussi de générosité, de dévouement et d'amour.

    Nora a-t'elle eu raison de revoir Isaac ? Pourra-t'elle malgré tout se remettre à écrire ? J'ai oublié de préciser que tout ceci se déroule à New-York.

    Une lecture-détente tout-à-fait honorable.

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    Brian Morton - Une fenêtre sur l'Hudson - 313 pages
    Traduit de l'américain par Isabelle Maillet
    10/18 - 2008