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La fortune

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"Je n'écrivais plus à mes amis parce qu'ils auraient vu clair dans mes lettres ; mon humour ne les aurait pas trompés. Chers amis, je suis au bout, c'est écrit, ne vous donnez pas la peine de me répondre. Chers amis, mon drame est banal, où je suis, nous arrivons tous. Mes hôtes ne devinent rien, mais les choses ! Les choses comme elles vous attrapent ! Malignes, proliférantes, intraitables ! Les choses usuelles, les interrupteurs, les lunettes, les lampes de poche, les briquets - je perds tout, je mélange tout, tout m'échappe, je laisse tout tomber, je tombe moi-même."

Je découvre Catherine Safonoff avec ce livre, qui, comme les précédents semble-t'il mélange autobiographie et fiction.

J'ai été attirée par le sujet, une femme de quatre vingt ans qui occupe une maison depuis un quart de siècle et pense y finir ses jours. Elle a simplement occulté que cette maison n'était pas la sienne et que son propriétaire (son ex-mari) pouvait la récupérer un jour. Ce qu'il fait.

C'est une blessure profonde pour elle, un arrachement à tout ce qui faisait sa vie, ses repères, sa bibliothèque, son environnement, ses connaissances, la proximité de Genève où elle aimait flâner dans les vieilles rues.

Elle se retrouve à la campagne, loin de tout, hébergée par sa fille, Mélie et son compagnon, Jeff. Accueillie de bon coeur, avec son espace, mais plus chez elle. Dépendante pour tout.

J'ai eu un peu de mal à me repérer au début, la narratrice évoquant ses souvenirs en vrac, mélangeant passé et présent, ne donnant pas toujours des indications très claires sur ce que représentent certains personnages pour elle. J'ai aimé finalement avancer un peu à l'aveuglette, tout se met en place progressivement.

C'est un livre d'impressions et de réflexions, qui ne fait pas l'impasse sur le quotidien dans sa banalité, les petites mesquineries et les grandes colères devant ce qui lui est infligé. Ce qui ne l'empêche pas de reconnaître qu'elle est restée longtemps dans des non-dits assez confortables.

La narratrice revient sur un long séjour aux Etats-Unis avec son jeune mari, B. la naissance de ses filles, un amant mystérieux. Elle consacre de belles pages à des séjours en Grèce, qu'elle aime tellement. Elle revient sur son envie d'écrire, depuis toujours et en toutes circonstances.

Au présent, elle se laisse aller jusqu'à la haine à l'égard de Monsieur B. pour plusieurs raisons et elle n'aime pas se sentir envahie par cette spirale mauvaise.

Elle décrit bien l'état où elle se retrouve aussi un jour à l'hôpital, avec des problèmes cardiaques et où elle est furieuse après un médecin qui ne s'occupe pas d'elle, avant de s'apercevoir que c'est le contraire.

J'ai été séduite par cette succession de petits évènements, de souvenirs plus fiévreux et le refus de se résigner d'une femme âgée devant le sort qui lui est fait, prise dans un faisceau d'émotions difficiles à supporter.

J'ai surtout été séduite par l'écriture, le style, la narratrice n'est pas passive et cherche à clarifier les zones d'ombre qui subsiste entre elle et B.

Les allusions à ses livres précédents m'ont donné envie de continuer ma découverte de l'autrice. Les Editions Zoé viennent de sortir en poche son premier livre "La part d'Esmé".

"Pourquoi B. détestait-il tellement que je lise ou écrive ? Comme si c'était une maladie, ou une chose interdite. Parce qu'on part, part vraiment, loin, ailleurs, et devient intouchable."

Une interview de Catherine Safonoff ici

Catherine Safonoff - La fortune - 176 pages
Editions Zoé - 2024

Commentaires

  • Je n'ai jamais rien lu de cette autrice... Je pensais que ça ne me plairait pas, ce genre d'autofiction, mais ton avis me donne l'impression que j'aimerais peut-être.

  • De mon côté, j'étais à peu près sûre que j'aimerais et je n'ai pas été déçue.

  • Je trouve qu'on a peu de romans ou récits "dans la tête" d'une femme de cet âge. L'an dernier, j'ai lu "Toute passion abolie" qui adoptait ce point de vue et je l'ai beaucoup aimé pour la fraîcheur de ce point de vue et la sagesse qui s'en dégageait aussi. Je ne sais pas si cette autofiction me plaira autant mais ton avis me laisse penser que oui.

  • J'ai lu "Toute passion abolie" et c'est très différent. Il y a déjà une grande différence de milieu social et de fortune et c'est plus proche de l'autobiographie que de la fiction. Ce qui m'intéressait, c'était comment la narratrice vivait l'arrachement brutal à une maison qu'elle pensait sienne et à un âge où les possibles sont très réduits.

  • Je ne connais pas l'autrice non plus mais d'après ce que tu en dis, ça a l'air très intéressant et je me laisserai tenter à l'occasion...

  • J'ai souvent fait de belles découvertes chez Zoé et je fais un peu plus connaissance avec nos voisins suisses (et je pleure la disparition de la Librairie francophone sur France-Inter. qui leur faisait une place).

  • Oui, j'aime bien leurs parutions, j'y trouve souvent mon compte.

  • Je comprends depuis peu qu'on puisse beaucoup s'attacher au lieu où l'on vit, à sa maison. Ma belle-maman ayant fait un AVC à 89 ans, il a été question d'EPADH. Impossible ! Elle y est restée trois mois puis est rentrée chez elle, où elle vit toujours seule (avec visite quotidienne) : elle vient d'avoir 91 ans et vit depuis 65 ans dans sa maison...

  • Je la comprends ! Quand tu perds ta maison à cet âge là, tu perds tout et tu te laisses glisser. Et on ne lâche jamais son autonomie de son plein gré je pense.

  • La thématique m'intéressait et et la narratrice est attachante. J'ai été touchée par son déracinement, même si elle est dans sa famille, elle ne se plait pas dans cette campagne. Ce n'est pas chez elle.

  • Je ne dirais pas autofiction ; c'est autobiographique, mais ce n'est pas Annie Ernaux non plus ! Il est surtout question de ses émotions, de ses sentiments, de ses relations aux autres, des pertes liées à l'âge. L'écriture est loin d'être plate.

  • Cela me plairait (et l'éditeur est top) mais rien vu à la bibli, tant pis.

  • Il est tout récent, rien n'est perdu pour tes bibliothèques, surtout si tu leur en parles.

  • Une autrice que je ne connais pas ...tu as apprécié cette lecture et je le note donc, devoir quitter son domicile à un certain âge pas du tout facile!!!

  • Surtout lorsque ce n'est pas un choix. Elle montre bien tout ce que ce départ provoque à un âge avancé.

  • Hmm pas trop autofiction et les thèmes ne me parlent pas trop, mais les éditions Zoé pour moi sont gage de qualité et ils ne semblent pas s'être trompés encore une fois dans le choix de ce titre à leur catalogue.

  • J'ai fait confiance aux Editions Zoé et j'avais lu également une critique dans Télérama (je suis abonnée). Je ne le regrette pas.

  • Je ne la connais que de nom car je ne l'ai jamais lu, enfin je crois, parce que "la part d'Esmé" me dit quelque chose justement.. Elle a reçu plusieurs prix et ce que tu en dis me donne envie d'aller voir de plus près ce qu'elle a écrit au cours de sa vie...Merci

  • Je n'avais pas entendu parler d'elle avant ce livre-là, je n'avais peut-être pas fait attention. En tout cas je ne regrette pas ma lecture.

  • C'est assez délicat de recommander ce genre de livre qui ne convient pas à tout le monde, mais si tu penses que tu peux l'aimer, n'hésite pas.

  • Je pense avoir déjà lu cette autrice...le thème m'intéresse. Je note.Merci.

  • Je pense qu'il peut te plaire. Je n'avais pas remarquée l'autrice avant et c'est le thème de celui-ci qui m'attirait.

  • je comprends le ressenti de cette femme de 80 années, même si de mon côté de ne me suis jamais vraiment attachée à un lieu vu tous les chambardements dans ma vie, je ne m'étais même jamais attachée à la maison où j'ai habité avec mon époux et mes enfants - je sais que lorsqu'on quitte ce monde, on n'emporte rien, alors peu importe où je vis

  • Je comprends ton point de vue, mais elle n'en est pas à cette étape là ; le récit laisse supposer que peut-être elle va réussir à s'adapter.

  • "le refus de se résigner d'une femme âgée devant le sort qui lui est fait" est un beau sujet de roman, je trouve. Je connais plusieurs personnes âgées extraordinaires...

  • On arrive à cet âge là avec tout un vécu que l'on ne peut plus modifier ; elle reconnaît elle-même qu'elle a été assez légère en pensant qu'elle resterait toujours dans cette maison qui ne lui appartenait pas. Un prochain livre nous dira peut-être comment elle s'est accommodée de sa nouvelle vie.

  • Il ne me tente pas trop. J’ai le sentiment que c’est un personnage autocentrée et j’avoue qu’en ce moment, je n’ai pas envie de lire cela

  • C'est le genre de livre qu'il faut vraiment avoir envie de découvrir et au bon moment. Tu as raison de respecter ce que tu sens, de toute façon on ne peut pas tout lire.

  • Voilà un sujet intéressant, même si nous n'aimons pas penser à ces problèmes du grand âge. J'en prends note, merci.

  • L'autrice a réussi à ne pas en faire un livre pesant, elle se moque souvent d'elle-même, surtout dans les moments où elle a tendance à exagérer et à voir tout en noir. Au fond, on sent toujours de l'énergie et du dynamisme devant l'épreuve qu'elle traverse.

  • C'est comme les Québécois, j'aime la manière dont les Suisses abordent les histoires de gens ordinaires et j'apprécie aussi leur écriture. Ils sont plus en prise avec les problèmes quotidiens que trop d'auteurs français.

  • je comprends très bien ce qu'elle décrit. Toutes mes amies et moi avons connu ce déchirement lors du divorce avec le père de nos enfants : ,c'était chez elles, chez moi, chez nous, et cette maison occupée depuis 30 ans, ou moins, ou plus, devient un bien financier qu'il faut vendre.. pour celui ou celle qui n'avait pas choisi de partir c'est bien une double peine . On s'en remet si on reconstruit un chez soi qui n'est qu'à soi !

  • Je pense que ça a été d'autant plus dur pour elle que cet arrachement intervient quand elle a 80 ans, longtemps après la séparation. Elle ne l'a pas vu venir.

  • Je pense que tu apprécierais particulièrement l'écriture et le fait que pour elle c'est vital d'écrire, quoiqu'il arrive.

  • Quelle tristesse et quel choc cela doit être de devoir réorganiser sa vie entière à 80 ans! Un livre touchant, je n'en doute pas.

  • Oui, c'est une grosse épreuve. Le genre que l'on aimerait éviter dans la vie.

  • Le sujet ne m'attire pas même si, bien sûr, je sais combien cette situation peut-être douloureuse et pénible.

  • Pas de problème, je pense que tu ne seras pas en panne de lecture pour autant :-)) Les tentations ne manquent pas.

  • Alors n'hésite pas s'il croise ta route.

  • Oh, lecture tentante, j'ai envoyé sur ma boite mail le lien concernant son interview, je la lirai plus tard. Je lui trouve une bonne tête à cette petite grande dame. Merci Aifelle, à bientôt. brigitte

  • Tu verras, son interview est intéressante et éclaire bien son propos. Bonne soirée Brigitte.

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