Mes lectures me portent souvent vers le grand nord en ce moment. Je vais rester dans l'ambiance avec la vidéo du jour.

Crédit photo : Grégor Hohenberg
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Mes lectures me portent souvent vers le grand nord en ce moment. Je vais rester dans l'ambiance avec la vidéo du jour.

Crédit photo : Grégor Hohenberg

"Si on a la chance de ne pas crever de froid ou dans une crevasse, l'autre danger blanc, plus rare, mais qu'il faut pas oublier quand même, c'est le Pater. L'ours blanc. Mâle ou femelle, c'est pareil. Sur Solak, on sort jamais sans son fusil, jamais. Attention, ça veut pas dire qu'il faut forcément lui tirer dessus. Si tu le croises, t'attends de voir comment ça se passe. Parfois ils cherchent juste leur chemin, ils te regardent avec leur tête de faux nounours mais de vrais carnivores et puis ils font demi-tour, ils te snobent de leur gros cul dédaigneux."
Voici un premier roman marquant, surtout à cause du style, rude, direct, en phase avec l'histoire. Un huis-clos de quatre hommes sur un bout de terre inhospitalière, Solak, presqu'île balayée par les vents, au nord du cercle polaire arctique, dans la nuit totale plusieurs mois par an.
Qui sont ces hommes ? Trois sont soldats, chargés simplement de garder un drapeau marquant l'appartenance du territoire. Si l'armée les a envoyés là, c'est qu'il valait mieux qu'ils se fassent oublier un bon moment. Seul le quatrième sait qu'il repartira au bout d'un an. C'est un scientifique, Grizzli, en mission écologique.
L'histoire commence au moment de la rotation annuelle de l'hélicoptère chargé du ravitaillement. Il repartira avec le corps d'Igor qui n'a pas résisté au climat et à la solitude de Solak. Pour le remplacer, débarque un jeune soldat à l'air fragile et fermé, de surcroît muet.
Le narrateur, Piotr est le plus ancien sur place, vingt ans déjà et il ne souhaite pas retourner un jour vers "les terriens". Il sait qu'il est condamné à rester ici. Le deuxième soldat, Roq est une brute, un être sans état d'âme, qui aime tuer les animaux et cherche régulièrement querelle aux autres.
Le nouveau venu les intrigue tous, c'est encore un gosse, qu'a-t'il pu faire pour atterrir ici ? Sur ce bout du monde, entre les tâches indispensables, les quatre hommes se retrouvent dans le bâtiment commun où il fait chaud, où chacun met la main à la cuisine et aux corvées. Ils disposent aussi d'une pauvre baraque individuelle où ils dorment et se réfugient quand ils ne se supportent plus.
L'arrivée de la jeune recrue tend rapidement l'atmosphère. Roq le regarde de travers, ne supporte pas son mutisme, ni de le voir noircir les pages de son carnet. Seul Grizzli le scientifique garde son calme et croit encore en l'humanité.
Dès le début, une tension s'installe, qui ira en s'intensifiant, ne lâchant plus le lecteur, captivé par la description des éléments, du contexte, de l'oppression de la nuit interminable. Chacun fait des efforts pour ne pas faire exploser la situation, sauf Roq, et l'histoire va irrémédiablement vers la violence et le drame.
J'ai été très vite embarquée dans ce huis-clos étouffant, à l'écriture à l'os, où l'environnement a autant d'importance que les personnages. Pour un premier roman, c'est noir, sombre mais assez magistral.
J'ai juste un bémol sur la fin. En quelques pages les révélations pleuvent, il y en a un peu trop à mon goût, surtout une que j'ai trouvée moins crédible. Que cela ne vous empêche pas de le lire, l'ensemble se tient fort bien.
Caroline Hinault - Solak - 128 pages
Editions du Rouergue - 2020
Pour commencer l'année, je me suis penchée sur le tag vu un peu partout ces jours-ci. Un certain nombre de livres n'ont pas été chroniqués puisque mon blog était à l'arrêt.
Décris où tu vis actuellement : La maison allemande
Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ? Une falaise au bout du monde
Ton moyen de transport préféré : Les grands express européens
Ton/ta meilleur(e) ami(e) est ? Olive Kitteridge
Toi et tes amis, vous êtes ? Les oubliés du dimanche
Comment est le temps ? Un hiver de coyote
Qu'est la vie pour toi ? Un été un Kay West
Ta peur ? Toute la violence des hommes
Quel est le conseil que tu as à donner ? Préférer l'hiver
La pensée du jour : Tous les péchés sont capitaux
Comment aimerais-tu mourir ? Encabanée
Les conditions actuelles de ton âme ? Humeur noire
Ton rêve ? Bergère

Berthe Morisot
Commencer l'année par "La mélodie du bonheur" c'est plutôt de bon augure non ? L'amour a frappé dirait-on ..

Bonne année 2022 à toutes et à tous

"Ce choix était absurde. Même un technicien québécois ne pouvait être bienvenu dans un tel contexte. Alors que dire d'une jeune novice étrangère ?! En cumulant tous les handicaps, je concentrais toutes les hostilités. Celle de Bruno était exprimée sans détours par un regard mauvais destiné à accélérer mon retour en braillant à Québec pour laisser la place aux hommes, aux vrais. Celle de Laurier était moins évidente mais tout autant palpable. Il ne me regardait pas, ne me demandait rien, n'évoquait pas notre prochaine saison de terrain. A quoi bon ? Il comptait bien se débarrasser de moi au plus tôt comme il l'avait fait avec les précédents incompétents envoyés par Philippe. A charge pour ce dernier de lui trouver un équipier plus crédible après mon départ".
Pour le dernier billet lecture de l'année, je vous emmène en Gaspésie (Québec) au coeur de l'hiver, en compagnie d'une jeune biologiste qui va devoir étudier le comportement des coyotes, dont elle ignore tout, en compagnie d'un professionnel chevronné qui ne veut pas d'elle.
Il faut dire qu'elle cumule les défauts à ses yeux : c'est une femme, biologiste et de surcroît Française de France. Il va s'arranger pour la faire dégager en moins d'une semaine. Il n'a pas besoin de se forcer pour se montrer odieux, il a un caractère épouvantable.
Il faut avouer que de son côté, Marie s'est lancée à l'aveuglette. Elle a enjolivé juste un peu son CV pour avoir le job et se rend compte sur place qu'elle ne sera pas à la hauteur.
Mais elle a de la ressource et elle va s'accrocher, malgré les multiples vexations et les difficultés, dont la première n'est pas la moindre : maîtriser une moto-neige, sous l'oeil atterré de son collègue.
J'ai adoré cette lecture pleine d'humour. Confrontation savoureuse, expressions québécoises bien senties ... (sans que ce soit un obstacle à la compréhension). Et c'est la saison idéale pour s'imaginer seule dans une cabane perdue, avec un compagnon porc-épic, entourée de neige et transie de froid.
Il semblerait que ce récit soit autobiographique, je n'ai pas compris s'il était légèrement romancé ou pas, ce qui au fond n'a pas beaucoup d'importance.
L'autrice a un CV bien fourni, j'espère qu'elle va continuer dans l'écriture.
"Mais coudonc, qu'est-ce que t'es allée tataouiner dans le bois ?! Tu ne le sais donc pas que c'est plein de branches qui peuvent te crever un oeil ? Tu crois que je n'ai rien de mieux à faire que te secourir si t'es blessée ? Mais, maudit, toi t'en as qu'une de chose à faire : ne pas te faire mal ! C'est trop difficile à comprendre pour toi une affaire de même ? Il faut que je te l'explique comment ? Tu-ne-vas-pas-dans-le-bois. Tu-ne-te-crèves-pas-un-oeil. Tu-ne-me-compliques-pas-la-tâche, m'a-t'il asséné en détachant bien les syllabes. C'est-tu assez clair pour toi cette fois-ci ?!"
Marie-Lazarine Poulle - Un hiver de coyote - 200 pages
Editions Transboréal - 2021

Très bon Noël à toutes et à tous, dans la paix et la douceur

Cathédrale de Rouen

"Tu crois que c'est comme ça qu'on répare le monde, dit-il ? Tout le monde se met en colère et reste en colère ? Je sais qu'on a tous le fantasme de dire aux gens qui nous ont fait souffrir à quel point ils nous ont fait souffrir, mais la plupart du temps, ils ne le regrettent même pas, alors c'est quoi la solution ? Tu comptes juste rester en rogne pour le restant de tes jours ?"
Voilà un premier roman qui frappe fort. Nous sommes dans une petite bourgade du Colorado, refermée sur elle-même, dominée par une communauté religieuse intolérante et étouffante.
Après une soirée très arrosée, Abigail Blake, 17 ans, disparaît dans la forêt des Tall Bones. Les rumeurs vont bon train, d'autant plus qu'Abigail fait partie d'une famille dysfonctionnelle méprisée par le reste des habitants.
On retrouve une trame assez utilisée ces dernières années, une famille qui vit à l'écart en bord de forêt, un père violent revenu détruit de la guerre au Vietnam, une mère passive qui laisse faire, trois enfants qui vivent en permanence dans la peur et le rejet des autres.
Plusieurs personnages vont prendre la parole alternativement, nous faisant entrer peu à peu dans le détail de ce qui a pu se passer, au présent et au passé. Chaque narrateur a quelque chose à cacher, plus ou moins grave. La police patauge, aucun corps n'est retrouvé, laissant un doute lancinant sur la présence d'un meurtrier au sein du village.
Dès le début du roman, l'autrice sait installer une tension qui va aller crescendo. La jeune Emma, seule véritable amie d'Abigail, se met en tête de trouver ce qui s'est passé. Elle est écrasée de culpabilité à l'idée qu'elle a laissé Abigail s'en aller ce soir-là alors qu'elle aurait pu l'aider.
C'est une lecture très addictive, qui ne se lâche pas. Je me suis attachée rapidement à certains personnages, Emma, mal vue parce que latino, les frères d'Abigail, tellement éprouvés, Hunter, un jeune homme qui en sait plus qu'on ne le pense et ne sait pas quoi en faire. La violence du père d'Abigail est terrifiante, la passivité de sa femme, indifférente à la souffrance de ses enfants tout autant.
Tout le monde prie avec constance, pour un oui ou pour un non, ce qui n'empêche pas de se conduire avec une terrible inhumanité, pasteur en tête.
L'intrigue est fort bien construite, riche en rebondissements et en changements de direction et les personnages sont suffisamment étoffés pour que l'on s'y laisse prendre.
Un premier roman très prometteur, une autrice à suivre.
"Née en 1995, Anna Bailey a grandi en Angleterre avant de rejoindre une petite communauté religieuse suffocante du Colorado. Elle en est revenue très vite."
Anna Bailey - Une pluie de septembre - 408 pages
Traduit de l'anglais par Héloïse Esquié
Sonatine - 2021