"Je tiens à le dire tout de suite : j'ai toujours tendance à avoir très peur. Je pense que c'est le résultat de ce qui m'est arrivé pendant ma jeunesse, mais j'ai très facilement la frousse. Par exemple, presque chaque soir, quand le soleil se couche, il m'arrive d'être effrayée. Parfois aussi, je ressens juste de la peur, comme si quelque chose d'horrible allait m'arriver. Même si, la première fois que j'ai rencontré William, j'ignorais cela de moi, tout ça me paraissait ... oh, je suppose que tout ça me ressemblait".
"Oh William" est le troisième roman mettant en scène Lucy Barton, après "Je m'appelle Lucy Barton" et "Tout est possible" (lus, mais pas de billets).
Le temps a passé, rappelons que Lucy Barton est une écrivaine reconnue, qu'elle a été mariée vingt ans à William, dont elle a eu deux filles, et qu'elle a fini par divorcer. Elle s'est remariée à David, qui est décédé récemment. Elle ne peut pas surmonter ce deuil, David était l'homme parfait pour elle, elle est inconsolable.
De son côté William s'est remarié deux fois, et sa dernière épouse, Estelle nettement plus jeune que lui, vient de le quitter. Il est assez perdu, d'autant plus que professionnellement, il se rend compte qu'il est dépassé et qu'il n'a plus guère d'écho dans son milieu universitaire.
Lucy et William sont restés en bons termes et c'est à elle qu'il s'adresse lorsqu'il apprend, de surcroît, que sa mère lui a caché l'existence d'une soeur aînée. Il demande à Lucy de l'accompagner à la recherche de cette soeur, dans le Maine.
Lucy accepte, et c'est l'occasion de se remémorer leur vie en commun et d'approfondir la personnalité de Catherine Cole, la mère de William, qui était omniprésente dans leur vie, trop sans doute.
Disons tout de suite que ce n'est pas le meilleur de la série, "Je m'appelle Lucy Barton" m'avait paru beaucoup plus fort. "Tout était possible" était déjà moins prenant.
Comme c'est Elizabeth Strout qui écrit, c'est malgré tout un bon moment de lecture, les réactions des personnages sont souvent inattendues, mais finement décrites, avec de multiples interactions. Lucy a vieilli, elle peut revenir différemment sur certains épisodes et voir à quel point elle était inadaptée parfois. William a encore le pouvoir de l'énerver régulièrement, mais elle se contrôle mieux ..
Il ne se passe pas grand chose, tout est dans les détails, les souvenirs, les regrets, le constat que finalement on ne connaît pas si bien que cela les gens qui nous entourent.
Il n'est pas nécessaire d'avoir lu les deux précédents, l'autrice rappelle l'essentiel, mais c'est tout de même plus intéressant de les connaître.
Le style est assez hésitant, Lucy n'est jamais très sûre de ce qu'elle va ou veut dire, elle a besoin d'appuyer constamment son propos par des expressions du genre "c'est ça que je veux dire". Je n'ai pas le souvenir que les deux premiers adoptaient un style aussi incertain. Au final, elle souffrira toujours de son enfance auprès de parents toxiques et atypiques, à l'écart de la société.
Si vous n'avez jamais lu Elizabeth Strout, je vous conseille plutôt de commencer par "Olive Kitteridge" et "Olive, enfin" plus percutants.
L'avis de Brize
Elizabeth Strout - Oh William ! - 260 pages
Traduit de l'anglais par Pierre Brevignon
Editions Fayard - 2023