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  • Un hiver de coyote

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    "Ce choix était absurde. Même un technicien québécois ne pouvait être bienvenu dans un tel contexte. Alors que dire d'une jeune novice étrangère ?! En cumulant tous les handicaps, je concentrais toutes les hostilités. Celle de Bruno était exprimée sans détours par un regard mauvais destiné à accélérer mon retour en braillant à Québec pour laisser la place aux hommes, aux vrais. Celle de Laurier était moins évidente mais tout autant palpable. Il ne me regardait pas, ne me demandait rien, n'évoquait pas notre prochaine saison de terrain. A quoi bon ? Il comptait bien se débarrasser de moi au plus tôt comme il l'avait fait avec les précédents incompétents envoyés par Philippe. A charge pour ce dernier de lui trouver un équipier plus crédible après mon départ".

    Pour le dernier billet lecture de l'année, je vous emmène en Gaspésie (Québec) au coeur de l'hiver, en compagnie d'une jeune biologiste qui va devoir étudier le comportement des coyotes, dont elle ignore tout, en compagnie d'un professionnel chevronné qui ne veut pas d'elle.

    Il faut dire qu'elle cumule les défauts à ses yeux : c'est une femme, biologiste et de surcroît Française de France. Il va s'arranger pour la faire dégager en moins d'une semaine. Il n'a pas besoin de se forcer pour se montrer odieux, il a un caractère épouvantable.

    Il faut avouer que de son côté, Marie s'est lancée à l'aveuglette. Elle a enjolivé juste un peu son CV pour avoir le job et se rend compte sur place qu'elle ne sera pas à la hauteur.

    Mais elle a de la ressource et elle va s'accrocher, malgré les multiples vexations et les difficultés, dont la première n'est pas la moindre : maîtriser une moto-neige, sous l'oeil atterré de son collègue.

    J'ai adoré cette lecture pleine d'humour. Confrontation savoureuse, expressions québécoises bien senties ... (sans que ce soit un obstacle à la compréhension). Et c'est la saison idéale pour s'imaginer seule dans une cabane perdue, avec un compagnon porc-épic, entourée de neige et transie de froid.

    Il semblerait que ce récit soit autobiographique, je n'ai pas compris s'il était légèrement romancé ou pas, ce qui au fond n'a pas beaucoup d'importance.

    L'autrice a un CV bien fourni, j'espère qu'elle va continuer dans l'écriture.

    "Mais coudonc, qu'est-ce que t'es allée tataouiner dans le bois ?! Tu ne le sais donc pas que c'est plein de branches qui peuvent te crever un oeil ? Tu crois que je n'ai rien de mieux à faire que te secourir si t'es blessée ? Mais, maudit, toi t'en as qu'une de chose à faire : ne pas te faire mal ! C'est trop difficile à comprendre pour toi une affaire de même ? Il faut que je te l'explique comment ? Tu-ne-vas-pas-dans-le-bois. Tu-ne-te-crèves-pas-un-oeil. Tu-ne-me-compliques-pas-la-tâche, m'a-t'il asséné en détachant bien les syllabes. C'est-tu assez clair pour toi cette fois-ci ?!"

    Marie-Lazarine Poulle - Un hiver de coyote - 200 pages
    Editions Transboréal - 2021

  • Bon dimanche

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  • Joyeux Noël

    Très bon Noël à toutes et à tous, dans la paix et la douceur

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    Cathédrale de Rouen

  • Une pluie de septembre

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    "Tu crois que c'est comme ça qu'on répare le monde, dit-il ? Tout le monde se met en colère et reste en colère ? Je sais qu'on a tous le fantasme de dire aux gens qui nous ont fait souffrir à quel point ils nous ont fait souffrir, mais la plupart du temps, ils ne le regrettent même pas, alors c'est quoi la solution ? Tu comptes juste rester en rogne pour le restant de tes jours ?"

    Voilà un premier roman qui frappe fort. Nous sommes dans une petite bourgade du Colorado, refermée sur elle-même, dominée par une communauté religieuse intolérante et étouffante.

    Après une soirée très arrosée, Abigail Blake, 17 ans, disparaît dans la forêt des Tall Bones. Les rumeurs vont bon train, d'autant plus qu'Abigail fait partie d'une famille dysfonctionnelle méprisée par le reste des habitants.

    On retrouve une trame assez utilisée ces dernières années, une famille qui vit à l'écart en bord de forêt, un père violent revenu détruit de la guerre au Vietnam, une mère passive qui laisse faire, trois enfants qui vivent en permanence dans la peur et le rejet des autres.

    Plusieurs personnages vont prendre la parole alternativement, nous faisant entrer peu à peu dans le détail de ce qui a pu se passer, au présent et au passé. Chaque narrateur a quelque chose à cacher, plus ou moins grave. La police patauge, aucun corps n'est retrouvé, laissant un doute lancinant sur la présence d'un meurtrier au sein du village.

    Dès le début du roman, l'autrice sait installer une tension qui va aller crescendo. La jeune Emma, seule véritable amie d'Abigail, se met en tête de trouver ce qui s'est passé. Elle est écrasée de culpabilité à l'idée qu'elle a laissé Abigail s'en aller ce soir-là alors qu'elle aurait pu l'aider.

    C'est une lecture très addictive, qui ne se lâche pas. Je me suis attachée rapidement à certains personnages, Emma, mal vue parce que latino, les frères d'Abigail, tellement éprouvés, Hunter, un jeune homme qui en sait plus qu'on ne le pense et ne sait pas quoi en faire. La violence du père d'Abigail est terrifiante, la passivité de sa femme, indifférente à la souffrance de ses enfants tout autant.

    Tout le monde prie avec constance, pour un oui ou pour un non, ce qui n'empêche pas de se conduire avec une terrible inhumanité, pasteur en tête.

    L'intrigue est fort bien construite, riche en rebondissements et en changements de direction et les personnages sont suffisamment étoffés pour que l'on s'y laisse prendre.

    Un premier roman très prometteur, une autrice à suivre.

    "Née en 1995, Anna Bailey a grandi en Angleterre avant de rejoindre une petite communauté religieuse suffocante du Colorado. Elle en est revenue très vite."

    Anna Bailey - Une pluie de septembre - 408 pages
    Traduit de l'anglais par Héloïse Esquié
    Sonatine - 2021

  • Bon dimanche

    Anuna

  • Bellissima

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    "J'aimerais tant savoir avec qui elle a joué, cette fillette vive, drôle, joueuse, intelligente, et ce qu'elle a raconté à ses compagnons de voyage. Leur a-t'elle parlé de sa mère, qui l'avait déposée à la gare de Milan ? Avait-elle vu ses larmes sur les quais ou les lui avait-elle cachées, ma grand-mère biologique qui préférait savoir sa petite dernière loin d'elle, en sécurité, quitte à en avoir le coeur brisé".

    C'est avec ce roman à fort contenu autobiographique que je fais connaissance avec l'autrice. Il semblerait qu'elle reprend les thèmes de ses précédents romans, en utilisant cette fois-ci le "je".

    Elle évoque ses souvenirs d'enfant et de jeune fille dans un désordre d'époques et de générations pas toujours facile à suivre. Elevée dans une famille aimante, elle est pourtant confrontée tôt à une certaine violence. Elle en garde l'image récurrente d'un homme sans visage qui la poursuit et auquel elle a si peur de ne pas échapper. Elle avait huit ans, c'est la préfiguration d'autres violences qui jalonneront sa jeunesse.

    Violence familiale d'abord, en la personne de son père qui, d'attentif et bienveillant se transformera en brute qui cogne dur dès qu'elle devient une jeune fille. Il n'en démordra plus et n'aura pas de mots assez forts pour la rabaisser, sous le regard passif de la mère. Elle n'aura d'autre solution que la fuite vers la France dans les années 80 si elle veut vraiment s'approprier sa vie.

    Elle relie cette violence intime à la violence qui a secoué l'Italie au fil des années. Retour sur la mise à mort de Mussolini, les années de plomb, les brigades rouges, l'assassinat d'Aldo Moro, la loge P2 .. tout ce qui a occupé nos journaux dans les années d'après-guerre.

    La famille a ses propres blessures. Les traumatismes sont tus, on évite d'en parler. L'enfant a une grande affection pour ses grands-parents maternels. Ils ont adopté sa mère lorsqu'elle avait huit ans, lui permettant d'éviter les rafles des juifs. Mais savaient-ils qu'elle l'était juive, eux qui étaient notoirement fascistes ? Comme toujours, tout est plus complexe que ce que montrent les apparences.

    C'est après avoir vu l'autrice à la Grande Librairie que j'ai eu envie de la lire et j'ai aimé cette façon de mêler l'histoire de l'Italie récente à la sienne, y voyant au fond les mêmes mécanismes de violence. J'ai été touchée par son désir d'aller coûte que coûte au fond de son histoire et de l'entendre dire dans une vidéo qu'écrire ce livre lui a sauvé la vie, mais a failli la détruire.

    Simonetta Greggio - Bellissima - 288 pages
    Editions Stock - 2021

  • La félicité du loup

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    "Le sherpa noua la corde par-dessus son sac, chargea le tout sur son dos, et se mit en marche en direction du col. La neige était glacée et Silvia constata aussitôt l'inutilité des crampons. Elle lui emboîta le pas en silence, se calquant sur sa trace et son allure. Elle avait compris que cette ascension était un test. Comment expliquer autrement qu'ils ne soient pas montés dans l'hélicoptère avec le reste des affaires ? Mais c'était dans l'ordre des choses : un refuge, ça se mérite. Plus de mille mètres de dénivelé, il allait falloir avancer doucement, éviter de trop lever les yeux, ne pas penser au chemin encore à parcourir".

    Fausto, écrivain en panne d'inspiration est dans une période de flottement. En pleine rupture avec sa compagne milanaise, il a accepté un travail de cuisinier dans un restaurant d'altitude tenu par Babette.

    Silvia arrive comme serveuse dans ce même restaurant. Peintre, elle ne sait plus trop quelle direction donner à sa vie et s'accorde un temps de réflexion. Fausto va rapidement tomber sous le charme de la jeune femme. Ils vont commencer une liaison, sans y mettre forcément les mêmes attentes.

    J'ai retrouvé les thèmes chers à l'auteur, des individus à un carrefour de leur vie, les Alpes italiennes, le désir de solitude, de dépassement, les contrastes entre ville et nature. Si j'ai lu ce roman avec plaisir, j'ai trouvé qu'il n'apportait rien de nouveau par rapport aux précédents, il tourne un peu en rond.

    Il y a néanmoins de magnifiques pages sur la montagne. Curieusement, ce sont les personnages secondaires qui m'ont le plus intriguée, Babette et Santorso par exemple. J'aurais aimé qu'ils soient davantage creusés.

    En résumé, une lecture agréable, mais j'attendais plus de l'auteur.

    Paolo Cognetti - La félicité du loup - 216 pages
    Traduit de l'italien par Anita Rochedy
    Editions Stock - 2021

  • L'eau rouge

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    "Tous deux vivent avec la ferme conviction que, s'ils se tiennent à distance des problèmes, les problèmes garderont leurs distances vis-à-vis d'eux".

    L'histoire commence en 1989, à Misto, petit port sur la côte dalmate, non loin de Split. Jakov et Vesna mènent une vie sans histoire avec leurs deux enfants, deux jumeaux Mate et Silva.

    Lorsque Silva, 17 ans, leur annonce qu'elle sort, ils ne relèvent pas la tête, sans savoir qu'ils ne la reverront pas. Elle disparaît sans laisser de trace. C'est une fille joyeuse, remuante, elle se rendait à la fête des pêcheurs, comme tout le village.

    Les policiers débarquent et commencent à enquêter. Qu'a-t'il pu se passer durant la soirée ? Certains l'ont vue, d'autres taisent ce qu'ils savent. Vesna est folle d'inquiétude et pousse Jakov et Mate à mener l'enquête de leur côté. Elle n'a pas confiance dans la police.

    Chaque chapitre est consacré à un personnage, ce qui nous permet de suivre les pensées des uns et des autres, leur désespoir, leur loyauté envers Silva, même si ce que le père et le frère découvrent est loin de correspondre à l'idée qu'ils se faisaient de la jeune fille.

    Je dirais que c'est plus un roman noir qu'un polar. Certes l'histoire se déploie autour de la disparition de Silva, mais il y a aussi les états d'âme de l'enquêteur, la stupéfaction de tous lorsque la guerre éclate, faisant exploser le pays qu'ils connaissaient.

    Les années de guerre passent, façonnant un pays tout différent, la Croatie. Jakov et Mate reprennent leurs recherches, même si Mate s'est marié entre temps. Le couple de Jakov et Vesna n'a pas résisté à cette quête sans fin. Il n'y a pas que la famille qui continue à s'interroger. L'enquêteur a été empêché de continuer ses investigations en 1989, il n'était pas dans la bonne ligne politique. Il reprend le dossier sous une autre casquette, n'étant plus policier.

    J'ai été captivée par ce roman à l'intrigue solide, bien construit, avec comme toile de fond la guerre et ses destructions et lorsqu'elle est finie, les ravages dûs à l'argent facile. Le petit port de pêche fait l'objet comme bien d'autres de projets touristiques mirifiques qui détruisent tout un mode de vie et un paysage, mais auxquels bien peu résistent.

    J'ai apprécié également l'habileté avec laquelle l'auteur nous mène dans de fausses directions, révélant petit à petit des facettes de Silva et un dénouement loin de ce que l'on pouvait envisager au départ.

    Un auteur que je relirai sans hésiter.

    L'avis d'Alex

    Jurica Pavicic - L'eau rouge - 358 pages
    Traduit du croate par Olivier Lannuzel
    Agullo - 2021

  • Bon dimanche

    Pour la première vidéo du dimanche, le choix était facile cette semaine. Hommage à l'artiste et à la femme.