"J'aimerais tant savoir avec qui elle a joué, cette fillette vive, drôle, joueuse, intelligente, et ce qu'elle a raconté à ses compagnons de voyage. Leur a-t'elle parlé de sa mère, qui l'avait déposée à la gare de Milan ? Avait-elle vu ses larmes sur les quais ou les lui avait-elle cachées, ma grand-mère biologique qui préférait savoir sa petite dernière loin d'elle, en sécurité, quitte à en avoir le coeur brisé".
C'est avec ce roman à fort contenu autobiographique que je fais connaissance avec l'autrice. Il semblerait qu'elle reprend les thèmes de ses précédents romans, en utilisant cette fois-ci le "je".
Elle évoque ses souvenirs d'enfant et de jeune fille dans un désordre d'époques et de générations pas toujours facile à suivre. Elevée dans une famille aimante, elle est pourtant confrontée tôt à une certaine violence. Elle en garde l'image récurrente d'un homme sans visage qui la poursuit et auquel elle a si peur de ne pas échapper. Elle avait huit ans, c'est la préfiguration d'autres violences qui jalonneront sa jeunesse.
Violence familiale d'abord, en la personne de son père qui, d'attentif et bienveillant se transformera en brute qui cogne dur dès qu'elle devient une jeune fille. Il n'en démordra plus et n'aura pas de mots assez forts pour la rabaisser, sous le regard passif de la mère. Elle n'aura d'autre solution que la fuite vers la France dans les années 80 si elle veut vraiment s'approprier sa vie.
Elle relie cette violence intime à la violence qui a secoué l'Italie au fil des années. Retour sur la mise à mort de Mussolini, les années de plomb, les brigades rouges, l'assassinat d'Aldo Moro, la loge P2 .. tout ce qui a occupé nos journaux dans les années d'après-guerre.
La famille a ses propres blessures. Les traumatismes sont tus, on évite d'en parler. L'enfant a une grande affection pour ses grands-parents maternels. Ils ont adopté sa mère lorsqu'elle avait huit ans, lui permettant d'éviter les rafles des juifs. Mais savaient-ils qu'elle l'était juive, eux qui étaient notoirement fascistes ? Comme toujours, tout est plus complexe que ce que montrent les apparences.
C'est après avoir vu l'autrice à la Grande Librairie que j'ai eu envie de la lire et j'ai aimé cette façon de mêler l'histoire de l'Italie récente à la sienne, y voyant au fond les mêmes mécanismes de violence. J'ai été touchée par son désir d'aller coûte que coûte au fond de son histoire et de l'entendre dire dans une vidéo qu'écrire ce livre lui a sauvé la vie, mais a failli la détruire.
Simonetta Greggio - Bellissima - 288 pages
Editions Stock - 2021
Commentaires
Un livre fort et qui questionne, c’est ce que je me dis en lisant ta chronique. Je regarde s’il est dispo en médiathèque :)
Il y est ! Merci Aifelle :)
Super ! j'aurais été étonnée qu'il n'y soit pas. Bonne lecture.
Un livre dont je n'avais pas entendu parler, merci!
Pourtant j'ai l'impression qu'il a été très médiatisé.
J'ai noté l'autrice depuis quelques temps, pour ses précédents romans. Du coup, je ne sais plus par lequel commencer ;-)
Je ne regrette pas d'avoir commencé par celui-ci ; je ne suis pas sûre de lire les deux précédents.
Je ne suis pas sûre que cette autofiction soit pour moi, mais je garde en tête le (joli) nom de l'auteure.
Ce n'est pas tellement ce que tu lis d'habitude en effet, mais je crois qu'il pourrait t'intéresser.
C'est une de mes actrices chouchou. Je n'ai pas encore lu celui ci mais ça sera fait. Si ça t'intéresse je peux te donner d'autres titres à lire, dont mon préféré ;0)
Donne moi ton préféré oui, je veux bien. Qu'est-ce qui te plaît autant dans ses livres ?
Mon préféré est le col de l'ange. Un des plus beaux livres que j'ai eu l'occasion de lire. Ce que j'aime c'est son style, son écriture, sa mélancolie, sa poésie, sa douceur aussi. Comment expliquer ce qui nous plaît tant chez un auteur ou autrice... C'est une question de ressenti, de sensibilité, c'est inexplicable en fait :0)
Beaucoup beaucoup aimé "Les mains nus" aussi :0)
A lire pour son histoire mêlée à celle de l'Italie. Je pense que le lirais d'abord "Dolce vita", le premier de sa trilogie.
Son histoire m'a touchée, mais je ne pense pas lire les précédents. Je crains d'oublier celui-ci assez vite.
Elsa mon amour de la même auteure ne m'avait pas enthousiasmée plus que cela son personnage Elsa Morante était plus intéressante par ses écrits. Mais je vais lire Bellissima
Ça se lit bien, mais ce n'est pas sûr que ce soit une lecture qui me marque.
je n'ai lu que L'odeur du figuier d'elle, j'avais moyennement accroché, il faudrait que je réessaye
Il m'arrive aussi de retenter avec un auteur qui ne m'a pas emballée. C'est quitte ou double en général ..
J'avais aussi trouvé son intervention à LGL très intéressante.
Sans cette émission, je ne pense pas que j'aurais été tentée de la lire.
Tout comme toi je l'avais vue à la grande librairie et noté ce titre.
J'en ai un autre dans la pal "l'homme qui aimait ma femme".
Une auteure que j'ai bien envie de découvrir.
Je suis contente d'avoir commencé par celui-ci, ça donne une idée assez précise de qui est l'autrice et c'est un rappel utile de l'histoire de l'Italie.
J'ai plutôt tendance, quand je le peux, à fuir les romans sur les violences familiales... je vais donc passer mon tour !
Si tu fuis le sujet, ce livre n'est pas du tout pour toi, c'est sûr.
La façon de mêler sa propre histoire à celle du pays a l'air d'être bien mené, alors je le note. Merci du conseil.
Je te confirme que c'est bien mêlé et bien argumenté. C'est ce qui m'a fait aimer le livre. Il n'y aurait eu que l'histoire familiale, j'aurais eu une impression de déjà lu par ailleurs.
Je me demande ce qui a pu transformer la psychologie de son père à ce point, est-ce seulement la peur que cette jeune fille mène sa propre vie sexuelle ?
PS je ne reçois toujours pas de mail m’indiquant que tu as fait un nouveau billet.
Le fait que sa petite fille se transforme et s'intéresse aux garçons l'a rendu fou en effet. De plus, c'était un bon macho, élevé dans un milieu fasciste où la place de la femme n'est pas des plus douces. Pour la newsletter, je pense que tu as vérifié les spams ?
je ne connais ni l'autrice ni ce titre apparemment bien trompeur...
Je l'avais vu sur certains blogs pour ses romans précédents, mais c'est l'émission de Busnel qui m'a vraiment donné envie de la lire. Pas de regret, mais pas sûr non plus que je continue.
Bonjour Aifelle, de Simonetta Greggio, j'avais lu et aimé Dolce Vita 1959-1979, Je note Bellissima.
C'est une trilogie, j'ai lu le dernier, "Dolce Vita" doit être le premier. Je me déciderai peut-être à les lire plus tard. Bon dimanche.
Bonjour Aifelle, tu vas peut-être pouvoir répondre à une interrogation que j'ai: une amie italienne avait une vingtaine d'années à l'époque des Brigades Rouges, son premier mari en faisait partie...vite quitté;-)).
Il y a longtemps que j'aimerais lire un roman qui parle de cette époque, de la vie d'alors là-bas, celui-ci est il situé de ce contexte? Il me semble que l'auteure est plus jeune que mon amie....
L'autrice a 60 ans ; elle était enfant au moment des Brigades Rouges. Les attentats successifs sont omniprésents dans son livre. Je pense que ton amie pourrait retrouver l'ambiance de l'Italie de ces années-là. Bellissima est le troisième d'une trilogie qui commence avec "Dolce Vita". Je te mets un lien vers celui-ci, qui résume assez bien le contenu je pense. "Bellissima" est celui où elle se distance du roman et est quasiment dans l'autobiographie. https://www.babelio.com/livres/Greggio-Dolce-Vita-1959-1979/217786
Ah oui, je vois, merci beaucoup cela correspond à ce que je recherche .
L'Or Rouge : je note les titres que tu m'indiques, je devrais pouvoir les trouver en bibliothèque.
Je me souviens encore de son roman "La douceur des hommes" qui m'avait beaucoup plu et de ma rencontre avec Simonetta Greggio lors d'une dédicace. Une personne très sympathique, rayonnante, j'en garde un très bon souvenir !
Je note donc "la douceur des hommes". Je ne suis pas surprise que tu l'aies trouvée très sympathique, c'est l'impression que j'ai aussi en l'écoutant en interview.