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  • Deux femmes et un jardin

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    "Dis-moi, toi qui n'a jamais failli te noyer, que Mariette était peut-être un peu nigaude, mais ensuite passe ton chemin. Mariette n'était pas plus stupide, ignorante ou empotée que la plupart d'entre nous. Simplement, elle avait senti que se jouait là quelque chose de l'ordre du miracle, et moins parce qu'un hasard avait fait d'elle la dernière représentante d'une tortueuse descendance qu'à cause de ce qu'elle devait appeler plus tard la bonté de la vie. Or le miracle requiert le silence de celui qui en est l'objet, ou plus exactement, il le lui impose".

    Voici un court roman qui s'est révélé être une lecture délicate et touchante sur deux personnes dont la rencontre était improbable. L'une dans la dernière partie de sa vie, l'autre en pleine adolescence.

    Par le plus grand des hasards, Mariette, femme de ménage à Paris, a hérité d'une maison quelque part dans l'Orne, sans rien savoir de plus. Sur un coup de tête, elle démissionne et part, munie de la clef de la maison et fantasmant sur ce qu'elle va trouver à l'arrivée.

    On comprend que la vie ne l'a pas gâtée, qu'elle est habituée à ne pas en attendre grand chose, mais le choc est quand même rude à l'arrivée. C'est une toute petite maison en piteux état qui l'attend, avec un jardin abandonné, dans un hameau quasi déserté.

    Mariette est une taiseuse qui n'a pas l'habitude d'avoir de l'aide, aussi se retrousse-t'elle les manches et c'est à l'élaboration de sa nouvelle vie que nous assistons, obstinée, laborieuse et de plus plus émerveillée devant les prodigalités de la nature qui l'entoure.

    Son installation a été suivie avec curiosité par Louise, une ado qui s'ennuie à mourir dans ce hameau où son père possède une résidence secondaire. Elle en a plus qu'assez d'entendre les disputes incessantes avec sa nouvelle femme et voir s'activer Mariette l'intrigue au plus haut point.

    Je n'en dirai pas plus sur l'histoire, l'essentiel n'est pas là, mais sur la relation qui se tisse entre ces deux-là. L'écriture est belle et poétique, Mariette est un peu imprévisible, elle ne sait pas mettre de mots sur ses émotions, elles naviguent l'une et l'autre au jour le jour avec maladresse, mais tendresse mutuelle.

    Le summum est atteint avec une sortie en bicyclette où l'on voit Mariette s'arrêter tout au long de la route parce que son oeil a été capté par une fleur ou un insecte qu'elle n'a pas encore vu, sa capacité à se réjouir de tout est contagieuse.

    A souligner la qualité de l'édition, rare de nos jours. En résumé, une jolie histoire, une belle écriture, un objet-livre soigné et un moment de lecture qui réchauffe le coeur.

    "Pour la première fois peut-être de sa vie, en tout cas ce fut la première et l'unique fois que Louise l'entendit s'exprimer ainsi, Mariette dit "je" pour refuser ce qui lui avait été proposé, ce que d'autres auraient probablement considéré comme une aide inespérée et n'auraient pas compris qu'elle n'en voulût pas, préférât vivre comme elle vivait, donnant le temps et les forces qui lui restaient à un jardin, à une maison, dans lesquels elle prenait aussi le temps de contempler, d'admirer, de goûter ce qui lui était offert en retour, et qui était beaucoup plus que ce qu'elle avait jamais reçu ou espéré recevoir, si bien qu'elle n'avait besoin de rien d'autre que ce qu'elle avait déjà..."

    Anne Guglielmetti - Deux femmes et un jardin - 95 pages
    Editions Interférences - 2021

  • Le jardin nu

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    "Tout est plus vivant de devoir mourir. Tel est l'enseignement. Toute vie est dérisoire, et toute vie est en même temps unique, infiniment fragile - la palpitation de la veine - précieuse en raison même de sa fragilité. A l'individualisme qui consacre Narcisse comme centre de son propre univers, je veux substituer l'attention infinie à chaque individu. A chaque humain, à chaque graine qui tente de toutes ses forces de soulever son tombeau de terre brune pour déployer une promesse de fleur.
    A ce prix-là, peut-être, nos minuscules et infinies souffrances seront rédimées".

    Terminé il y a environ trois mois, ce récit intimiste me laisse une empreinte durable et je le relirais volontiers tout de suite, avec le même plaisir.

    Le décès du compagnon d'Anne Le Maître l'a laissée complètement brisée et elle a choisi de quitter l'appartement où ils vivaient pour se réfugier dans une maison à l'écart, dotée d'un petit jardin.

    C'est là quelle reprendra pied dans la vie, en observant attentivement tout ce qui l'entoure, se laissant captiver par les sons et les couleurs, en bonne aquarelliste qu'elle est. Elle va apprendre de ce bout de terre, jour après jour, tantôt peignant, tantôt regardant sereinement.

    Le texte est découpé en courts chapitres aux titres évocateurs "Semer, planter, se taire" "déposer les armes" "la verveine et le compost" etc ... l'écriture se fait délicate, sensible, poétique.

    L'autrice passe de l'évocation du passé au présent peuplé d'oiseaux, de fleurs, de moments contemplatifs où peu à peu la joie se fraie à nouveau un chemin.

    Sachant qu'il était question d'un deuil, j'avais retardé ma lecture et j'ai eu bien tort. Je suis sortie de ce récit curieusement réconfortée, admirative de la force intérieure qui se dégage de l'autrice et de son regard sur les beautés de la nature et des êtres vivants.

    C'est un coup de coeur et d'ores et déjà "La sagesse de l'herbe" m'attend.

    "Qui suis-je pour raccourcir ces brins d'herbe qui ont si vaillamment traversé l'été, ces laiterons qui nourrissent les derniers papillons, ces branches hérissées qui servent de terrain de jeu aux mouches et aux fauvettes ? Qui suis-je pour déranger les soyeux arrangements de toile fine élaborés par tant de minuscules araignées à la surface des thuyas ? Pourquoi jeter ces feuilles mortes qui servent de refuge (illusoire) aux escargots et dans lesquelles fourrage avec gourmandise l'ami invisible et piquant - le hérisson ?"

    L'avis de Tania

    Anne Le Maître - Le jardin nu - 120 pages
    Editions Bayard - 2023

  • Femme forêt

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    "Derrière le comptoir, il jongle avec la vaisselle d'une famille de neuf. Il est le cirque à lui seul. Il boit des cafés et il a des éclats de verve, des pluies de phrases justes et jolies, des chemins vers cette si sensible tête, vers sa profondeur fine et fascinante.
    Mon homme est sauvé pour le moment.
    J'aime sa vastitude. J'aime ses béances sanglantes et sa douleur. J'aime ses fulgurances, les méandres de ses réflexions, ses éclats de rire et ses doigts sur le vieux piano."

    Un titre qui m'a attirée dans une librairie, une autrice dont j'ai vu d'excellents avis sur les blogs amis, il ne m'en a pas fallu plus pour repartir avec.

    J'ai plongé dans la lecture sans trop savoir à quoi m'attendre, hormis un retour à la nature. En fait, nous sommes au Québec, pendant la pandémie, évoquée juste en passant. Deux familles quittent la ville et ses interdits pour se retrouver en forêt, dans deux maisons. C'est le lieu ou la narratrice passait ses vacances dans son enfance.

    Je retiens surtout la plume très poétique, d'une beauté qui emporte. Il n'y a pas véritablement d'histoire, plutôt des fragments de vie au jour le jour. Quatre adultes et cinq enfants la cohabitation n'est pas toujours facile. Ce qui importe le plus pour la narratrice c'est d'entrer en osmose avec tout ce qui l'entoure, les arbres, le ciel, l'eau, tout ce qui la recharge et la fait vibrer.

    Elle initie ses petits aux joies simples, aux merveilles qui les entourent, sans cacher son ras-le-bol parfois, mais elle a l'amour chevillé au corps. Sa description des humains qui les entourent en est baigné.

    On devine que son mari ne va pas bien tous les jours, on sent que ça vient de loin, elle s'échappe quand il le faut et rejoint des amants de passage, sans y accorder trop d'importance.

    La narratrice fait souvent référence à des textes littéraires, notamment ceux de Francis Ponge.

    Malgré l'écriture magnifique, au bout d'un moment, il m'a manqué une histoire plus construite. Il semblerait que ce soit presque une suite à "la femme qui fuit" que je n'ai pas lu. J'aurais peut-être mieux compris si j'avais commencé par là.

    Je ne regrette cependant pas de l'avoir lu, c'est un roman original et l'écriture est superbe et lumineuse.

    "Des amis algonquins m'ont déjà expliqué quelle attitude adopter si je rencontrais un ours dans la forêt.
    J'ai retenu deux choses. Surtout, ne pas faire la morte. Je ne suis pas crédible en morte. Mais plutôt m'éloigner lentement, sans gestes brusques, en parlant à l'ours (je cherche encore quoi lui dire. Si je n'ai pas trouvé à ce moment-là, je chanterai.)
    En reculant à pas lents, repérer un arbre de confiance et y grimper. L'ours ne me suivra pas dans l'arbre".

    L'avis de Karine

    Anaïs Barbeau-Lavalette - Femme-Forêt - 288 pages
    Editions JC Lattès - 2023

  • Jardins de rêve

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    "Mes yeux suivaient le parcours de la lumière et je commençai d'apprécier la multiplicité des couleurs, des textures, des étages de végétation et des motifs dans le jardin.
    Je me sentais incroyablement inspirée, incitée à saisir et enregistrer tout ce que je voyais. Mon amour de la lumière paraissait m'aider à appréhender la beauté de ce jardin - et c'est depuis lors l'élément clef qui a guidé mon travail"

    Vous savez à quel point j'aime les jardins, aussi je n'ai pas hésité à demander ce beau livre lors d'une opération Masse Critique.

    70 jardins parmi les plus beaux du monde sur quatre continents (Océanie, Amérique du Nord, Europe, Asie). Claire Takacs les photographie depuis une vingtaine d'années. Deux en France, le jardin Plume, que je connais bien, pas très loin de chez moi et le jardin de Berchigranges.

    La part belle est faite aux photos bien sûr et un texte explicatif accompagne chaque jardin. L'approche est plutôt naturaliste, dans le sillage de certains paysagistes, dont Piet Oudolf, qui a ouvert son jardin privé.

    Je suis loin d'avoir lu entièrement le livre, je le déguste page après page, légèrement envieuse de la photographe sur place à toute heure du jour, pouvant capter les meilleures lumières, les brumes du matin, les couchers du soleil. Le résultat est superbe et donne à rêver et qui sait, à voyager à la rencontre de quelques jardins.

    La photographe développe un réseau de passionnés et des correspondances se font parfois entre les jardins. "L'un des mes moyens pour découvrir des jardins est le jeu des relations que je peux nouer en faisant des photographies ou en visitant d'autres jardins. Lors de mon séjour à Great Dixter, Aaron Bertelsen - qui vit là-bas et travaille au potager - me dit que le jardin Plume était l'un de ses lieux favoris, spécialement en automne. Je suis donc allée en Normandie pour voir ce qu'il en était".

    Paysages, styles, couleurs, saisons, l'éventail est large, l'oeil captivé. Un livre à prendre et à reprendre, je suis sûre que l'on y découvre toujours quelque chose de nouveau.

    Un beau cadeau à faire et à se faire.

    Vous pouvez trouver des photos sur le site de Claire Takacs
    et un extrait du livre sur le site de l'éditeur
    J'ai parlé plusieurs fois du Jardin Plume sur mon ancien blog, ici.

    Merci à Masse Critique et aux Editions Delachaux et Niestlé

    Claire Takacs - Jardins de rêve -304 pages
    Editions Delachaux et Niestlé - 2023

  • Les photos du jour

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    Giverny (jeudi dernier)

  • La photo du jour

    En 2021, le jardin japonais Yushien a offert des pivoines arbustives au jardin de Giverny. Elles fleurissent en avril et sont magnifiques. En savoir plus ici

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    (cliquez sur l'image pour voir en grand)

  • La femme du deuxième étage

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    "Depuis qu’elle est en prison, elle pense rarement à sa propre vie. Elle refuse de réfléchir à l’après. Elle refuse de faire des plans, elle a eu sa dose de plans pour toute une vie, elle a payé assez cher ceux qu’elle a échafaudés jusqu’à présent. Mais Bruna sait qu’un jour elle va sortir d’ici. Et quand elle pense à cette évidence, c’est toujours dans cet appartement qu’elle se voit."

    Dès le départ nous savons que le personnage central du roman, Bruna, est en prison pour meurtre aggravé. Elle a empoisonné sa belle-mère, Anka. Pas de suspense donc, mais un retour en arrière pour tenter de comprendre son geste.

    L'alternance entre sa vie quotidienne en prison et la réminiscence de ce qui a motivé peu à peu son geste permet de saisir progressivement les ressorts du meurtre.

    Bruna vit dans un petit appartement avec sa mère Divna, elle travaille et sort avec ses copines. C'est dans une soirée qu'elle rencontre Frane, un jeune marin beau et séduisant. Ils s'aiment et décident assez rapidement de s'installer ensemble. Elle fait la connaissance de la famille de Frane, sa mère Anka et sa soeur, mariée et un enfant. La maison d'Anka a deux étages, le premier est libre. Pourquoi le jeune couple n'en profiterait-il pas ?

    Bruna ne dit non à rien et ne tarde pas à emménager, avec l'assentiment de sa mère, à vrai dire assez indifférente, toute occupée qu'elle est par ses propres amours.

    Bruna va vite comprendre qu'elle ne sera pas chez elle dans cette maison. Anka a la main sur tout et convainc rapidement son fils de prendre les repas tous ensemble, à son étage. Bruna n'en fait jamais assez et ce n'est jamais bien. La situation se détériore lorsque Frane part en mission sur un bateau pour plusieurs mois, laissant Bruna en tête à tête avec sa belle-mère.

    Les retrouvailles avec Frane apaisent un peu la situation, mais il repartira et une dégradation majeure interviendra lorsque Anka sera victime d'une attaque la laissant handicapée. La soeur de Frane ne peut pas quitter sa ville et son travail, Frane repart et Bruna portera seule le fardeau, sans rien dire.

    Bruna assume les soins nécessaires, ne se plaint pas, mais après quelques mois, la vue d'une boîte de poison va lui permettre d'entrevoir une issue à sa vie qui est devenue insupportable, bien loin de ce qu'elle avait imaginé, elle et Frane, dans un nid douillet et confortable, un enfant peut-être ..

    L'intérêt du roman est de suivre Bruna avant, pendant et après le crime, d'être au plus près de ses réflexions et de son évolution. En prison Bruna s'habitue à la routine. Elle fait la cuisine pour les détenues et se tient à l'écart. Lorsqu'elle sort, onze ans plus tard, elle retourne à Split et a du mal à reconnaître la ville qu'elle a quittée. Tout a changé avec l'arrivée massive des touristes.

    Finalement, c'est sur une île qu'elle ira s'installer, éloignée de la société et des lieux où elle a vécu.

    C'est un roman qui dégage une certaine tristesse et Bruna garde un côté énigmatique. On se demande pourquoi elle est restée si soumise à certains moments. Ce n'est pas une personnalité facile et elle ne m'a pas vraiment inspiré d'empathie, pas plus que son entourage.

    La cuisine a une grande importance dans l'histoire. Bruna aime cuisiner pour les autres, c'est une passion qui la soutient et c'est aussi celle par laquelle l'irréparable est arrivé.

    Les noeuds intimes et familiaux sont bien décrits, tout comme les changements sociaux en Croatie, néanmoins, c'est un texte moins abouti que "l'eau rouge" paru l'an dernier. 

    "Bruna fait la tambouille de la prison. Elle cuisine des petits pois, des pommes de terre, du chou vert et des lentilles, des saucisses, des pains de viande, des bâtonnets de poisson et du poulet. Elle mitonne à la cocotte, cuit à la vapeur ou à l'eau, panne, frit, braise. Elle se débat avec de mauvais ingrédients, des légumes pourris de va savoir quel fournisseur, de la viande congelée qui aura bien rapporté un dessous de table à quelqu'un".

    L'avis d'Alex

    Jurica Pavičić - La femme du deuxième étage - 240 pages
    Traduit du croate par Olivier Lannuzel
    Agullo - 2022

  • La femme à la valise

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    "Le lever du jour a teinté ces étranges passagers d'une couleur cendrée. Dans cette tonalité grisâtre, les silhouettes ont commencé à bouger. Parfois un bras ; d'autres fois une tête qui se tournait pour finalement revenir à sa position initiale et s'appuyer sur l'épaule voisine. Chacune ramâchait sa peine ou s'abandonnait dans le sommeil après l'angoisse des heures passées. Les passagères qui ne dormaient pas ont vu les eaux noires prendre lentement une teinte de plomb sous le ciel gris. Elles regardaient leurs compagnes de voyage avec indifférence. Les têtes abandonnées sur les épaules ; les corps, emboîtés ; L'image de cet abandon se balançant sur la mer ne les émouvait pas".

    Avec ce recueil de 11 nouvelles, je fais la connaissance de Luisa Carnés qui a été elle-même membre du PC espagnol et militante. Elle a été obligée de fuir l'Espagne pour la Colombie en 1939.

    Ces nouvelles ont été écrites entre 1940 et 1960. Elles se déroulent pendant et après la guerre d'Espagne et mettent en scène essentiellement des femmes. Elles ont toutes traversé des épreuves dures, l'arrestation, la torture, la prison, la fuite. L'espoir n'est plus de mise, elles ont perdu des maris, des pères, des fils et doivent survivre dans une société muselée par les franquistes.

    C'est une lecture forte, sans pathos, tout est dit avec une sobriété qui met d'autant plus en relief l'atrocité de certaines histoires comme la nouvelle qui donne son titre au recueil. Un groupe de femmes qui fuit vers la France, à pied. Une de ces femmes porte une valise qu'elle ne veut en aucun cas lâcher, éveillant la curiosité des autres. Elle ne dit pas un mot. L'ouverture de la valise au bout du périple tétanisera le groupe de femmes, devant une réalité insoutenable.

    Dans "la partie de dominos" c'est de vengeance dont il est question, mise minutieusement au point et visant un traître, montrant la difficile cohabitation des franquistes victorieux et des républicains vaincus et réduits au silence.

    Plusieurs nouvelles évoquent la grande misère des enfants séparés des parents ou en prison avec des mères condamnées. Certains leurs sont enlevés et confiés à des institutions fascistes.

    Une des nouvelles les plus poignantes concerne une femme qui a accouché en prison et voit son enfant dépérir de jour en jour dans cet univers délétère. Elle prendra une décision terrible pour lui donner une chance de sortir de cet endroit.

    Les situations évoquées sont multiples et montrent également des femmes réduites à la prostitution puisqu'à leur sortie de prison elles ne pouvaient trouver de travail nulle part et devaient se méfier de tout le monde.

    Une des rares nouvelles porteuse d'espoir "Aixo va bé" rappelle une journée de manifestation quinze ans après les évènements qui remet en présence Paco et Paloma. Paco continue la lutte dans la clandestinité, permettant à Paloma de retrouver la chaleur d'un groupe uni dans la résistance et fier de ses convictions.

    C'est un recueil de nouvelles d'une égale qualité, je n'ignorais pas ce qui s'est passé en Espagne franquiste, mais ces histoires de femmes qui n'occultent rien donnent une dimension pleinement humaine à ce qu'une partie de la population a dû subir, avec les séquelles que nous connaissons encore aujourd'hui.

    Une autrice que je ne connaissais pas et dont je vais continuer la lecture puisque les éditions de la Contre Allée ont eu la bonne idée de rééditer ses textes, trop méconnus en France.

    L'avis de Sacha

    Luisa Carnés - La femme à la valise - 200 pages
    Traduit de l'espagnol par Michelle Ortuno
    Editions la Contre Allée - 2023

  • Un café maison

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    "Il avait choisi des femmes solitaires parce qu'il voyait les femmes comme des machines à faire des enfants. Peut-être lui semblait-il plus simple qu'elles ne soient pas pourvues d'accessoires potentiellement embarrassants, comme des amis."

    Encore un auteur que je voulais découvrir depuis un bon moment, avec son enquêteur récurrent, l'inspecteur Kusanagi. C'est fait avec ce café maison qui va entraîner tant d'expériences diverses autour de la préparation du breuvage.

    Ayané Mashiba et Yoshitaka Mashiba sont mariés depuis un an. Ils ont conclu un accord tacite. Si Ayané n'attend pas un enfant d'ici la fin de l'année ils divorceront. Yoshitaka conçoit le couple uniquement comme construction d'une famille, s'il n'y a pas d'enfant, il n'y a pas de raison de continuer ensemble.

    Au terme de l'année, Ayané n'est donc pas surprise de l'annonce de Yoshitaka l'informant qu'il va la quitter pour une autre femme. Elle ne se rebelle pas et décide d'aller passer le week-end chez ses parents, seule, pour réfléchir.

    Le dimanche, Yoshitaka est retrouvé, mort, à son domicile par Hiromi Wakayama, l'assistante d'Ayané. Les deux femmes réalisent des patchworks avec un certain succès.

    L'inspecteur Kusanagi est chargé de l'enquête, avec sa jeune collègue, Kaoru. La police scientifique établit assez vite que la tasse de café de Yoshitaka contenait de l'arsenic. Toute la question va être de trouver comment l'assassin a procédé pour introduire le poison sans se faire remarquer.

    Nous apprenons rapidement que l'assistante d'Ayané, Hiromi Wakayama est la prochaine femme choisie par la victime et qu'elle est enceinte. Qui avait donc le plus intérêt à tuer Yoshitaka ?

    Kusanagi tombe assez vite sous le charme d'Ayané, ce qui l'empêche d'avoir les idées claires et impartiales d'après Kaoru, sa collège, nettement plus méfiante envers l'épouse bafouée. Kaoru va demander l'aide du Professeur Yukawa, brillant scientifique, pour trouver comment l'arsenic est arrivé dans le café.

    J'ai d'abord eu un peu de mal à me familiariser avec les noms japonais et à les mémoriser. J'ai trouvé que la police japonaise était vraiment très polie avec les suspects, voire prévenante. La lectrice a une longueur d'avance puisque dès le départ nous savons qui a tué, tout le suspense est dans la méthode utilisée.

    Quand je dis suspense, il n'est pas haletant. Tout cela est long et lent et j'ai terminé avec un soupir de soulagement. Peut-être ne suis-pas tombée sur le meilleur de la série. Pas sûr que je continue avec l'auteur.

    L'avis de Fanja Dasola Kathel Sandrion

    Keigo Higashino - Un café maison - 336 pages
    Traduit du japonais par Sophie Rèfle
    Babel noir - 2013

  • L'un des nôtres

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    "Mon Dieu, et t'en serais capable en plus. Et quand tu finiras par te rendre compte que ce que tu veux ne peut pas se faire ? Qu'est-ce qui va se passer à ce moment-là ?
    Ça fait justement partie des choses que je n'ai jamais pu apprendre, dit-elle de sa voix tremblante. Ce n'est pas ce que tu m'as sans cesse répété, George ? Que je ne sais jamais quand il faut renoncer ?"

    Nous sommes dans le Dakota du Nord, en 1951. George et Margaret Blackledge ont perdu leur fils tragiquement. Ils en étaient très proches et se raccrochent à leur petit-fils Jimmy, pensant l'élever, en l'hébergeant avec sa mère Lorna. Seulement Lorna s'est amourachée d'un certain Donnie Weboy. Du jour au lendemain, le jeune couple s'en va rejoindre la famille Weboy dans le Montana, séparant les grands-parents de Jimmy.

    Margaret est convaincue que Donnie maltraite la jeune femme et l'enfant. Elle veut partir à leur recherche et ramener Jimmy à la maison. C'est un Blackledge ! George est nettement plus réservé, il estime que l'on n'arrache pas un enfant à sa mère, mais il ne sait rien refuser à sa femme et il accepte de se mettre en route pour le Montana, envers et contre tout.

    L'expédition ne sera pas facile, ils ne savent pas exactement où trouver la famille ou plutôt le clan Weboy, connu comme le loup blanc et pas comme des tendres. Margaret va se heurter à une femme, Blanche, aussi déterminée qu'elle à garder l'enfant.

    Voilà un roman américain comme je les aime, avec des personnalités marquées, des individus confrontés à des problèmes personnels et sociaux, des rencontres plus ou moins heureuses et d'un seul coup des accès de violence qui laissent pantois.

    La logique de Margaret est parfois difficile à suivre, ses raisonnements sont dérangeants. Elle n'épargne pas George et le bouscule sans toujours évaluer à quel point il lui est attaché et jusqu'où il peut aller. D'où une fin de roman magistrale. Les deux points forts de l'histoire sont justement le côté indéfectible du couple et l'affrontement Blackledge-Weboy.

    Les personnages secondaires ont leur importance, Madame Witt, l'infirmière, le jeune indien, Alton Dragswolf et quelques autres, ils enrichissent l'aventure en y apportant leur compréhension et leur humanité.

    En bref, c'est un excellent roman que je ne saurais trop vous recommander.

    Merci à Masse critique et aux Editions Gallmeister

    Larry Watson - L'un des nôtres - 336 pages
    Traduit de l'américain par Elie Robert-Nicoud
    Gallmeister - 2022