"Tout est plus vivant de devoir mourir. Tel est l'enseignement. Toute vie est dérisoire, et toute vie est en même temps unique, infiniment fragile - la palpitation de la veine - précieuse en raison même de sa fragilité. A l'individualisme qui consacre Narcisse comme centre de son propre univers, je veux substituer l'attention infinie à chaque individu. A chaque humain, à chaque graine qui tente de toutes ses forces de soulever son tombeau de terre brune pour déployer une promesse de fleur.
A ce prix-là, peut-être, nos minuscules et infinies souffrances seront rédimées".
Terminé il y a environ trois mois, ce récit intimiste me laisse une empreinte durable et je le relirais volontiers tout de suite, avec le même plaisir.
Le décès du compagnon d'Anne Le Maître l'a laissée complètement brisée et elle a choisi de quitter l'appartement où ils vivaient pour se réfugier dans une maison à l'écart, dotée d'un petit jardin.
C'est là quelle reprendra pied dans la vie, en observant attentivement tout ce qui l'entoure, se laissant captiver par les sons et les couleurs, en bonne aquarelliste qu'elle est. Elle va apprendre de ce bout de terre, jour après jour, tantôt peignant, tantôt regardant sereinement.
Le texte est découpé en courts chapitres aux titres évocateurs "Semer, planter, se taire" "déposer les armes" "la verveine et le compost" etc ... l'écriture se fait délicate, sensible, poétique.
L'autrice passe de l'évocation du passé au présent peuplé d'oiseaux, de fleurs, de moments contemplatifs où peu à peu la joie se fraie à nouveau un chemin.
Sachant qu'il était question d'un deuil, j'avais retardé ma lecture et j'ai eu bien tort. Je suis sortie de ce récit curieusement réconfortée, admirative de la force intérieure qui se dégage de l'autrice et de son regard sur les beautés de la nature et des êtres vivants.
C'est un coup de coeur et d'ores et déjà "La sagesse de l'herbe" m'attend.
"Qui suis-je pour raccourcir ces brins d'herbe qui ont si vaillamment traversé l'été, ces laiterons qui nourrissent les derniers papillons, ces branches hérissées qui servent de terrain de jeu aux mouches et aux fauvettes ? Qui suis-je pour déranger les soyeux arrangements de toile fine élaborés par tant de minuscules araignées à la surface des thuyas ? Pourquoi jeter ces feuilles mortes qui servent de refuge (illusoire) aux escargots et dans lesquelles fourrage avec gourmandise l'ami invisible et piquant - le hérisson ?"
L'avis de Tania
Anne Le Maître - Le jardin nu - 120 pages
Editions Bayard - 2023
Commentaires
J'aime beaucoup, et le thème et l'écriture. En plus, ce récit est court, ce qui permet de bien le goûter et de le relire quand l'envie se fait sentir. Oui, le jardin peut être un lieu de contemplation et d'action qui aide à se reconstruire, au fil des saisons.
Je pense que tu aimerais beaucoup cette lecture.
Merci pour ce coup de coeur que je m'empresse de noter. Les livres sur le deuil me font hésiter également. Celui-ci a l'air si beau.
Je savais que je le lirai, mais j'ai attendu le moment propice. Parfois on n'a plus envie d'entendre parler du malheur du monde et on veut seulement de la distraction. Ça ne dure jamais très longtemps chez moi.
je suis passée à côté du deuil de la mère d'une jeune fille morte au Bataclan, en plus je sais que rien dans la nature ne pourrait m'aider à vivre alors je pense que ce livre n'est pas pour moi. Le seul argument qui me ferait hésiter c'est que tu as aimé.
Je ne sais que te dire .. il n'est peut-être pas pour toi en effet, mais tu serais peut-être surprise; Et l'écriture est magnifique.
Sans doute ça me plairait, je le sens.
J'en suis sûre ..
Cette autrice n'est toujours pas dans ma médiathèque. Je n'aime pas vraiment lire sur le deuil mais ce que tu en dis me tente énormément et donc je vais la noter pour ne pas l'oublier. Merci pour les extraits je les trouve magnifiques.
J'aurais pu trouver des extraits à toutes les pages. C'est un petit bijou ce livre.
Ce récit semble très poétique
ll l'est et il est aussi bien ancré dans la réalité. Pas de mièvrerie du tout.
Beaucoup de sensibilité je pense dans cette lecture..
Dans une épreuve aussi difficile que le deuil, si cette lecture apporte un certain réconfort comme tu l'as ressenti,je le note bien sûr!!
Une grande sensibilité, tu l'as bien compris. C'est un beau moment de lecture.
Je ne suis pas sûre que ce roman soit pour moi, pourtant il t'a touchée, c'est ce qui me retient...
Si ta bibliothèque l'a, n'hésite pas à tenter. Quelques blogueuses l'avaient découvert avant moi, je leur ai fait confiance et je ne l'ai pas regretté, alors que j'étais hésitante.
ça parle de deuil et tu en sors réconfortée? Tu penses que je vais noter plutôt deux fois qu'une !! Merci, je ne connaissais pas du tout.
C'est une autrice plutôt discrète, aquarelliste également et géographe. Son écriture est superbe, avec un regard sur la vie qui me touche.
Ça semble être un très bon livre à tout point de vue, mais je crains que ce ne soit pas trop mes thématiques.
Il faut être prête à aller vers ce genre de livre, un jour peut-être ..
Merci, merci, je note fiévreusement : j'avais adoré "La sagesse de l’herbe" !
Je vais à mon tour découvrir "La sagesse de l'herbe". J'ai l'intention de lire également "Un si grand désir de silence". Je suis franchement conquise par cette autrice.
j'ai aimé tous les livres de cette auteure et là j'ai pris beaucoup de plaisir
j'aime sa vision de la nature
Vos billets sur "la sagesse de l'herbe" m'avait permis de la remarquer et finalement c'est avec "le jardin nu" que je me suis décidée en premier. C'est précieux ce genre de lecture.
J'aime beaucoup comme Anne Le Maître arrive à exprimer l'importance de tous ces signes dans la nature, de ces choses simples autour de nous qui nous permettent de nous reconstruire ou simplement de tenir debout. Merci pour le lien, Aifelle & bonne lecture de "Sagesse de l'herbe".
Elle est douée en effet pour faire passer son amour de la nature, ce qu'elle y puise au quotidien et à quel point ça la nourrit. Une autrice que je n'aurais peut-être pas découvert sans les blogs amis.
Je l'ai lu il y a quelques semaines et j'avoue que je ne savais pas trop comment en parler (et j'avais un petit coup de mou pour rédiger des billets aussi). J'ai beaucoup aimé cette lecture, tout en simplicité, en patience. J'ai entendu parler l'autrice de son livre "Un si grand désir de silence" que j'ai très envie de lire aussi.
J'ai tourné un bon moment avant d'arriver à faire un billet, ce n'est pas facile pour ce genre de livre. Mais j'y tenais. Je vais découvrir moi aussi ses autres titres disponibles.
J'aime beaucoup votre chronique. Je dois le lire, ce livre d'Anne Le Maître. Il fait partie de ces livres qui ont attendu sagement que je sois disponible pour y entrer, car je pense qu'effectivement il mérite qu'on prenne du temps pour le lire.
Bon week end.
Merci à vous. J'ai eu du mal à faire un billet, d'autant plus que celui de Tania m'apparaissait parfait. Mais je voulais au moins faire passer à quel point cette lecture était belle, pas du tout plombante comme j'aurais pu le craindre.
Oh ça a l'air très chouette et me donne très envie !
Alors n'hésite pas :-)
Je pense que ce livre me plairait, j'aime beaucoup les extraits que tu nous partages et j'ai remarqué que, bien souvent, après la perte d'un être cher, on quitte tout pour retrouver ce lien avec la nature, avec le vivant.
Quand on peut le faire, je pense que c'est une bonne voie. Je crois à cette régénération par la nature.
L'incipit de ton billet ne me parle pas trop (le style un peu trop "high"), mais le reste me parle beaucoup, surtout le dernier extrait ! Donc à voir !
On n'est pas obligée de tout aimer dans un texte, d'ailleurs l'autrice ne cherche à convaincre personne, elle raconte seulement son expérience à elle, que j'ai trouvée très belle.
Coucou Aifelle ! Je sors de ma léthargie après une grippe bien fatigante
J’aime beaucoup Anne qui vit dans la ville où j’habitais précédemment. J’ai eu l’occasion de la découvrir comme prof d’histoire/géo qui avait ma fille comme élève. J’ai souvenir d’une femme charmante et d’élèves attentifs. Elle enseigne toujours à mi temps mais développe ses cours d’aquarelle. J’ai eu l’occasion de l’interviewer pour un journal il y a une dizaine d’années. J’ai retrouvé une femme charmante, sensible, avec un regard d’une profonde acuité sur ce qui l’entourait. J’ai suivi via son site internet son évolution, ses douleurs, ses propositions. Et j’ai vu qu’elle avait gagné dernièrement le prix de la liberté intérieure avec son livre sur le silence. Bref c’est quelqu’un que j’aime beaucoup. Je lirai à l’occasion ses livres. Elle me fait penser à Bobin.
J’ai toujours gardé le livre sur Dijon, un peu de textes illustrés par des aquarelles. Un bonheur.
La grippe circule ... pas trop ici pour le moment. J'espère que tu te remets bien et que ce ne sera bientôt qu'un mauvais souvenir. Quelle chance d'avoir rencontré Anne Le Maitre, en plus comme prof de ta fille. N'hésite pas à la lire, je suis complètement tombée sous le charme. C'est un peu difficile de se procurer ses carnets, ils ne sont plus tous édités, c'est dommage.
Le texte que tu cites me fait penser au Bobin de Autoportait au radiateur, livre écrit après le décès de sa femme.
Je n'ai pas lu ce livre de Bobin, mais tu es la deuxième à faire un parallèle avec cet auteur.