"Je ne suis pas en train de me décomposer, papa. Je suis juste furieuse que tu aies mis une semaine entière à me rappeler. Et s'il te plaît, cesse de te comporter comme si mon mari était une espèce de manager qui est censé me protéger de la réalité quand elle déconne".
N'ayant jamais été déçue par un roman de Julia Glass, je n'ai pas hésité lorsque j'ai vu sa dernière parution. Roman choral, comme d'habitude, ce sont huit personnages différents qui prennent la parole à tour de rôle, nous permettant de creuser profondément leur personnalité et les relations qui les unissent les uns et les autres.
L'histoire se déroule dans une petite ville du Massachussetts, Vigil Harbour, dans un futur proche, une poignée de décennies peut-être. Le dérèglement climatique s'est accentué, les catastrophes se sont faites de plus en plus dramatiques, tremblements de terre, tempêtes, virus mortel, etc .. Ont suivi des attentats, à New-York notamment, rendant le quotidien anxiogène et incertain.
Curieusement, Vigil Harbour paraît à l'abri de cette ambiance délétère, en tout cas pour le moment et une petite communauté privilégiée essaie d'y vivre encore en bonne intelligence, et veut croire à un avenir supportable.
Le premier narrateur, Brecht, jeune adulte, a survécu à un attentat à New-York, où il était étudiant. Traumatisé, il est revenu chez sa mère, Miriam, à Vigil Harbour et a abandonné ses études. Il a pour seule compagnie son copain, Noam. Son père est mort d'un virus (covid ?) lorsqu'il avait huit ans. Son beau-père, Austin, architecte, lui procure un travail chez Célestino, immigré de longue date, qui créé et entretient des jardins.
Dans cet endroit relativement préservé vont surgir deux personnages inattendus, poursuivant chacun des buts cachés. Ils vont apporter le trouble avec eux, provoquant des réactions en chaîne aux conséquences imprévisibles.
Je ne vais pas en raconter davantage, c'est une histoire fouillée dans laquelle il faut entrer progressivement. L'autrice excelle dans la description des personnages et des interractions entre chacun d'entre eux. C'est finement observé et peu à peu les liens se font avec subtilité.
Les révélations arrivent, jusqu'à une dernière partie assez tendue, avec un suspense qui monte. Les changements liés au bouleversement climatique imprègnent toute l'histoire, soulevant des questionnements fondamentaux.
La part belle est faite aux personnages, deux couples explosent entraînant des recompositions surprenantes ; j'ai particulièrement aimé, Margo, ancienne professeur de Brecht, qui encaisse le départ de son conjoint avec une autre en épaulant vigoureusement l'autre mari quitté qui se laisse couler. L'avenir montrera qu'elle sait faire face à pire que cela.
"Si je détaillais, je dirais ceci : je suis sur une île dont la côte est menacée. Il y a des gardes, des flics, des rangers et toutes sortes de gens en uniforme qui surveillent, il y a des bassins écrêteurs là où il y avait autrefois des terrains de basket, il y a des périodes estivales où les températures atteignent 38° cinq jours d'affilée, et on est peut-être menacés de tempêtes, de bombes, de contagion, de pandémies et de pagaille, mais je vais bien. Je fais travailler mon esprit, je fais travailler mon corps. Je mange - parfois très bien".
Avec ce titre, je participe aux deux challenges qui ont remplacé "le pavé de l'été" de Brize.
Chez Sibylline
ta d loi du cine (chez Dasola)
Julia Glass - En ces temps de tempête - 608 pages
Traduit de l'américain par Sophie Aslanides
Editions Gallmeister - 2023