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Résistante

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"Notre vie dépend du bon vouloir des occupants. Ces nazis que nous surnommons "les doryphores" du nom de ces insectes qui engloutissent les pommes de terre, veulent dévorer la France ! Il m'arrive de me retrouver coincée à la gare de Versailles-Chantiers alors que le couvre-feu vient d'être décrété. Sur le chemin menant à la maison, j'ai repéré des portes cochères que je peux ouvrir facilement afin de me cacher dès que j'entends les soldats frapper le pavé de leurs gros godillots ... En route, je prends parfois un malin plaisir à glisser "mon" journal dans les boîtes aux lettres de collaborateurs, pour défier ces Français particulièrement couards et dangereux".

Lors d'une émission récente de "la Grande Librairie", j'ai été impressionnée par le parcours et la dignité de Jacqueline Fleury-Marié. J'ai eu envie de poursuivre ce moment avec le livre qu'elle a co-écrit avec Jérôme Cordelier. J'y ai retrouvé une grande part des propos qu'elle a tenus dans l'émission, plus développés bien sûr.

Jacqueline Fleury-Marié est entrée dans la résistance à 17 ans. Il faut dire que le climat familial l'y prédisposait. Sa mère avait vécu la première guerre mondiale dans la Somme, elle savait de quoi l'occupant était capable et c'était pour elle vital de le combattre à nouveau.

Toute la famille participait à des degrés de responsabilité divers, les parents, Jacqueline et son frère Pierre. D'abord des petites tâches, puis des missions de plus en plus dangereuses. Jacqueline finira par être arrêtée, sur dénonciation, ainsi que sa mère.

Elle connaîtra la prison, la torture, jusqu'au jour du départ en wagon à bestiaux, sans savoir si sa mère a subi le même sort qu'elle, ni la destination du voyage. Comme toutes les femmes de son convoi, elle est loin de se douter de ce qui l'attend.

Ce sera l'arrivée à Ravensbrück en août 1944, sinistre camp de femmes, où elle aura à la fois le bonheur et la tristesse de retrouver sa mère. Elle espérait qu'elle avait pu échapper à cette épreuve. Le récit de Jacqueline rejoint d'autres témoignages sur ce camp, notamment celui de Germaine Tillion. C'est toujours le même choc de les lire.

Jacqueline Fleury-Marié évoque ses tourments et ses souffrances avec pudeur ; elle rend surtout hommage à ses compagnes, elle insiste sur la solidarité qui existait entre elles et qui lui a permis de survivre. C'était des prisonnières politiques, elles continuaient le combat à leur manière, avec beaucoup de courage, notamment lorsqu'elles ont été contraintes de travailler pour l'armement allemand.

Elle connaîtra les marches de la mort, jusqu'au moment où, à quelques unes, elles s'écartent de la longue file et se réfugient dans une cabane, sachant les Russes plus très loin. Elles seront repérées par des prisonniers de guerre français, qui les aideront, les protégeant à la fois des nazis et des Russes jusqu'à leur libération.

Jacqueline espère être rapatriée rapidement en France, mais il faudra attendre encore et le retour ne sera pas facile. Sa mère et elle ne sont pas accueillies à bras ouverts, personne n'imagine ce qu'elles ont vécu, ni n'a envie de le savoir.

Témoignage précieux d'une dame de 95 ans, qui a continué à oeuvrer pour les survivants des camps après la guerre, en participant à des associations et en se rendant régulièrement dans des classes.

"Enfin nous allons pouvoir boire. Les visages épuisés et tendus s'ouvrent quelque peu. Boire. Depuis des heures, nous n'aspirons qu'à cela. Six cents femmes guettent le tuyau d'arrosage en espérant l'eau salvatrice. Espérance vaine. Cruauté supplémentaire, cruauté ordinaire. Il faudra bien s'y habituer : aucune d'entre nous ne recevra ne serait-ce qu'une cuillère à café d'eau. Pas la moindre goutte. Même pour la plus malade d'entre nous.

Jacqueline Fleury-Marié - Jérôme Cordelier - Résistante - 128 pages
Livre de Poche - 2021

Commentaires

  • merci du billet, je n'avais pas entendu parler de cette dame.

  • Moi non plus, avant la Grande Librairie. Si ça t'intéresse, l'émission est toujours disponible.

  • J'avais regardé cette émission,très émue des temoignages.Les livres étaient notés.
    Heureusement que ces personnes sont encore présentes pour écrire ces souffrances et transmettre afin de ne pas oublier...

  • Leurs témoignages à tous les trois étaient remarquables. J'ai été frappée par la clarté et la précision des souvenirs de Jacqueline Fleury-Marié, sans compter tous les engagements qu'elle a eus après la guerre. Une résistante dans l'âme .. C'était douloureux de les entendre parler de leurs craintes devant ce qui se passe actuellement.

  • Je lirai ce témoignage et je ne suis pas surprise de ce qu’elle dit de son retour cela rejoint ce que mes parents m’ont raconté :personne ne voulait plus en parler ni savoir ce qui s’était vraiment passé en Allemagne.

  • La plupart des déportés disent cela et encore, elle avait la chance de retrouver sa famille, tout le monde était resté en vie. Ils pouvaient au moins s'appuyer les uns sur les autres. Elle évoque le grand nombre de femmes qui ont participé à la résistance avec un courage inouï et qui ont été rapidement invisibilisées à la libération.

  • Cette année au festival d'Avignon un des théâtres présente l'Opéra de Ravensbruck imagine par Germaine Tillion et ses compagnes sur des airs connus et chanté dans le camp pour tenir face aux nazis. J'espère aller le voir et j'aimerais bien aussi lire ce livre.

  • J'ai entendu parler de ce spectacle., peut-être dans l'émission d'ailleurs. Le livre de Germaine Tillion est l'un des premiers que j'ai lus sur les camps quand j'étais jeune, en tout cas sur Ravensbruck. Il m'avait marquée.

  • Quel courage il fallait avoir, et le plus terrible est ce retour où elles ont du se sentir si peu soutenues.

  • Le temps d'attente avant de rentrer aussi, qui n'a pas été des plus faciles avec de multiples contrôles et vérifications. On ne leur a rien épargné. Primo Levi l'a fort bien raconté de son côté.

  • J'ai moi aussi été très impressionnée par son passage à LGL, qui m'a donné envie de lire son livre.

  • J'ai bien fait de la lire rapidement, j'ai retrouvé exactement la personne qui était sur le plateau, gardant une certaine distance, mais se souvenant de tant de choses, toujours avec une grande dignité. J'ai aimé quand elle a dit qu'elle ne pardonnait pas et pourquoi et été émue quand ils ont dit tous les trois que témoigner leur était une souffrance mais qu'ils devaient le faire.

  • je croyais avoir laissé un message si c'est le cas tu supprimeras celui-ci OK
    je suis impressionnée par son retour en France car c'est exactement ce que mes parents m'ont raconté. Les Français avaient tous plu sou moins mauvaise conscience et ne voulait plus entendre parler des horreurs des camps en Allemagne. Eu aussi ils avaient eu faim !

  • Tu as bien laissé un message, il est au-dessus. Il faut peut-être un petit temps avant qu'il apparaisse. Elle décrit très bien je pense le climat du pays tout juste libéré. Je suis née peu de temps après la guerre, dans mon enfance on parlait beaucoup du retour des prisonniers, mais pas du tout des déportés. Il a fallu du temps.

  • Si ce qu'ils ont vécu dans les camps étaient atroces, le retour a été lui aussi difficile. Et on n'en parle encore peu. Son témoignage pourrait m'intéresser.

  • Son témoignage apporte un plus sur l'organisation de la résistance, la manière dont elle s'y est engagée. Elle cite beaucoup de ses camarades, ce qu'ils sont devenus, ce qui leur est arrivé. Ils ont payé un lourd tribut, souvent très jeunes.

  • Oui, ils ont tous leurs spécificités.

  • on peut être épaté par le nombre de femmes qui se sont impliquées dans la résistance ou dans l'accueil et la cache des enfants juifs, aujourd'hui que tous ces textes et ces témoignages sortent c'est flagrant

  • Dans l'émission "la Grande Librairie" les deux femmes ont commencé par dire qu'elles avaient été oubliées après la guerre et leurs actions minorées. Elle le redit dans le livre ; il est plus que temps de les remettre dans la lumière.

  • J'ai raté cette émission, dommage mais j'ai retrouvé son passage sur Youtube, ouf ! Quelle femme admirable ! Déjà à travers son vécu, et puis là, à 95 ans, beaucoup de clarté dans son discours et j'aime bien ce qu'elle dégage, une sorte de force tranquille et de la dignité. Ton billet et l'émission me donnent bien envie de lire ce livre maintenant !

  • J'ai mis le lien vers l'intégralité de l'émission au début de mon billet, sur "la Grande librairie". Je te conseille vivement le livre, j'ai retrouvé les propos de l'émission en plus détaillé. Le co-auteur a su en restituer l'essentiel.

  • Je l'ai découverte moi aussi à l'occasion de cette émission. C'est une bonne chose que l'on donne une large audience à ces témoignages, ce sont les derniers témoins directs.

  • Dans ces témoignages, c'est terrible comme le retour, qui est un espoir, est toujours difficile. Je ne sais pas si je lirai celui-ci, je le note, il y a Le pain perdu d'Edith Brück qui m'attend encore.

  • Alors commence par "le pain perdu". Le ton de leur témoignage est différent en ce sens d'Edith Brück a été déportée en tant que juive, alors que Jacqueline Fleury-Marié était résistante, dans une famille elle-même engagée.

  • Très intéressant (ton article et le témoignage). Il faut encore et toujours écouter les témoins même si on a envie de choses plus gaies.

  • Je veille toujours à prendre une lecture légère après ce genre de témoignage. On ne peut pas rester tout le temps sur des sujets aussi épouvantables.

  • Bonjour Aifelle, cela me fait penser aussi au témoignage de Geneviève de Gaulle-Anthonioz : court et déchirant. Bonne après-midi.

  • Je l'ai ce témoignage, et Jacqueline Fleury-Marié parle de Geneviève de Gaulle dans son livre. Elle était admirative de sa foi inébranlable.

  • Comme toi j'ai été impressionnée par cette grande dame et son interview à la grande librairie. Je lirais surement son livre

  • C'est intéressant d'aller un peu plus loin que l'émission, même si l'essentiel y était. Forcément, elle entre plus dans les détails.

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