"Au Grill, je faisais quasiment partie des meubles, on ne faisait pas attention à moi et c'était à mon avantage. J'étais à la fois invisible et doué d'ubiquité pour les clients de la fin de l'après-midi, qui ne mâchaient pas toujours leurs mots devant moi. Il fallait vraiment qu'ils crient "merde", "chier", "con", pour se rappeler ma présence. Et ils étaient du genre à jurer d'abord, et à regarder ensuite. Alors ils plaisantaient : "T'as rien entendu, Ptit Sam, hein ?" Peu se souvenaient de mon nom et, dans ce cas, c'était la version Wussy. Parfois Harry marmonnait que : "Putain, c'est pas un endroit pour un môme, ici." A qui la faute répondait mon père."
J'en suis à ma dixième lecture de Richard Russo et pas de déception jusqu'à présent, même si ce roman-ci m'a un peu pesé à cause de la tristesse qui le domine.
Nous retrouvons un univers familier, celui des laissés-pour-compte d'une petite ville américaine imaginaire, Mohawk dont la prospérité est derrière elle. L'histoire est racontée par Ned, surnommé "Ptit Sam" un gamin balloté entre un père et une mère aussi défaillants l'un que l'autre, chacun à leur manière.
Ils l'aiment leur fils, mais les circonstances de la vie les laissent sur le côté, incapables d'affronter leurs responsabilités comme ils le devraient.
Au retour de la guerre, la mère n'a pas retrouvé l'homme qu'elle avait aimé. Il a changé et s'adonne à l'alcool et au jeu. De fil en aiguille elle demande le divorce, que Sam refuse de lui accorder, la harcelant et la menaçant, allant jusqu'à casser la figure à son avocat.
Ned et sa mère vivent dans l'angoisse du surgissement du père à tout moment pendant des années. Rien n'est vraiment expliqué à Ned, qui se fait une idée de ce qui se passe dans un certain brouillard. Il voit sa mère dépérir de mois en mois. Jusqu'au moment où elle sombrera dans une profonde dépression et sera hospitalisée pour longtemps.
Par la force des choses, Ned est récupéré par son père. Sa vie va changer du tout au tout. Plus de règles, un appartement précaire, la solitude des soirées, en sachant Sam dans un des bars de la ville, en compagnie de copains plus folkloriques et infréquentables les uns que les autres.
Les saisons passent, Ned se débrouille comme il peut avec ce père atypique, qui peut disparaître du jour au lendemain sans donner de nouvelles. Le gamin grandit, se forge une carapace, fait pas mal de bêtises.
J'ai tracé seulement les grandes lignes du roman, qui est foisonnant, plein de personnages hauts en couleurs, truffés d'évènements tragi-comiques relatés par le menu et c'est là que l'auteur nous piège et nous fait tourner les pages avec gourmandise. J'ai évoqué la tristesse, mais il y aussi un humour vache permanent qui fait mouche et allège le reste.
Le coeur du roman est la relation difficile père-fils. Ned ne mâche pas ses mots vis-à-vis de son père, mais on sent au fil du temps la tendresse mutuelle, même s'ils ne peuvent le reconnaître ni l'un ni l'autre.
Ma découverte de l'auteur va se poursuivre, j'ai encore quelques titres devant moi.
L'avis de Keisha
Richard Russo - Quatre saisons à Mohawk - 602 pages
Traduit par Jean-Luc Piningre
10/18 - 2007
Commentaires
Tu n'ignores pas qu'un nouveau titre devrait sortir! Quand? En anglais en 2023, pfou faut attendre.
J'ai cherché des infos sur cette future parution, sans en trouver. J'aimerais au moins savoir s'il est en cours de traduction.
Un auteur que j’ai délaissé alors que je l’aime beaucoup !
Ben alors ? Il faudrait penser à t'y remettre sérieusement :-)
J'aime beaucoup cet auteur aussi... Quel plaisir de retrouver son univers !
Celui-ci m'a paru vraiment plus triste que les autres, mais on retrouve bien son univers et ses personnages pas piqués des hannetons.
Cet auteur a ses fans inconditionnels comme j'ai pu le constater. J'ai la chance de ne pas encore l'avoir lu et d'avoir donc tout à découvrir :-D
J'ai tourné longtemps autour et j'ai commencé pendant le premier confinement avec "Un homme presque parfait" qui m'a enchantée. Depuis j'ai enchaîné à un bon rythme.
Comme Sacha, je n'ai pas encore lu Richard Russo. Tous les billets sont pourtant bien tentants...
Même réponse qu'à Sacha. Au premier confinement, je cherchais un roman assez épais capable de me tenir en haleine et me faire oublier que j'étais enfermée. "Un homme presque parfait" a bien rempli son rôle et je suis tombée dans la marmite.
"Quatre saisons à Mohawk" est l'un des romans de Russo que je n'ai pas lu. En te lisant, je constate que les personnages ne sont pas les mêmes que dans "Mohawk" mais on retrouve bien les thématiques fétiches de Russo.
En effet, si le cadre est le même, l'histoire ne reprend du tout les mêmes personnages. Mais on est bien chez Russo, on le reconnaît vite.
Je n'en suis pas encore à dix titres, je n'ai par exemple pas encore lu celui-là.. mais j'attends surtout avec impatience la suite d'Un homme presque parfait et A malin, malin et demi, dont j'ai appris la sortie prochaine par Keisha...
De quelle sortie tu parles ? il est sorti depuis longtemps ce roman là.
Il s'agit d'un 3e volet mettant en scène les personnages déjà évoqués dans Un homme presque parfait et A malin malin et demi. C'est, je crois, le titre qu'évoque Keisha dans son commentaire. Et comme j'ai adoré les deux précédents opus, je pense relire Russo avec ce futur titre plutôt qu'avec celui-là, que je me réserve pour bien plus tard :)
Un auteur jamais lu et je note le titre "un homme presque parfait" que tu avais découvert lors du confinement...
C'est mon préféré à ce jour ! il y a tout Russo dedans, j'espère que tu vas aimer.
J'aime bien aussi me plonger dans Russo de temps à autre. Comme tu dis, c'est un univers familier, attachant aussi sur la longueur, on y revient avec plaisir. Mon prochain sera Un homme presque parfait.
Comme je le dis à Marie-Claude au-dessus, c'est mon préféré. Peut-être parce que c'était une découverte totale pour moi, mais il est vraiment excellent.
j'aime beaucoup ce auteur moi aussi et je dois continuer à le lire mais j'écluse pour l'instant mes livres achetés et pas encore lus ! vaste programme!
Très vaste, j'en conviens :-)
un auteur qui revient de façon récurrente chez toi c'est plutôt bon signe pour la qualité des livres
Il écrit toujours un peu le même livre, mais avec tellement de talent que j'en redemande à chaque fois.
Je l'ai en effet noté grâce à keisha tout comme d'autres titres de l'auteur. Mais finalement je ne l'ai pas encore lu !! Alors j'ai tout à découvrir c'est rassurant...tu me donnes envie d'aller en ville voir les titres disponibles mais avec le beau temps je n'ai pas trop envie de prendre encore la voiture pour faire 20 kilomètres...ça attendra encore un peu du coup.
J'ai trois librairies à moins d'un quart d'heure à pied de chez moi ; je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose, le craquage spontané est trop facile .. et trop fréquent.
j'en ai encore pas mal à lire... de bons moments en perspective!
C'est certain pour les bons moments ; j'ai encore quelques titres devant moi et je m'en réjouis.
Un romancier auquel je reviendrais volontiers. J'avais aimé "Le déclin de l'empire Whiting".
J'avais apprécié aussi "le déclin etc ...." Même s'il y a parfois du moins bon, ça reste supérieur à bien d'autres parutions. C'est un auteur qui me touche.
Je regarderai si je trouve cet auteur à la médiathèque. J’ai une longue liste de titres et auteurs trouvés sur les blogs mais j’en trouve très peu à la médiathèque. Russo je pense que je trouverai. Belle journée
Sinon tu peux peut-être faire des suggestions. Ma bibliothèque a un cahier pour les demandes d'usagers et je suis souvent suivie lorsque je demande un livre.
Une dominante de tristesse : je choisirai un autre titre de l'auteur, alors.
Il y a suffisamment le choix. J'ai trouvé que celui-ci avait une tonalité plus triste que les autres, peut-être parce qu'il est question d'un enfant assez malmené pendant toute une partie du livre.
J'ai également encore un titre de lui dans ma PAL, tu me donnes envie de le prioriser. J'ai aimé pour l'instant tout ce que j'ai lu de lui.
Pareil pour moi, depuis que je l'ai découvert je ne lâche pas et j'espère bien qu'il va sortir un nouveau roman bientôt.
Russo est un des mes auteurs préférés, j'adore son humour et sa maîtrise absolue du tragi-comique !
Même dans un roman triste comme celui-ci, on sourit souvent, tellement les réparties sont savoureuses.
Toujours pas lu, je tourne autour, je prends un bouquin, puis le repose, des envies prennent le pas sur cet auteur que je veux découvrir depuis des années, mais pour lequel je n'arrive pas à me décider sur le livre par lequel je vais le découvrir... peut-être pas celui-ci.
Non pas celui-ci ; commence par "un homme presque parfait" et prend ton temps ! Un roman de Russo ça se savoure lentement.
Le déclin mais aussi un homme presque parfait !
La suite d'"un homme presque parfait" est très bon aussi "A malin, malin et demi".
10 ça commence à faire un petit paquet, je ne l'ai encore jamais lu mais il me semble en avoir un sur mes étagères :)
N'hésite pas à le sortir !
oh la laaa, et moi qui n'ai jamais lu cet auteur ! Quel titre me conseillerais-tu en priorité alors?
"Un homme presque parfait" très représentatif de l'univers de Richard Russo.
Et bien moi, j'ai tous ces titres devant moi pour découvrir cet auteur ! Un jour...
Tu as de la chance ! si tu te décides, tu as de beaux moments de lecture devant toi.
@ Ingannmic : je n'ai pas compris que Keisha parlait d'une nouvelle suite, mais elle est toujours bien renseignée :-))
Je crois que ce livre traîne dans ma PAL mais pour le moment, c'est trop de pages.
J'ai un peu hésité au début, à cause du côté pavé, mais une fois que j'ai commencé, c'était parti.
Titre noté !!! Encore un, et en plus c'est un "pavé". À emporter en vacances peut-être ? Bises. brigitte
Pour l'été c'est une bonne idée parce qu'il est assez dense et il ne se lit pas en diagonale. J'y ai passé du temps.
Ho là là, qu'est ce que j'aime cet auteur ! Je n'ai pas encore lu celui là, j'avance moins vite que toi dans la lecture de son oeuvre. Mais, c'est toujours triste du Russo, non ? Et très touchant.
Le fond est triste, mais il a l'art de nous faire sourire avec ce qu'il raconte. Je reconnais quand même que celui-ci m'a paru plus triste que ce que j'avais lu jusqu'à présent.