Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les abeilles grises

CVT_Les-abeilles-grises_2680.jpg

"Bien que conscient du caractère factice et injustifié de ce trouble juvénile et grisant, il en tirait un certain apaisement et la conviction que tout irait bien. Il avait laissé derrière lui les "erpédistes" et les soldats ukrainiens. Derrière lui le grondement des canons proches et lointains. Derrière lui la guerre à laquelle il ne prenait aucune part, mais dont il était devenu seulement l'habitant. Habitant de la guerre. Un sort nullement enviable, mais autrement plus tolérable pour un être humain que pour des abeilles. Sans les abeilles, il ne serait parti nulle part, il aurait eu pitié de Pachka, il ne l'aurait pas abandonné tout seul. Mais les abeilles, elles, ne comprenaient pas ce qu'était la guerre !"

Après "Donbass", nouvelle lecture sur la même région, même époque, la guerre est là depuis 2014, Sergueïtch a voulu rester dans son village, en pleine zone grise où résonnent régulièrement des tirs. De part et d'autre, les troupes ukrainiennes et les séparatistes pro-russes.

Un autre habitant est resté à Mala Starogradivka, son "ennemi d'enfance" Pachka. Seuls, à une rue d'écart, ils sont bien obligés de s'épauler devant le manque de vivres, l'absence d'électricité, la solitude. Pachka n'hésite pas à aller se ravitailler chez les pro-russes, pendant que Sergueïtch est aidé par un soldat ukrainien. La bouteille de vodka aide à aplanir les différences.

Mais le plus important pour Sergeïtch, c'est de veiller sur ses abeilles. Apiculteur aux petits soins pour elles, il a même aménagé ses ruches de manière à pouvoir y faire des siestes. Il est convaincu que le contact avec le bourdonnement des abeilles est curatif et régénère les êtres humains.

Dans cet environnement gris, déserté et triste, Sergeïtch continue à admirer la nature, ses abeilles et leur travail. Au printemps, il décide de les éloigner de la zone grise pour qu'elles retrouvent le calme nécessaire, loin des tirs, d'abord plus à l'ouest de l'Ukraine et ensuite en Crimée.

Sergeïtch est un homme simple, sincère, assez flegmatique devant le chaos ambiant, il part confiant dans un périple incertain, à la recherche de la nature qu'il aime tant, la meilleure possible pour ses abeilles. Il veut qu'elles soient dans un bel environnement.

Si la première partie m'a paru un peu lente avec la description du quotidien au village, j'ai été embarquée rapidement dans les réflexions de Sergeïtch, sa manière de voir le monde. Il est parfois un peu bourru, mais attachant et soucieux des autres.

Son périple sera long et semé d'embûches. Il trouve d'abord sur sa route une femme, Galia, qui lui sera d'un grand secours. Plus il avance, plus il se rend compte qu'il n'est vraiment à sa place nulle part, pas au bon moment au bon endroit, il n'a pas la bonne religion, la bonne nationalité. Il provoque la suspicion.

Obligé de quitter Galia et le champ qu'il occupait avec ses abeilles, il prend la direction de la Crimée pour y retrouver un apiculteur rencontré il y a plus de vingt ans lors d'un congrès.

Pour atteindre la Crimée, annexée par les Russes, il devra franchir plusieurs barrages, être retenu de longues heures, avec la crainte à chaque fois d'être arrêté. Il apprend en arrivant que son ami a disparu, il a été arrêté par les Russes. Accueilli dans sa famille, il trouve l'emplacement idéal pour ses abeilles. Il découvre à quel point les Tatars sont mal vus, poussés à quitter le territoire. 

La poésie est très présente dans ce roman, alors qu'autour tout n'est qu'inquiétude et angoisse. S'il est en butte à de la méfiance, Sergeïtch découvre aussi des personnes généreuses et une entraide naturelle.

Il finira par revenir au village où rien n'a bougé, riche de ces rencontres, avec des lendemains toujours aussi incertains. Nous savons aujourd'hui ce qu'il en est ..

Une lecture indispensable.

"La sagesse de la nature, voilà ce qui enchantait Sergueïtch. Partout où la sagesse de la nature lui était apparente et intelligible, il en comparait les manifestations avec l'existence humaine. Et ce n'était pas à l'avantage de la seconde."

L'avis de Choupynette Delphine-Olympe Krol Miriam Pativore Violette etc ...

Andréï Kourkov - Les abeilles grises - 400 pages
Traduit du russe par Paul Lequesne
Editions Liana Levi - 2022

Commentaires

  • C'est un contraste bienvenu à la situation si dramatique de la région. Je me demande comment j'aurais lu ce roman avant l'invasion russe.

  • C'est le moment de le lire, ça permet de comprendre un peu mieux le déroulement des évènements actuels et comment se déroulait la vie quotidienne des rares personnes qui sont restées dans la région entre 2014 et maintenant.

  • Dans le contexte actuel,une lecture indispensable comme tu l'écris et aussi un auteur à découvrir pour moi..
    Je note comme d'habitude.

  • Je découvrais l'auteur moi aussi et je suis tombée sous le charme de son écriture et de son humanité. Je vais maintenant m'intéresser à ses précédents romans.

  • Les deux lectures que je viens de faire sur le Donbass m'ont un peu dégourdie par rapport à la complexité des changements de frontières dans ces régions (Donbass, Crimée, Ukraine ..) et ce n'est pas avec les évènements actuels que ça va s'arranger.

  • J'ai prévu de le lire et toa chronique me conforte dans cette intention. Nous en reparlerons... :-)

  • C'est une très bonne lecture, pas seulement pour comprendre un peu mieux l'histoire de cette région. J'ai beaucoup aimé la plume de l'auteur.

  • je l'ai ajouté à mes lectures futures et je suis heureuse de lire ton billet qui renforce cette envie

  • C'est un livre à ajouter à la liste que tu nous avais suggérée autour de l'Ukraine il y a quelques semaines. Et la découverte d'un excellent auteur pour moi. Maintenant, je vais emprunter "Elle venait de Marioupol", qui est une quête des origines venant d'une autrice allemande d'origine Ukrainienne.

  • Je compte bien le lire, pour l'instant il circule dans ma petite bibliothèque et c'est tant mieux !

  • Je ne l'ai pas beaucoup attendu parce que je l'ai demandé dès le début de l'attaque russe, les lecteurs n'avaient pas encore réagi. Maintenant, je sais que les cinq exemplaires de mes biblis circulent à fond et c'est tant mieux.

  • L'auteur ne devait pas penser que son roman sortirait dans une telle actualité .. du coup son intérêt en est renforcé. J'ai aimé sa manière de faire vivre les personnages. Côté politique, il est moins explicite que "Donbass" mais plus fouillé côté humain.

  • Il vient d'arriver à la bibli, demandé par un autre lecteur. Attendons.

  • Bonne nouvelle .. j'espère que la liste d'attente ne sera pas trop longue.

  • J'ai énormément apprécié cette lecture, comme tu le sais. Je cherche d'autres livres à lire prochainement sur l'Ukraine. J'ai réservé à la médiathèque Le pinguouin.

  • Je n'avais pas encore lu l'auteur, je ne compte pas m'arrêter là. Ma prochaine lecture sera "le pingouin" (j'ajoute ton billet).

  • Il va te falloir être patiente, mais ça vaut le coup d'attendre.

  • Je n'ai lu qu'un titre de cet auteur, dont je n'avais pas apprécié la tonalité burlesque ( mais j'ai du mal avec ce choix humoristique en littérature). C'était Le pingouin, Tu me donnes envie de retenter l'aventure avec ce titre, qui semble plus dans mes cordes.

  • Je n'ai pas encore lu "le Pingouin" je ne peux pas te dire, mais celui-ci n'est pas burlesque et il est particulièrement intéressant à lire en ce moment.

  • Un texte étonnamment doux, ai-je trouvé, en dépit de son sujet. Je me réjouis d'entendre l'auteur ce soir au salon du livre. (Et merci de m'avoir taguée, cela m'a permis de réaliser que je ne recevais plus les annonces de tes billets. Jde vais réparer ça tout de suite !)

  • Andréï Kourkov est à Paris ? Je t'envie d'être au salon du livre, tu nous diras ce que tu penses de la nouvelle organisation.

  • En tant que lectrice, j'ai eu grand plaisir à y déambuler : à taille humaine, baigné de lumière naturelle, on ne cesse d'y retrouver croiser des visages connus (amis ou écrivains que l'in reconnaît). Je l'ai trouvé beaucoup plus agréable. Lorsque je suis sortie de la rencontre avec Kourkov, il était tard, une demi-heure avant la fermeture environ, et le salon s'était considérablement vidé... C'était presque magique de circuler dans les allées désertées et de pouvoir bavarder tranquillement avec les quelques amis libraires qui étaient sur leur stand.
    Après, il y a eu des petits couacs organisationnels amplement relevés par les éditeurs. Mais je n'ai pas envie de m'y attarder !

  • Et comme on pense beaucoup à lui en ce moment, j'ai moi aussi lu un autre titre de Kurkov en avril et le billet est programmé pour le 1er mai. Je vous laisse la surprise du titre ;-)

  • Je vais attendre ton billet ; comme je veux continuer avec l'auteur, ça m'intéresse de lire sur ses autres romans.

  • J'ai lu de lui Le pingouin mais il y a très longtemps (et à l'époque, je ne rédigeais pas mes avis de lecture). J'ai un souvenir d'une lecture super agréable.

  • Celui-ci est très agréable à lire également. C'est surprenant d'ailleurs, il aurait pu écrire un roman nettement plus sombre, mais on sent surtout une grande compréhension pour ses personnages.

  • Je vois la liste d'avis, c'est vrai qu'il a été beaucoup lu récemment celui-là.:) Il est en prévision de mon côté, j'espère pouvoir le caser prochainement !

  • Il est d'une actualité brûlante, c'est le moment de le lire. Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander ce que Sergeïtch devenait alors que le Donbass est pleinement visé ces derniers jours, en oubliant que c'est un personnage de papier.

  • J'ai suggéré à la bibliothèque de commander Donbass, je vais rajouter ce titre. En dehors du côté attirant de la nature, mieux comprendre par soi-même cette situation Russie/Ukraine est vraiment d'une grande importance, merci Aifelle, doux week end. brigitte

  • Malgré le contexte, c'est une belle lecture, empreinte de poésie, elle te conviendra mieux que Donbass je pense. L'auteur était à Paris ce week-end pour le salon du livre, je ne pouvais pas y aller, dommage, j'aurais aimé l'entendre. Bon dimanche Brigitte.

  • Une vraie tentation, ce livre, outre son caractère indispensable et terriblement actuel.

  • J'avais déjà envie de le lire avant l'agression russe ; après, il prend une importance bien plus grande encore.

  • Nous ne sommes pas les seules, il est très emprunté à la bibliothèque. Tant mieux.

  • Je le lirai certainement mais pas tout de suite, je le trouve trop actuel, pas sure de pouvoir le supporter dans l’immédiat

  • C'est parce qu'il est très actuel que j'ai eu envie de le lire maintenant, mais je comprends ton hésitation. Il faut respecter sa sensibilité devant ce genre d'évènements, nous ne réagissons pas tous pareil.

  • @ Merci Delphine-Olympe ; j'ai lu ce que tu as écris également sur FB. L'ambiance que tu décris me rappelle les anciens salons du livre où il y avait des nocturnes, j'étais restée jusqu'au bout et avais pu faire signer des dédicaces tranquillement, sans personne .. j'avais adoré. J'espère y retourner l'an prochain.

  • tiens, c'est drôle, c'est la première partie que j'ai aimée surtout. Il a "quelque chose" ce roman, c'est indéniable. Un futur classique ?

  • C'est possible .. ce n'est pas tous les jours qu'un roman colle autant à l'actualité ; il est bien écrit, les personnages bien vus et il permet d'appréhender un peu mieux la situation du Donbass.

  • Merci Manika, bon 1er mai à toi aussi.

  • C'est malgré tout un livre que j'ai lu facilement, grâce à l'écriture et au personnage principal. Ce qui change tout, c'est le choc par rapport à la situation actuelle.

Écrire un commentaire

Optionnel