"On rétorque que c'est la coulée, une gamine d'ici, la Basse Motte, que c'est la famille et qu'on se lâche jamais entre culs-terreux, qu'on se serre les coudes, qu'on a des couilles, qu'on va réfléchir ensemble (comme leurs pères face aux boches) et trouver comment en finir avec ce merdier qui submerge bien plus que leurs bottes."
Quelque part en Bretagne, à une époque non située mais qui semble être l'immédiat après-guerre, un village va être complètement bouleversé par l'assassinat d'une jeune fille de 17 ans, Marie.
Marie est la fille unique du pharmacien qui habite la Haute Motte. Ne pas confondre avec la Basse Motte et ses habitants d'une classe inférieure, comme la famille de Marguerite, qui survit difficilement en élevant des porcs.
Marguerite est une petite fille sale et mal peignée, jamais à la bonne place, essayant désespérément de se faire oublier partout où elle est, surtout à l'école où elle est moquée par tout le monde. Un peu simplette peut-être ou seulement différente dans un monde trop dur.
La mort de Marie va secouer tout ce petit monde. Le policier local chargé de l'enquête est appuyé par une inspectrice venue de la ville. Tout le village ou presque va être interrogé. Personne n'a rien vu, ni rien fait, sauf que ... Marguerite, elle, a vu quelque chose, mais à son habitude elle ne dit rien, enfin pas tout de suite.
C'est un premier roman qu'une libraire m'a fortement conseillé et je me suis laissée convaincre. On pourrait le qualifier de polar rural ou de roman noir, mais peu importe. Le côté pesant d'un trou de campagne perdu est bien rendu, les vieilles querelles, les clivages, les ragots et les classes sociales qui s'ignorent.
Et puis Marie c'est malheureux ce qui lui est arrivé, mais enfin, tout le monde sait bien qu'elle n'avait pas froid aux yeux et qu'elle allumait facilement la gent masculine.
J'ai trouvé l'ensemble parfois caricatural, mais peut-être pas tant que ça et pour un premier roman il est plutôt bien construit. J'ai aimé les interrogatoires de police dont nous n'avons jamais les questions, seulement les réponses, ce qui donne une bonne idée de l'état émotionnel de certains, pas tout-à-fait nets.
C'est surtout la petite Marguerite qui est au centre du récit, attachante, inquiète, toujours à suçoter ses manches de pull, à s'échapper avec son seul ami, Victor, un peu bizarre comme elle. Ce n'est pas facile à la maison avec son père, toujours bourru, sa mère, avare et malhabile dans des gestes qu'elle voudrait affectueux, mais qui n'arrive pas vraiment à aller au bout.
La fin arrive un peu rapidement et ne m'a pas étonnée si l'on pense au milieu et à l'époque.
C'est un livre qui ne se lâche pas une fois commencé ; en le refermant j'ai pensé que j'avais déjà lu cette histoire-là par ailleurs, mais il y a un ton et des personnages qui donnent envie de suivre l'autrice à l'avenir.
L'avis d'Agnès (chez Athalie) Philippe Sandrine
Mathilde Beaussault - Les saules - 272 pages
Editions Seuil - 2025