"Je crois qu'il ne faut jamais regarder très longtemps en soi. C'est là que se trouve notre pire visage, celui que nous essayons de dissimuler pendant toute une vie. C'est mon père qui disait ces choses-là, il prétendait les tenir d'une vieille légende indienne. C'était un sang-mêlé".
Le titre de ce roman ne pouvait pas être mieux choisi. C'est une histoire d'hommes, même si c'est une femme, Anna, qui occupe leurs pensées, jusqu'à l'obsession.
Paul Hasselbank, assureur à Toulouse, est atteint d'une maladie incurable, qui gagne du terrain de jour en jour. Il ne veut pas mourir sans avoir revu Anna, sa femme, qui l'a quitté brusquement, sans un mot d'explication.
Il sait seulement qu'elle serait au Canada, en Ontario. Il part donc là-bas et atterri dans un motel miteux, dans une région glacée où les blizzards surviennent sans crier gare, paralysant toute vie.
Avec l'aide de shérif, il rencontre d'abord un personnage trouble, adepte d'ultimate fighting , chez qui Anna a logé quelque temps. Il lui donne l'adresse d'un homme qui a été l'amant d'Anna, partie à nouveau sans rien dire.
Cet homme, Floyd Paterson, vit seul dans une maison isolée. Il a subi une greffe du coeur qui l'a transformé et mis mal à l'aise en même temps. Le donneur n'était pas quelqu'un de recommandable, il se demande s'il n'a pas absorbé quelque chose de sa nocivité, avec son coeur.
C'est un chasseur à l'arc, un passionné de la forêt, il n'y a que dans cet élément-là qu'il se sent bien et qu'il rentre couvert de sang, avec une bête abattue.
La rencontre des deux hommes va se faire en plein blizzard. Paul Hasselbank ne peut plus accéder à ses médicaments et va devoir affronter des douleurs infernales, des accès de fièvre et de délire qui le laissent exangue.
Floyd Paterson va veiller sur lui à sa manière, dans un huis-clos étouffant et étrange. L'absence d'Anna est l'éléphant dans la pièce, mais qu'a-t'elle vraiment représenté pour eux ? Quelles étaient leurs insuffisances face à cette femme énigmatique ?
Le blizzard passé, Paul Hasselbank retourne au motel, ayant quasiment renoncé à retrouver Anna. Rien ne m'avait préparé à la fin que je n'ai pas compris du tout. Un acte violent et imprévisible, aboutissement peut-être de la violence sourde qui transpire tout au long du livre.
Je découvre l'auteur avec ce roman et je suis perplexe. Je le pensais plutôt dans un registre léger et humoristique et je me retrouve dans une histoire dure, désespérée, violente, à une sexualité crue et à l'étrangeté dérangeante parfois.
Malgré cela, j'ai été prise dans l'ambiance et j'ai aimé. La description des paysages, de la nature sauvage, les rencontres faites par Paul, sa lutte contre les accès de douleurs, en sachant qu'il ne sera pas victorieux, tout cela m'a fait continuer, même si au final je ne sais pas très bien quel genre de livre j'ai lu.
C'est semble-t'il un roman atypique dans l'oeuvre de l'auteur ; il me reste à en découvrir un autre pour comparer.
Jean-Paul Dubois - Hommes entre eux - 240 pages
Editions de l'Olivier - 2007
Commentaires
Je suis en train de lire "Une saison pour les ombres", très prenant, et je ne lirai pas un roman noir à la suite. Il me faut alterner les genres. Merci pour la découverte de R J Ellory.
J'alterne les genres moi aussi, il faut préserver un équilibre. J'ai préféré de loin "Une saison pour les ombres" à celui dont je parle aujourd'hui.
Comme toi, j'ai été ferrée et j'ai aimé malgré la noirceur du roman. Essaye un autre roman de l'auteur à l'occasion, il peut complètement changer d’atmosphère, d'un livre à l'autre.
A l'occasion oui, mais je ne vais pas me précipiter.
Je n'ai pas lu ce livre, qui est peut-être un peu à part dans son oeuvre. J'aime beaucoup Dubois et c'est vrai qu'il y a souvent de l'humour dans ses romans. Mais c'est un humour grinçant, qui cache sinon de la douleur, du moins de profondes interrogations quant à l'existence et à l'humanité. Je ne suis donc pas très surprise que lorsqu'il choisit de ne pas avoir recours à l'humour, il reste un texte très noir...
C'est noir et la testostérone domine ! L'ensemble provoque un certain malaise.
Je n'ai lu que Vous plaisantez, M Tanner, et là c'est chouette!
Ses romans ont l'air assez différents les uns des autres. "Vous plaisantez M. Tanner" est sûrement bien plus léger.
J'ai Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon dans ma PAL (trouvaille de boîte à livres, j'ai craqué pour ce beau titre). Il a l'air un peu sobre aussi, mais moins cru que celui-ci.
De mon côté, je l'ai trouvé à une foire aux livres, d'occasion, prix imbattable. Comme je voulais découvrir l'auteur, je l'ai pris, sans savoir qu'il n'était pas forcément représentatif de son oeuvre.
J'ai fait un essai raté avec ce romancier, je ne me souviens même plus du titre, c'est dire...
Ah oui, ce n'est pas très encourageant ! J'ai enchaîné avec un Richard Russo, je retrouve bien plus mes marques.
Un auteur que je lis depuis de nombreuses années,je l'avais découvert avec "vous plaisantez Mr Tanner" qui m'avait un peu fait penser à "une année en Provence" de Peter Mayle,des lectures légères qui font du bien parfois.
Son roman "Le cas Sneijder" un peu surprenant dont un film a été réalisé avec Thierry LHermitte,j'ai apprécié les deux .
Je ne savais pas qu'un film avait été tiré du "cas Sneijder". A l'occasion je le regarderai.
On te sent un peu déstabilisée par cette lecture. Je ne me souviens pas avoir déjà lu un roman de Jean-Paul Dubois. Si celui-ci n'est pas le plus emblématique de sa biblio il faudrait peut-être que je commence par un autre titre.
Dans les commentaires "Vous plaisantez, M. Tanner" revient souvent. Si je le relis, je prendrai ce titre, nettement plus léger. Dans "Hommes entre eux", c'est surtout la fin qui m'a déstabilisée. J'aimerais entendre l'auteur là-dessus.
Pourquoi pas. Un auteur que j'apprécie.
Si tu connais déjà bien l'auteur, ce serait intéressant de voir ce que tu penses de celui-là ; sur Babelio, les lecteurs habituels ont l'air assez désarçonnés par le tonalité très sombre de l'histoire.
je ne suis pas du tout fan de l'auteur et je ne crois pas que ce roman là va me faire changer d'avis
Je ne pense pas non plus.
dans le livre que j'ai lu (et mis sur luocine) de cet auteur la femme s'appelait déjà Anna , il a fallu que je relise mon billet pour m'en souvenir . J'avais mi s3 coquillages donc j'avais eu des réserves
Je pensais que l'auteur faisait à peu près l'unanimité, mais en voyant les commentaires je m'aperçois que non, loin de là.
C'est un auteur que j'ai surtout lu il y a des années (dans les années 80-90) et laissé un peu tomber après avoir eu avec "la succession" un avis plus mitigé car pas mal de bémols. Merci pour cette chronique qui justement me présente un titre que je n'ai pas lu...
J'ai voulu découvrir cet auteur dont on parle régulièrement dans les medias, mais je ne sais pas si je récidiverai.
tu m'intrigues !! J'adore cet auteur mais je ne connais pas ce titre qui me semble en effet un peu "à part" des autres... même si l'écrivain sait se renouveler régulièrement.
J'aimerais bien l'avis de lectrices habituelles de Jean-Paul Dubois, savoir si elles seraient aussi déroutées que moi par ce roman.
Ayant lu "Vous plaisantez, M. Tanner" comme beaucoup, je pense que ce livre pourrait me plaire, bien qu'il semble bien différent à ton opinion et bien moins drôle mais ce n'est pas cette dernière caractéristique qui m'attire forcément. Je reviendrais peut-être ici pour t'en donner mon ressenti, si je le lis assez tôt...
De mon côté j'essaierai peut-être "Vous plaisantez M. Tanner" pour avoir une autre facette de l'auteur. Ceci dit, c'est une lecture qui m'a déconcertée mais que je ne regrette pas.
Manifestement il y a du bon et du moins bon dans ce livre, et je vais rester sur le moins bon qui semble rédhibitoire pour moi. C'est marrant, je suis aussi en train de lire un dubois (la succession).
Si tu découvres cet auteur, je te conseille vraiment "Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon" qui avait reçu le prix Goncourt.
Je note ton conseil, si jamais je décide de faire un autre essai.
Je me permets d'appuyer le conseil de Géraldine car il est vrai que ce Goncourt m'avait vraiment plu. Je ne me rappelais plus qu'il était de cet auteur :) Tu peux y aller les yeux fermés ! oui bon ce n'est qu'une expression: pour lire ce ne serait pas pratique ;)
C’est drôle avec cet auteur en ce qui me concerne ça passe ou ça casse… je peux adorer un livre et pleurer d’ennui sur un autre ( le Goncourt m’avait achevée) bisous et bon dimanche !
C'est bien ce que j'avais compris, si tu en as lu un, rien ne dit que tu en aimeras un autre. Il aime surprendre son lectorat cet auteur :-)
@ Philfff : merci, je l'emprunterai tranquillement à la bibliothèque.
J'ai moi aussi découvert Jean-Paul Dubois grâce à ce titre qui je pense est atypique. J'ai lu ensuite "Vous plaisantez monsieur Tanner" : beaucoup plus drôle et léger. Le style te plairait, je pense.
J'ai retrouvé ton billet. Tu n'as pas l'air d'avoir été aussi déroutée que moi par la fin. "Vous plaisantez M. Tanner" semble faire une certaine unanimité.
C'est vrai que ce roman semble assez éloigné de ceux que je connais de lui. Dommage pour les bémols, j'étais presque convaincue par le résumé. La violence oui parfois mais à petites doses ;).
Tu peux tenter quand même puisque tu l'as déjà lu. Je crois que pour une première lecture, j'aurais dû choisir un autre titre.
J'ai lu Une vie française au début du blog et un autre avec un rescapé d'un accident d'ascenseur. Je me passerai volontiers de celui-ci... (et d'ailleurs je n'ai pas spécialement eu l'envie d'en lire d'autres, même si j'ai apprécié mes lectures).
Je ne regrette pas de l'avoir lu, mais je ne sais pas si j'y reviendrai moi aussi. J'ai rarement été aussi perplexe devant un roman.
En voyant la couverture, je me suis souvenue de ce livre et du coup, je suis allée rechercher l'article que j'en avais fait et voici mes ressentis de l'époque : "C’est un livre âpre et sombre qui, une fois terminé, m’a laissée groggy, désemparée par un final troublant, terrifiant." Il y a aussi la description des paysages enneigés, de ce vent glacial soufflant sur les hommes, qui m'avait marquée.
C'est bien résumé. On termine le roman vraiment désemparée. Mais c'est vrai que les paysages de neige et de climat extrême sont décrits avec réalisme et talent.
Tu as tenu jusqu'à la fin ? Je n'y serais pas arrivée... Vite, un livre lumineux, un livre joyeux pour effacer cette basse vibration. Belle semaine Aifelle, à bientôt. brigitte
J'ai tenu oui, il n'est pas très long et se lit vite. Un livre lumineux après oh que oui, j'en avais grand besoin. Bises Brigitte.
J'avais aimé Tous les hommes n'habitent pas... C'est un livre réaliste et sans concession. C'est sûr que l'on est loin de la littérature feel good.
Tu n'es pas la première à me dire que tu as aimé ce titre. Je le note, si jamais j'ai envie de relire l'auteur un jour.
Je n'ai toujours pas lu ce fameux Jean-Paul Dubois mais je pense que je commencerai quand même par un de ses romans plus légers et humoristiques, même si celui-ci m'intrigue beaucoup à la lecture de ton billet.
C'est ce que je me dis, j'aurais dû commencer avec un titre plus léger. Ce sera peut-être pour une prochaine fois.
J'avais adoré, j'en ai gardé un grand souvenir. C'est drôle je ne me rappelle pas de cette noirceur exacerbée. Mais je me souviens de cette atmosphère extrêmement bien rendue. Depuis je me promets de relire l'auteur, chose toujours pas faite.
Comment te sens tu maintenant ? Bien mieux j'espère ?!! Je t'embrasse
Je vois que tu as été plus emballée que moi, c'est tout l'intérêt des blogs de lire des avis très différents. Je vais mieux oui, le plus dur est passé.
J'avais beaucoup aimé : Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon. Beaucoup moins aimé La succession.
Les avis sont très variés selon les livres avec cet auteur. On verra bien si je retente un jour.