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Le goût des livres

  • Le coeur à rire et à pleurer

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    "Malgré une excessive coquetterie qui me faisait adorer la parure, je n'aimais pas aller à l'église. Il fallait porter un chapeau qui tirait les cheveux, des chaussures vernies qui serraient les orteils, des mi-bas de coton qui tenaient chaud et, surtout, se taire pendant plus d'une heure, ce qui m'était une torture puisque j'avais tout le temps une histoire à raconter."

    J'ai peu lu Maryse Condé et c'était il y a longtemps. J'ai donc eu l'impression de redécouvrir complètement cette autrice récemment disparue avec ce livre de souvenirs.

    Elle y décrit son enfance en Guadeloupe, dans les années 50, dans une famille éduquée, parlant parfaitement le français et fière de sa position sociale.

    La narratrice est la dernière de huit enfants. Le père est vieillissant, fonctionnaire imbu de sa personne, intransigeant. La mère est dure, méprisante envers plus faible qu'elle, pieuse à l'excès.

    La narratrice se révèle assez vite désobéissante, révoltée, trop franche, disant ce qu'elle pense sans filtre. Elle se fait détester à l'école, ne comprend pas ceux qui l'entourent. Elle se réfugie souvent auprès de son grand frère Sandrino, qui lui donne des explications "Papa et maman sont une paire d'aliénés".

    Il faudra du temps avant que la petite fille se rende compte qu'elle est noire dans une société coloniale où c'est une position très inférieure. Un jour à sa grande surprise, elle se fait battre par une fillette blanche, sous le seul prétexte qu'elle est "une négresse".

    Chaque chapitre aborde une histoire différente, dans l'ordre chronologique. L'enfant n'est pas heureuse, trop incomprise, trop rebelle, l'atmosphère familiale est étouffante. Nous suivons son évolution jusqu'à son arrivée en France, adolescente, en hypokhâgne et à la Sorbonne. Elle n'y fera pas grand chose, préférant s'engager en politique en compagnie d'étudiants haïtiens et africains.

    Elle a rejeté sa famille, sa relation à sa mère s'est complètement détériorée. A la fin, une scène bouleversante montre la mère et la fille aussi désespérées l'une que l'autre de cette relation ratée.

    La narratrice tombe amoureuse à Paris et s'engage résolument dans une voie qui sera apparemment pavée d'épreuves.

    L'écriture est fluide, la lecture agréable. Je l'ai trouvée seulement un peu trop courte, j'aurais aimé continuer.

    Lecture commune avec ClaudiaLucia et Miriam

    Maryse Condé - Le coeur à rire et à pleurer - 168 pages
    Pocket - 2001

  • Les doigts coupés

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    "Ça y est, j'ai compris pourquoi vous nous interdisez de chasser... Pourquoi vous nous empêchez même d'apprendre à le faire... Parce que ça vous permet de vous rendre importants en nous expliquant à quel point on est nulles tout en vous présentant comme nos sauveurs... De nous faire croire que c'est pour notre bien que vous nous punissez... Mais la vérité... la vérité, c'est que vous mourez de peur que l'on découvre que vous ne servez absolument à rien !"

    De nos jours, quelque part en Dordogne, des ouvriers polonais creusent une future piscine dans une propriété privée et font une découverte inattendue : deux squelettes apparemment très anciens. La propriétaire les supplie de les recouvrir bien vite de terre, mais les ouvriers sont de bons chrétiens et exigent la bénédiction des corps par un prêtre. S'ensuivra un branle-bas de combat et exit la piscine. Place aux spécialistes qui vont examiner les squelettes. Entrée en scène d'Adrienne Célarier, paléontologue.

    "En tant qu'universitaire elle est arrivée au bout de la course au rat en ayant déjoué tous les pièges. On la traite d'arriviste, mais elle s'en fout car c'est elle qui a le morceau de fromage entre les dents".

    Les corps étaient dans une grotte recouverte de mains peintes, toutes mutilées au niveau des phalanges. Mais pourquoi ?

    A partir de là, le récit se déroule sur deux périodes, la nôtre et celle de l'aurignacien, il y a 35 000 ans. Nous passons des doctes discours d'Adrienne à l'histoire réelle, celle d'Oli, jeune femme de la tribu, rétive aux règles imposées par les hommes, notamment Oncle-Aîné, le chef.

    Le clan est composé d'une quinzaine d'individus, chasseurs-cueilleurs. Les femmes sont cantonnées aux travaux subalternes, qui les maintient dans un périmètre étroit. Les enfants arrivent sans que l'on sache vraiment pourquoi, la relation n'est pas faite entre les accouplements fréquents, consentis ou pas et l'arrivée des bébés ..

    Cette vie ne convient pas à Oli qui veut chasser, faire la même chose que les hommes. Elle y est souvent plus habile qu'eux d'ailleurs, grâce en partie à sa soeur Wilma, très douée pour lui tailler des outils. Oli est gauchère. C'est la seule qui n'a pas d'enfant, elle refuse les accouplements avec ces hommes qui lui répugne.

    Si vous avez lu "la Daronne", vous aurez une idée du ton de ce roman préhistorique, qui ne fait pas dans la dentelle. Il fallait oser se mettre dans la peau d'une jeune aurignacienne, avide de franchir les limites de son clan et se révélant féministe bien avant l'heure, en bouleversant au passage l'ordre du monde.

    Le comique vient du décalage entre les aventures réelles d'Ori et ce qu'en déduit Adrienne, la paléontologue, dans ses conférences devant ses pairs.

    J'ai passé un bon moment à la lecture de ce roman, mais pas autant que j'attendais. Je n'ai pas adhéré au langage bien trop moderne à mon goût d'Oli et sa tribu.

    Ce qui n'empêche qu'il y a de multiples scènes réjouissantes comme celle où Oli règle son compte à celui qui l'a mutilée sans pitié.

    Je précise que l'autrice s'est appuyée sur les travaux très sérieux de l'Italienne Paola Tabet, qui a publié un livre appelé précisément "Les doigts coupés". Elle s'est inspirée également des travaux de Vinciane Despret.

    Merci aux Editions Métailié

    Une interview de l'autrice ici

    L'avis de Cathulu Dasola Je lis je blogue Zazy

    De la même autrice : La daronne - Richesse oblige

    Hannelore Cayre - Les doigts coupés - 192 pages
    Editions Métailié - 2024

  • Bon dimanche

    Mercedes Sosa et Joan Baez
    (Concert de 1988, en Allemagne)

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  • La fortune

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    "Je n'écrivais plus à mes amis parce qu'ils auraient vu clair dans mes lettres ; mon humour ne les aurait pas trompés. Chers amis, je suis au bout, c'est écrit, ne vous donnez pas la peine de me répondre. Chers amis, mon drame est banal, où je suis, nous arrivons tous. Mes hôtes ne devinent rien, mais les choses ! Les choses comme elles vous attrapent ! Malignes, proliférantes, intraitables ! Les choses usuelles, les interrupteurs, les lunettes, les lampes de poche, les briquets - je perds tout, je mélange tout, tout m'échappe, je laisse tout tomber, je tombe moi-même."

    Je découvre Catherine Safonoff avec ce livre, qui, comme les précédents semble-t'il mélange autobiographie et fiction.

    J'ai été attirée par le sujet, une femme de quatre vingt ans qui occupe une maison depuis un quart de siècle et pense y finir ses jours. Elle a simplement occulté que cette maison n'était pas la sienne et que son propriétaire (son ex-mari) pouvait la récupérer un jour. Ce qu'il fait.

    C'est une blessure profonde pour elle, un arrachement à tout ce qui faisait sa vie, ses repères, sa bibliothèque, son environnement, ses connaissances, la proximité de Genève où elle aimait flâner dans les vieilles rues.

    Elle se retrouve à la campagne, loin de tout, hébergée par sa fille, Mélie et son compagnon, Jeff. Accueillie de bon coeur, avec son espace, mais plus chez elle. Dépendante pour tout.

    J'ai eu un peu de mal à me repérer au début, la narratrice évoquant ses souvenirs en vrac, mélangeant passé et présent, ne donnant pas toujours des indications très claires sur ce que représentent certains personnages pour elle. J'ai aimé finalement avancer un peu à l'aveuglette, tout se met en place progressivement.

    C'est un livre d'impressions et de réflexions, qui ne fait pas l'impasse sur le quotidien dans sa banalité, les petites mesquineries et les grandes colères devant ce qui lui est infligé. Ce qui ne l'empêche pas de reconnaître qu'elle est restée longtemps dans des non-dits assez confortables.

    La narratrice revient sur un long séjour aux Etats-Unis avec son jeune mari, B. la naissance de ses filles, un amant mystérieux. Elle consacre de belles pages à des séjours en Grèce, qu'elle aime tellement. Elle revient sur son envie d'écrire, depuis toujours et en toutes circonstances.

    Au présent, elle se laisse aller jusqu'à la haine à l'égard de Monsieur B. pour plusieurs raisons et elle n'aime pas se sentir envahie par cette spirale mauvaise.

    Elle décrit bien l'état où elle se retrouve aussi un jour à l'hôpital, avec des problèmes cardiaques et où elle est furieuse après un médecin qui ne s'occupe pas d'elle, avant de s'apercevoir que c'est le contraire.

    J'ai été séduite par cette succession de petits évènements, de souvenirs plus fiévreux et le refus de se résigner d'une femme âgée devant le sort qui lui est fait, prise dans un faisceau d'émotions difficiles à supporter.

    J'ai surtout été séduite par l'écriture, le style, la narratrice n'est pas passive et cherche à clarifier les zones d'ombre qui subsiste entre elle et B.

    Les allusions à ses livres précédents m'ont donné envie de continuer ma découverte de l'autrice. Les Editions Zoé viennent de sortir en poche son premier livre "La part d'Esmé".

    "Pourquoi B. détestait-il tellement que je lise ou écrive ? Comme si c'était une maladie, ou une chose interdite. Parce qu'on part, part vraiment, loin, ailleurs, et devient intouchable."

    Une interview de Catherine Safonoff ici

    Catherine Safonoff - La fortune - 176 pages
    Editions Zoé - 2024

  • Proust, roman familial

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    "A la manière d'un amputé qui, longtemps après l'opération, sent toujours son membre fantôme, le monde familial de mon enfance vivait figé dans la conscience intacte de sa supériorité sociale. Etymologiquement, aristocrate signifie "le pouvoir des meilleurs". Admettre que la noblesse avait perdu son prestige et ne constituait plus l'élite, c'eût été céder à l'inimaginable : l'aveu d'un déclassement. Il ne suffisait donc pas de se tenir, il fallait désormais maintenir coûte que coûte un univers, un décor, un mode d'existence devenus étrangers aux réalités contemporaines et sans rapport avec le siècle".

    Je connais Laure Murat de nom, j'ai souvent suivi ses interventions à la radio à propos de ses précédentes parutions, mais à vrai dire je ne m'étais jamais interrogée sur ses origines sociales.

    J'ai donc appris à la faveur de "Proust, roman familial" qu'elle était aristocrate et que le monde décrit par Proust était mêlé au sien de plus d'une manière.

    "Limité au surgissement de noms familiers dans le cadre d'un roman, le trouble de ma lecture serait resté anecdotique. Mais le plus sidérant, c'était que toutes les scènes lues où l'aristocratie entrait en jeu étaient infiniment plus vivantes que les scènes vécues dont j'avais été le témoin, comme si Proust, à l'image du Dr Frankenstein, élaborait sous mes yeux le mode d'emploi des créatures que nous étions. Il mettait en mots et en paragraphes intelligibles ce qui se mouvait sous mes yeux depuis que j'étais née".

    Dans cet essai, Laure Murat mélange histoire personnelle et épisodes de "la recherche" avec finesse et un humour souvent vachard très réjouissant.

    Après avoir décrit sa jeunesse, son éducation, campé les membres de sa famille, elle n'hésite pas à affirmer "A ce titre, il ne serait pas exagéré de dire que Proust m'a sauvée".

    Je n'ai pas lu "la recherche" (après deux essais ratés) et je l'ai ressenti clairement comme un handicap au fur et à mesure de mon avancée. Je pense être passée à côté du coeur du livre. Lorsqu'elle rapproche certains membres de sa famille des personnages de Proust, longs extraits à l'appui, je me suis sentie plutôt perdue.

    Je ne me risquerai donc pas à parler de cet aspect du livre. Il n'en reste pas moins que j'ai eu plaisir à découvrir le parcours de Laure Murat, dont la révélation de l'homosexualité à sa famille a acté une rupture irrémédiable. L'attitude de sa mère notamment fait froid dans le dos.

    La description de ce berceau familial me confirme que nous vivons dans le même pays mais sûrement pas dans le même monde. J'ai beaucoup apprécié le style de Laure Murat. Si elle passe dans votre région, n'hésitez pas à aller l'écouter, comme je l'ai fait moi-même à l'automne, au salon du livre de Trouville, c'est un régal.

    "Même les relations censément les plus simples sont marquées par l'idée - en partie inconsciente - d'appartenir à une caste modèle, qui exige d'être toujours à la hauteur et de montrer l'exemple. C'est un jeu de rôles permanent. Un aristocrate jouera à l'aristocrate dans la moindre de ses actions, en remerciant un serveur, en saluant une connaissance, en se montrant généreux ou distant. L'aristocrate est, par excellence, quelqu'un qui se prend pour un aristocrate".

    C'est une lecture commune avec Miriam et ClaudiaLucia, qui vont avoir bien plus à dire que moi sur "la recherche" puisqu'elles ont organisé un challenge sur une relecture complète.

    ma pal

    L'avis de Dasola Luocine Dominique Keisha

    Laure Murat - Proust, roman familial - 256 pages
    Editions Robert Laffont - 2023

  • La photo du jour

    En 2021, le jardin japonais Yushien a offert des pivoines arbustives au jardin de Giverny. Elles fleurissent en avril et sont magnifiques. En savoir plus ici

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    (cliquez sur l'image pour voir en grand)