"Elle progresse ainsi une heure, elle ne sait pas ce que c'est qu'une heure mais il lui semble avoir couvert une considérable distance, au hasard et peut-être pas. Elle ne marche pas droit. En zigzag avait dit Zelda. La piste est brouillée ou ce sont ses yeux sous ses paupières brûlées qui ne veulent plus rien voir. Il y avait un chemin, il n'y en a plus mais des trouées entre les arbres et de brusques rafales qui dévient tout le corps. Qui punissent. Le courage lui manque, ses chaussettes sont trempées, elle a mal partout".
Un village, quelque part à l'Est de l'Europe, un shtetl sans doute, au début du XXe siècle, où les juifs sont relégués. Nous n'aurons pas davantage de précisions. Henni, 8 ans, vit là avec sa famille, les Sapojnik. La mère semble souffrir d'une profonde apathie. C'est Zelda, la grande soeur de 10 ans, qui sait tant de choses, qui joue le rôle de la mère. Les bébés continuent à arriver et les filles sont chargées de s'en occuper. Henni est remplie d'admiration et d'amour pour sa soeur. Elle est vive et imaginative.
La vie se déroule tant bien que mal, malgré les rumeurs inquiétantes qui circulent. Jusqu'au soir où une bande d'hommes surgit dans la maison d'Henni.
La mère trouve la force de crier à ses enfants de s'enfuir et en quelques minutes l'univers d'Henni est en miettes.
Nous suivons son errance d'abord dans le sillage de Zelda, et ensuite seule, petite fille ayant perdu tous ses repères, ne comprenant rien à ce qui se passe autour d'elle.
Tout le talent de l'autrice est d'avoir réussi à rendre crédible l'histoire à hauteur d'enfant, traversée d'émotions violentes, jetée dehors dans le froid et le dénuement, mettant un voile devant ce qu'elle a cru voir, mais ne veut pas croire. La maison a-t'elle vraiment brûlé ?
Malgré l'horreur de la situation, la lectrice est emportée par l'écriture poétique, imagée, si proche des sentiments et des émotions d'Henni, de son désespoir et de ses sursauts d'espoir.
J'ai aimé autant le début du livre, qui s'attache à dépeindre une famille traditionnelle dans son quotidien, que la suite à partir de la fuite, d'une tonalité nettement plus sombre, mais toujours vue avec les yeux et le coeur d'Henni.
Un roman qui a provoqué un maelstrom d'émotions chez moi et une petite fille que je n'oublierai de sitôt. Lu quasiment d'une traite.
De la même autrice : Grand paradis - Les fleurs d'hiver - Nuit de septembre - Maria - La belle lumière -
Angélique Villeneuve - Les ciels furieux - 216 pages
Editions Le Passage - 2023
Commentaires
Toi aussi, tu viens donner envie de lire ce roman ! Je ne suis pas sûre que ce soit pour moi, du moins pas en ce moment, mais je le note pour d'autres lecteurs...
C'est une bonne idée aussi de noter pour les autres ..
Nous sommes effectivement en phase
Le contraire m'aurait un peu étonnée :-))
Ça donne sacrément envie ! Je le note, merci :)))
J'espère qu'il croisera ta route.
Je vois que tu es fan de l'auteure. Je ne la connais pas du tout, bien qu'il me semble en effet avoir vaguement retenu son nom, sans doute en lisant un de tes billets..
Sans doute, elle revient régulièrement sur mon blog ; elle fait partie des autrices dont je lis tous les romans. Il doit m'en manquer juste un ou deux, plus anciens. J'aime son écriture et son univers.
J'ai l'impression que c'est très sombre
C'est sombre oui, mais pas que ...
Merci pour le lien. J'ai mis un lien vers ton billet également.
Nous sommes d'accord sur la qualité du roman :-)
C'est intéressant de lire les différents billets. Chacune à sa façon de présenter le livre.
Oui, c'est ce qui est intéressant, cette manière différente dont nous présentons le roman ; au final, une certitude, nous avons aimé toutes les trois.
J'ai lu "Des fleurs d'hiver" qui m'a plu dans son approche de la Grande Guerre mais j'aime moins le style que je trouve trop recherché.
Au contraire de toi, j'aime beaucoup son écriture et sa manière de raconter une histoire. "Les fleurs d'hiver" m'avait beaucoup plu.
C'est quasiment le seul livre que j'ai repéré dans cette rentrée littéraire. Il arrivera bien un jour entre mes mains.
Je te le souhaite, ce serait dommage que tu ne le lises pas ; je suis sûre que tu serais touchée aussi.
Je viens de recevoir ce livre. Et, pour avoir lu et tant apprécié La belle lumière, il me semble que je ne serai pas déçue par ce nouveau roman d'Angélique Villeneuve. Ton billet confirme cette impression.
Je termine celui que j'ai en cours (Au nord du monde de Marcel Theroux. Un univers également très sombre, mais à hauteur d'hommes) et je pars faire la connaissance d'Henni.
Tu ne seras pas déçue, tu retrouveras ce qui fait toute l'humanité des romans de l'autrice et les rend si si attachants.
Une autrice que tu apprécies;d'autres lectrices aussi...donc je le note même si le récit semble sombre,...
Comme je le disais au-dessus, il n'est pas que sombre, la personnalité d'Henni est telle que ce n'est pas ce que j'en retiens en premier ; mais c'est difficile à expliquer et en plus nous n'avons pas toutes les mêmes ressentis.
Un sujet qui me touche beaucoup, je le note. Malheureusement ma médiathèque ne l'a pas encore, le seul titre de cet auteur disponible c'est "la belle lumière" il est fort probable que je commence par celui-là du coup...
"La belle lumière" te donnera une idée du style et de l'écriture de l'autrice. J'espère que ta médiathèque commandera celui-ci, qui est particulièrement réussi et émouvant.
J'aime beaucoup cette autrice, mais au vu du thème, je vais passer...
Je peux comprendre. Je craignais un peu de ne pas adhérer au côté fictionnel sur ce sujet-là, mais pas du tout. Il rejoint mon préféré dans ce que j'ai pu lire jusqu'à présent (les fleurs d'hiver).
Quelle belle couverture ! Je l'avais remarquée. Le sujet me touche. Je ne connais pas l'autrice. Occasion de la découvrir.
La couverture est "d'après Emil Ganso" Museum de Philadephia" Je serais curieuse d'avoir ton avis sur ce roman. Il y a un bel article aujourd'hui dans "le Monde des livres".
D'après tes billets sur cette romancière, elle semble aborder surtout des sujets douloureux. Un titre est disponible dans ma bibliothèque, ce sera l'occasion de la découvrir.
Dans la liste "Nuit de septembre" n'est pas un roman. C'est purement autobiographique.
il fait partie de ma (longue!) liste d'envies!
Tu peux le mettre en tête de liste :-))
Jamais lu l'auteure, après ça va dépendre des biblis!
(j'émerge, j'ai passé qq jours hors maison))
Il est dans la sélection pour le Prix littéraire du Monde, tes bibliothèques devraient l'avoir.
Quand on lit un livre d'une traite ou presque, c'est bon signe, j'aime bien ! Dans ce sujet difficile, un brin de poésie plane, le mot ciel avec un s... Merci Aifelle, beau dimanche et belle musique. brigitte
Merci Brigitte, bonne semaine, moins chaude chez toi, enfin. Bises.
Tu donnes envie de découvrir cette petite fille et de la suivre.
Tant mieux, c'est un roman qui mérite d'être découvert dans la pléthore des sorties de la rentrée littéraire.
Vous êtes toutes les trois bien enthousiaste sur ce roman. Je note !
Tu peux, je pense que tu ne le regretteras pas.
je croyais avoir écrit un commentaire mais il faut dire que j'ai été loin de mon ordi , j'ai noté ce titre merci
Je commence à beaucoup noter en cette rentrée, il y a pas mal de romans tentants.
Ah le sujet n'est pas léger léger, mais il semble traité avec finesse. Je pourrais m'y aventurer à un moment plus calme.
Oui, certainement. Cette petite Henni est très attachante et le sujet vaut que l'on s'y intéresse. Mais il faut choisir son moment, parfois on ne se sent pas la force.
j'ai lu ce roman car il était au programme de mon club de lecture (mon billet arrivera en avril car j'ai beaucoup de billets en attente sur Luocine.)
J'ai trouvé ce roman trop dur pour moi, et je me suis posée la question du pourquoi mettre son imaginaire au service d'une telle horreur ?
Je pense que personne n'imaginait autre chose des pogroms . mais cette écrivaine a un style très efficace .
C'est un peu la même discussion que sur ton billet d'aujourd'hui sur Agnès Desarthe. Je pense que les écrivains peuvent s'emparer de tous les sujets, sinon il y a beaucoup de livres qui disparaitraient. Ils font oeuvre d'imagination. Après, c'est à nous lectrices de savoir si nous avons envie de les lire, ou pas.