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Le roitelet

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Coup de coeur

"Après deux verres de vin je me suis demandé si ma vie allait durer longtemps. C'est une question qui me revient souvent lorsque j'ai peur de perdre mon bonheur. Pendant une minute ou deux j'ai eu peur aussi de cesser d'être aimé, voilà ce qui vous arrive quand vous avez eu une enfance insatiable. Et soudain, je n'ai plus pensé à ces choses-là parce que le chien, en se retournant dans son sommeil, a dégringolé de son monticule. C'était trop drôle de le voir rouler ainsi, comme une grosse pierre dans un éboulis. Ensuite il s'est remis sur ses pattes puis il est venu se blottir contre ma jambe, et pour la cinquième ou sixième fois de la journée j'ai été plus heureux que prévu."

Après "Le jour des corneilles" et "La fabrication de l'aube" je retrouve la magnifique écriture de Jean-François Beauchemin. Ces soixante-trois courts chapitres m'ont tellement touchée que je me demande comment décrire au juste ce que j'ai ressenti.

Je crois que je ne vais pas essayer et m'appuyer sur plus d'extraits que d'habitude. Le coeur du livre est la relation de l'auteur, la soixantaine, avec son frère, schizophrène, un peu plus jeune. Ils habitent le même village et se voient souvent.

Schizophrénie
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"Hier soir, tandis qu'il marchait à mes côtés dans la campagne, mon frère, comme devinant ma pensée, m'a dit ces choses troublantes "On dirait que Dieu, après avoir visité ma vie, en est reparti en éteignant la lumière. C'est en vain que je l'appelle et le prie d'y rétablir l'éclairage". Puis, montrant du doigt les champs environnants : "Regarde un peu ces lucioles. Elles clignotent dans la nuit pour se reconnaître entre elles. Mais moi, je ne suis la lampe de personne".

L'auteur décrit ici sa vie de tous les jours, avec sa femme Livia, son chien et son chat. Il raconte sa manière d'être au monde, ses interrogations, ses observations et son souci constant de son frère. Ce sont les passages les plus poignants, beaux malgré la souffrance et l'impuissance.

"Une heure s'était écoulée lorsqu'à la fin j'ai enroulé mon frère dans la serviette et saisi le peigne pour au moins tenter de donner une forme à cette chevelure insurgée. C'est ce moment qu'il a choisi pour prononcer ces mots déchirants de lucidité : "Je suis un puits sans fond. J'ai beau fouiller en moi, je n'aperçois rien qu'une nuit profonde. Je suis perdu". Et moi, l'écrivain, le spécialiste des mots, je n'ai pas su quoi lui répondre. Le soir tombait. De la forêt toute proche nous parvenaient les premiers hululements d'un hibou".

Son frère travaille dans une jardinerie, il est proche de la nature, des plantes et des oiseaux, d'une sensibilité exacerbée. Ses réflexions sont souvent stupéfiantes d'intelligence. Mais quand surgissent les terribles crises d'angoisse, plus rien ne peut le calmer.

Il y a une grande délicatesse dans ce récit, une tendresse infinie et de la compréhension. Mon exemplaire est hérissé de post-it. C'est un texte à lire et à relire.

"Franchement, j'ignore si tu vivras encore longtemps dans ce corps et avec cet esprit. Chose certaine, une phrase de ta mère t'accompagnera jusqu'au bout. "Réfléchis, mais ne fait pas que réfléchir ; émerveille toi aussi. Emerveille toi, mais ne fais pas que t'émerveiller ; réfléchis aussi". Ça sera la grande affaire de ta vie".

L'avis de Cathulu

Jean-François Beauchemin - Le roitelet - 144 pages
Editions Quebec Amérique - 2023

Commentaires

  • N'hésite pas !

  • "Le jour des corneilles" est un roman formidable, du genre que l'on n'oublie pas. Tu devrais aimer. "La fabrication de l'aube" est un récit qui m'avait déjà beaucoup touchée.

  • Les auteurs québécois sont forts pour nous réserver des petits bijoux de textes. Dommage qu'en France tous ne nous parviennent pas.

  • l'écriture est magnifique en effet. Quel déchirement de ne pas trouver les mots...

  • Son frère a de telles crises par moment que même l'auteur n'arrive pas à le calmer avant de longues heures, et là c'est bouleversant de voir à quel point il est patient et cherche à le comprendre, même s'il sait qu'il ne peut pas y arriver.

  • C'est très différent, ici ce n'est pas un roman, mais tu retrouveras une écriture et un ton.

  • Je suis prête à faire également le billet sur "Bivouac", toujours aussi bien. Il y a un article dans Télérama sur Gabrielle Filteau-Chiba de cette semaine. Les Québécois me conviennent bien :-)

  • Tes bibliothèques l'auront peut-être.

  • J'avais lu de son homonyme, Yves Beauchemin,, auteur quebécois également, "le matou et Juliette Pomerleau et j'avais beaucoup aimé!!
    Je note car les extraits que tu cites m'attirent... et ton ressenti est élogieux!!!

  • Je ne connais pas Yves Beauchemin, je vais aller voir ce qu'il écrit. J'ai l'impression que c'est un nom assez répandu au Québec.

  • Un tel coup de coeur ne peut que piquer la curiosité ! Je n'ai pas l'impression qu'on puisse facilement le trouver en bibli par contre.:(

  • Je n'ai pas attendu la bibliothèque, je l'ai acheté tout de suite. Mes bibliothèques acceptent facilement les suggestions, j'espère que la tienne aussi.

  • tes extraits m'ont fait venir les larmes aux yeux
    La vie passant je sais que la maladie mentale est bien ce trou noir sans fond.
    Je vais acheter ce livre s'il n'est pas en médiathèque merci pour ce beau billet.

  • Je ne l'ai pas attendu non plus en bibliothèque, j'avais envie de le lire très vite. Je savais que j'allais beaucoup aimer.

  • Je n'ai toujours pas lu cet auteur, mais il paraîtrait qu'il vient à la Foire du livre à Bruxelles, héhé...

  • Oh la chance ! j'aimerais beaucoup discuter avec lui.

  • Je serais curieuse d'avoir ton avis.

  • un auteur que j'ai déjà noté chez toi mais que finalement je n'ai jamais lu hélas
    je dirais bien que je note mais je ne sais pas si je trouverai du temps pour l'auteur

  • Nous en sommes toutes là. Je note un certain nombre de livres dont je sais très bien que je n'aurais pas le temps de les lire avec tout ce qui m'attend déjà. Quelque part, je dois encore y croire ..

  • Ce serait un film, tu irais de ta larme !

  • Une lecture riche en humanité et en émotions, cela se ressent : merci pour ces extraits.

  • C'est pareil avec les trois livres que j'ai lus jusqu'à présent. Il écrit beaucoup de poésie également.

  • Il y a une grande place accordée à l'émerveillement devant la nature, la flore, la faune, et des gens qui prennent encore le temps de regarder.

  • En fait, je peux enlever tous les post-it, c'est le livre entier que j'ai envie de relire très vite :-)

  • Ces extraits sont très forts. Je ne connais pas du tout cet auteur. A découvrir pour moi, donc, au détour d'un rayon de bibliothèque, peut-être. Je note ! Merci et bon week end.

  • "Le jour des corneilles" se trouve assez facilement en bibliothèque. Vous aurez déjà une idée de son écriture. Je suis persuadée que c'est un auteur qui vous "parlera" beaucoup. Bon week-end.

  • Je pense que tu aimerais.

  • Les extraits sont splendides, quel amour inconditionnel il faut pour tenir la main d'un être dans une telle souffrance et quelle patience il faut déployer. Chaque jour est à réinventer, rien n'est jamais acquis... J'ai noté ce titre que j'espère lire bientôt, merci Aifelle du fond du cœur. brigitte

  • Tu aimeras cette lecture ; les Québécois ont une simplicité dans la narration que je ne retrouve pas dans la littérature française. Et une belle écriture en général. J'ai mis en avant la relation des deux frères, mais la manière dont ils ont été élevés compte beaucoup également. L'amour des parents était déjà bien présent.

  • Ils sont très beaux et profonds ces extraits, je comprends qu'après une telle lecture, il soit bien difficile de transmettre ce que l'on a ressenti.
    Bon dimanche Aifelle, bisous

  • C'est un auteur qui me touche à chaque lecture ; j'aimerais qu'il y ait plus de titres disponibles en France. Il a beaucoup écrit, de la poésie également.

  • L'objet livre est soigné également en effet. Le contenant et le contenu sont à la hauteur.

  • Quand je vois les photos d'oiseaux que tu fais, je pense que tu apprécierais beaucoup certains passages.

  • C'est le genre de livre que tu gardes dans ta bibliothèque et que tu reprends de temps à autre.

  • Je viens de le finir, quelle merveille ce roman ! C'est toi qui m'as donné envie alors... merci ! billet à venir !

  • Je suis heureuse que tu l'aies découvert ! à lire et à relire.

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