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  • La femme du deuxième étage

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    "Depuis qu’elle est en prison, elle pense rarement à sa propre vie. Elle refuse de réfléchir à l’après. Elle refuse de faire des plans, elle a eu sa dose de plans pour toute une vie, elle a payé assez cher ceux qu’elle a échafaudés jusqu’à présent. Mais Bruna sait qu’un jour elle va sortir d’ici. Et quand elle pense à cette évidence, c’est toujours dans cet appartement qu’elle se voit."

    Dès le départ nous savons que le personnage central du roman, Bruna, est en prison pour meurtre aggravé. Elle a empoisonné sa belle-mère, Anka. Pas de suspense donc, mais un retour en arrière pour tenter de comprendre son geste.

    L'alternance entre sa vie quotidienne en prison et la réminiscence de ce qui a motivé peu à peu son geste permet de saisir progressivement les ressorts du meurtre.

    Bruna vit dans un petit appartement avec sa mère Divna, elle travaille et sort avec ses copines. C'est dans une soirée qu'elle rencontre Frane, un jeune marin beau et séduisant. Ils s'aiment et décident assez rapidement de s'installer ensemble. Elle fait la connaissance de la famille de Frane, sa mère Anka et sa soeur, mariée et un enfant. La maison d'Anka a deux étages, le premier est libre. Pourquoi le jeune couple n'en profiterait-il pas ?

    Bruna ne dit non à rien et ne tarde pas à emménager, avec l'assentiment de sa mère, à vrai dire assez indifférente, toute occupée qu'elle est par ses propres amours.

    Bruna va vite comprendre qu'elle ne sera pas chez elle dans cette maison. Anka a la main sur tout et convainc rapidement son fils de prendre les repas tous ensemble, à son étage. Bruna n'en fait jamais assez et ce n'est jamais bien. La situation se détériore lorsque Frane part en mission sur un bateau pour plusieurs mois, laissant Bruna en tête à tête avec sa belle-mère.

    Les retrouvailles avec Frane apaisent un peu la situation, mais il repartira et une dégradation majeure interviendra lorsque Anka sera victime d'une attaque la laissant handicapée. La soeur de Frane ne peut pas quitter sa ville et son travail, Frane repart et Bruna portera seule le fardeau, sans rien dire.

    Bruna assume les soins nécessaires, ne se plaint pas, mais après quelques mois, la vue d'une boîte de poison va lui permettre d'entrevoir une issue à sa vie qui est devenue insupportable, bien loin de ce qu'elle avait imaginé, elle et Frane, dans un nid douillet et confortable, un enfant peut-être ..

    L'intérêt du roman est de suivre Bruna avant, pendant et après le crime, d'être au plus près de ses réflexions et de son évolution. En prison Bruna s'habitue à la routine. Elle fait la cuisine pour les détenues et se tient à l'écart. Lorsqu'elle sort, onze ans plus tard, elle retourne à Split et a du mal à reconnaître la ville qu'elle a quittée. Tout a changé avec l'arrivée massive des touristes.

    Finalement, c'est sur une île qu'elle ira s'installer, éloignée de la société et des lieux où elle a vécu.

    C'est un roman qui dégage une certaine tristesse et Bruna garde un côté énigmatique. On se demande pourquoi elle est restée si soumise à certains moments. Ce n'est pas une personnalité facile et elle ne m'a pas vraiment inspiré d'empathie, pas plus que son entourage.

    La cuisine a une grande importance dans l'histoire. Bruna aime cuisiner pour les autres, c'est une passion qui la soutient et c'est aussi celle par laquelle l'irréparable est arrivé.

    Les noeuds intimes et familiaux sont bien décrits, tout comme les changements sociaux en Croatie, néanmoins, c'est un texte moins abouti que "l'eau rouge" paru l'an dernier. 

    "Bruna fait la tambouille de la prison. Elle cuisine des petits pois, des pommes de terre, du chou vert et des lentilles, des saucisses, des pains de viande, des bâtonnets de poisson et du poulet. Elle mitonne à la cocotte, cuit à la vapeur ou à l'eau, panne, frit, braise. Elle se débat avec de mauvais ingrédients, des légumes pourris de va savoir quel fournisseur, de la viande congelée qui aura bien rapporté un dessous de table à quelqu'un".

    L'avis d'Alex

    Jurica Pavičić - La femme du deuxième étage - 240 pages
    Traduit du croate par Olivier Lannuzel
    Agullo - 2022