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  • Les abeilles d'hiver

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    "Dans l'après-midi, je dois aller inspecter les colonies qui sont dans des prairies de Lünebach. J'ai peur qu'avec le vent, mes ruches soient à nouveau recouvertes de neige. J'attelle le cheval devant le traîneau et me mets en route. Quand j'arrive chez Maria, Franz m'y attend déjà. Je m'arrête, le fait monter, l'enveloppe dans une couverture et lui rends les rênes. Le rhénan, un vieux cheval à sang froid, connaît le chemin jusqu'aux abeilles ; il est tellement têtu que ce serait difficile de l'emmener ailleurs. Sa crinière claire se détache sur sa fourrure sombre, des touffes de poils recouverts de neige gelée se dressent sur ses paturons. Nous nous arrêtons en bas de la route et grimpons jusqu'aux ruches, qui comme je le craignais, sont complètement recouvertes de neige. Une fois de plus, certaines ruches ont été vandalisées ; dans les champs, je découvre des empreintes de bottes. Quelqu'un a dû se frayer un chemin dans la neige et tomber plusieurs fois."

    Egidius Arimond était professeur de latin dans la petite ville de Kall, en Allemagne, près de la frontière belge. Il a été renvoyé par les nazis au pouvoir à cause de son épilepsie. Elle fait de lui un indésirable, il a été stérilisé, mais pas éliminé. Il le doit sans doute à son frère, pilote de chasse émérite.

    Nous sommes en 1944, la guerre n'avait jusqu'alors pas trop impacté la région de l'Eifel, mais les passages d'avions alliés s'intensifient et les bombardements se rapprochent.

    Sans ressources, Egidius s'est consacré à sa passion, l'apiculture. Initié dès l'enfance par son père, il s'intéresse de près à la vie de ses abeilles et à l'entretien des ruches. Il a du mal à se procurer les médicaments qui lui sont nécessaires. Les envois que son frère lui faisaient se font rares, aussi il accepte de faire passer la frontière clandestinement à des juifs, dans des ruches aménagées.

    Rédigé sous forme de journal, nous suivons la vie quotidienne d'Egidius, ses peurs, mais aussi ses bons moments. Il ne rechigne pas à consoler certaines femmes du village dont les maris sont au front, ce qui ne lui vaut pas que des amis.

    Le pays se délite, pourtant c'est toujours un discours de victoire qui est tenu. Les passages difficiles sur l'omniprésence des nazis, la dureté du quotidien, sont contrebalancés par la description de la vie des abeilles, l'élaboration du miel étape après étape.

    Egidius passe aussi beaucoup de temps à la bibliothèque où il traduit le journal d'un supposé ancêtre, moine défroqué et apiculteur. Ce n'est pas la partie qui m'a le plus intéressée.

    J'ai aimé la simplicité du récit, la narration à la première personne. Egidius est un personnage attachant, il fait payer les fugitifs qu'il aide sans les voler et il prend soin d'eux le temps qu'ils sont sous sa garde. Son amour des abeilles est communicatif, mais son désarroi est de plus en plus grand devant le manque de médicaments et la cruauté du  pharmacien.

    Une excellente découverte qui met en relief l'absurdité des guerres et la complexité des réactions individuelles.

    L'avis de Dominique Luocine Miriam

    Norbert Scheuer - Les abeilles d'hiver - 368 pages
    Traduit de l'allemand par Marie-Claude Auger
    Actes Sud - 2021