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Nous, les Allemands

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"Quand j'essaie de décrire quel genre d'homme il était lorsque je l'ai connu, voilà ce qui me vient immédiatement à l'esprit : un être austère dans ses habitudes tant physiques que mentales ; peu porté à s'accorder quoi que ce soit ; et néanmoins empressé à accorder aux autres presque tout ce qui, pensait-il, leur ferait plaisir".

Ce roman prend la forme d'une longue lettre adressée par un grand-père, décédé depuis, à son petit-fils qui le pressait de questions sur ce qu'il avait vécu pendant la guerre.

Callum, le petit-fils habite à Londres, son père est Ecossais, sa mère Allemande. Pour lui, l'Allemagne est le pays des vacances, chez son Oma et son Opa qu'il adore.

Le grand-père, Meissner, a bien réussi dans la vie. Il est devenu pharmacien dans un coin tranquille, et son plus grand bonheur est d'offrir une existence confortable à sa femme. Après le décès de celle-ci, Callum a continué à rendre visite à son grand-père une fois par an. Il n'a pas insisté sur le passé du vieil homme, ne voulant pas le perturber outre mesure.

Aussi a-t'il été surpris, lorsque le notaire lui a donné un carton contenant une lettre où Meissner lui raconte dans le détail comment il a a vécu les années de guerre, notamment 1944, lorsque les Allemands se repliaient de Russie vers l'Autriche.

Meissner a été incorporé à 19 ans et envoyé directement sur le front russe. Il reviendra à plusieurs reprises sur son regret de ne pas avoir été expédié plutôt sur le front de l'ouest qui lui apparaissait comme tellement plus tranquille.

Passé l'enthousiasme des débuts et la griserie de remporter victoire sur victoire, les désillusions ont commencé à se cumuler, jusqu'en 1944 où une petite escouade de cinq hommes, dont Meissner se retrouve livrée à elle-même, sans règles, pétrifiée de peur à l'idée de tomber sur les Russes dont elle redoute la violence.

Meissner ne cherche pas d'excuses, il sait que les Allemands se sont tellement mal conduits que ce n'est qu'un juste retour des choses. Pour son petit-fils, il essaie de ne rien omettre de son état d'esprit de l'époque et d'être honnête avec lui-même.

J'ai aimé la construction du roman, où alterne la confession du jeune soldat en plein désarroi et le contrepoint du petit-fils qui explore sa propre perception de son grand-père.

Les questions soulevées par cette histoire sont nombreuses et resteront sans réponse pour beaucoup. Le jeune Meissner ne rêvait que de devenir un grand chimiste et certainement pas de se retrouver dans un uniforme en lambeaux, avec des camarades plus ou moins dangereux, des ordres absurdes et la peur viscérale de mourir à chaque instant.

Meissner fait partie de ces soldats qui n'étaient pas fanatisés, mais que des mois de guerre ont rendu insensibles, blasés, écoeurés devant des ordres de plus en plus incompréhensibles. Que dire sur des hommes qui vont transgresser les règles, rendus à moitié fous par les scènes dont ils sont les témoins impuissants ?

"Donc, pour ce qui est de savoir si mon grand-père était ou non un homme bon, vous êtes prévenus : je suis son petit-fils et je l'adorais. Et pourtant, il s'est battu pour les nazis. Il a porté l'uniforme. Il a tué des gens. Il a accompli les actes dont il parle ici. Je l'adorais tellement que je me demande si je lui aurais pardonné n'importe quoi. Probablement pas n'importe quoi, bien que je me sens triste rien qu'à le dire".

Je n'avais pas lu jusqu'à présent de roman vu du côté allemand sur la débâcle, ce qui était déjà intéressant, mais il prend un relief particulier puisqu'une partie de l'action se passe sur les terres ukrainiennes. Certains évènements font directement écho à l'actualité. L'histoire bégaie. Il vaut mieux prévenir qu'il y a des passages difficiles à lire par leur extrême cruauté.

Il y a également les interrogations de Callum, qui finit par se sentir mal à l'aise d'avoir une ascendance à moitié allemande, comme s'il endossait lui aussi une part de culpabilité.

Un roman de la rentrée littéraire à découvrir.

"Je ne trouve rien à redire au concept de notre responsabilité collective; simplement, il ne résonne pas en moi. L'idée que je sois coupable de choses que je n'ai jamais vues et auxquelles je ne pouvais rien, ne me semble pas satisfaire aux normes de la justice naturelle. Ce que je sens en moi par contre, c'est une honte inextirpable."

Alexander Starritt - Nous, les Allemands - 208 pages
Traduit de l'anglais par Diane Meur
Editions Belfond - 2022

Commentaires

  • Très intéressant. Je me souviens d'un film "Le labyrinthe du silence" traitant de l'Allemagne des années 50 et de ce que savaient les Allemands : très intéressant aussi. Et voilà longtemps que je me promets de lire "Grand-père n'était pas un nazi" sur la mémoire familiale de la Shoah.

  • J'ai vu au moins deux fois "le labyrinthe du silence", excellent film. Dans ma PAL, j'ai aussi "l'impossible retour" d'Olivier Guez. La forme du roman permet une lecture plus facile et plus émotionnelle. Encore qu'ici, c'est une histoire à forte teneur autobiographique.

  • Je le note malgré les passages difficiles...malheureusement rien n'a changé toujours la guerre avec sa cruauté nous l'entendons tous les jours près de chez nous et ailleurs!!!

  • Lors de ma lecture, j'entendais parler de charniers découverts aujourd'hui en Ukraine et je lisais la même chose et pire encore en 1944 ... on dirait que certaines terres n'arrivent plus à se débarrasser d'un violence incrustée dans leur sol.

  • Le sujet n'est pas léger ; les passages où le petit-fils parle de ses séjours d'enfant chez ses grands-parents apportent une bouffée d'oxygène bienvenue.

  • Voilà un thème qui m'intéresse beaucoup, donc je le note, et je le ferai commander par ma bibliothèque. Ce thème de la transmission et surtout de la réflexion sur les crimes de guerre est en effet totalement d'actualité. Le déni, voire le travestissement de la réalité de la guerre (cf. la mythologie du Régiment éternel en Russie) sont un danger majeur...comme on peut le voir aujourd'hui. D'où l'importance, on ne le dira jamais assez de dire, analyser, contextualiser l'Histoire... pour ne pas retomber dans les mêmes pièges. Bref, je cesse là ;)
    J enote aussi le film Le labyrinthe du silence, dont je n'avais jamais entendu parler. Merci! :)

  • "Le labyrinthe du silence" est excellent ; je n'hésite pas à le regarder à nouveau lorsqu'il repasse à la télévision. L'histoire est plus importante que jamais pour tenter de comprendre l'enchaînement des conflits, ce qui n'a pas été réglé avec la paix, ce qui ressurgit etc .. etc .. Ce qui est effarant c'est la somme de souffrances humaines provoquées par la folie de quelques uns et ce, sur plusieurs générations.

  • Je remarque le nom de la traductrice et je note aussi cette référence. La mobilisation en Russie plonge tant de familles dans l'angoisse, des deux côtés de la frontière sans doute.

  • Le nom de la traductrice m'a sauté aux yeux à moi aussi. Ce matin, j'entendais des musiciens russes sur France-Musique, exilés depuis février, qui disaient avoir été débordés d'appels hier, d'amis leur demandant s'ils pouvaient les aider à sortir vite de Russie. C'est catastrophique pour trop de monde.

  • Il me semble que j'avais lu une critique plus mitigée que la tienne sur ce roman, du coup je ne l'avais pas noté, mais je me fie à toi n'hésiterai donc pas à m'y intéresser.

  • Je ne le classe pas dans les grands livres, mais il est suffisamment intéressant pour que je sois satisfaite de ma lecture. Et j'ai peu lu sur le sujet.

  • Oui, je l'ai découvert avec ce roman.

  • Bien que ton billet soit positif, je préfère passer, trop dur pour moi en ce moment

  • Je comprends, je préfèrais le préciser.

  • ce livre m'attire beaucoup je vais le noter aussitôt . j'adore ce que tu en dis j'espère n'être pas déçue

  • Je pensais que tu serais peut-être rebutée par les scènes de violence, mais il n'y a pas de complaisance, l'auteur ne s'attarde pas et lorsque c'est le petit-fils qui parle du grand-père, on retrouve une situation bien plus normale. Il y a un équilibre.

  • je l'avais noté dans les livres de rentrée et il est maintenant sur mon étagère, comme toi j'ai vu et revu le labyrinthe du silence et du coup ce livre m'a immédiatement tenté, j'ai lu plusieurs livres sur les exactions allemandes en Ukraine donc et en particulier un livre sur Babi Yar très difficile à lire en raison des faits rapportés
    La forme du roman est intéressante car elle ouvre le livre à plus de lecteurs je pense
    Ce qui se passe en Ukraine aujourd'hui renforce le titre donné par Snyder à ces territoires Terres de Sang !!!!
    J'ai une fille prof d'allemand et qui a donc fait de nombreux séjours en Allemagne et je suis restée amie avec une des familles chez qui elle a vécu, le passé des grands parents restait non pas tabou mais objet de honte dont les enfants et petits enfants n'arrivaient pas à se défaire

  • Pendant ma lecture, j'ai aussi pensé aux "disparus" de Mendelssohn où il évoque les exactions en Ukraine. Ce que tu me dis de ta famille amie rejoint les propos de Meissner qui estime que le front de l'Est est bien plus terrible que le front de l'Ouest, propos que j'ai régulièrement entendus lors de mes voyages en Europe de l'Est, dans les années 70. Je ne veux pas trop en révéler, mais le parcours de Meissner doit ressembler à celui de nombreux d'Allemands de cette époque. Bonne lecture.

  • Il y en a tant .. comme le sujet m'intéressait, je l'ai vu tout de suite sur les tables des libraires.

  • J'avais lu il y a bien longtemps des témoignages de jeunes ou moins jeunes allemands sur le poids du passé de leurs parents ou grands parents, j'en ai un souvenir fort. Ce roman pourrait me plaire. merci

  • Ce qui est intéressant dans le roman, c'est que le grand-père a fini par laisser un témoignage circonstancié à son petit-fils. Ça ne résout pas tout, mais c'est déjà beaucoup.

  • Merci Anne, je trouve intéressant que les générations actuelles s'emparent toujours du sujet de ce qui s'est passé pendant la seconde guerre mondiale. C'est là que l'on voit l'importance de la transmission familiale et le poids de ce qui est tu.

  • Bonjour. J'avais repéré ce livre parmi les parutions de la rentrée. Sur la seconde guerre mondiale, vue côté allemand, il y a aussi "Seul dans Berlin" de Hans Fallada.

  • Bonjour Doudoumatous. J'ai lu "Seul à Berlin" il y a longtemps, c'est un livre qui marque.

  • Et ce ne sont pas les livres dont on parle le plus qui sont forcément les plus intéressants. Il faut du temps pour découvrir ceux qui sont moins médiatisés.

  • Épouvantables guerres où des politiques envoient de pauvres gens se faire massacrer... Je ne me sens pas de lire un tel livre mais il doit être intéressant. Merci Aifelle d'être allée jusqu'à la fin du roman, bises d'automne. brigitte

  • Il ne faut pas se forcer à lire ce genre d'histoire, je ne l'aurais pas fait si j'avais été dans un moment où le moral n'est pas très haut. Je veille à équilibrer avec des lectures plus légères ou positives. Bonne semaine Brigitte, bises.

  • Je vais me pencher sur les autres titres de cette collection, celui-ci était vraiment bien.

  • Je n'en avais jamais entendu parler mais ce livre me tente bien. Il soulève des questions importantes semble t-il...

  • Ce qui est intéressant c'est le regard d'une troisième génération, celle du petit-fils, encore tourmenté par le passé de son grand-père. Ça me fait penser aux conflits actuels et aux traumatismes qu'ils engendrent, présents et à venir.

  • Il semble que le temps soit venu pour les Allemands de parler de la guerre , de l'idéologie nazie, de s'interroger ... Avant il était trop tôt. Je retiens ce titre. Il m'intéresse.

  • C'est ce qui m'a attirée vers ce livre, une nouvelle génération qui se pose des questions différentes de leurs aînés. Ils peuvent regarder les évènements avec plus de distance et de nuance.

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