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Rechercher : Polina Panassenko

  • Tenir sa langue

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    "Russe à l'intérieur, français à l'extérieur. C'est pas compliqué. Quand on sort on met son français. Quand on rentre à la maison, on l'enlève. On peut même commencer à se déshabiller dans l'ascenseur. Sauf s'il y a des voisins."

    Pauline s'est aperçue tardivement que son prénom de naissance, Polina, n'apparaissait pas sur ses papiers officiels. C'est lors de son arrivée en France que son prénom a été francisé, de manière définitive. Or, son prénom est relié à l'histoire de sa grand-mère juive, donc précieux pour elle.

    "À la naissance de mon père, ma grand mère a changé son prénom. Elle l’a russisé. Pour protéger ses enfants. Pour ne pas gâcher leur avenir. Pour leur donner une chance de vivre un peu plus libres dans un pays qui ne l’était pas. Sur l’acte de naissance de mon père, Pessah est devenue Polina".

    Elle va entamer des démarches pour récupérer son prénom, mais c'est compter sans l'absurdité de certaines règles et la rigidité de l'administration française.

    C'est ce parcours du combattant qu'elle nous raconte ici, entremêlé de souvenirs autant en Russie qu'en France, son arrivée à Saint-Etienne, ses premiers pas à la maternelchik, où sa mère l'emmène pour qu'elle apprenne le français rapidement. Mais attention, il n'est pas question de perdre le russe.

    "Ma mère aussi veille sur mon russe comme sur le dernier œuf du coucou migrateur. Ma langue est son nid. Ma bouche, la cavité qui l'abrite. Plusieurs fois par semaine, ma mère m'amène de nouveaux mots, vérifie l'état de ceux qui sont déjà là, s'assure qu'on n'en perd pas en route. Elle surveille l'équilibre de la population globale. Le flux migratoire: les entrées et sorties des mots russes et français. Gardienne d'un vaste territoire dont les frontières sont en pourparlers. Russe. Français. Russe. Français. Sentinelle de la langue, elle veille au poste-frontière. Pas de mélange".

    Il y a aussi les grands-parents en Russie, le grand-père qui ne peut pas s'empêcher de demander à chaque fois qu'est-ce qui est le meilleur pays, la Russie ou la France, les séjours à la datcha en été, la tiota qui est juive quand ça l'arrange.

    La petite fille essaie de jongler comme elle peut entre ces deux univers, ces deux langues ; elle le raconte avec drôlerie et légèreté. Malgré tout, on se dit que ça n'a pas dû être facile tous les jours ces allers-retours entre deux langues et deux cultures.

    Et puis, l'univers kafkaïen de la justice pour récupérer Polina, les visites codifiées au tribunal, j'ignorais que c'était aussi difficile.

    Une lecture agréable, qui fait réfléchir et donne un éclairage touchant sur une double culture et un milieu familial. J'aurais aimé que la réflexion aille un peu plus loin, le ton reste assez léger tout au long, mais j'ai pris plaisir à cette lecture.

    L'avis de Tête de lecture Alex Delphine-Olympe Doudoumatous

    Polina Panassenko - Tenir sa langue - 192 pages
    Editions de l'Olivier - 2022