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  • Eden

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    "Parfois, au milieu d'une conversation, un détail vient me déconcerter et mon esprit vagabonde, je perds le fil parce que je m'arrête sur un mot précis et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je fais défiler son origine, ses déclinaisons, les mots de la même racine et ses synonymes. C'est ce qui s'est produit ce matin quand Álfur m'a dit que ce serait plus malin de faire d'une pierre deux coups, construire une centrale électrique aux abords de la rivière et utiliser son eau pour fabriquer des glaçons, c'est là que mon voisin a prononcé deux fois le mot forsendur, prérequis, dans le discours qu'il nous tenait à son chien Snati et à moi".

    Linguiste, Alba rentre d'un colloque sur les langues minoritaires à l'étranger. Une idée soudaine lui fait calculer combien d'arbres elle devrait planter pour compenser son empreinte carbone (5600). Elle voyage beaucoup en avion.

    Elle est aussi correctrice et est sollicitée par une éditrice pour relire les poèmes d'un jeune auteur qui change de titre et d'idée presque tous les jours.

    En Islande, elle retrouve son père, son appartement à Reykjavík, les coups de fil de sa soeur Betty, la voix de la raison, qu'elle n'écoute guère.

    Alba donne l'impression d'aller un peu dans tous les sens mais en réalité elle poursuit son projet de planter des arbres et achète une maison délabrée dans un coin isolé, avec un terrain de sable noir et de lave où rien n'est censé pousser.

    Comme toujours avec cette autrice, les personnages sont légèrement décalés, loufoques, mais tellement humains. Les laissés-pour-compte de la société n'y sont jamais oubliés. Ici, ce sont les réfugiés accueillis par l'Islande, déroutés par le climat et la difficulté de la langue.

    Elle prend sous son aile un de ces jeunes réfugiés, Danyel, qui se plaît chez elle et va l'aider dans ses plantations. A la demande du village le plus proche Alba va donner des cours de langue.

    Je me suis demandée un bon moment où allait ce roman, mais ce n'est pas l'essentiel ; ce qui touche c'est la description d'une petite communauté villageoise qui va s'intéresser aux travaux linguistiques d'Alba, curieuse de connaître mieux cette nouvelle voisine.

    Peu à peu, la nouvelle vie d'Alba s'organise, avec l'aide plus ou moins discrète de son père et la présence de Danyel, le seul réfugié prêt à rester en Islande.

    Le style inimitable de l'autrice fait de cette lecture un petit délice, grâce aux personnages plus attachants les uns que les autres. Alba suit sa route, ne contrarie personne mais n'en pense pas moins. Elle s'obstine, malgré les remontrances de sa soeur et les prédictions d'échec de son voisin éleveur.

    Un roman à savourer et comme d'habitude les belles couvertures de Zulma.

    "Je précise que je ne vis pas dans la maison, mais à Reykjavík. Il me demande ce que je fais dans la vie, j'enseigne la linguistique à l'université. Je me tiens au côté d'un jeune homme qui a traversé un océan blanc d'écume et va une fois par semaine consulter un psychologue pour parler de ce qu'on ressent quand on a survécu à des évènements qui mettent votre âme en péril mortel. Il veut être loin des vagues, des cris des oiseaux marins en quête de pitance et ne s'intéresse pas à cette immensité bouillonnante et salée qui ne prend fin qu'à l'horizon".

    Merci à Masse Critique et aux Editions Zulma

    L'avis de Keisha Sandrion Cathulu

    Je signale qu'Auður Ava Ólafsdóttir sera présente à Caen le 19 Novembre 2024, dans le cadre du festival des Boréales.

    Auður Ava Ólafsdóttir - Eden - 256 pages
    Traduit de l'Islandais par Eric Boury
    Editions Zulma - 2023