"A la fin de l'audience de conciliation, la juge avait débité son discours en soulignant que monsieur apparaissait comme un personnage imprévisible et violent au passé de délinquant multirécidiviste, sans emploi à ce jour, squattant une caravane et venant de se faire retirer son permis pour conduite en état d'ivresse et qu'au vu de ces éléments, l'enfant serait confié à sa mère. Dans sa grande magnanimité, elle accordait au père un droit de visite sans hébergement un dimanche sur deux de dix heures à dix-huit heures, en attendant que monsieur trouve un logement digne de ce nom pour accueillir l'enfant".
Voilà un court roman qui cogne fort sur un sujet pas si souvent abordé, l'amour paternel. Le père, Dylan, qui est le narrateur, a multiplié les bavures et les mauvais choix. Il a beau savoir qu'il est enclin au pétage de plombs, il a l'art de se fourrer dans des situations sans issue.
Nous faisons sa connaissance alors qu'il est interné en hôpital psychiatrique après un accès de violence. Bourré de médicaments, il a l'esprit encore moins clair que d'habitude lorsqu'il apprend que Clara, son ex-compagne a l'intention de déménager à l'autre bout du pays, emmenant Nino, leur fils de deux ans avec elle. C'est pour lui la certitude de ne plus le voir et c'est intolérable.
Dès lors se met en route une chaîne de réactions qui ne s'arrêtera plus. Dylan réussi à se faire la belle de l'hôpital et récupère son fils, l'entraînant dans une cavale qui ne pourra que mal se terminer.
Son amour pour son fils est incommensurable, la seule belle chose qui lui soit arrivée dans la vie. Il a cru un moment pouvoir vivre une vie de famille normale avec Clara, mais c'était sans compter sur les propres problèmes de celle-ci, droguée, instable, manipulatrice. La première année de Nino, c'est Dylan qui s'en est complètement occupé, Clara n'étant pas en étant de le faire.
C'est une histoire très réaliste, le langage est direct, Dylan n'a pas les mots qui lui permettraient peut-être de réagir autrement. En s'enfuyant, il sait que son geste est désespéré, qu'il va être poursuivi, mais il va de l'avant, dominé par sa souffrance et le besoin de son enfant.
Je ne vous cache pas qu'en pressentant la fin, j'ai ralenti ma lecture, freinant des quatre fers en espérant me tromper. Mais quel choix la société a-t'elle laissé à Dylan tout au long de sa vie ? Je me suis souvenue avoir eu les mêmes réflexions à la lecture de "Bord de mer" de Véronique Olmi.
En refermant le livre, reste un certain nombre de questions, assez vertigineuses autant d'un point de vue personnel que collectif.
Ludovic Joce - Rien ni personne - 146 pages
Editions du Jasmin - 2022