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Rechercher : L'inconnu de la forêt

  • Le lac de nulle part

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    "Ce givre qui pare de dentelle blanche notre campement, chaque jour plus isolé que le précédent, et fait crisser mes pas au réveil, ce givre où je vois des empreintes de cerfs, d'écureuil et d'animaux minuscules, des souris peut-être - autant de choses sympathiques, si nous avions une cabane où nous réfugier, un feu rugissant dans un âtre en pierre, des raquettes aux murs, une peau d'ours sur le plancher - ce givre, vient un jour où je ne peux plus l'ignorer."

    Jusqu'à présent, je n'ai lu que de la non-fiction de l'auteur "Indian Creek" et "La nuit des étoiles" C'est donc la première fois que je l'aborde en tant que romancier.

    Al et Trig, deux jumeaux fusionnels sont contactés par leur père après deux ans de silence. Il leur propose une dernière virée en canoë comme ils en ont fait tant toute leur enfance. Il est un peu tard dans la saison pour partir dans le nord du Canada, mais ils acceptent, pensant que leur père a tout organisé au cordeau, comme d'habitude.

    Le père refuse de leur révéler le but exact du voyage, si ce n'est qu'ils vont franchir une succession de lacs. Ils le suivent dans un flou de plus en plus dérangeant. Ils s'aperçoivent qu'en fait, le vieil homme n'a rien préparé, n'a pas de cartes, pas de bagages adaptés et que ses réactions sont déroutantes.

    Les jumeaux ne se sont pas vus depuis un bon moment. Trig vient de perdre son travail et son logement. Il ne l'a avoué qu'à sa mère. Tout va bien pour Al, hormis une vie sentimentale toujours aussi agitée. Les tensions sont palpables, il manque Dory, séparée du père qui est parti du jour au lendemain. Il plane une ambiance assez lourde, avec une répartition entre deux canoës parfois problématique.

    C'est Trig le plus inquiet, comme toujours, il sent le froid arriver, les premières neiges tomber et l'indécision du père est alarmante. Le camp du soir est de plus en plus difficile à installer, le malaise grandit entre les trois personnages.

    Je peux dire d'emblée que je n'ai pas été convaincue par cette histoire. Les liens entre les protagonistes ne sont pas clairs, on sent de la rancoeur, voire plus, mais aussi un attachement et une confiance pas forcément justifiée vis-à-vis du père.

    Au milieu du livre, un évènement va reconfigurer la situation et faire prendre un tournant à l'aventure. Les jumeaux vont faire demi-tour et tracer leur route avec de plus en plus de difficultés. En plus du froid et de la neige, c'est la glace qui s'installe.

    Ce n'est pas nécessaire d'en révéler plus. J'attendais surtout l'auteur sur la description de la nature où il excelle. Je n'ai pas été déçue sur cette partie là, sauf que les répétitions m'ont rapidement lassée. Un lac après l'autre, installer le camp, faire chauffer la casserole pour le café, monter la tente, trouver du bois, faire du feu ... puis rebelote le matin dans l'autre sens. Et trouver le passage d'un lac à l'autre, le portage des canoës, tout cela minutieusement décrit à chaque fois .. à la fin j'avais une indigestion de lacs et de bivouacs.

    Quand à l'intrigue, elle est un peu trop chargée à mon goût et la fin m'a laissé un certain malaise.

    A l'avenir, je m'en tiendrai à de la non-fiction avec cet auteur.

    L'avis de Violette Une Comète

    Pete Fromm - Le lac de nulle part - 448 pages
    Traduit de l'américain par Juliane Nivelt
    Editions Gallmeister - 2022

  • Darwyne

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    "Darwyne, il s'y connait en beaux-pères. Il lui semble, même, que sa vie d'enfant a été rythmée par ça, par le passage des hommes de la mère dans leur petit carbet. Il ne se souvient pas des noms, ou plutôt il n'a pas envie de s'en souvenir, alors dans sa tête, il leur a donné des numéros : beau-père un, beau-père deux, beau-père trois... "

    Je voulais découvrir Colin Niel depuis longtemps. Voilà qui est fait, avec le dernier roman paru, Darwyne, grâce au billet enthousiaste de Une Comète.

    Darwyne est un petit garçon de 10 ans, affligé d'une malformation des pieds et de bien d'autres défauts d'après sa mère, Yolanda. Nous sommes sans doute en Guyane, en lisière d'Amazonie, parmi les plus pauvres et les plus démunis.

    Yolanda se démène pour que son fils soit bien élevé et apprenne bien à l'école. Elle l'élève seule, avec l'apparition régulière d'hommes qui ne font que passer. Darwyne n'aime pas ces beaux-pères qu'il désigne par des numéros. Il préfère avoir sa mère pour lui tout seul.

    Quand l'histoire commence, nous en sommes au numéro huit et l'enfant pressent que ça se passera comme d'habitude, à savoir mal. Ils habitent une sorte de bidonville, un petit carbet rafistolé de bric et de broc, à la merci du moindre coup de vent.

    Darwyne est un enfant un peu étrange, fasciné par la forêt qu'il semble comprendre parfaitement. Il ne peut s'empêcher d'y faire des incursions tout seul, la nuit, malgré l'interdiction de Yolanda.

    La famille a été signalée anonymement aux services sociaux comme posant problème, raison pour laquelle Mathurine, assistante sociale, leur rend visite pour une évaluation. Mathurine est une femme encore jeune, mais tourmentée par le manque d'enfant, elle a décidé d'en faire un seule. Elle se rend régulièrement en Europe pour des tentatives de PMA.

    Pour elle, la situation est claire, Yolanda s'occupe au mieux de son enfant, la dénonciation est calomnieuse. Mais Mathurine partage avec Darwyne la passion de la forêt, de sa faune et de sa flore. Intriguée par l'aisance de l'enfant dans cet univers, elle pousse l'investigation plus loin.

    Sur cette trame se développe une histoire de plus en plus intrigante et addictive. Des questionnements sont soulevés de tous côtés. Yolande n'est peut-être pas la mère dévouée qu'elle semble être. Darwyne cache peut-être de profonds secrets inavouables. Et le dernier beau-père en date, que pense-t'il de tout cela ?

    J'oublie un autre personnage omniprésent, la forêt, où se joue le principal du roman. Organisme vivant, avec ses propres réactions, subissant le changement climatique assez visible dans ces contrées et abîmée par les hommes.

    L'auteur distille lentement de nouveaux éléments qui nous mettent la puce à l'oreille et nous font redouter le pire pour Darwyne, pauvre petit pian dégueulasse (dixit la mère).

    Il faut accepter une part de fantastique dans cette histoire ; je ne l'ai pas trouvée gênante, elle s'intègre bien au reste.

    Au final, un roman noir puissant (très noir) et un enfant particulier qui imprime la rétine.

    Le billet de Athalie Sandrine Une Comète

    Colin Niel - Darwyne - 288 pages
    Le Rouergue noir - 2022

  • Les ombres filantes

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    "Regarde-les, s'assombrit Janot en levant le menton vers les autres. Regarde-les, ça ne fait pas encore un an qu'on est ici et c'est comme si le monde d'avant n'était plus qu'un vieux souvenir. On dirait presque que ça fait leur affaire. Quand je pense qu'on aurait assez d'essence dans le cabanon pour remplir les réservoirs des véhicules qu'on a cachés sous des branches au débarcadère, je me dis qu'il vaudrait peut-être mieux retourner au village".

    Nous retrouvons ici le narrateur de "le fil des kilomètres" et "le poids de la neige". Nous n'avons pas plus d'éléments sur ce qui se passe dans le pays (le Québec). Une panne d'électricité géante a entraîné une succession de dysfonctionnements, manque d'essence, manque de vivres, errance de la population, constitution de petits groupes plus ou moins dangereux. C'est chacun pour soi pour la survie en attendant une hypothétique issue.

    Le narrateur a passé l'hiver dans une maison sous la neige, les jambes brisées après un accident. Il est remis plus ou moins sur pied et c'est dans la forêt que nous le retrouvons, décidé à rejoindre des membres de sa famille, oncles et tantes. Il sait qu'ils sont réfugiés au camp d'été où il passait ses vacances enfant, loin de tout, vivant de chasse et de pêche.

    Ce troisième opus est aussi bon que le précédent. Après l'hostilité de l'hiver et de la neige, c'est à la forêt profonde que se confronte le voyageur, devant se méfier à la fois de la nature et des hommes. Il chemine seul, jusqu'à ce qu'un curieux gamin de 12 ans se trouve sur son chemin. Seul lui aussi, il aide le narrateur à sortir d'un mauvais pas. Il paraît se débrouiller dans toutes les situations, ne parle pas de lui ou raconte des histoires différentes, mais ne lâche plus l'homme qui finit par accepter sa présence.

    Malgré le contexte post-apocalyptique, la nature a la part belle dans cette histoire. Le narrateur aime sentir la forêt autour de lui, sa végétation, le silence, les présences furtives, avec toujours en tête l'île ou il retrouvera les siens. Mais sera-t'il bien accueilli ? D'autant qu'il arrive avec un enfant, ils représentent deux bouches de plus à nourrir.

    J'ai retrouvé avec plaisir l'ambiance qui m'avait conquise dans "le poids de la neige", un mélange de contemplation et même d'une fusion avec les éléments naturels et par ailleurs le poids des relations humaines. Chaque rencontre a son lot d'inquiétude, génératrice d'entraide ou de violence. Et pour tous ces gens, l'espoir de retrouver un jour une situation normale.

    Dans ce dernier opus, le narrateur fait l'expérience d'une relation quasiment paternelle envers l'enfant, malgré leurs multiples accrochages et coups de colère, réservant une fin puissante et bouleversante.

    Une trilogie à découvrir sans hésitation.

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    Christian Guay-Poliquin - Les ombres filantes - 344 pages
    La Peuplade - 2021

  • Bivouac

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    "Le plus difficile, pour moi, ça aura été de faire la paix avec la violence. Désormais, je comprends mieux à quel point ces causes que l'on porte peuvent accaparer tout l'espace, voir chambouler nos valeurs fondamentales. Raph et Rio ont ça en commun : ils ont été des catalyseurs pour moi. Ils m'ont montré du doigt les vraies menaces mettant en péril l'Habitat. Et voir que Rio est parti à pied aux Etats-Unis, avec un mépris du danger qui semble disparu de nos tripes, depuis le temps des coureurs des bois ! Ça me jette à terre, cet esprit de fronde là. Valentin ne fait pas le poids, il mène les bêtes à l'abattoir, enterre les veaux morts, il ne se révolte pas. Deux à un."

    Dernier volet d'un triptyque, après "Encabanée" et "Sauvagines", nous retrouvons Anouk, entraînée dans une lutte collective pour sauver un bout de forêt, dans le Kamouraska.

    Elle a passé l'hiver dans une yourte, en compagnie de son amoureuse, Raphaëlle et elles rejoignent maintenant une communauté agricole qui expérimente une nouvelle façon de vivre et travailler en totale harmonie avec la nature.

    Parallèlement, nous suivons Riopelle, activiste écologiste convaincu, déjà croisé dans "Encabanée". Il est obligé de fuir après une opération pacifiste qui a mal tourné. Il pense à la "femme renard", Anouk, avec qui il a connu une brève mais intense passion. Bien sûr, nous nous doutons que la route de Riopelle et Anouk va à nouveau se croiser.

    Deuxième lecture québécoise consécutive et même plaisir de retrouver une écriture particulière et des personnages attachants. De quoi se rendre compte qu'au Canada aussi, la population ne pèse pas lourd devant les intérêts économiques. La construction d'un oléoduc va détruire une partie de forêt, dont un vieux pin de 500 ans. La résistance s'organise autour de la défense du site.

    Anouk et Raphaëlle passent d'abord un certain temps dans la communauté agricole, jusqu'à ce qu'Anouk comprenne qu'elle n'est pas faite pour cette vie-là et que, si Raphaëlle est la femme de sa vie, elle n'est pas pour autant prête à renoncer aux hommes. Elle non plus n'a pas oublié le bref passage de Riopelle dans sa cabane. Embrouilles en vue, à moins que ...

    Dans ce roman, j'ai surtout apprécié l'aspect lutte écologiste. Voir comment les plus radicaux s'organisent, luttent, préparent leurs actions, sont toujours sur le qui-vive m'a passionnée. Ils y sacrifient beaucoup, mais sont convaincus. Les descriptions de la forêt, des animaux, de la biodiversité montrent l'urgence à les sauver tant qu'il est encore temps.

    Le côté romanesque de l'histoire permet d'alléger un contexte assez désespérant, même si je l'ai trouvé parfois un peu trop envahissant. Une forte tension s'installe, la confrontation des écologistes et de la société pétrolière va virer au drame. Je n'en dirai pas plus.

    La trilogie est très réussie, c'est aussi la découverte d'une belle plume et d'une autrice talentueuse. Si chaque roman peut se lire séparément, c'est mieux de les suivre dans l'ordre.

    L'avis de Cathulu

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    Festival America - Septembre 2022

    Gabrielle Filteau-Chiba - Bivouac - 368 pages
    Editions Stock - 2023

  • Sauvagines

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    "Tu arrives chez moi à pied, par derrière. Il y a une entrée pas loin où tu caches ton véhicule pour braconner près de la pourvoirie, mais tu as aussi un stationnement à l'abri des regards près du chalet de Lionel, au bord de la rivière aux Perles. Si par au moins deux fois tu es venu rôder en mon absence, c'est que tu m'étudies depuis un certain temps".

    Raphaëlle Robicheau est agente de protection de la nature dans le Kamouraska, au nord-est du Québec, au coeur de la forêt boréale. Elle y vit dans une cabane, dans un environnement qui la comble. La quarantaine, solitaire, on devine entre les lignes qu'elle a eu affaire à la violence des hommes et qu'elle a choisi volontairement de s'éloigner pour se consacrer à la défense de la faune et de la forêt. Elle préfère la compagnie des animaux à celle de ses contemporains, exception faite pour certains, comme son vieil ami Lionel, qui veille sur elle mieux qu'un père.

    La première réflexion qui m'est venue est que la Canada n'est pas plus actif que nous dans la lutte contre la diminution de la biodiversité et la protection de la nature. Les coupes de bois sont ravageuses, remplacées par des essences qui rapporteront rapidement. Le braconnage est plus que toléré, les dates de chasse pas respectées, puisqu'il est même permis de tirer des espèces en voie de disparition.

    Lorsque son chien, Coyote, est pris au piège dans un collet, Raphaëlle ne décolère pas, et détruit un site de braconnage où elle trouve un vrai charnier qui atteste de l'ampleur du problème. Dès lors, elle se met en tête d'arrêter le responsable. Difficile dans ce coin perdu, où ce sont souvent une ou deux familles qui font régner leur loi au vu et au su de tous. Elle ne sera pas soutenue par l'office qui l'emploie, en réalité quasiment impuissant.

    Lorsqu'elle s'aperçoit que le braconnier est sur ses traces et qu'elle est devenue proie à son tour, commence un jeu dangereux qui va la mener loin.

    Dans son désarroi et sa peur, elle va trouver un appui en rencontrant Anouk, personnage principal d'"Encabanée", aussi solitaire qu'elle, déterminée à l'aider. Entre les deux femmes il y aura plus qu'une amitié, l'amour s'en mêle, trop heureuses qu'elles sont de se découvrir tant d'affinités.

    Tout comme dans "Encabanée", j'ai apprécié les tournures de langage québécois, les magnifiques descriptions de la vie en pleine nature, les moments de poésie et de beauté. Mais ce n'est pas une histoire douce et paisible, la colère est omniprésente, la violence aussi. Il y a des scènes difficiles à supporter, la souffrance animale y est décrite sans fard mais sans complaisance. Sans parler de la violence des individus.

    La stratégie trouvée par Raphaëlle pour se débarrasser du braconnier et retrouver sa forêt n'est pas des plus simples. Elle installe un suspense fort et des sentiments ambivalents.

    Une lecture qui tient les promesses d'Encabanée. Il va falloir attendre un an avant la parution en France du dernier roman de la trilogie "Bivouac" qui vient de sortir au Canada.

    "J'aimerais que les avions de l'armée canadienne servent, plutôt qu'aux desseins américains, à parcourir notre espace vital pour dénombrer les survivants. Bon sang, faites au moins un inventaire faunique avant de décider de lever les quotas de piégeage de nos beautés boréales ! Combien en reste-t'il, de renards arctiques ? Puis à quel parallèle s'arrêtent véritablement les coupes à blanc ? Autre question : pourquoi est-il plus important de traverser l'Atlantique en avions de guerre que d'installer l'électricité dans les réserves indiennes une fois pour toutes ?

    Lecture commune avec Sandrine

    Gabrielle Filteau-Chiba - Sauvagines - 368 pages
    Editions Stock - 2022

  • Le silence des repentis

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    "Un jour elle ne s'en contentera plus, évidemment. Elle voudra non seulement entendre parler du monde mais aussi le voir de ses propres yeux. Connaître son goût, le sentir. En faire l'expérience. Impossible de le lui reprocher. Et elle y aura droit, mais pas tout de suite. Car je ne lui ai pas encore raconté la longue et terrible histoire qui explique notre présence ici, les détails de ce que j'ai dû faire pour la récupérer. Elle n'a pas besoin de savoir, enfin pas encore. Elle a huit ans, elle pense que je suis quelqu'un de bien, et je ne cherche pas à la détromper."

    Un père et sa fille vivent seuls en forêt, cachés, loin de tout, au nord des Appalaches, ravitaillés une fois par an par Jake, propriétaire de la cabane où ils habitent et vieil ami de Cooper. La petite fille, Finch, a huit ans, elle n'a jamais rien connu d'autre. Qu'est-ce qui a pu les amener à une telle situation ?

    Encore un roman survivaliste me direz-vous. Oui, mais autre chose aussi, dû à l'amour infini du père pour sa fille. La mère est morte dans un accident de voiture et Cooper a dû transgresser quelques règles pour éviter qu'on ne lui retire sa fille encore bébé. Il faut dire qu'il y avait quelques raisons de se méfier, mais je ne vous dirai pas lesquelles.

    Ils mènent une vie simple, se débrouillent avec les vivres amenées par Jack. Ils chassent aussi, élèvent des poules, cultivent un potager. La petite a une bibliothèque à sa disposition, laissée par l'ancien propriétaire de la cabane. Elle en sait plus que bien des enfants de son âge. Et surtout elle a une connaissance de la forêt incomparable.

    Cooper est-il tranquille pour autant ? Non, car il a aussi un voisin encombrant, Scotland, qui les observe à la longue-vue et surgit sans bruit lorsqu'on ne l'attend pas. Finch l'accueille avec enthousiasme, mais Cooper s'en méfie comme de la peste. Qu'est-ce qui l'empêche de dénoncer leur présence à la police ? Et qu'est-ce qui l'a poussé à se réfugier en forêt, comme eux ?

    De plus, depuis quelques jours, une jeune femme rôde autour du camp, un appareil photo en bandoulière. Elle représente un danger trop grand, Cooper la surveille de près. Par contre Finch est excitée par la présence d'une femme. Elle aimerait en faire une amie.

    Dans le même temps, Jake ne vient pas au rendez-vous annuel du ravitaillement, ce qui pose un problème majeur et angoissant.

    L'histoire est racontée par Cooper, qui ressasse ce qui lui est arrivé, ses missions en Afghanistan lorsqu'il était militaire, le poids qui pèse sur sa conscience depuis cette époque, les attaques de panique depuis son retour. Il pense souvent à sa femme dont il était si amoureux et de la vie qu'ils auraient pu avoir tous les trois.

    C'est une lecture sous tension, on sent dès le départ que ça va mal tourner. Les ficelles sont un peu grosses, la fin un peu trop facile, mais j'ai marché, les personnages sont attachants, Cooper le premier, malgré les casseroles qu'il traîne. Et comment ne pas être attendrie devant le mal qu'il se donne pour élever Finch correctement, avec des valeurs.

    Une lecture distrayante, mais plus prenante que je ne l'aurai pensé au départ, sur fond de traumatismes de guerre et d'amour paternel.

    L'avis de Krol

    Kimi Cunningham Grant - Le silence des repentis - 336 pages
    Traduit de l'anglais par Alice Delarbre
    10/18 - 2023

  • Je lis donc je suis

    C'est à mon tour de jouer avec mes lectures de l'année 2023 et d'utiliser les titres pour répondre à quelques questions plus ou moins sensées .. J'ai moins lu que les années précédentes, pour diverses raisons, j'ai donc eu moins de choix, d'où quelques réponses tirées par les cheveux, mais c'est le jeu. Je n'ai pas fait de billet sur tous les livres, certains sont encore à venir.

    Décris toi… Femme-forêt

    Comment te sens tu ? Le roitelet

    Décris où tu vis actuellement… Maisons de verre

    Si tu pouvais aller où tu veux, où irais tu ? Dans la ville provisoire 

    Ton moyen de transport préféré ? En marchant

    Ton/ta meilleur(e) ami(e) est… La propagandiste

    Toi et tes amis vous êtes… Les louves

    Comment est le temps ? Les ciels furieux

    Quel est ton moment préféré de la journée ? En attendant l’aube

    Qu’est la vie pour toi ? La jungle

    Ta peur ? Les abeilles d’hiver

    Quel est le conseil que tu as à donner ? Faire paysan

    La pensée du jour… Les femmes aussi sont du voyage

    Comment aimerais tu mourir ? Ce que je ne veux pas savoir

    Les conditions actuelles de ton âme ? Incandescences

    Ton rêve ? Le jardin nu


    A qui le tour ?

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  • Les survivants

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    "Les frères avaient reçu une éducation propre à un milieu social supérieur, mais dans des conditions d’existence inférieures au minimum vital, en quelque sorte. Élevés comme des aristocrates, dressés à toujours se tenir droits comme des i, à faire leur prière avant chaque repas et à serrer la main de papa et de maman avant de quitter la table. Mais il n’y avait pas d’argent, ou plutôt on dépensait très peu d’argent pour les enfants"

    Ce premier roman d'un auteur suédois m'a laissée assez perplexe. Trois frères, Nils, Benjamin et Pierre, reviennent sur les lieux de leur enfance répandre les cendres de leur mère qui vient de mourir.

    La narration est assez complexe, avec des retours en arrière répétitifs, pas toujours faciles à suivre et des redites qui alourdissent  l'histoire. Nous comprenons très vite qu'un drame est survenu pendant l'enfance, mais il faudra attendre la fin du livre pour comprendre lequel.

    Ce jour qui devrait les réunir et les rapprocher les voit s'affronter assez violemment, surtout l'aîné et le dernier. Benjamin cherche comme toujours à calmer les tensions et à comprendre ce qui a pu leur arriver à tous les trois pour qu'ils en soient là.

    Sa mémoire est comme un puzzle dont il essaie de rassembler les morceaux. Il décrit une famille dysfonctionnelle, des parents abusant nettement de l'alcool, les trois frères se débrouillant comme ils peuvent, avec cependant des moments de partage et de joie. Isolés du monde, en bordure de forêt et de lac, ce pourrait être une vie idyllique.

    L'atmosphère est pourtant étouffante, le père pique de violentes colères, la mère est souvent froide et lointaine. Seule sa chienne a son entière affection. L'aîné, Nils, se tient à l'écart de cette "famille de dingues".

    Adultes, les frères ne se côtoient pas beaucoup et parlent encore moins de ce qui a pu les détruire dans le passé. Benjamin ne s'explique pas le silence de ses frères sur certains souvenirs, pourquoi ne lui ont-ils jamais tendu la main ?

    Je n'ai pas vu venir la nature du drame, alors que j'avais été effleurée par un soupçon pendant ma lecture. Si quelques pans du passé s'éclairent, d'autres restent dans l'ombre et je ne suis pas sûre que les relations soient meilleures après entre les frères.

    Une lecture qui laisse une impression de malaise, et qui tourne un peu trop en rond.

    L'avis de Luocine

    Alex Schulman - Les survivants - 304 pages
    Traduit du suédois par Anne Karila
    Albin-Michel - 2022

  • La rivière

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    "Ils firent un feu près du canoë, sur les galets de la plage. Une fois de plus, ils emmitouflèrent la femme dans les sacs de couchage et utilisèrent des pierres pour la réchauffer. Ils lui surélevèrent les jambes et quand elle remua, ils lui firent avaler de l'eau chaude sucrée. Elle était entre la vie et la mort ; voilà ce que Wynn pensait. Si elle survivait aux prochains jours ce serait ... quoi ? Un miracle ? Non, mais le pronostic n'était pas bon. Les prochains jours allaient être critiques. Elle avait besoin de liquide et de calories, et surtout, elle avait besoin de se reposer. C'était ça, le dilemne."

    J'ai enfin découvert l'auteur tant encensé par quelques blogueuses de ma connaissance. J'ai choisi "la rivière" un peu au hasard. Au début j'ai crains un peu une redite du "lac de nulle part" de Pete Fromm (les portages !) mais c'est très différent.

    La première partie du livre est assez lente, nous prenons le temps de faire connaissance avec les personnages principaux, deux jeunes hommes à l'amitié indéfectible, du moins le croient-ils au départ.

    Wynn et Jack sont partis bien préparés, bien équipés pour une descente en canoë sur le fleuve Maskwa jusqu'à la baie d'Hudson. Ils ont l'habitude de ce genre de virée ensemble et sont bien rôdés, prêts à toute éventualité. Vraiment ? La suite va nous le dire.

    Le rythme est lent, assez contemplatif face à une nature à la fois grandiose et inquiétante.

    Dès le début, ils repèrent un feu au loin, sans s'inquiéter davantage, ils se sentent assez forts pour le distancer et gérer la situation. L'auteur est doué pour décrire la nature, les éléments, la vivacité de l'eau, les obstacles à contourner, le plaisir d'être loin de tout et de profiter de chaque instant qui passe.

    Néanmoins, j'ai commencé à trouver le temps long et à me demander si j'allais continuer devant l'absence d'action. Et puis, au milieu du livre, tout s'emballe. L'incendie s'avère plus rapide et dangereux que prévu, et un évènement totalement inattendu va bouleverser le rythme et la donne.

    Je n'en dirai pas plus, si ce n'est que le périple devient très anxiogène, la vie des garçons est désormais en danger et leur amitié n'était peut-être pas aussi solide qu'ils le pensaient. L'un des deux croit en la bonté des hommes, l'autre beaucoup moins et devant les décisions à prendre leurs différences vont éclater au grand jour.

    Si la première partie du livre traîne un peu en longueur, la suite est haletante et ne se lâche plus. Les rebondissements s'enchaînent et il y a des descriptions dantesques du passage d'un incendie où on se demande qui pourra s'en sortir et dans quel état.

    C'est bien écrit, les personnages sont attachants, la nature a une place importante. Globalement, sans être aussi enthousiaste que certaines, j'ai apprécié ma lecture.

    "Ils ne voyaient pas le brasier, aucun panache ne couvrait les étoiles, aucune lueur comme dans les villes ne couronnait les arbres, mais ça empestait la forêt brûlée et le sol calciné, et toute la nuit ils entendirent les battements d'ailes et les pépiements des oiseaux qui passaient au-dessus d'eux."

    L'avis de Sandrine Kathel Luocine

    Peter Heller - La rivière - 304 pages
    Traduit de l'anglais par Céline Leroy
    Actes Sud - 2021

  • En marchant (Petite rhétorique itinérante)

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    "Une lenteur orchestrée qui fait durer le temps : ne tient-on pas là une merveilleuse définition de la marche ? Oui, la marche est un fastueux déploiement de lenteur et de silence. Lenteur pour soi, silence en soi. Et comme elle nous l'enseigne souverainement : les trois seuls vrais luxes en ce monde, où superflu et vanité pullulent, sont le temps, l'espace et le silence. Le reste n'est que fumées".

    J'ai tellement aimé "L'homme qui fuyait le Nobel" il y a quelques années, que je n'ai pas hésité à choisir le nouveau titre de l'auteur à l'occasion de la dernière opération Masse Critique. Et bien m'en a pris. Ce n'est pas un roman cette fois-ci, mais une réflexion sur ce que peut représenter la marche en général, dans le passé et aujourd'hui.

    L'auteur s'appuie autant sur ses expériences personnelles que sur les écrits des philosophes, écrivains, compositeurs etc .. l'ayant pratiquée assidûment.

    "Alexandre Dumas, lui, le dit bien dans ses mémoires. Encore jeune à l'époque, séjournant à Crépy-en-Valois, il part pédibus visiter le tombeau de Rousseau, situé à Ermenonville, à près de six lieues de là, c'est-à-dire la bagatelle de 24 kilomètres, ce qui fait tout de même une sérieuse balade aller-retour ... On sait que son ami Hugo sacrifia lui-même au voluptueux impératif de la marche quotidienne. Avait-il peur comme Eugène Sue - autre grand enjambeur de lieues - que l'obésité ne le gagne ? Toujours est-il qu'en adepte de l'hydrothérapie et de l'exercice physique, il ne dérogea que rarement à ce qu'il appelait son mille passus. Cette balade digestive, de deux heures environ, il la fit seul ou accompagné de sa chère Juliette Drouet, à Paris, dans ses divers voyages, mais aussi à Jersey et surtout Guernesey, exîle chère à son coeur."

    J'ai retrouvé l'érudition, la plume élégante qui m'avait tant plu et l'humour discret. L'auteur n'idéalise pas la marche, il prône au contraire la simplicité, nul besoin d'équipement coûteux ou de voyages lointains pour en profiter.

    Il revient toutefois sur les paysages magnifiques qu'il a pu admirer lors de ses voyages et qui l'ont laissé ébloui. Il y a des pages superbes et poétiques sur le site d'Ankhor.

    "J'eus la chance, voué à des activités variées ou plus simplement par goût, de pas mal voyager dans ce monde en quête de paysages divers, de "décors", parfois splendides, mais nul besoin d'aller jusqu'aux pôles ou en Pagagonie pour connaître l'émerveillement. Les philosophes, eux, parleraient d'étonnement, de cette stupéfaction oscillant entre volupté et douleur, d'être là, en vie, marchant sur une route, un layon en forêt, ou dans les rues d'une grande capitale, plutôt que de n'être pas."

    Mon exemplaire est hérissé de post-it, tant de passages m'ont donné envie d'y revenir tôt ou tard.

    Vous l'avez compris c'est un vrai coup de coeur, destiné aussi bien aux marcheurs en fauteuil qu'à ceux qui se lancent sur les chemins. Chacun y trouvera une inspiration.

    Je dois vous prévenir que la bibliographie finale, bien fournie, risque d'aggraver vos envies de lecture.

    Merci à Masse Critique et aux Editions Tallandier

    L'interview de Sonia Devillers (France Inter) ici

    Patrick Tudoret - En marchant - 208 pages
    Editions Tallandier - 2023